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Poésies & Slam 

lundi 8 mars 2004, par Félix Jousserand

Les funérariums se construisent en bordure des zones industrielles.

L’université adossée au multiplexe.

On se restaure sur le terre-plein des échangeurs.

La faillite des boutiques alimente les rayons discount.

Nos marges se réduisent.

Et du centre-ville j’emprunte la navette qui m’amène à la gare ferroviaire.

La pelouse du stade a poussé entre les barres de tours.

L’entreprise voisine entrepose ses engins mécaniques à l’abri d’un grillage.

Le parking est encore en chantier.

La brochure distribuée à la gare permet de s’y repérer.

Et on achète des légumes (vente directe) sur les débords de la nationale 7.

Arrêt bref.

Plus loin encore, des grossistes de jouets se rassemblent à l’endroit

Où le périphérique meurt.

Fabriquant d’utilitaires en émail dans sa baraque de tôle en rase campagne.

Espace déchargement des containers à l’arrière de la gare.

Et quelques gouttes de sang sur un téléobjectif.

Vision de jour, les graffeurs préfèrent les endroits isolés.

Vente aux particuliers, 500m à droite.

A proximité : tentative d’une culture sous serre.

Défense de s’approcher des bâches blanches sous peine de station d’épurage.

La signalétique annonce des directions contraires.

Il y a au Carrefour une information confuse.

Et un vendeur de caravanes beiges.

Et un marchand de merguez qui vidange l’huile de ses frites sur la route.

Un tunnel, ensuite, me dégage un peu d’air.

C’est dans un de ces blocs qu’on travaille.

Les pompes funèbres ne sont jamais bien loin, quand on y pense.

Toujours un vigile, souvent, le morceau d’un sac en plastique dans les branches.

Entre deux plaques de route, accrochés aux trottoirs défoncés.

Préparation des corps.

L’odeur de la fumée des incinérateurs se fait vite oublier.

Les premières familles accablées commencent à arriver dès le lever du jour.

Leurs voitures garées ne se distinguent en rien de celles

Des clients de la Halle aux Chaussures installée juste à côté.

Lundi, journée chargée, mise en conformité des canés du week-end ;

Retour de discothèque dans la nuit de samedi à dimanche

Soirée alcoolisée, les haleines sont chargées

Et la carrosserie tranchante au moment du freinage.

Au programme du jour : puzzle de femme

35 ans, couleur des yeux : blancs, conseil technique.

C’est souvent que je ressens cette idée qu’on est là où on doit.

Avec un peu d’élan, l’épiderme se déchire

Comme une feuille de papier au moment du contact.

C’est pour ça qu’on n’aime pas les grands accidentés.

On voudrait des conserves, nous aussi,

Et par palettes, pourquoi pas ?

Un outil sans équivoque, c’est bien ça.

Conditionner des denrées agro-industrielles

Conditionner des morts aux chairs glacées.

A la tangente des travers on pourrait faire

A la craie des repères sur les murs,

Les barrer tous les 5 macchabées

Et recommencer jusqu’à…

Quand le soleil s’est levé sur les câbles électriques

J’y ai cru et puis : un de moins ou un de plus, quelle différence ?

Du moment que le sérum déride suffisamment les patients.

***

Si la vie a perdu toute forme de répétitivité

Elle s’est aussi abstraite, comme les drogues,

En pilotage automatique -

La notion même de décision est devenue caduque

Pour ce qui m’occupe

S’en tenir au nécessaire est un luxe

Je consulte les messages qu’on me fait parvenir

M’exécute et qu’on ne m’en demande pas plus -

La fille du Calife a des exigences non-négociables ?

Qu’elle m’appelle

Sinon : pas moyen de savoir ce que contient cette tête

Si ce n’est quelques longueurs d’avance sur les cars de police

Stade de dépersonnalisation :

Quasi complète ma compagne me répète

Que je dois savoir… quoi ?

Quand j’ai le doigt sur la détente

Que je suis pire qu’une allumette

Je réponds déformation confessionnelle -

Pas plus mauvais parodie

Ni repérage plus net

Que le commun quotidien

De l’atmosphère ambiante -

Il paraît que les temps sont à la fête…

***

Comment peut-il faire aussi doux ?

Ma belle exécutrice,

Ils usent leurs machines à vouloir panser

Les blessures mortelles

Qui leur brûlent les chairs.

Maide,

Des nuits noires en boucle

Des capteurs à la lumière des phares.

Nous avançons seuls

Sans réflecteurs

Nous avançons, seuls, tous les deux,

Et nous sommes quelconques

Dans l’amène mollesse des couvre-feux

A vouloir mettre un couvercle

Sur la lave que nous sommes dans leurs yeux

Nous sommes un seul

Et les harangues publiques, haut-parleurs

Ne savent nous toucher

Nous sommes un champ magnétique

Des possibles en ombres portées

Sur la façade des buildings.

P.-S.

Pour plus d’infos sur l’auteur il suffit d’aller sur son site :
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