Approche esthétique mise au point par Marc-Mathieu Münch :
A bien considérer l’histoire récente des sciences humaines, il est curieux qu’elles se soient toutes séparées de la philosophie depuis environ deux siècles pour créer leur méthode et leur documentation propres, sauf l’esthétique.
Cela s’explique parce que le relativisme des styles, des formes, des goûts, des matériaux et des fonctions des arts est si grand qu’il semble impossible d’en induire une définition planétaire unique. Cela s’explique aussi parce que les arts, reflétant tout l’homme, appellent à eux toutes les sciences humaines, notamment la psychologie et la psychanalyse, la sociologie et l’ethnologie, la philologie et la linguistique et, bien sûr, l’histoire.
Mais ces sciences humaines n’arrivent pas à expliquer ce qui fait la spécificité des arts, spécificité primordiale pour les artistes comme pour les amateurs d’art. Un fossé douloureux s’est ainsi trop souvent créé entre les artistes et leurs exégètes.
C’est ainsi que j’ai engagé une recherche en vue de faire de l’esthétique une véritable science humaine à part entière. Elle implique un corpus et une méthode. Le corpus, c’est l’ensemble des textes écrits par des artistes reconnus parlant de leur travail et des œuvres qu’ils créent ou admirent. On y voit passer toute l’énorme diversité des styles, des goûts, des genres, des fonctions et des matériaux.
La méthode, c’est la recherche des invariants anthropologiques immergés dans le corpus. Pour ce qui est de la littérature (car c’est par là que j’ai commencé), quatre invariants ont été repérés. Le premier contient et domine les trois autres qui détaillent les moyens nécessaires pour arriver au but. Il n’est pas, il ne peut être dans la prodigieuse diversité des styles, des goûts, des genres, des fonctions et des niveaux de langues puisque ces diversités sont très souvent contradictoires. Il est dans l’effet.
Précisons que tous les arts poétiques disent clairement, suggèrent ou du moins ne nient pas que l’œuvre réussie crée dans la psyché du lecteur ou de l’auditeur un « effet de vie ». Il agit sur le pouvoir de fiction de l’être humain, en collaboration avec sa liberté ; il crée un système d’échos dans les facultés ou dans les facettes de l’esprit qui suscite une impression de plénitude caractéristique, plénitude harmonieuse ou bouleversante, heureuse ou déstabilisante.
Les trois autres invariants exigent de l’œuvre d’abord la cohérence. C’est la vieille règle de l’unité ; il n’y a ici rien de nouveau. Ensuite le jeu formel avec les mots. Et enfin que ces mots soient considérés comme des objets concrets.
Or ces invariants permettent de repenser toutes les techniques littéraires notamment les figures, les genres, les styles, les symboles et les rapports de la poésie, de la prose et du théâtre. Ils permettent aussi de donner à chaque civilisation son identité propre sans aucune récupération.
L’ensemble de ces recherches est exposé dans deux livres
– Le Pluriel du beau, Genèse du relativisme esthétique en littérature. Centre de recherche Littérature et spiritualité , Université de Metz, 1991, 354 p.
– L’effet de vie ou le singulier de l’art littéraire, Champion, 2004, 400p.
Voir le site Effet de vie