…6VIGNETTESPOURSAXOPHONISTES…
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★1
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Charles Parker
Implorer la brisure
couler sans bord
célébrer notre disparition
grogner dans les recoins obscurs du tube
l’errance salivaire
oublier les mains qui feront
franchir tous les guets
craquer la turbulence
se retrouver là
accoster dans les filets scintillants
ne plus penser à l’absence
ritualiser l’écart
défaire les larmes
marcher quand même
frapper l’œil de métal
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★2
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John Coltrane
Lèvres fendues
en creux
de mousse
Chant du 7ème parallèle
Jardin tendu d’ordonnance filaire
où glissent de constants passages
réparant la langue
de moi à moi.
Racines d’air
irriguent le plexus,
le traverse
La formule qui se prononce
Mains multiples
pour chaque solitude
Réparer ?
Crèvent les larmes des chemins perdus
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★3
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Art Pepper
Une brèche/souffle
Près de toi.
Seul.
Être
un autre
Soulever le dire.
Arracher encore, passé, futur.
Décombres.
Tenu au fil de la tendresse implorée
absente
une autre dont tu es l’étranger.
Ces nouveaux matins
en fuite
torrents des larmes perlées
condensées au cuivre complice.
Joie grave de l’envol
Cogner aux accents de la géométrie
ce qui est un autre,
ne sera,
dans le balancement
Est
Tout perdu.
Recueilli comme une fumerolle qui s’absente si vite vers l’horizon.
Dissout la distance d’avec ta prière.
Mépris de la science qui se brûle sur le promontoire du saut
qui crée l’éternité du brin d’herbe.
Que tout commence
dans les rayons lavés du couchant.
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★4
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Lee Konitz
Vitesse tenant par la main
l’immobile.
l’aura fumante des au-delà.
Sons-fourmis
traversants
occupés
retournants (et pourquoi ?)
aux lieux uniques du figuré.
N’amenuise jamais la surprise,
loin pourtant,
parfois très,
d’une lumière d’eaux fragiles
dévorées par le vent.
Carrousel d’intimes mosaïques
collées
près de soi.
Soupirs de l’ennui,
fil d’un rêve de ouate.
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★5
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Eric Dolphy
L’œil
trop lent pour dessiner la courbe.
Tisserand de perles
étroites.
Mémoires reptiles
éveillées de constants soubresauts.
Au bord de la falaise, un seul chemin
pour se tenir vivant.
L’aile
celle du papillon qui se heurte à l’air,
le déplie.
Ainsi gravé le bestiaire s’effrite
et rejoint l’ombre du dormeur lové dans un sourire.
Les trois cloches… et…
silence.
&
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★6
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Daunik Lazro
Être là
pour recueillir l’effondrement.
Dispersion.
Les pépites libérées du jus de naguère.
Racler,
polir
recoudre en d’immenses miniatures.
Tout près,
la langue familière des oiseaux
que l’on ne parle pas.
Affranchie de l’arrogance du savoir.
Remonter jusqu’au pacte
scellé
dans l’isolement.
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Michel Doneda / 2022 —