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Droit de réponse de Jean-François Platet (Editions Baleine) suite à la lettre ouverte de Didier Daeninckx  

jeudi 25 février 2010, par Jean-François Platet

Jean-François Platet, directeur des Editions Baleine nous fait parvenir sa réponse aux textes Baleine : droit de retrait et Lettre ouverte aux éditions Baleine de Didier Daeninckx publiés dans la revue des ressources.

Défense de Baleine

Les éditions Baleine, dont je m’occupe depuis 2005, et que j’ai rachetées au
groupe La Martinière en 2008, ont publié plus de 450 titres, dans des
collections diverses et variées, entre autres, et pour ce qui est encore
d’actualité :

Le Poulpe, collection créée en 1995 par JB Pouy et dirigée aujourd’hui par
Stéfanie Delestré, qui -en dépit des attaques et changements de
propriétaires, compte maintenant plus de 190 titres, sans compter les
copies, imitations et adaptations. Il en paraîtra huit nouveaux inédits en
2010, faisant appel aux meilleurs auteurs du moment et à leur interprétation
personnelle du personnage et de la bible d’origine : Maïté Bernard, Marin
Ledun, J.P. Jody, Sébastien Gendron, Sergueï Dounovetz, Antoine Chainas...
Ceci pour 2010.

Baleine Noire, « collection-de-livres-qui-ne-se-vendent-pas », que je dirige
et qui réunit dans des livres de poche de luxe, une littérature punk,
gothique, gore ou noire , bizarreries, outrances, exercices de style, avec
des auteurs français ou traduits, morts ou vivants, célèbres ou pas. Faut
toutes les buter ! est publié dans Baleine Noire.

Dans cette collection, constituée comme un cabinet de curiosités, j’ai
publié, d’une part des auteurs contemporains de textes difficiles et
littéraires que le "politiquement correct" et la frilosité éditoriale
ambiante avaient amené dans cette collection unique (Serge Scotto, Pascal
Françaix, Nada), et j’ai réédité, d’autre part, des textes anciens dont le
caractère singulier me semblait cohérent avec les modernes. BR Bruss, Th. de
Quincey, M. Agapit, Dann & Dozois...

Son objet est bien la littérature. Pas la politique. La démarche est
esthétique et artistique. Les couvertures sont toujours illustrées de
photographies de cires anatomiques du Docteur Spitzner, qui rappellent aux
éventuels chalands que ce n’est pas …pour les enfants.
On m’accuse de vouloir créer du buzz : Malheur à celui par qui le scandale
arrive ! Sérieusement, j‘aurais lancé une telle campagne pour un livre dont
le tirage est de 2600 exemplaires, et qui sera demain diffusé à… 800 ex. ?
Et j’aurais envisagé avec sérénité la perspective d’être traité de « facho
 », pour un roman populaire de 1947 ?

Bien sûr que Baleine n’est pas un éditeur militant : le Poulpe peut passer
pour un militant, et encore...

Ce n’est ni un vengeur, ni le représentant d’une loi ou d’une morale, c’est
un enquêteur un peu plus libertaire que d’habitude, c’est surtout un témoin.
C’est écrit sur les couvertures, depuis quinze ans. Mais les éditions
Baleine, non : c’est une entreprise d’édition qui se targue de publier des
romans divers et variés. On n’est pas obligé de les lire, ni de les acheter,
ni de les aimer.

Pourquoi serait-il -comme déjà remarqué- scandaleux de côtoyer M. Brigneau
chez Baleine, et pas chez Gallimard ou Albin Michel, où il fut édité aussi ?

Je maintiens que c’est un texte drôle, émouvant, divertissant, et
historique. C’est un roman d’atmosphère. Bien sûr qu’il est grossier,
sexiste, raciste et violent : le narrateur est un caïd assassin qui n‘a
connu que la violence et les armes. Il a été publié en 1947. Et le dernier
Ellroy, il ne contient pas lui aussi quelques expressions aussi vulgaires
que racistes ?

Pourquoi lancer cette campagne une semaine avant la mise en vente, et avec
une stratégie aussi maladroite : elle profite à M. Brigneau et nuit au
poulpe ? N’étais-ce pas l’effet inverse qui était escompté ?
Je regrette que des amis, pris en otage par cette polémique dérisoire, se
trouvent mis en porte-à-faux. Qu’il sache que la porte de Baleine leur sera
toujours ouverte. Et que leurs textes, eux, je continuerai à les défendre.
Comme Patrick Raynal quand il a publié son ami ADG, parce qu’il jugeait que
c’étaient des bons livres, je publierai M. Brigneau, je continuerai à
publier des Poulpes, je continuerai à publier des romans horribles dans
Baleine Noire, je défendrai les titres parus chez Baleine, tous les titres
sans exception :
A titre personnel, je n’aime pas les fachos. A titre professionnel, je
déteste les censeurs.

J-F. P.

2 Messages

  • La Presse est une machine, d’autant plus quand elle ne se vend plus ;-) Le problème c’est que la Presse ne fonctionne qu’à la nouveauté — sans laquelle elle ne pourrait pas renouveler l’information — et à l’événement — le scoop est ce qui fait vendre — ; là on combine les deux, c’est dire si, hélas, cette affaire fera un match nul entre l’éditeur et les auteurs qui s’en démarquent (même si c’est à juste titre) ; mais pas le livre incriminé, qui se sera ainsi offert une campagne de Presse que probablement il n’aurait jamais eue quelle que soit la qualité ou non de son contenu, eu égard à son auteur... alors que maintenant tout au contraire, la biographie de l’auteur accroît l’événement — et la curiosité malsaine qu’elle attire redoublant la curiosité sur son ouvrage. Un seul bénéficiaire donc, oui l’auteur et son bouquin, un individu, face à une série qui s’auto-torpille ?

  • Salut jean-françois. Cette mise au point m’agrée. En tant qu’auteur d’un Poulpe, je ne me sens pas la moindre vocation à contrôler la ligne éditoriale de mon éditeur. Je n’ai aucune complaisance pour les fachos. Mais mon opinion en la matière est que nulle autorité d’aucune sorte ne doit s’imposer à la littérature. Je comprends qu’on soit choqué de trouver chez Baleine un auteur franchement facho, mais à vrai dire la question n’est pas là. Si un éditeur trouve un bouquin génial, il me semble normal qu’il l’édite sans décortiquer le CV de son auteur. Que ce soit voulu ou non, cette bronca aboutit d’abord à une entreprise d’intimidation envers tous ceux qui ne seraient pas de l’avis des pétitionnaires. C’est bien dommage, car Baleine, en dehors du poulpe, est loin de ne publier que du Brigneau. C’est dommage aussi pour l’indépendance éditoriale en général. À mes yeux, un éditeur qui est capable de passer outre les considérations économiques et les orthodoxies de genre est un bon éditeur. Je ne vois pas en quoi le Poulpe en serait salopé. Il ferait beau voir que Lecouvreur Gabriel s’avisât d’établir un code moral à l’usage des collections voisines. La bible n’est valable que pour les Poulpes. Et la méthode qui consiste à lancer une fatwa pour contester un choix éditorial me choque. J’ai le plus grand respect et parfois de l’amitié pour les pétitionnaires, mais je ne comprends pas cette pétition. Je t’assure de mon amitié et de mon soutien.

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