- 6 octobre 2009, par Aurore Dupin (1804-1876)
* Il écrivit à Enguerrand :
« Vivre loin d’elle, c’est un effort au-dessus de mon courage. Depuis huit jours je l’essaie inutilement. Chaque matin je mesure avec épouvante la distance qui doit me séparer du soir ; et quand le soir vient, je m’étonne qu’il ne puisse rien pour moi. Il y a dans mon sein je ne sais quoi de funeste, un mal qui le ronge. Mes vêtements s’embrasent sur mon corps ; quelquefois (...)
- 18 mai 2009, par Catulle Mendès (1841-1909)
De toutes les flirteuses qui, dans les salons de Paris, de Pétersbourg et de Londres, abandonnent longtemps leur main, avec un frémissement bien imité, entre les doigts de quelque bon jeune homme ébahi, ou, renversées dans un fauteuil, croisent les jambes sous la jupe étroite qui s’applique et se renfle, ou bien, penchées, au dessert, vers leur voisin de table, avec l’air d’écouter une confidence, (...)
- 13 avril 2009, par Marie-Catherine d’Aulnoy
Il était une fois un roi qui avait trois fils bien faits et courageux ; il eut peur que l’envie de régner ne leur prît avant sa mort ; il courait même certains bruits qu’ils cherchaient à s’acquérir des créatures, et que c’était pour lui ôter son royaume. Le roi se sentait vieux, mais son esprit et sa capacité n’ayant point diminué, il n’avait pas envie de leur céder une place qu’il remplissait si dignement (...)
- 26 mars 2009, par Colette (Sidonie Gabrielle)
Un chat noir à poils ras paraît toujours plus long qu’un autre chat. Mais celui-là, Babou surnommé le Long-chat, mesurait, réellement, bien étiré à plat, un mètre, un mètre dix. Mal disposé, il ne dépassait pas quatre-vingt dix centimètres. Je le mesurais quelquefois.
« Il n’allonge plus, disais-je à ma mère. C’est dommage.
Pourquoi dommage ? Il est déjà trop long. Grandir, toujours grandir ! C’est (...)
- 2 janvier 2009, par René Maizeroy (1856-1918)
Dans ces brusques métamorphoses de la lumière électrique, s’épandant tantôt en ondes d’un rose fané, exquis, tantôt en une coulée d’or fluide, comme filtrée à travers des cheveux de blonde, tantôt en une nappe bleuâtre, aux tons crépusculaires et étranges, où les femmes semblaient avec leur épaules nues, de vivantes fleurs, tandis qu’au milieu des rires se déroulait une verveuse revue d’atelier jouée par (...)
- 25 décembre 2008, par Armand Silvestre (1837-1901)
Je vous dis que c’est du phosphore. Le phosphore seul est lumineux la nuit. Sacrédié, je sais cela, je suppose, puisque j’ai eu un oncle pharmacien. C’est même charmant, ce liquide qui ne s’éclaire que dans l’ombre ; un camarade se marie : vous vous glissez dans la chambre nuptiale et, avec cette encre d’un nouveau genre, vous écrivez sur la porte intérieure et de façon qu’il le puisse lire de son lit : (...)
- 6 décembre 2008, par Alain fournier (1886-1914)
En 1908, toujours hanté par le souvenir d’Yvonne, il écrit quelques poèmes et essais qui seront repris plus tard sous le titre Miracles. Dans ce recueil on retrouve "Madeleine".
« ...les publicains et les femmes de mauvaise vie entreront avant vous dans le royaume de Dieu. »
Lorsqu’ils m’ont demandé :
« Et celle-là ? Nous ne la connaissons point. La chasserons-nous du royaume, où la voici dressée (...)
- 3 décembre 2008, par Jules Barbey d’Aurevilly (1808-1889)
À Roger de Beauvoir
Il y a quelques années, les premières strophes de cette nouvelle parurent ; mais la publication ne fut pas continuée, par la raison qui fait tourner un portrait par trop ressemblant contre le mur. Aujourd’hui que le temps a influé ou sur le portrait ou sur le modèle, et peut-être sur tous les deux, les raisons qui firent interrompre la publication de ce conte ne subsistent plus, (...)
- 29 novembre 2008, par Guy de Maupassant
La longue promenade de la Croisette s’arrondit au bord de l’eau bleue. Là-bas, à droite, l’Esterel s’avance au loin dans la mer. Il barre la vue, fermant l’horizon par le joli décor méridional de ses sommets pointus, nombreux et bizarres.
A gauche, les îles Sainte-Marguerite et Saint-Honorat, couchées dans l’eau, montrent leur dos couvert de sapins.
Et tout le long du large golfe, tout le long des (...)
- 14 novembre 2008, par Rachilde (1860-1953)
À Eugène Demolder.
Petit, léger, posé en insecte d’eau sur son drap pâle dans la nuit comme une nappe de mare claire, le garçon écoute. Un doigt l’a réveillé, lui semble-t-il, un doigt humide, frôlant son front.
Ce n’est pas celui de Dieu, parce que Dieu est maintenant trop vieux pour s’occuper des enfants. Le silence le remplace. Dieu est un infirme ne pouvant plus galoper sur le vent, et il a mis le (...)