En 1951, au festival du cinéma à Cannes, Guy Debord, alors âgé de dix-neuf ans, rencontre le groupe lettriste d’Isidore Isou qui, sous les huées, projette un film intitulé "Traité de Bave et d’Eternité" ; un film composé de collages d’images récupérées, parfois détériorées, avec en bande sonore des poésies onomatopéiques et des monologues. L’oeuvre se situe dans une filiation du dadaïsme et du futurisme italien ; en particulier, dans celle de Kurt Schwitters et de son "Ursonate". Isou et les lettristes (Maurice Lemaître, Gil J. Wolman), reprenant la charge iconoclaste des dadaïstes et des premiers surréalistes, veulent porter à son terme l’autodestruction des formes artistiques. L’art traditionnel est déclaré mort ; l’une des alternatives proposées est le détournement (par des collages réutilisant des éléments déjà existants pour de nouvelles créations). Les lettristes aspirent à dépasser la division entre artiste et spectateur, entre vie et art ; le monde est à démonter et à reconstruire sous le signe de la créativité généralisée. Ils organisent également de petits scandales (ainsi en 1950, à Pâques, dans la cathédrale de Notre-Dame, un jeune homme déguisé en dominicain monte en chaire et annonce aux fidèles la "mort de Dieu"), et se spécialisent dans le sabotage du festival de Cannes.