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La guerre et les mots 

vendredi 9 novembre 2012, par Norbert Barbe

Épigraphe du poème :
"Si la France est maudite, rejetée de Dieu, gisante sous les pieds des peuples, si c’est bien cela qu’il faut entendre, alors qu’elle crève une bonne fois et que tout finisse et que la planète, "privée de son âme", roule, comme chose morte, dans l’immensité !..."
(Léon Bloy, Je m’accuse..., 1900, "Déclaration préliminaire")


Au poète Anton Alain,
Au peintre Jean-Marc Calvet,
Et à Frank Muller
(Inattendu compagnon des " Années d’Illusions",
Phare parfois du souvenir qui se présente à la mémoire,
Dans l’inconstant cours de la vie),
Avec toute mon amitié.




Épigraphe de la Dédicace :
"En ce temps-là nos fleurs vendaient leurs viandes aux chiens
Et nous habitions tous de sordides tripots
Avec des aiguillages pour nos petits matins
Quand le beau macadam nous traitait de salauds
"
(Hubert-Félix Thiéfaine)

1er MOUVEMENT : LENTO

Moi qui suis la flore pornographique
Là où beaucoup voudraient le roman sain d’une forte République
Assommant sous la toge son sein pointu d’effigie romaine
Moi dont les flonflons
Terminent en Angélus pour Ninon
Avec ces mots de L’Assommoir
Qui ne savent pas prendre le détour
Et n’acceptent pas de pourboire
Je me fous bien du qu’en dira-t’on

Je chante pour Madeleine

Dans ce sombre catafalque
Où je dépose ma signature
N’a il est vrai que peu de place
Ce que les bonnes gens appellent La Littérature
La farce distinguée du goût à la perruque saupoudrée de talc
Dont déjà mon cher Maître Molière
S’appliqua en son temps à faire bonne meulière
Si je dois laisser une trace
Ce sera donc dans ce marathon de l’écriture
Le temps que j’y ai encore toutes mes dents
Pour dire n’en déplaise aux bonnes moeurs
Les malheurs des amours perdues de Ninon
De Gervaise la boutique en cendres
Et de Fantine la tragédie de ses dents
Et de Fantine la tragédie de ses dents

Je n’écris pas pour passer le temps
Mais pour me rendre intéressant

Je n’écris pas pour passer le temps
Mais pour me rendre intéressant

Qu’on ne s’étonne donc pas à l’heure
Où je note l’histoire à apprendre
D’un possible assassinat ourdi à Médan
Et organisé c’est probable
Par l’État
Et organisé c’est probable
Par l’État
Il n’est pas viable
D’incommoder les Rois et les Bloy
D’incommoder il me semble
Oh non les Rois et les Bloy
D’incommoder
Disons-le ensemble
Oh oui les Rois et les Bloy
Disons-le ensemble
Oh oui les Rois et les Bloy

J’aurais certes cette joie de vivre
Qui fait peur
Mes manies
Et mes tiques
Mon bateau ivre
La beauté qui m’ennuie et mes vieux livres
Mes Paris mes Lourdes et mes bourdes
Ma débâcle qu’on m’envoie refaire
Mon ventre de la terre
Mon rêve et mon œuvre
Mes souliers vernis
Ceux de Vincent et ceux d’Heidegger
Le soleil du plafond
Et de Tennyson
Le douloureux gouffre de la pieuvre

Moi dont les mots purgent les enfants
Et réveillent la débâcle
La guerre des Autres
Les imbéciles qui s’y vautrent
C’est si facile d’être un héros
Ses gueules cassées et son pus
Tout est question de préférence
La psychologie de Ranke
Ou celle des tanks
Les sous qui manquent
Et les vieux tiroirs
Que jour à soir
Tu sais bien tous raclent

Comme le lézard
Qu’on voit vivre au bord du lavoir
Je me nourris de vers
(Parfois de Wagner)
Et de larves de moustiques

Je ne prétends dépeindre aucune substance
Ni ne représente aucune espèce d’essence
Le peuple est le peuple et rien de plus
Comme la bête il est ce qu’il est Racine est Racine
Toute maxime n’est rien d’autre qu’une doctrine

Je n’écris pas pour passer le temps
Mais pour me rendre intéressant

My name is Jimmy and you better not wear it out
Suicide commando that your momma talked about
King of the forty thieves
And I’m here to represent
The needle in the vein of the establishment

I’m the patron saint of the denial
With an angel face and a taste for suicidal

2e MOUVEMENT : ALLEGRO MODERATO

"Est-ce vous
Qui comprendrez pourquoi,
Serein,
Sous une tempête de sarcasmes,
Au dîner des années futures
J’apporte mon âme sur un plateau ?
Larme inutile coulant
De la joue mal rasée des places,
Je suis peut-être
Le dernier poète.
"
(Maïakovski, "Prologue")

Monstre photographique
Si j’ouvre ma fenêtre
Je ne vois que malheurs
Et l’homme qui en pleurs
S’en fut à la mairie
Le fusil
Superbe à l’épaule
- Grave gravure d’école
Se priver d’être
En premier lieu lui
Ensuite ses tortureurs
Moi qui ne suis
Ni Saint ni Docteur
Et qui de médecine n’entends rien que le cœur
Creux toujours de la débâcle
(Qui gravit les gravats décombres
Qui encombrent
D’abscons
Demains absurdement longs
Et trop longuement profonds
Les pieds pleins d’obstacles)
Je ne saurais
Comme ceux de mon époque
Bien l’accuser

Sinon peut-être lui dédier un bon rococo un bon vieux rock
Un bon rococo ce bon vieux rock

Lorsque vêtu seulement de ses affreuses loques
Il arrive pendeloque
Entre les saints d’esprits Esprits Saints qui le moquent
L’assistante et l’assistance
Qu’il interloque
Et tic-toc
Se défroque
Décidant
Déterminé que commence l’équivoque
Là où doivent terminer les glauques
Soliloques
Du bifton qui sans pez le bloque
Et la ripaille
Vaille que vaille vieille que vaille
En bouffetance
Combat de Mardi Gras et Caresmeprenant
Qu’il reluque
Dans les vitrines où les belles breloques
L’invitent l’équivoquent
Et le convoquent
Sa disgrâce
Dérange
Et provoque
Alors il dit qu’eux aussi ils en croquent

Ni se faisant d’ailleurs je ne peux le juger psychologiquement

Il s’appelait Genet
Qui disait "Disgrâce, de toi je nais"

C’est la société qu’il faudra accuser
Pour l’avoir abusé
Lui et autant d’autres
Nous tous politiquement
La maladie n’est pas de l’homme
La maladie est ce groupe en putréfaction
Cette gangrène
Qui nous amène
À l’infraction
Comment demander
À qui l’on prive de sa dignité
D’homme
De rester en cage sagement

Monstre photographique
Ce que Freud appelait bien notre mal-être
Monstre pathétique
Charcot à la Salpêtrière
C’est notre civilisation

Le monstre de Locke
Bête inversée
Cependant
Le Pape de Luther
Le loup créé par la société
Notre loup cette bête immonde
Informe et anonyme
Qu’au monde
Nous avons porté cacochymes
Notre loup cette bête immonde
Informe et anonyme
Qu’au monde
Nous avons porté cacochymes

Ce sera un lieu commun
De dire qu’où je porte la vue
Les riches sont chaque jour plus riches
Et les pauvres plus pauvres
Je n’espère d’ailleurs rien de moins
Cela est entendu
À chacun son destin
Au meunier son moulin
Au laboureur sa friche
Au riche
Son coffre
Et son alcôve
Mais enfin

On se moque de nous
Et moi je dis comme Pétrarque
Qu’il vaut mieux être mort
Qu’être esclave
C’est l’opinion de l’oiseau dans le ciel
Et de Dame Laure aussi
C’est pour cela que jusqu’à ma mort
Si Dieu me prête vie
Je continuerai de jouer mon rôle de caillou
Dans les souliers de marque
Des imbéciles ministériels
Qui nous entravent

Personnellement
Je me fous bien
Qu’ils soient d’Iéna ou de l’ENA
De la jupe à maman
Ou que leur papa soit Bush
Ou bien même que pour leurs Sweet-Sixteen
Ils leur aient offert cette volante Porsche
Quand moi je léchais durement le pavé
Me graduant pour rien
Sur les bancs de l’Université
Un bout de papier mouillé et voilà

Mais franchement
Si rien ne va changer
Car mes contemporains

Au Bal de Pantin
Au bal des pantins

Sont plus passifs
Que les moutons de Panurge
À l’heure où on les purge
J’aurais eu la satisfaction ingrate
En date
Abrogatif
Assertif
De montrer à ma pute
Turlute
Comme Baudelaire à la sienne
Nouveaux temps mœurs anciennes

— Béotienne
Les nus du Louvre
De jouer sur mon bout de luth
Avant qu’Apollon injuste
Dieu incapable comme tous ceux de sa race
Violents quand on l’agace
Ne m’écorche
Petit bout d’homme à peine écorce
Pour être en tout
De l’esprit
Et du pis
Au pou...
Meilleur que lui
Je serais un gars plutôt mou
Mais au moins j’ai l’orgueil de ce que je suis

Il y a bien longtemps déjà
Qu’une couronne faite par un autre
Les designs surprenants
Exécutés par d’habiles maîtres joaillers
Qui ne sont jamais les mêmes qui les portent
Un titre

Un pupitre
Un chapitre

Qui ne révèlent rien d’autre

— Votre Majesté la Vôtre toute vôtre
Sinon le fait que rien
Dans la vie ne t’aura
Jamais vraiment coûté
Comment faire alors pour le goûter

Une position
Mal acquise
Non à la bise
Mais par la bise

Ou
Comme justement écrivait Mirbeau
Les sales
Victoires électorales
De ceux qui
Par définition
Ne peuvent pas être d’honnêtes hommes

Les observateurs aveugles
À ce que tout un peuple leur beugle
Et bien sûr
Bien sourds
Bons Ambassadeurs
Devant toute Cour
Qu’elle soit corrompue ou obscure

Il y a bien longtemps déjà
Que ces choses-là
Ne m’impressionnent
Plus
Thaïs Archipiades Flora
Yvonne
Ma bru
M’a conduit par la manche
Y vont s’ promener, dame, c’est dimanche
Je suis né... Bah !... Y a si longtemps
Je ne suis pas une jeune fille
De quinze ans
On ne me conquiert pas
Avec un bouquet de roses
D’avant-hier
Et quelques râles
D’adolescents
Poulbots

Que ça m’ fatigue de faire la somme
De mes hivers ou d’ mes printemps
Enfin quoi, j’ suis un vieux bonhomme

Pour tout cela
Et quelques autres contre-pas
J’écris contre le vent
Chagrin
S’il m’en souvient
Le mors aux dents
Mon coeur
Et fermes mes moeurs
Haut le vers
Vraiment vrai ce verbe
Qui tant l’en coûte
Jusqu’à la goutte
Et déborde acerbe
Le proberbe
On me dit superbe
Parfois
Petit chat
C’est que ne m’effraient
Ni les loups ni les effraies
C’est que ne me font peur
Ni les représailles
Ni les canailles
Ni le déshonneur
Le poignard
Fait au fer des espoirs
Fleur d’Angélus
De Coriolanus
N’atteint que celui qu’il touche
Et fait mouche

Il faut bien que la bouche
Accouche
De tout ce qui fourche
Et qui à la louche
Sur rien ne débouche
Comme la mouche
Je touche
Toutes les couches
Félibre Booz
D’une néanmoins inféconde Ruth
Ouvrière ruche
Je n’ai pas besoin d’un dictionnaire de rimes
Pour concevoir la cime
Et depuis le gouffre
M’accabler de contempler tous ceux qui souffrent

Qui empoigne
Ce poignard
Fleur de bagne
En ces cercles bâtards
Sculpté par la soif
Des jeunes demains
Restés incertains
Qui dans mon étable piaffent
Pour naître
Sans misère
Connaître
Est la main du hasard
Sage danse
Des douces vengeances
Je n’aime ni la couillardise
Ni les vérités à demi
En toute franchise
Je mourrai bien pour mes idées
Mais le plus tard possible
Cependant c’est ça je les écrirai
Les astres sinistres en abreuverai
Dans le désert des cancres
Jusqu’à ce que l’encre
Et la salive
Lèchent
Et sèchent
Les pleurs
Des déshérités
De la terre
Et disent leurs vérités
Toutes entières
Ce qui
De mon opinion
Sera
Comme
Ce jour s’il arrive
Où tout le monde sera content
Que nous dit Rabelais
Ce jour où tout le monde sera content
Que nous dit Rabelais

Et que les puritains
Qui rêvent en satin
M’excusent
Si de leur patience j’abuse
Et si les bonnes moeurs me sifflent
Mais lorsqu’ils reniflent
L’odeur de la rue
Elle pue bien plus
Que tous mes vers réunis
En pot-pourri
En bouquet-garni
Ce bouillon d’ennui
Qu’est la vie
Et lorsqu’ils écoutent

— Et en messes absoutes
Font fête aux vauriens -
Les discours républicains
Que tant ils goûtent
Ceux-là déversent
Sans controverse
Bien leur poids en ordure
Je le jure
Plus que toutes les plus belles
Poubelles
Réunies
Et jusqu’aux couvercles
Remplies
D’une année entière
Belle lavandière
Des principales
Trotte-cabale
Villes
Et îles
De France
Point-là de romance

Qu’on me pardonne
(Si l’on veut bien et sinon peut m’importe
J’irai prêcher aux autres portes)
Si je m’étonne
Mais au pauvre
Privé d’oeuvre
Privé de choix
Privé du droit
Élémentaire
De faire
Ou de vivre
De travailler
Et de manger
Ne l’humilie-t’on pas aussi
En mairies
De pacotille
Où il cherche comme l’anguille
à survivre
Songe impossible serait vivre
À une inepte
ANPE
Où brutes abruptes
De sordides
Et surtout perfides
Sous-diplômés
Jugent
Ceux qu’un gouvernement
Qui ment
Désigne
D’une infâme insigne
Sur-diplômés
Sublime subterfuge
Depuis leurs trônes
Qui ne sont qu’auges
Analphabète
Vulgarité
Depuis leurs trônes
D’analphabète
Vulgarité
Depuis leurs trônes
De vulgarité
Analphabète
C’est bien là la spécialité
De la bête

Depuis leurs trônes
De vulgarité
Analphabète
C’est bien là la spécialité
De la bête

I am the son of a bitch and Edgar Allan Poe
Raised in the city under a halo of lights
The product of war and fear that we’ve been victimized

I’m the patron saint of the denial
With an angel face and a taste for suicidal

3e MOUVEMENT : VIVISSIMO NON TROPPO

"Ce que j’ai appris : on peut avoir toutes les idées du monde et jouer avec : elles n’ont de réalité que lorsqu’elles sont vécues, c’est-à-dire lorsque la situation les réveille et les réalise en chacun comme un moyen de la vivre. "
(Jean-Paul Sartre, Cahier Lutèce, en Les Mots et autres écrits autobiographiques)

"Finalement, [il] est un traître : il trahit l’action au nom de la pensée, mais en même temps il ne rêve que d’abolir en lui la pensée par le recours à quelque action sensationnelle."
(Francis Jeanson, Sartre par lui-même)


Qu’on me prive
Dime non dive
De mes mains
Comme Jara
Faisant mon chant et ma voix
Moins certains
De mon papier
Pour me faire plier
De mon encre
Pour me vaincre
De ma liberté
Comme Sade
Pour fendre ma fierté
Qu’on m’exile
Limitrophe ma Sybille
S’ils l’ont bien fait
Misérable forfait
À Voltaire
Bien que mes derniers vers
Ne seront pas les mots de sa lettre à Wagnière

Et si j’exagère
Il y a toujours dans l’étagère
Une misère
À donner au juge des affaires
Pour qu’il la vende aux enchères

S’ils ont bien mis
Hors Paris
À Villon
Et au Père Hugo
Le monde sera toujours des Guizot
Le monde sera toujours des Barrot
Qu’on m’emprisonne
Ou me questionne
Comme Verlaine
Sa Melpomène
Ou Zola
Pour prétendre donner la voix
Au droit
Comme Villon
Lorsqu’il disparut pour de bon
Comme Sade
Sous sa sale arcade
Ou Wilde écrivant sa Ballade
Dans la geôle de l’Alcade
Comme le grand Dostoievsky
Sans crime qu’on châtie
Léonard mourant dans les bras
De François
Qu’on me condamne donc
Alors
À mort
Que de névrotiques
Et érotomanes
Psychologues
Bourrés de tics
En mes longs monologues
Révisent mon âme ô mon âme
Oui mon Âme
Et viennent me dire
Dans leur comédie de la félicité obligée
De l’impossible rire
Comme à Artaud ou à Vincent
Le Suicidé de la Société
Ce que je suis
Ce qu’ils croient
Que je vends
Marchands aguerris
À se projeter dans le client
En leurs ventes ouvertes jour et nuit
Du Temple et de la Croix
24/24 Pharmacies
Qu’ils ébauchent
Donc savants
L’approche
La plus pertinente et ingénieuse aussi
De ce que je pense
De la fesse
Au coin du bon âtre
Du cul
Et de ma mère
Du puits et de ses fous
Ce que je panse
La messe
L’abus
Que tant ils idolâtrent
Et le fer bien sûr l’acier et le fer
Qu’au calice
Ils portent mes lèvres
Mes anciens amis
Comme ils le firent
Les lâches
Pour calmer la fièvre
Qu’ils disaient reconnaître
Chez Socrate
Automates
D’autocrates
Bureaucrates

Citoyens
Ne savez-vous donc pas
Qu’on ne doit jamais condamner
Les Grands Hommes

Quant à moi
Vieux foetus repenti
Qu’on me tue donc
Je vous le dis
À feu lent
De toute manière
Voici
Quarante ans
Bonnes gens
Je vous le confesse
Que je vis
En dictature
Je vous le confesse
Que je vis
En dictature
Je vous le confesse
Que je vis
Chien en laisse
En dictature

Et vous-mêmes ?

4e MOUVEMENT : LES FAUX PROPHÈTES

"Il dit j’ai vu Harlem il dit j’ai vu New-York
Et noir j’avais si peur devant les chiens à nègres
Que j’aurais préféré la peau rose d’un porc
Collée sur ma poitrine maigre
"
(Jean Ferrat, "Cuba Sí")



En ces temps-là
Comme disent
Les chansons
De rives si petites
Qu’on ne les reconnaît même pas
Surgissent de faux prophètes
Que Monsieur Stone
Montre en bicyclette
Vrais tyrans
Qui réduisent toute opposition
À la plus simple expression
Là où les autres
Avaient su voler le bien public
Ils terminent
Plus féroces
Néron
Encore
De privatiser
Jusqu’au pavé
Sur lequel on marche

Les trusts qu’il ne faut pas croire
Même si je le voulais
Je ne pourrais plus vivre
Avec l’idée que je me faisais de la biologie
Mon corps est un temple
Pour les marchands de médicaments
Et d’insecticides
L’air que je respire
Monk
A des qualités
Que j’aurais voulu reconnaître
Et l’eau
Qui descend
Limpide
De la montagne
Est déjà propriété
De quelqu’un
D’autre

Les autocrates
Prosateurs
Médiatiques
Phagocytent
Mon écran
24/7
I don’t think that’s right
Et MTV
A ouvert
À mon monde mental
La porte de ses
Modernes
Gladiateurs
Je regarde
En hypnose
Collective
L’absence
D’action
Du scénario
Qu’on me propose
Des sorties nocturnes
De Jersey Shore

Mais
Au fond
C’est ce que
Veulent
Les gens
Disent-ils
Miss Monde
Et Paris
Hilton
Non
C’est pour ça
Que moi
Je n’écris pas
Pour le peuple
Le peuple est ce qu’il est et après
Racine et Racine
Toute maxime n’est rien de plus qu’une doctrine

J’écris pour le déclassé
La rage au ventre
Dont le cri muet
Répand sur la lèvre contractée
La salive de la rancoeur
Et dont les espérances
Et les aspirations
Violées
Une à une
Par une société mensongère
Ont perdu sa vie

Pour celui
Qui ne se saoule pas
Le samedi soir
Qui n’attend pas la fin de semaine
Pour s’abrutir dans le vin
Celui qui n’aime pas
La publicité
Qui ne part pas en vacances
En été
Au bord de la mer
Qui n’aime pas exposer
Son corps
Comme les monstres marins
Sur les côtes antarctiques
De la Terre de Feu
J’écris pour ceux
Qui ne vont pas
Chaque année
À Portmeiron
Déguisés de Numéro 6
J’écris pour ceux
Qui vivent
En silence

Leur Insurrection solitaire

J’écris pour ceux
Qui vivent
En silence
Leur Insurrection solitaire

J’écris pour ceux
Qui vivent
En silence
Leur Insurrection solitaire

Ceux qui ne portent pas
La main au coeur
Quand on lève le drapeau
Qui se souviennent
Au contraire
Du supplice de Wilde
Le patriotisme est le dernier rempart des lâches
Qui se souviennent
Au contraire
Du supplice de Wilde
Le patriotisme est le dernier rempart des lâches
Ceux qui n’applaudissent pas
Quand le Dictateur monte sur le podium
Ceux qui depuis 1971
Ne chantent plus
Cuba, Sí
Ceux qui n’applaudissent pas
Quand le Dictateur monte sur le podium
Ceux qui depuis 1971
Ne chantent plus
Cuba, Sí

Ceux qui ne croient pas
À la guerre civilisatrice
Ni aux Actes Patriotiques
Qui ne prient pas
Dans l’ordre
Dieu
Le Président
Le Chef des Armées
Ceux qui ont perdu un fils
Pour un coup de feu
Parti tout seul
Dans un camp
Protégé
Par la Loi
Du Secret
D’État
Au Service Militaire
Qui par chance
N’existe plus
Qui n’applaudissent pas
Les 130.000.000 d’Euros
Pour le Sénégal
Qui n’applaudissent pas
Les 130.000.000 d’Euros
Pour le Sénégal

Ceux qui ne trouvent pas
James Bond élégant

Ceux qui continuent de se demander
Ce que l’État peut faire pour eux
Ceux qui continuent de se demander
Ce que l’État peut faire pour eux
Ceux qui continuent de se demander
Ce que l’État peut faire pour eux

Ceux qui n’approuvent pas
Les frais de représentations
La mainmise de quelques-uns
Sur l’argent de tous
Et sa répartition
Discrétionnaire
Et sa répartition
Discrétionnaire

Ceux qui vivent au jour le jour
Parce qu’il n’y a pas d’autre solution

My name is St. Jimmy I’m a son of a gun
I’m the one that’s from the way outside
I’m a teenage assassin executing some fun
In the cult of the life of crime.

I really hate to say it but I told you so
So shut your mouth before I shoot you down ol’ boy

5e MOUVEMENT : LA POÉSIE - ULTIMA VERBA

"Outils posés sur une table
Mes outils d’artisan
sont vieux comme le monde
vous les connaissez
je les prends devant vous :
verbes adverbes participes
pronoms substantifs adjectifs.
Ils ont su ils savent toujours
peser sur les choses
sur les volontés
éloigner ou rapprocher
réunir séparer
fondre ce qui est pour qu’en transparence
dans cette épaisseur
soient espérés ou redoutés
ce qui n’est pas, ce qui n’est pas encore,
ce qui est tout, ce qui n’est rien,
ce qui n’est plus.
Je les pose sur la table
ils parlent tout seuls je m’en vais.
"
(Jean Tardieu, "Outils posés sur une table")

Nadar
Des brisquards
Des brimards
Et des tricards
De vers le valseur
Maître rimailleur
Vieux Vulcain ferrailleur
Jeté de l’Olympe
Voyant qui plus le trompe
L’épouse se quittant la guimpe
Ou l’ami espérant qu’elle le corrompe
Boiteux et cocu
Soufflant depuis son acul
Le feu du fer de ses forges
Qui laisse échapper la douce mélopée de sa gorge
Le poème d’escarres
Abreuvoir
Des comptoirs
Qui se remplissent au soir
Aiguisoir
De la mémoire
Boudoir
Des abattoirs
Coulisse ou couloir
Des parloirs
Des mouroirs
Miroir
Tiré du tiroir
De l’espoir
De revoir
Flambant
Rutilant
Rufian
Le brocart
Des brocards
Contre la tyrannie
Et l’injustice
Soeurs infâmes
Dont l’âme
Agile glisse
Et se répand comme la nuit
Sur notre sociodrame

Je ne sais pas si c’est répétitif
Mais du bout de la plume
Décrire à vif
La plaie qui s’exhume

Le matin
Je pense à Elle
Qui est son soir
L’oreille sur Demain
Elle qui flagelle
Le corps en son mouroir

Qu’est-ce que la Poésie
Chacun cherche la forme
Qui est sa forme

Emphatique
Qu’est-ce que la Poésie
Distrait
Rappelant l’attrait des traits
Si vous aviez un peu de lettres et d’esprit
Prix bien compris
Incompris
Ou épris
Lyrique élan entrepris
Lecteur surpris
Qu’est-ce que c’est la Poésie
Académique
Un ouf un oui un bof
Ce serait d’abord la strophe
Ou l’anastrophe
Problème de l’oeuf ou la poule
Et Dieu, dans tout ça
De Poussin L’Inspiration du Poète couci-couça
Complaire à la foule
Un soupir émotif
C’est un glyphe
Avec l’âme d’un apocryphe
Alors la Poésie finalement qu’est-ce que c’est
Un soupçon enfin d’incompréhension
Un doute à peine perceptible
On la dit imprévisible
Mais pleine d’intentions
C’est quoi la Poésie
Qui le dit un sourire vague une ébauche
La Poésie c’est quoi
C’est un vers qui accroche
Attentif comme un canif
Ou fidèle comme le caniche
L’art
De savoir
Où niche l’hémistiche
La manière et la griffe
C’est quoi donc la Poésie

J’invoquerais bien de Tardieu les outils sur la table
Et de Soupault Les maudits paragraphes
Les mauvais jours de la syntaxe
Les verbes comme chaussure
Au pied de Desnos
Ou la commune présence
Des fragments décharnés de Char
La sueur des armes et le mouchoir
De Breton les grandes lignes du désespoir
Le désespoir
De l’abat-jour vers quatre heures
Le désespoir
De l’éventail vers minuit
La corvée d’arbres qui
Va encore faire une forêt

De Guillevic :
Un chant peut s’éteindre
Comme un arbre s’éteint,
Mais le chant continue
Comme dure la forêt

Transgresser, franchir
Aller plus loin,
Ailleurs, toujours,
Cogner, se cogner.

Mais c’est bon pour les rocs
D’être seuls et fermés
Sur leur travail de nuit
Et peut-être qu’ils savent
Vaincre tout seuls leur fièvre
Et résister tout seuls.

Le silence qui va tout dire de Géo Norge
Mais moi qui prétends le forge
Je suis au centre.
Je ne suis pas un individu dans la société.
Ce n’est pas du tout une question d’orgueil.
J’ai besoin d’un centre.
Si ce n’est pas moi, où est le centre ?
Le centre c’est moi. Tout part de moi.

Le dit Leonard Cohen dans un poème
Les poèmes
Ne sont plus ce qu’un jour ils furent
Sera-ce en partie parce que sur mes lèvres
Le silence fleurit comme une tumeur

J’écris toujours - tu le sais - dans la fièvre

Au fond ma méthode est simple
Il n’y a pas besoin d’être lecteur pour écrire
Même si les mots tremblent
Mes machines sont anciennes Remington et grammaire suffirent
Il n’y a pas de mystère
Le bois de l’écriture
Est comme l’air
Meilleur quand il est le plus pur
On essaie d’expliquer on s’organise
On montre le truc au chaland
C’est la magie du marché et du pastis
Les grands clous qui fulgurent
De la quincaillerie de Follain
On hypnotise
On dissèque la grosse bête on étale sa figure
Pour chaque passant
Et les coups de gloire sont les bons mots les plus incertains

Tu montres les veines
Et sort l’écorché
De ton travail de petite main
Il faut apprendre à divertir le public de façon amène
Le cri n’a de sens que s’il est divin
Le silence de l’acte
Te fait Laocoonte
Le tenant d’un pacte
Où il faut toujours rendre des comptes
Les Trois Bonnes Soeurs
Le Mécène
Le Prince
Le Lecteur
Montre-leur la gangrène
Mais en prenant des pinces
Et avec des fleurs
La beauté du geste
L’élégance du désespoir
Sont la noblesse
Du poète qui coquillard
Chien en laisse
Change le drap du corbillard
En exposition d’art
Poe sur les tombes anonymes de ses Virginia
De Bérénice à Morella
De Lénore à Ligeia
Ou comment transformer la fatigue la perte l’abattement et la honte
En éternels et sublimes contes

Le principe est toujours le même
Esthétiser l’horreur
Surmonter la maudite réalité
La puta realidad
La puta realidad

Et de la crasse de l’humanité
Dans la boue de son éternelle terreur
Faire émerger l’anthème
Montrer la noirceur
Et pointer du doigt l’érythème
Pour en lisser les aspérités
Sortir le jeu élire les motifs et le thème
Rendre plaisant et plein d’urbanité
Le monstre dont tu tireras une moralité
Tu dépeins tes animaux avec sévérité
Pour à leur heure
À l’imprimeur
(En primeur/prime heure)
En mieux représenter les malheurs
Et ton divertissement fait du goût le moyen de l’emblème
Le diadème
Que clairsème
L’honneur
Et la douceur
De la vérité
Et de l’affabilité
En écrin de préciosité

Parfois la rusticité
Du vers affilé comme un nageur
Est le seul barème
L’extrême
Valeur
Du mot blême
Sorti de l’entraille entaille méditée
Comme mensualité
Qu’en la main du ver(s)t usurier sans rancoeur
Dépose le pauvre plein de problèmes

Et ludique encore la ronde allitération ordonne
Les lettres que le lexique emprisonne
Creedence Clearwater Revival
Bad Boy Brawly Brown
Sold your soul
Take the tea to the table
Cat got your tongue
Cat got your tongue
Et rentrer penaud
Et rentrer peinard
Perros de paja
Perros de paja
La maldita primavera
Comme un vol de gerfauts hors du charnier natal
Versus
Invictus

Versus
Invictus
La sonore assonance les piétine et les perfectionne
Fatrasies et laisses assonancées décasyllabes a minori
Au Poète de Piranesi ce sont belles ses libératrices Carceri

Tu t’ouvres les veines
Mais il y a une solidité
Et c’est dans la peine
Que tu (dé-)verses ta vérité
Floppydisk de l’âme
Clopin-clopant risque ta trame
Au pas des litres de sang d’une gamme
Qui seule vit au fil d’antan et d’une Dame
Villon parfois Verlaine en somme
Tu tombes par terre bonhomme
Au ruisseau ta pomme
Hugo résonne
Les autres entonnent
La Beauté sur le genou se pose
À calmer la plaie au coeur éclose
Et c’est cette fragilité
Qui creuse sillon aride
Ivres de virile humilité
Les mots ébauchés de Demain
Jeunes têtes cannibales sans ride
Qui naissent de la main
Et en leur fièvre d’outrage avides
Transpercent comme traverses le chemin
Ce sont les trains et les rails
Qui brisent les miroirs
Et te donnent la force de t’y voir
Vieille peluche laid épouvantail
Ton cri
N’est que le silence d’un autre
Et si tu ris
C’est de l’ornière où tu te vautres
Tu passes le savon
À la métaphore la plus propre
Qu’elle brille comme un Éthiope
Jupe levée pris au centre du salon
Du Palais de Salomon
Puisque tes sabbats nocturnes
Sont des tortures solitaires
Où prennent à témoins solidaires
L’enfant en toi et tes burnes
Des dieux impavides
Au regard absent de pitié
Pythie blasphémée conspuée
Sur son trône vide
Tu gardes en toi la flamme
D’un vent impossible
Dont le son ne sort qu’horrible
Qui te condamne
Apollon n’a foin d’écarteler
Le Satyre comme âne attelé
Ta flûte fausse
Se joue de toi Albatros
Pour que tous se moquent
Et t’ignorent fantôme baroque
Atterré Faust
Second Quichotte d’Avellaneda
En marche sur Saragosse
Mais ton Maître n’est pas là
Tu marches dans la nuit
Nain chercheur d’or
À l’heure où tout le monde dort
Toi seul à la main ton rubis
L’obscurité du bandit
Est celle de ton Dict
Mais ton paradoxe
Est que toi aussi tu le fuis
Pour transformer son crime maudit
En ton prétentieux et absurde cri
L’éternelle symphonie
D’un opéra-rock

Pauvre vie de traverses
D’ennui et de rancoeurs controverses
Malheureuse et tergiversée
Pattes en l’air entretien pointu tu l’inverses
Convertie tu la converse
Pour entière la déverser
Dans tes entreprises d’entrefilets en versets

Et ça c’est la vie
Un deux trois
À contrejour s’approche l’assassin qui te tuera
Et mains ouvertes tu lui dis voici mon coeur de Poète
Prends toi qui ne sauras rien en faire mon triste ami
Même si par devant notaire je te le prête
Mais moi je saurai comment rendre immortel ton souvenir
Et ma vengeance sera que toutes les générations à venir
Par moi ne sauront que te maudire
Et ça c’est la Poésie
Et ça c’est la Poésie

Et ça c’est la vie
Un deux trois
À contrejour s’approche l’assassin qui te tuera
Et mains ouvertes tu lui dis voici mon coeur de Poète
Prends toi qui ne sauras rien en faire mon triste ami
Même si par devant notaire je te le prête
Mais moi je saurai comment rendre immortal ton souvenir
Et ma vengeance sera que toutes les générations à venir
Par moi ne sauront que te maudire
Et ça c’est la Poésie
Et ça c’est la Poésie
Et ça c’est la Poésie

Un vieux parchemin
C’est mon chemin
Un vieux parchemin
C’est mon chemin

Pas encore écrit
Espérant le tapuscrit

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