Les arguments nationalistes moraux et sexistes du poète catholique Paul Claudel, dans une interview pour le journal italien Il secolo [1] repris dans le quotidien français Comœdia du 17 juin 1925, où il attaque frontalement les « mouvements actuels » de son temps, pavoise en exergue du tract surréaliste par ceux-là même qui étant explicitement interpellés voire insultés aux sources de leur mouvement feront grand bruit de cette réponse. En tout événement de la culture ils provoquent le monde politique et économique de la bourgeoisie et du capital, sont antimilitaristes, internationalistes, adeptes de l’inconscient, de l’hypnose et du rêve éveillé, et c’est aussi l’objet de leur jeune revue, La révolution surréaliste, que d’exprimer des éclats politiques (dont une déclaration commune avec le groupe pacifiste révolutionnaire Clarté animé par l’écrivain communiste Henri Barbusse, « La révolution d’abord et toujours ! » publiée dans le numéro 5) [2], mis en abîme par le chaos critique ou onirique de leurs formes plastiques et poétiques.
Le tract surréaliste est daté du 1er juillet et multi-signé, provocation toutefois moins violente dans ses termes que le passage à l’acte collectif auquel il donnera lieu le lendemain, quand imprimé en noir sur du papier rouge sang ayant été glissé sous les assiettes d’un dîner littéraire à La Closerie des lilas, il donnera lieu à des invectives contre les convives qui ne resteront pas sans réagir. Ce fait divers de la culture parisienne en dit long et à la fois trop peu sur les oppositions en présence dans l’entre-deux guerres, où se dresseront bientôt les tréteaux néo-classiques en grandeur internationale du nazisme, pour les jeux olympiques de Munich, en août 1936, tandis que le Front Populaire tout juste au pouvoir de la France y délèguera deux cent un athlètes. La vogue de l’hygiénisme et l’amitié officielle franco-allemande et bien d’autres échanges n’y survivront pas.
Dans Le Petit Parisien du 3 juillet 1925 [3], entre le plus gros titre en Une sur la dette française au Trésor américain qui évoque l’arrivée de la grande crise, et les avanies de l’armée française contre la résistance pour l’indépendance du Rif au Maroc, on lit donc sous le titre « Bagarre au cours d’un banquet littéraire » le récit de l’exploit qui nous intéresse : « Une bagarre assez violente s’est produite hier soir, à la Closerie des Lilas, 171, boulevard Montparnasse, au cours d’un banquet offert à M. Saint-Pol-Roux. Aux côtés de celui-ci, on remarquait notamment Mme Rachilde, MM. Rosny aîné, d’Esparbès, Pioch, Lugyé-Poë, etc. Le repas venait de commencer lorsqu’une quinzaine d’adeptes de l’école socialiste, ayant à leur tête M. Leiris, pénétrèrent dans la salle et prirent place à l’une des tables. Peu après, ils commencèrent à conspuer Mme Rachilde, en criant également « Vive l’Allemagne ! » Cette manifestation intempestive avait pour but de protester contre la réponse bien française faite par Mme Rachilde à l’enquête d’un de nos confrères : Peut-on épouser une Allemande ? Sur l’intervention de M. Saint Pol-Roux, le calme se rétablit, mais le chahut reprit au bout de quelques instants. Il ne tarda pas à dégénérer en bagarre pour le plus grand dam de la vaisselle du restaurateur. M. Leiris fut assez sérieusement contusionné. Le bruit de la bataille avait provoqué devant la Closerie des Lilas un attroupement assez considérable. La police intervint et fit expulser les perturbateurs. Quatre d"entre eux furent arrêtés et conduits au commissariat de Notre Dame des Champs. Ils ont été, d’ailleurs, remis en liberté mais seront entendus aujourd’hui par M. Mollard, commissaire de police. »
La réponse négative de Rachilde [4] à la question des épousailles franco-allemandes avait été publiée dans le quotidien Paris Soir, et voici que confrontée au défi des intrus elle se livrait à la récidive. On dit qu’alors André Breton l’accusant froidement d’avoir insulté leur ami allemand Max Ernst (qui était présent), lança sa serviette de table à la figure de la dame. Le Petit Parisien ne dit pas — mais les Surréalistes rapportèrent, — que Michel Leiris risqua glorieusement « A bas la France ! », qu’il cria de plus belle à la fenêtre, (tandis que les gens d’en bas le défiaient de venir le dire dans la rue), et citant le leader de la résistance rifaine contre les 500 000 soldats alliés des troupes du Maréchal Pétain et du Général Primo de Ribera, hurla « Vive Abdelkrim ! » [5] — mots d’ordre qui lui valurent ses plus grandes « contusions ». Au point qu’au premier étage ayant été contusionné, puis failli être lynché à la sortie, puis de nouveau roué de coups au poste de police, il dut être hospitalisé.
Aragon (qui lui-même ne se départit pas d’une déclamation héroïque à la fenêtre de la Closerie ce soir là, et ultérieurement évoqué dans cette situation glorieuse par Elsa Triolet qui alors en serait tombée amoureuse), écrivit dans une lettre à Jacques Baron, leur ami commun qui faisait son service militaire en Algérie, qu’ils faillirent se faire tuer vraiment.
C’était plus que la bataille d’Hernani, ici le journal ne voyait pas en eux un groupe d’artistes et de poètes en conflit de modernes et d’anciens, mais leurs idées internationalistes et anticolonialistes et donc simplement des « socialistes ». Depuis la division des Socialistes au Congrès de Tour en 1920 le parti communiste était né sous le nom de « Section française de l’Internationale communiste », intégrant la plupart des 21 points de la bolchévisation de la troisième Internationale — ou Komintern. Cependant, les deux engagements avant-gardistes révolutionnaires culturel et politique des Surréalistes étaient organiquement liés, et leur position activiste internationale, pacifiste et anti-colonialiste, était clairement exprimée aux côtés du parti des ouvriers à travers l’influence de Henri Barbusse dont l’appel pour un armistice immédiat de la guerre marocaine fut publié dans les colonnes de L’Humanité [6] le matin même du jour où le groupe alla faire son exploit à la Closerie des Lilas [7]. L’armée française venait de s’engager en renfort des armées espagnoles contre les indépendantistes de la « République confédérée des tribus du Rif », une guerre où pour la première fois depuis la première guerre mondiale de nouveau le gaz ypérite était utilisé dans des obus contre plusieurs villages — on sait que ce fut l’acte des Espagnols, mais des doutes subsistèrent concernant également les Français (suite à un télégramme de Lyautey).
1939 : en avant pour la fin des mondes. Au début de l’année, Frida Kahlo invitée par André Breton et son épouse Jacqueline Lamba, qu’en compagnie de Diego Rivera elle avait reçus à Mexico lors de leur voyage officiel l’année précédente, débarque dans la ville lumière pour exposer ses œuvres, après que son exposition à New York ait remporté du succès. A Paris, les retrouvailles avec les Breton ne semblent pas si heureuses qu’attendues. D’abord, Frida Kahlo paraît découvrir que la matière de son exposition est en réalité sa participation à une exposition plus largement mexicaine, qu’elle est appelée à cofinancer pour combler les défaillances de Breton, où seulement deux de ses propres œuvres seront finalement retenues (les autres étant considérées comme choquantes) [8]... Entre autres malaises éprouvés parmi le mode de vie des avant-gardes parisiennes, elle se retrouve hospitalisée à l’hôpital américain atteinte d’une colibacillose. Dans une lettre à son amant, le photographe Nickolas Murray, elle éclaire de ses foudres ce que le groupe est advenu du pan-européanisme environnant au grand dam de l’Internationalisme au terme du Front populaire, et dans un langage peu châtié elle s’en prend particulièrement à Breton. Elle semble ignorer que certains des Surréalistes travaillent, notamment Robert Desnos, que probablement pour cette raison elle ne croise pas.
C’est le mois de février, elle ressent que la guerre est proche et que ses camarades français communistes confiants dans les accords de Munich (signés en septembre 1938, peu après la fin du Front populaire) sont à des années lumières d’en avoir conscience. Dès février, déçue par l’accueil qui lui a été fait et saisie par l’inconfort du climat politique et social, elle prévoit de ne pas différer son retour. Elle a déjà retenu sa place à bord du paquebot « Ile de France » en partance du Havre le 8 mars pour New York, d’où elle est arrivée, alors que la déclaration de guerre proclamée le 3 septembre causera l’internement de Max Ernst, en tant qu’ « ennemi allemand », au camp des Milles (près d’Aix-en-Provence), et entraînera la suspension de la ligne transatlantique du grand car ferry, qui restera amarré au pier 88 de sa compagnie la Transat CGT dans le port de New York (puis il sera déplacé à Singapour, où en 1940, grâce à la hiérarchie diligente de sa marine marchande, il sera réquisitionné par l’armée française en exil, puis mis à la disposition des forces alliées pour les transports de troupes).
Presque un siècle plus tard, au temps de la post-démocratie européenne advenant en supra-nation sans mandat populaire, quand le chaos des élections présidentielles françaises déroule leur protocole en désordre dans un trouble médiatique jamais vu depuis le début de la Cinquième République soudain révélée défroquée, découvrir les contradictions de la culture moderne intercontinentale historique, avant la seconde guerre mondiale, rend pour le moins songeur. Ce n’est plus le mouvement ouvrier et les avant-gardes mais le néo-libéralisme qui a finalement globalisé le monde et les guerres coloniales sont advenues en guerres impériales disséminées sous l’étendard de l’ingérence et de la sécurité.
On ne voit pas une troisième guerre mondiale à la porte sinon une guerre froide renforcée en Europe où aucun pays ne se trouve désormais hors de l’OTAN avec la perspective d’une armée européenne d’appelés son service (contre la Russie et ailleurs), avec de nombreuses guerres atroces dans le jardin étendu des ressources du monde, où les gens meurent ou d’où ils migrent ; on sait en outre que le concept scientifique de l’anthropocène informe dans sa phase actuelle l’usage irréversible de la planète et les révolutions nécessaires pour poursuivre d’y vivre. L’oligarchie trépigne d’impatience d’en finir une fois pour toutes avec l’autonomie économique et politique des anciennes nations qui se revendiquent en régions fédérées auto-organisées (par là souverainistes non nationalistes), alors que la globalisation de tous les désespoirs substituée à l’Internationale de tous les espoirs a accéléré la destruction de la planète vivante. Un changement radical du modèle démocratique advenant en dystopie post-démocratique ordo-libérale est-il le dispositif respectueux des ressources et des droits attendus ? Une fois encore nous sommes à l’heure du choix — le dos au mur.
A Paris, le 8 mars 2017, Louise Desrenards
Lettre ouverte à M. Paul Claudel
Ambassadeur de FRANCE au JAPON
« Quant aux mouvements actuels, pas un seul ne peut conduire à une véritable rénovation ou création. Ni le dadaïsme, ni le surréalisme qui ont un seul sens : pédérastique.
Plus d’un s’étonne non que je sois bon catholique, mais écrivain, diplomate, ambassadeur de France et poète. Mais moi, je ne trouve en tout cela rien d’étrange. Pendant la guerre, je suis allé en Amérique du Sud pour acheter du blé, de la viande en conserve, du lard pour les armées, et j’ai fait gagner à mon pays deux cents millions. »
« Il Secolo », interview de Paul Claudel reproduite par « Comœdia », le 17 juin 1925.
Monsieur,
Notre activité n’a de pédérastique que la confusion qu’elle introduit dans l’esprit de ceux qui n’y participent pas.
Peu nous importe la création. Nous souhaitons de toutes nos forces que les révolutions, les guerres et les insurrections coloniales viennent anéantir cette civilisation occidentale dont vous défendez jusqu’en Orient la vermine et nous appelons cette destruction comme l’état de choses le moins inacceptable pour l’esprit.
Il ne saurait y avoir pour nous ni équilibre ni grand art. Voici déjà long-temps que l’idée de Beauté s’est rassise. Il ne reste debout qu’une idée morale, à savoir par exemple qu’on ne peut être à la fois ambassadeur de France et poète.
Nous saisissons cette occasion pour nous désolidariser publiquement de tout ce qui est français, en paroles et en actions. Nous déclarons trouver la trahison et tout ce qui, d’une façon ou d’une autre, peut nuire à la sûreté de l’État beaucoup plus conciliable avec la poésie que la vente de « grosses quantités de lard » pour le compte d’une nation de porcs et de chiens.
C’est une singulière méconnaissance des facultés propres et des possibilités de l’esprit qui fait périodiquement rechercher leur salut à des goujats de votre espèce dans une tradition catholique ou gréco-romaine. Le salut pour nous n’est nulle part. Nous tenons Rimbaud pour un homme qui a désespéré de son salut et dont l’œuvre et la vie sont de purs témoignages de perdition.
Catholicisme, classicisme gréco-romain, nous vous abandonnons à vos bondieuseries infâmes. Qu’elles vous profitent de toutes manières ; engraissez encore, crevez sous l’admiration et le respect de vos concitoyens. Écrivez, priez et bavez ; nous réclamons le déshonneur de vous avoir traité une fois pour toutes de cuistre et de canaille.
Paris, le 1er juillet 1925.
Maxime Alexandre, Louis Aragon, Antonin Artaud, J.-A. Boiffard, Joë Bousquet, André Breton, Jean Carrive, René Crevel, Robert Desnos, Paul Eluard, Max Ernst, T. Fraenkel, Francis Gérard, Éric de Haulleville, Michel Leiris, Georges Limbour, Mathias Lübeck, Georges Malkine, André Masson, Max Morise, Marcel Noll, Benjamin Péret, Georges Ribemont-Dessaignes, Philippe Soupault, Dédé Sunbeam, Roland Tual, Jacques Viot, Roger Vitrac.
Frida Kahlo, Lettre de France à Nickolas Muray (16 février 1939)
Paris le 16 février 1939
Mon adorable Nick, mon enfant,
Je t’écris depuis mon lit à l’Hôpital américain, hier, c’était le premier jour où je n’avais pas de fièvre alors ils m’ont dit de manger un peu, et je me sens mieux. Il y a deux semaines, j’étais si malade qu’ils m’ont amenée ici en ambulance, parce que je ne pouvais même pas marcher. Tu sais que je ne sais pourquoi ni comment j’ai attrapé des colibacilles venus de l’intestin jusque dans mes reins, et j’ai éprouvé de telles douleurs et une telle inflammation que j’ai cru que j’allais mourir. Ils font fait plusieurs radios de mes reins qui confirment l’infection par ces damnés colibacilles. Maintenant je me sens mieux et lundi prochain, je serai hors de cet hôpital pourri. Je ne peux pas aller à l’hôtel, parce que j’y serais toute seule, donc l’épouse de Marcel Duchamp m’a invitée à rester avec elle pendant une semaine, pour récupérer un peu. Ton télégramme est arrivé ce matin et j’ai beaucoup pleuré — de bonheur, — et parce que tu me manques de tout mon cœur et mon sang. Ta lettre, mon chéri, est arrivée hier, elle est si belle, si tendre, que je n’ai pas de mots pour te dire la joie qu’elle m’a donnée. Je t’adore mon amour, crois-moi, comme si jamais je n’avais aimé personne — Il n’y aura que Diego dans mon cœur aussi près que toi — toujours. Je n’ai pas dit à Diego un mot de tout le mal que je sois malade — parce qu’il s’inquiéterait trop — et parce que je pense que dans quelques jours je me sentirai bien de nouveau, donc ce n’est pas la peine de l’alarmer. Tu ne crois pas ?
En plus de cette maudite maladie, je n’ai vraiment pas eu de chance depuis que je suis ici. D’abord, l’exposition est un sacré bazar. Quand je suis arrivée, les tableaux étaient encore à la douane, parce que ce fils de pute de Breton n’avait pas pris la peine de les en sortir. Il n’a jamais reçu les photos que tu lui as envoyées il y a des lustres, ou du moins c’est ce qu’il prétend ; la galerie à lui. Bref, j’ai dû attendre des jours et des jours comme une idiote, jusqu’à ce que je fasse la connaissance de Marcel Duchamp (un peintre merveilleux), le seul qui ait les pieds sur terre parmi ce tas de fils de pute lunatiques et tarés que sont les surréalistes. Lui, il a tout de suite récupéré mes tableaux et essayé de trouver une galerie. Finalement, une galerie qui s’appelle « Pierre Colle » a accepté cette maudite exposition. Et voilà que maintenant Breton veut exposer, à côté de mes tableaux, quatorze portraits du XIXe siècle (mexicains), ainsi que trente-deux photos d’Alvarez Bravo et plein d’objets populaires qu’il a achetés sur les marchés du Mexique, un bric-à-brac de vieilleries, qu’est-ce que tu dis de ça ? La galerie est censée être prête pour le 15 mars. Sauf qu’il faut restaurer les quatorze huiles du XIXe et cette maudite restauration va prendre tout un mois. J’ai dû prêter à Breton 200 biffetons (dollars) pour la restauration, parce qu’il n’a pas un sou. (J’ai envoyé un télégramme à Diego pour lui décrire la situation et je lui ai annoncé que j’avais prêté cette somme à Breton. Ça l’a mis en rage, mais ce qui est fait est fait et je ne peux pas revenir en arrière.) J’ai encore de quoi rester ici jusqu’à début mars, donc je ne m’inquiète pas trop.
Bon il y a quelques jours, une fois que tout était plus ou moins réglé, comme je te l’ai expliqué, j’ai appris par Breton que l’associé de Pierre Colle, un vieux bâtard et fils de pute, avait vu mes tableaux et considéré qu’il ne pourrait en exposer que deux parce que les autres étaient trop « choquants » pour le public !! J’aurais voulu tuer ce gars et le bouffer ensuite, mais je suis tellement malade et fatiguée de toute cette affaire que j’ai décidé de tout envoyer au diable et de me tirer de ce foutu Paris avant de perdre la boule. Tu n’as pas idée du genre de salauds que sont ces gens. Ils me donnent envie de vomir. Je ne peux plus supporter ces maudits « intellectuels » de mes deux. C’est vraiment au-dessus de mes forces. Je préférerais m’asseoir par terre pour vendre des tortillas au marché de Toluca plutôt que de devoir m’associer à ces putains d’« artistes » parisiens. Ils passent des heures à réchauffer leurs précieuses fesses aux tables des « cafés », parlent sans discontinuer de la « culture », de l’ « art », de la « révolution » et ainsi de suite, en se prenant pour les dieux du monde, en rêvant de choses plus absurdes les unes que les autres et en infectant l’atmosphère avec des théories et encore des théories qui ne deviennent jamais réalité.
Le lendemain matin, ils n’ont rien à manger à la maison vu que pas un seul d’entre eux ne travaille. Ils vivent comme des parasites, aux crochets d’un tas de vieilles peaux pleines aux as qui admirent le « génie » de ces « artistes ». De la merde, rien que de la merde, voilà ce qu’ils sont. Je ne vous ai jamais vu, ni Diego ni toi, gaspiller votre temps en commérages idiots et en discussions « intellectuelles » ; voilà pourquoi vous êtes des hommes, des vrais, et pas des « artistes » à la noix. Bordel ! Ça valait le coup de venir, rien que pour voir pourquoi l’Europe est en train de pourrir sur pied et pourquoi ces gens — ces bons à rien sont la cause de tous les Hitler et les Mussolini. Je te parie que je vais haïr cet endroit et ses habitants pendant le restant de mes jours. Il y a quelque chose de tellement faux et irréel chez eux que ça me rend dingue.
Tout ce que j’espère, c’est guérir au plus vite et ficher le camp.
Mon billet est encore valable longtemps, mais j’ai quand même réservé une place sur l’Île-de-France pour le 8 mars. J’espère pouvoir embarquer sur ce bateau. Quoi qu’il arrive, je ne resterai pas au-delà du 15 mars. Au diable l’exposition et ce pays à la noix. Je veux être avec toi. Tout me manque, chacun des mouvements de ton être, ta voix, tes yeux, ta jolie bouche, ton rire si clair et sincère, TOI. Je t’aime mon Nick. Je suis si heureuse de penser que je t’aime — de penser que tu m’attends — et que tu m’aimes.
Mon chéri, embrasse Mam de ma part. Jamais je ne l’oublie. Embrasse aussi Aria et Lea. Et pour toi, mon cœur plein de tendresse et de caresses, un baiser tout spécialement dans ton cou, et donne mon amour à Mary Skear si tu la vois et à Ruzzy.
Xochitl.
Traduction Des Lettres Excepté le premier paragraphe traduit par L. D. d’après l’original en anglais @ en.wikisource
P.-S.
En logo, Au rendez-vous des amis, 1923-1924, Max Ernst, (Cologne, Musée Ludwig). Source APA REN CES.
— Tract surréaliste contre l’exposition coloniale de 1931 : « Ne visitez pas l’exposition coloniale ! » Transcription et source accessibles dans le site Œuvres ouvertes.
Notes
[1] Il Secolo XIX journal de Gènes fondé en 1886 et diffusé dans toute l’Italie.
[2] Ce manifeste rédigé en août 1925 par les Surréalistes et les membres du groupe Clarté dans les circonstances de la guerre du Rif, parut dans l’opus 5 de La révolution surréaliste (document pdf @ inventin.lautre.net) ; il est présenté sous le format d’un tract dans le site officiel d’André Breton, et une transcription du texte se trouve dans le site fr.wikisource.
[4] Née en 1860 Rachilde est une femme de Lettres éminente et prolifique au carrefour des deux siècles de la modernité ; on pourrait dire qu’elle écrit jusqu’à sa mort, en 1953. Épouse d’Alfred Vallette, fondateur de la revue Le Mercure de France, elle tient un salon littéraire au siège de la revue rue de l’échaudé dans le sixième arrondissement de Paris (puis dans les nouveaux locaux du Mercure de France, rue de Condé), elle entretient une amitié empathique et avant-gardiste avec Alfred Jarry pour lequel elle jouera un rôle et dont elle éditera Ubu Roi, et auquel elle consacrera l’essai Alfred Jarry, le surmâle de Lettres. Dès sa jeunesse son travail rencontre le succès avec son livre non conformiste et provoquant sexuellement et socialement Monsieur Vénus (1883).
[5] Abdelkrim al-Khattabi est une personnalité qui anticipe les luttes d’indépendance des pays du Maghreb en tant que fondateur et réformateur instituant de l’unité autonome des tribus rifaines et combattant contre la guerre alliée de l’occupation coloniale au Maroc de 1921 à 1926, année de sa reddition suite au génocide ethnique des populations civiles massivement gazées par les armées espagnoles — et françaises ? — (150 000 morts civils en un an), anticipant les massacres qui vont suivre. Avec sa famille il part en exil à La Réunion en tant que prisonnier de guerre sous le contrôle des autorités françaises. En 1947, lors d’une escale durant son transfert à Marseille, il réussit à se réfugier avec sa famille au Caire, en Égypte, où jusqu’à la fin de sa vie, le 6 février 1963, il restera actif pour la libération du Maghreb. Le Président Nasser l’honorera de funérailles nationales et fera installer sa dépouille dans le carré réservé aux héros du monde arabe, où il repose encore. Un article assez bien informé lui est consacré dans fr.wikipedia.
[7] C’est dire si avant même la parution du manifeste « La révolution d’abord et toujours ! » dans le No 5 de La révolution surréaliste, ce groupe était à sa source politiquement inspiré par les partisans de la IIIe internationale et la révolution soviétique (ce qui n’était pas le cas du mouvement Dada).
[8] Exposition « Mexique » à la galerie Renou & Colle de Paris, présentée par André Breton, avec des oeuvres de Frida Kahlo, Manuel Álvarez Bravo et Diego Rivera, ainsi que des objets populaires.
Oh, Divinités de l’ironie, nous avez-vous éternellement condamné à reproduire les mêmes erreurs depuis que le monde est moderne ? Depuis que la modernité est salement compromise tout devrait être possible, et pourtant rien ne se passe...