En 2009
(pour mémoire)
Du cycle subtil-violent des peintures acryliques sur toiles d’Olivia Clavel à la galerie Les Singuliers, l’an 2009 (du 15 mai au 15 septembre), à Paris.
Olivia Clavel, autoportrait (en 2000 ?)
Courtesy Olivia Clavel © eyecatcher [ At ] pandora.be
Une étrange tendresse. Superbe ensemble de peintures acryliques sur toiles d’Olivia Clavel, initiatique sans filtre protecteur. Allégorie de signes musicalement suivis (motifs et couleurs mélodiques et rythmés) à la fois fabuleuse et hantée, à la fois écriture et vision intégrée. Et art du frontispice. Dont l’épitaphe pour Bashung, sur la métamorphose biologique, au passage des états ultimes. Dédicace aussi aux Princes et Princesses Chats d’Olivia, protecteurs du voyant. C’est en même temps humble et discret en dépit de la violence de la dénaturation des formes et de la couleur surexpressionnistes (dans ce cas où l’expressionnisme délivre de surcroît un langage génératif de messages iconographiques d’une toile à l’autre). On y retrouve des personnages et des êtres qui évoquent la vie saisonnière, par leurs comportements dans un environnement agité qui sourit ou qui pleure, qui éclaire ou qui s’assombrit.
Souvent face aux peintures de femmes qui touchent l’allégorie ou situées dans la modernité surréaliste, sans qu’elles rompent totalement avec la technique de représentation naturaliste, on éprouve la dimension du temps sous l’aspect d’une chronique figurative en rupture de perspective, qui compose le libre récit et le sens de la juxtaposition arbitraire des sujets en apesanteur, ou en gravitation, depuis leur position et leurs rapports de proportions. Comme on voit dans les rêves et les visions éveillé. Je pense à l’art figuratif de Frida Kahlo, dont les sujets réalistes déplacés de leurs échelles relatives ritualisent son autobiographie, en allégorie de la douleur et de l’impact de l’accident du tramway sur son corps : desquels elle trouve la sublimation picturale , et sa dignité dans l’expression de sa beauté et de sa puissance créative. Elle pourrait paraître paradoxalement la plus proche de la peinture post-figurative d’Olivia, contre réaliste, à son opposé. Du moins, si on les voit depuis les naïfs qui peignent leur entourage ou transposent leurs perceptions et leurs vies, leur sensations et leurs rêves, ou depuis la peinture populaire narrative, par la souffrance personnelle ou les exploits vitaux, ou la joie, qui s’expriment sous l’exotisme du folklore. Où s’installe une certaine cruauté quand ce registre de sensibilité et de langage confère la rigueur de son réalisme à la modernité critique de son temps. Parce qu’il y a un appel à témoin, un regard du peintre vers le lecteur de la peinture, qui le convoque à savoir la violence qui s’exprime dans le silence de la visualisation. Chez Olivia le folklore serait la peinture requise en elle-même, fable de l’art expressionniste dénué de dogmatisme et d’académisme plus que tout autre avant-gardisme auxquels les nazis attribuèrent l’art dégénéré, dans un métissage du cadre photographique appliqué à la critique picturale des formats de la vie contemporaine, et à la critique de l’autobiographie représentative elle-même, immergée dans l’univers critiqué.
En réalité, la peinture d’Olivia n’est ni folklorique ni narcissique car elle est généreusement transgenre dans la pesanteur du monde où nous vivons et ne désempare pas de la question des media. Elle installe une altérité en regardant toujours et d’abord ce qui l’environne, qui la contient et qu’elle contient plus largement qu’elle-même hors de la toile, avec une topologie de l’espace plastique éduqué où nous retrouvons les repères sociologiques du cadre de vie. Peinture métisse n’étant qu’un reflet de l’univers auquel elle renvoie cruellement dans notre propre profondeur, avec la politesse de commencer par elle-même. Contexte co-acteur plutôt que décor, et poursuivant d’agir contre la preuve de l’apparence (il n’y a pas de vérité, il n’y a que la réalité de l’existence des êtres et des objets telle qu’ils manifestent leur existence dont la peinture). Par là elle contre-donne en même temps l’attention qu’on lui prête, sa peinture nous fait sienne et nous la faisons nôtre sans chercher à nous ressembler ni à nous plaire, c’est de l’ordre du phénoménal. Je est un autre, ici n’est pas la division mais le non individué indivisble, le grand autre.
À l’autre pôle de la chronique du temps qui plane parmi les oiseaux posés dans les toiles de femmes, il y a Marie Laurencin pour l’onirisme, mais bien loin d’Olivia chez laquelle on est confronté à un brutalisme de la peinture murale sauvage, qu’elle intègre spontanément, comme si chaque toile d’Olivia était un mur miniature (entre fresque et graphe). Penser à Berthe Morisot ou à Sonia Delaunay (parmi les anciennes que chacun pourrait apprécier) ne paraît pas s’imposer, à propos de la différence des femmes peintres dont le travail paroxystique pourrait dialoguer avec celui d’Olivia (on peut toujours se tromper).
Il n’y a pas de féminisme identitaire attaché à l’inspiration plastique revendiquée dans la peinture d’Olivia, c’est une femme qui travaille indifféremment avec les ressources du patrimoine artistique le plus large, quels que soient ses thèmes féminins sans équivoque. Tout s’étend au commun par le sentiment que la vie soit indicible au point limite où il n’y a pas de barrière entre le rêve l’hallucination et la mort, sinon d’en revenir symboliquement pour en témoigner. Graffitis intimes hallucinés autant ironiques ou tendres que tragiques ou drôles, qui construisent leurs récits dans le cadre de chaque toile et hors cadre d’une toile à l’autre, loin de toute anecdote sociale, même si le mode de vie urbain et ses cycles rustiques corrélatifs s’y retrouvent, en toute puissance onirique.
L’ensemble de l’exposition ne présente pas de tendance media visant des personnalités People ; par cette absence thématique elle rompt avec l’univers de la communication qui persistait en quelques toiles de l’exposition précédente, à la galerie Verneuil en 2008, et c’est probablement ce qui caractérise la nouvelle narration qu’elle présente cette année. Dire entre peinture vaudou et Kokoschka serait autant parler de la précédente, ou même des icônes mystiques. Il faut donc préciser quelque chose plus distancié dans la composition et le graphisme, "informellement’ proche des pictogrammes chez Paul Klee (mais sans ressemblance perceptible sinon le principe pictographique) que plus "naturellement" à cause des couleurs on pourrait aussi attribuer à Miro, comme précédents de la revendication artistique des graffitis urbains contemporains. Cet aspect notamment dans les toiles accrochées au sous-sol est aussi intéressant, pour dire mais pas montrer ni ressentir l’émotion qui trace depuis — plus tard le lendemain — car avant il faut y aller.
Ce sera et ce fut, pour qui y sera allé ou en fut informé, jusqu’au 15 septembre à la galerie Les Singuliers, 138 boulevard Haussmann, à Paris.
Le carton de l’exposition
Après, je suis allée rejoindre Olivia et un couple de ses amis calmes et confiants, parmi lesquels un amateur de longue date probablement, personnalités solidaires de la Fraternité des précaires, le nouveau media-mouvement numérique de Kiki et Loulou Picasso (après la reprise du "Regard Moderne" en journal d’actualité activiste sur le net, de 2004 à 2007). L’homme arborait le tee-shirt à l’enseigne de leur dernier beau livre Engin explosif improvisé, et avec lequel nous avons d’abord parlé de la Palestine et d’Israël. La jeune femme était attentive et vibrante. C’était dans la cour de la galerie et nous étions assis au frais devant les portes en bois des garages — frais relatif car il faisait chaud même à l’ombre, et donc bavardage désaltéré au vin de Loire avec des chips mexicaines. Goûter hétérogène qui ne décrochait pas de l’expo, vu ses interférences sans formalisme de la lumière chimique des basiques fluo apparentées aux BD Pop et Punk, et un peu moins — tout de même — aux graphes muraux, avec les couleurs sud-amérindiennes (entre autres).
Tous ensemble nous avons parlé beaucoup du contexte actuel et je crois qu’Olivia et moi nous étions heureuses de tomber d’accord ou à peu près sur tout. Elle pense comme moi que le président est plus dangereux qu’on ne le lui prête finalement, parce qu’il est familier et clinquant. Ma voiture était garée sur le bateau de la porte cochère restée ouverte, chaque fois que la voiture gênait je pouvais la déplacer pour laisser le passage et la remettre en place sur le bateau. C’était paisible. Olivia a fait une photo de du pare-brise derrière lequel on voyait la pancarte de livraison que j’y avais déposée, pour justifier le stationnement cavalier. Ensuite j’ai reconduit Olivia chez elle, place Saint Sulpice. Là nous avons évoqué nos passés respectifs de germanopratines (la génération de ma voyageuse suivant la mienne).
J’ai passé un délicieux moment avec le plaisir de retrouver une amie seulement après avoir découvert ses nouvelles peintures. Nous avons aussi parlé de nos animaux domestiques, comme chacune d’entre nous en compte un nombre au-dessus de la norme... Le patron de la galerie n’est pas un animal mais pour autant une très aimable personne, chaleureuse et accueillante. Il sait faire le baise-main (c’est-à-dire sans embrasser la main et regardant la personne qu’il salue ainsi en inclinant la tête). C’était peut-être par hasard, mais justement d’autant plus singulier après les galégeades. Un "singulier" au revoir amical avec de la dérision et de l’allure — comme sa galerie et son adresse.
Je n’ai pas de reproduction de pièces du nouveau cycle exposé, alors pour faire un faux scoop plutôt que recopier celles qu’Olivia propose dans son facebook (je conseille d’y souscrire pour avoir accès à sa page et à ses documents), je joins un scan extrait du catalogue de son exposition précédente : "La forêt la nuit". C’est à mon avis le plus proche du cycle actuel, du moins dans ma perception de l’exposition. Mais de plus, cela fait penser au livre de Djuna Barnes, "Le bois de la nuit", qu’on dit un livre pour écrivains. La lumière noire du roman unique de Djuna Barnes révèle en quelques différentes sortes l’irradiation du corps noir de la peinture d’Olivia Clavel.
La forêt la nuit (courtesy © 2008 Olivia Clavel)
Djuna Barnes était d’abord une journaliste, critique à l’intérieur des avant-gardismes de son époque, reporter et nouvelliste, en même temps qu’elle construisait son roman à clé dans un temps où Joyce avait déjà fait exploser la forme romanesque. Les peintures d’Olivia sont peut-être des toiles pour peintres, une peinture à clé dans un temps où tout paraît dit par la peinture.
Insurrection graphique en postmodernité
Olivia est d’abord connue pour la transparence d’une graphiste de choc, à la fois palette douce-froide de l’illustration figurative postmoderne, fondue dans le collage et le plagiat collectif (hérités de Burroughs et des outils du situationnisme), et métaphoriste en plume acérée de caricaturiste, dans le groupe dont elle faisait partie. Olivia (alias Electric clito) fut la co-fondatrice avec Loulou et Kiki Picasso de ce groupe intitulé Bazooka qui intégra la théorie et la pratique, sous-titré "Résistance graphique", ironie du mouvement de la Nouvelle Résistance à peine dissout (à l’issue de la disparition de la Gauche prolétarienne), ou encore "Mouvement d’insurrection graphique", avec quelques autres qui les rejoignirent plus tard, et qui se donnèrent de mettre en abîme la vacuité tragique du monde post-politique, par l’installation de l’image d’information en media insoumis, en temps réel d’actes de Presse entristes. Critique de l’indifférence de l’actualité médiatique, d’en faire son autre événement, ce mouvement plastique travaillant en langages de signes et dont la syntaxe put le rendre infini, décalait les repères décoratifs de leurs assignations historiques traditionnelles. Le renouvellement de la forme de la marchandise attachée à l’idéologie du progrès social était à éprouver dans la consommation collective de la mode, et dans le renouvellement de ses apparences pour son fonctionnement perpétuel, et leur production en plagiait le processus avec une part maudite, un plus, un don : le langage de l’émotion de la fin du rêve moderne (ce qui n’était pas la fin de tout, mais la fin des pactes sociaux). Séduction de la jeunesse attachée à un paysage de catastrophe dans l’actualité internationale, accidents collectifs reportés en photos de Presse redessinés sous les traits de la propagande réaliste socialiste ou de l’illustration de mode des années de l’avant ou de l’après guerre (par exemple). Au moment de l’effondrement du capitalisme de la production et du chômage structurel, annoncé par la récession de l’industrie avec l’appauvrissement de la population, à voir l’Angleterre en phase de reconversion financière, l’effondrement du système de la valeur idéologique de l’image s’imposait comme un manifeste. En même temps, la réponse extérieure à la crise, du tout, tout de suite (Do it selon Jerry Rubin), dans un excès de la contre violence par la libération sexuelle, se réalisait dans l’explosion du porno et les accélérateurs du temps réel, des visions, des émotions (hallucinogènes, drogues dures et amphétamines, considérés comme des stimulants opposables au haschisch, drogue de la résignation). En même temps encore, face à l’effondrement du système de la valeur, les luttes de la désillusion post-révolutionnaire trouvaient une réplique dans la radicalisation gauchiste armée et ses activités clandestines contre des cibles exécutives, en réaction prescriptive de la révolution de masse espérée en 1968, qui avait échoué, et de l’univers culturel résiduel de la génération de la Pop Culture convaincue par la récupération, après la guerre du Viet Nam.
Le grand prédécesseur Panic (Cieslewicz, Topor, Jodorowsky, Arrabal, Averty) réalisa la déconstruction conceptuelle et visuelle des avant gardes du XXè siècle et les requérant anachroniquement, inventa la possibilité d’une grammaire de la post-modernité. Bazooka entreprit sa propre syntaxe d’un retour aux sources sélectif, parmi l’illustration et la typographie des magazines que les anciennes académies modernes avaient directement inspirées à la marge des revues manifestes de leurs avant gardes, et les arts de propagande réalistes soviétiques et chinois. Réalisant leur propre déconstruction appliquée à l’imagerie sociale de l’actualité contemporaine, les fondateurs du groupe s’élancèrent dans une production de messages critiques de l’iconographie de l’actualité, comme l’ombre simultanée de son information, scellée par des actes de médiatisation. Dernière avant garde artistique française, peut-être la dernière avant garde graphique internationale de la modernité, mouvement engagé dans le processus contemporain post-révolutionnaire du capitalisme mondial, en pleine métamorphose néo-libérale pour globaliser le monde, le groupe Bazooka se reconnut dans le mouvement No Future, partie prenante de l’éclatement de l’histoire (y compris le matérialisme historique), à entendre comme fin de l’utopie. Ce qui était déjà perceptible dans l’Angleterre post-industrielle ruinée (qui n’allait pas tarder à se délester de ses engagements de solidarité publique sous l’autorité de Madame Thatcher parvenant au pouvoir en 1979), fut le lit d’une révélation radicale du mouvement Punk sous la bannière de l’anarchisme, revendiqué par deux groupes de Rock activistes, l’un manifeste des comportements provocants jusqu’à l’insulte, l’autre de l’activisme social solidaire : les Sex Pistols et The Clash, à partir de 1974. Puis ce fut Siouxsie and the Banshees. Les Sex Pistols étaient stylisés par Vivienne Westwood parfois partageant leur scène (elle adviendra également comme styliste du Queer avant de devenir la styliste admirée Vivienne Westwood sans reniement de son parcours). Les graphistes événementiels du mouvement Punk firent leur événement médiatique sur le sol de la post-modernité même, avec l’impact triangulaire Paris-Londres-New York : ce furent les français de Bazooka, et leurs dessins d’après photo inspirèrent beaucoup les photographes en retour, et même à distance : la revue Esquire.
Le mouvement Punk en France se situa dans la lignée des activismes politiques radicaux de l’après 68, avec un dispositif pratique délibérément déconstructiviste (chez Bazooka, pour mémoire de la réversibilité du Constructivisme qui avait été l’avant garde engagée aux sources de la révolution russe et pour le superposer avec le réalisme soviétique stalinien et le réalisme chinois de la révolution culturelle). La théorie critique de Jacques Derrida (appliquée dans ce cas aux arts et aux sociétés) est implicitement référée dès 1977 par Patrick Eudeline, l’animateur et chanteur du groupe de Rock "Asphalt Jungle", dans son ouvrage L’Aventure punk. Où le revival du Ska 2-tone avec des groupes comme Madness ou The Specials implosant les référents y compris de l’Angleterre coloniale, dans les mêmes années, pourrait aussi bien prendre place. Dans son ouvrage Gonzo paru chez Denoël en 2002, il revient sur ces années d’écriture et d’aphorismes, manifestes de paroles symboliques en mots clés... Et comme toute l’histoire de l’art et de la musique étaient dits, alors ils seraient plus forts que tout dans l’incandescence instantanée de leurs vies, égales au temps réel de leurs actes performatifs.
En fait ils construisaient peut-être leur histoire quand même. À Paris, où la galerie Ileana Sonnabend avait transmis les artistes du Pop Art, le mouvement innova ses filiations provocantes en s’affichant, inspiré par les stars de la Factory d’Andy Warhol que leur mode de vie collectif intégré au système de l’art avait imposées à la Presse New Yorkaise, dans les années 60, et se caractérisa comme un mouvement critique de la communication. Où la décadence et l’auto-destruction, conférant à une stratégie du chaos revendiqué par le mouvement No Future, prirent place, en accélérant sans concession les vies propres, dans l’entropie du projet progressiste parvenu à sa fin. Critique générale en cohérence d’une façon de vivre ironique d’elle-même, par là critique du mode de vie des communautés alternatives, bien que ne s’en différenciant que par l’insouciance décadente de la disparition de l’utopie post-industrielle, l’intuition de la fin des rapports d’équivalence de la valeur, la perte de crédibilité du projet politique et de la révolution de classe (absorbée par la récession du monde productif prolétarien). La démarche spontanéiste au sein même de l’économie médiatique de la culture brisait son nouveau conformisme récupérateur, et dévoilait ses nouvelles alliances libérales. Ils jouèrent sur le paradoxe de la mode, pratiquant une guerre entriste essentiellement idéologique, visant à la faire imploser. Pamphlet des gardes rouges déplacés de leur champ géopolitique et pamphlet des organisations ultra-politiques locales en train de s’endurcir contre l’autre, stigmatisés comme désordres et malentendus fin de siècle. Activisme post-maoiste d’une autre révolution culturelle (interventionisme, désignation, et iconographie de référence), celle qui ne changerait rien à l’ordre du monde mais qui l’annoncerait comme une désintégration. La vie occidentale serait le champ radical d’un espace d’activité des arts décoratifs et des media, graphisme et musique indépendants étant entendus comme une production d’autonomie économique et culturelle. Ce sont eux qui succédèrent, avec un niveau de conscience élevé des transformations en cours, à la désillusion laissée par le spontanéisme maoïste, dont les derniers convaincus dans ces années finirent eux-mêmes par sombrer dans les drogues dures (alors sans différence en ce cas du milieu de la mode et du Showbiz), exactement comme la gauche américaine contre la guerre du Viet Nam finit par sombrer sous les manipulations du FBI aux Etats-Unis, une fois la paix signée.
Hérétonomie et Singularité
Même promo du cursus Beaux-Arts qui s’arrêta avant le diplôme pour les membres de Bazooka qui s’y rencontrèrent, tant ils étaient impatients et révoltés contre l’enseignement et les fadaises des restes du monde, après qu’ils aient fait leurs premières armes en détournant la maquette de Libération, d’abord avec l’accord de la direction, en l’annotant sur le marbre auprès des correcteurs et du typographe, à la dernière minute avant l’impression. Un regard moderne fut un magazine d’information de création, également édité dans le cadre du journal Libération. Il était sensé résoudre, par la contre partie d’une expression libérée mais localisée, la situation conflictuelle que l’intervention du groupe dans la maquette du journal avait provoquée. Par le fait d’externer du journal ces graphistes, en les assignant à leur publication spécialisée, on imagina peut-être débarrasser honorablement le media de toute trace offensive contre lui-même et ce fut le cas. Il reste que leur magazine fut somptueux de force et d’émotion, dans une version contemporaine des couvertures de Détective (magazine spécialisé dans le Fait divers, fondé par Joseph Kessel et Gaston Gallimard en 1928). L’expérience installa ses artistes et leurs oeuvres en phares, parmi l’univers mêlé des concerts, des agitateurs de l’écriture vecteurs d’événements festifs tel Alain Pacadis, l’influence destructrice des boîtes et des nuits branchées nourrissant l’ingérence mortifère des groupies, sans leur donner néanmoins la possibilité d’assurer une publication stable. De sorte que Un regard moderne connut la vie éphémère de toutes les revues d’avant-garde modernes. Olivia émergea en singularité, comme chacun des amis de son groupe fait de fortes personnalités artistiques et de grands talents. Elle traça son dispositif personnel d’opposition en délaissant la figuration naturaliste, optant pour son aptitude à la caricature minimaliste suivie depuis le Bulletin périodique, qui présida à ses bandes dessinées dites "romans graphiques" où elle relata son environnement et son parcours. (Les aventures de Télé, signées "Olivia Télé Clavel", connurent deux recueils toujours cités : Matcho Girl (1980) aux éditions Le Dernier Terrain Vague, et Télé au royaume des ombres (1983), aux éditions Les humanoïdes associés, dans une version personnelle, post-surréaliste, de Crumb et de Shelton que sa génération avait découverts à l’aune des premiers opus du magazine Actuel, où s’exploitaient a posteriori les perles de la Free Press américaine. Et en 2000 elle réalisa un dessin animé en solo (pour Canal +), étant toujours l’auteur de ses scénarios.
Si la seconde période collective est celle de l’interprétation peinte et redessinée des grands reportages et des scoops photographiques, comme dispositif de collage et de plagiat de la Presse, en l’édifiant comme une Presse rivale, en même temps c’est la période de production des images originales avec des autoportraits situés par leur environnement et des modèles récurrents de leur entourage, comme "la chinoise". Mais c’est la première époque qui caractérisera l’issue singulière d’Olivia après les actes de Bazooka, inclus leur premier fanzine Bulletin Périodique (7 opus de 1976-1978) déjà évoqué à propos de ses différentes techniques performatives, car elle avait signé la première couverture au sous-titre dérisoire (pour les adeptes de l’urbain qu’étaient les Punk) "De la vie en plein air" (ce qui prit un autre sens pour elle, depuis). Le coup arriva sous la force des drogues qu’ils ne trouvèrent sans doute pas tout à fait par hasard sur leur chemin, dès que leurs actes incontournables en termes d’impact de leur talent et de sa force critique parurent non seulement déterminés et persistants, mais pouvant s’avérer lucratifs. Mais jamais il ne faudra oublier le graffiti d’icônes tabous comme la croix gammée pour griffer des articles idéologiques et critiquer les anciens gauchistes passés aux actes récupérateurs dans la Presse (en quoi Bazooka fut un groupe activiste majeur d’en faire leur cible) dans nos rubriques quotidiennes. Ce n’était certes pas fait pour plaire aux générations des anciens contestataires forts en thème, soudain occupés à intégrer le pouvoir en démocratie et à s’exercer dans la perspective du lobbying européen. La vision de la société conformiste, planifiée par les organisations supranationales extérieures au suffrage universel, liberticide des différences que les transfuges de la contestation préparaient, fut pressentie et symboliquement désignée par Bazooka dans la sélection des images internationales qu’ils choisissaient d’adapter (sectes suicidées, oranges toxiques, etc.)... Ce qui finit par produire un effet de tension de la révolution graphique, inimitable en dépit des nombreux prosélytes de leurs apparences, insupportable dans tous les sens du terme, suivant la progression des ravages du SIDA et des drogues dures, qui pourtant restera la marque de la fulgurance du groupe et de leurs individualités, qu’on pourra reconnaître dans leurs singularités respectives ensuite. Le dessin expressionniste au cerné noir, attribué au lyrisme personnel d’Olivia, est celui dont elle fit son style organique. Olivia Télé Clavel (mettre un écran en place du visage), du graphisme au graphe en transit vers la peinture, c’est encore Olivia Clavel en Olivia No Sport Clavel.
Au fond c’est cela chez elle qui a inventé l’univers particulier de son dessin contre-naturaliste, que Daniel Mallerin qualifie de "figuration libre" (Olivia Clavel, Peintures, éditions Le dernier Terrain Vague et Galerie Christophe, 1990) alors qu’elle savait très bien donner dans la figuration académique sensible, comme elle le fit souvent dans son travail collectif à l’aquarelle ou à la gouache (voir les liens de l’article), en commençant par s’autocritiquer avec l’application de la caricature à sa propre personne, comme effecteur d’un schisme. Comme si elle réinventait le "dessein" de ne plus vouloir ni vivre ni dessiner comme les autres, jouant sa rupture primitive par le personnage fictif de "Télé". Elle voulut délibérément lui ressembler, écartant d’elle les préoccupations ambigües de la séduction, qu’il s’agisse de l’image ou du sexe (à saisir). La séduction n’a pas de sexe disait Jean Baudrillard, mais pour elle ce paradoxe frayait peut-être avec l’hétérosexualité. Elle se voulait devenue une homosexuelle pure et dure, délibérément têtue, tatouée du sceau de Télé sur son bras gauche, femme épurée plus moderne que les modernes, repliant les déesses de la statuaire antique sur l’androgyne contemporain de Klossowski ; ou tout autrement une femme de laboratoire sans intervention artificielle et en être une icône exemplaire non conformiste, irreproductible : Olivia Télé, à l’écran en place de visage comme un masque d’armure — substitut du loup érotique. Ainsi, elle privilégia la caricature signifiée de la drague violente et de la production de la sexualité, dans un univers sans visage d’elle-même, sinon des gestes et des attributs vestimentaires pour le représenter. Mais racontant sa vie en s’identifiant à un affect des media qui voilaient la face des spectateurs à l’image de la sienne. Et là non plus, elle ne fit pas d’erreur sur la révélation de la société suivante ni sur la vacuité de la ville bientôt désinvestie d’expériences publiques originales, après l’excès exhibitionniste de la désintégration poétique vivante de la culture, se présentant dans une étrange posture de femme en repli de sensibilité et de mondanités, quand le machisme commença à regagner le territoire dominant du marché, figure de la compétition.
Olivia Clavel
Plus tard "assagie" par son rythme de vie, le repli entraîna son dessin sur la pente de la peinture, par laquelle elle allait renaître advenant à sa propre intensité intérieure, en initiée. C’est la toile où persiste l’écran de la télé bien distincte de la représentation de celle qui se tient devant en marinière, cette fois à visage découvert (oh ! combien écorché) en trois positions entre passé présent et futur, qui le disent (parmi tout ce qu’ils disent d’autre). Un remake du regard public sur la vie de la personne, détourné en autoportrait qui ne pensait pas à tout ce qui l’inspirait, parce que tout cela lui vient à la fois au bout du pinceau. Le miroir Télé d’Olivia au premier plan du Bar aux Folies Bergères (ce qui est et ce qui aurait pu être), autoportrait :
Olivia en voiture (courtesy © 2008 Olivia Clavel)
En première lecture, "Olivia en voiture" est le second volet d’un diptyque dont "Michèle en voiture" compose le premier volet. Michèle de profil, sur fond de champs moissonnés au soleil, conduit Olivia à la campagne. Olivia est torturée par l’émotion (voir la main sur la marinière à la place du coeur), mais son visage en trois postures traduit de moins en moins de tourment intérieur, se tournant vers le paysage au delà de la fenêtre de la portière, où se trouve une allégorie du bonheur parmi les arbres et les animaux. Quelques êtres en attente dans les fourrés, tout de même avides. En troisième lecture : elles reviennent en ville. Je veux bien dire métamorphose du dessin dans la peinture (alors il faudrait se reporter aux liens pour en juger, car introduire la partie dessinée dans l’iconographie de l’article distrairait d’une actualité de la peinture). On retrouve des traces clignant de l’oeil vers ceux qui ont suivi l’oeuvre depuis son commencement. Non pas adaptation du dessin dans la peinture, car c’est à une mutation alchimique, par la forme couleur et l’image-récit qui s’y inscrivent comme contraction abstraite d’une relecture intérieure de la bande dessinée, qu’Olivia nous donne d’assister à la chronique de son destin artistique, au rythme tranquille de ses expositions.
Corps noir abstraction : concentration maximum
Parmi les thèmes collectifs de son époque elle a caractérisé les siens par une récurrence de l’urbanité entendue comme substitution de la nature — comparées dans les mots ou des repères qui habitent les rues et les appartements —, et surtout le récit de la socialisation du saphisme et ses ambiguités. C’est elle, à l’origine de l’idée du revival néo-classique moderne du sport illustré, resurgi dans les années 80 comme une expression d’érotisme homosexuel féminin post-moderne. Son idée géniale consista à imaginer le "hack" de l’iconographie cinématographique de Leni Riefenstahl par la plasticité photographique des nageuses allemandes et russes aux gabarits "augmentés" de la fin du XXè siècle, dans la tendance des premières championnes du monde de body building.** il y eut des esquisses, peut-être une image des championnats du monde de natation (qui commencèrent seulement en 1973) dans Le regard moderne, des échanges de mots, mais l’idée, naturaliste, ne fut pas exploitée systématiquement par sa novatrice, parce que ce n’est pas la tendance graphique qu’elle choisit d’approfondir, quand le magazine fut suspendu par son éditeur considérant qu’il avait payé son tribu à l’art révolutionnaire, alors que rencontrant sa première crise interne, on y optait pour la réduction au conformisme économique du journalisme de texte et rompant avec l’environnement Punk, où des personnalités de grand talent parviendront néanmoins à remobiliser l’intérêt du public dans les années 80, notamment Serge Daney (spécialiste du cinéma qui s’ouvrira à la télévision dans les colonnes de sa rubrique Le salaire du zappeur et l’ouverture de la colonne Rebonds où il donnera une place de premier plan à Paul Virilio et notoirement à Jean Baudrillard), Jacques Amalric (alors journaliste sportif), Pierre Marcelle.
Je vais donc lui rendre cet hommage pour mémoire. Il n’y aura pas d’image de nageuse. Les muscles des championnes de body-building au corps souple étaient longs et déliés, ceux des nageuses au corps puissant étaient ronds et enveloppés... Alors on pourrait y voir les variantes hypertrophiées de la version hypotrophiée du corps des femmes dans "L’almanach des dames", qui n’était pas tendre non plus sur le mode de la sublimation des désirs en matière de blasons féminins. Chez Djuna Barnes, les humeurs, les fluides, et les langueurs cycliques, toujours en filigrane d’une hétérosexualité prédestinée des femmes pour la reproduction organique de la vie, mais leur puissance d’arrachement à la nature d’y être soumises, en assumant autrement la féminité par l’intelligence novatrice et l’amour libre, non procréatif, entre féministes (au début du siècle dernier, l’homosexualité dans les milieux littéraires et artistiques était entendue comme une réalité de l’amour libre, parmi le Paris des avant-gardes internationales, réputé pour son anti-conformisme)*. Ce fut l’insoumission communautariste des avant-gardistes américaines réfugiées sur la Rive Gauche, à Paris, parmi lesquelles la collectionneuse du Cubisme Gertrud Stein, et Sylvia Beach, la la première éditrice s’intéressant au manuscrit d’ Ulysse de Joyce, qui séduite par Adrienne Monnier installa sa librairie Shakespeare and C° rue de l’Odéon jusqu’en 1941, à côté de la librairie française de son amie qui prit sur elle de vendre L’amant de lady Chaterley de D.H. Lawrence interdit en Angleterre, et qui comptèrent parmi elles l’animatrice exceptionnelle par ses engagements amoureux homo et hétérosexuels et sa fortune personnelle dédiés à l’art moderne et au surréalisme : Peggy Guggenheim.
Pour Olivia Clavel, ce fut la métabolisation de la bio-organicité de la femme par les hormones ou les anabolisants, femmes ++ plutôt que non femme ou femme + ou -, plus l’amazone transmoderne que transgenre. Elle qui fut tant inspirée par la plasticité des femmes au travail des performances sportives, considérées comme des mutantes, signe maintenant son exposition : Olivia ’no sport’ Clavel. Ce n’est pas un renoncement, c’est une autocritique évaluée par une critique de l’actualité sociale, une critique intégrale par le délestage brutal de la compétition. Temporalité de l’être.
Chez ces deux auteures narratives et visuelles de la femme entendue par les femmes, les hommes sont présents, pas seulement en termes de partage de création et d’édition mais d’amour ou de respect, sans plus d’autorité. Ce fut le cercle des écrivains irlandais Joyce et T.S. Eliot pour Djuna Barnes, ce furent les partenaires de création Kiki et Loulou et très vite des artistes comme Doury ou Combas dont elle renvoie un miroir dans sa peinture, et tout un réseau de personnalités littéraires et artistiques au-delà des communautarismes sexués ou trans-sexués ou des groupes avant-gardistes. Amplitude altière de la singularité avant toute chose, comme mode d’existence et de résistance extérieurs aux réductions sociales, inversement proportionnelle à l’extension réformiste de la révolution capitaliste vectorale alignant son indifférence.
Ce n’est pas davantage parce que les années ont passé si l’oeuvre peinte d’Olivia est étrangement loin des modes, mais parce qu’elle s’est construite en artiste progressive, depuis des ruptures graphiques, vers une recherche visuelle de la peinture figurative inspirée par le dessin, mais délibérément en marge de la représentation, sauf les signes faunesques qui arrivent dans des configurations différentes. La peinture d’Olivia est radicale parce qu’elle s’invente comme un langage de son propre changement, sans concession formelle aux malentendus ou aux équivoques. Peu importe (ou pas) de savoir autrement que par les tensions colorées de ses allégories, et par leur charge d’émotion, si par là elle a réagi à la biographie de ses ruptures vitales, finalement ce ne serait qu’anecdotique. D’ailleurs, évoquant des disconvenues passées avec des personnes, elle le dit. Elle dit "enfin, cela n’avait pas d’importance en fait" — c’est maintenant qu’elle le sait. Son dasein s’est mis en place ainsi, positivement, durement, tranquillement, tandis qu’elle se débattait pour s’arracher. Elle parle maintenant du monde où la pensée, la perception et l’imagination se forment de s’informer. Se forment à dialoguer en deça ou au-delà de la convention pour le dire, pour advenir à sa plasticité. Son activité artistique est à la fois paisible et concentrée, et par conséquent d’autant plus déterminée et d’autant moins bénigne.
Ceux qui connaissent l’autre partie de ses ouvrages pourraient trouver ici les thèmes visuels de l’expérience des drogues et même du délire éthylique communs à la génération des artistes Punk qui célébrèrent la fin des avant gardes, la fin du projet et la disparition du projet aussi bien social que futuriste dans les dernières décennies du siècle dernier. Pourtant, ce qu’il advient maintenant dans la peinture d’Olivia Clavel est à part de cette histoire, tout y est abstrait et nouveau, l’engagement artistique total a donné lieu au langage poétique total de la connaissance de la vie en ce qu’elle diffère de la mort mais miraculeusement fragile, et indicible, dans la violence de l’expression. Chaque toile est le récit accessible à la conscience collective sensible d’un évènement invisible ou impensé, en présence, dans le moment où on l’apperçoit. Il y a quelque chose comme ça qui résonne aux oreilles et dans les organes vivants, quand on entend la musique micro-tonale de Pascale Criton.
Ce sont des artistes rares, justement des femmes, une démiurgie contemporaine de la création dans le boudoir — au sens propre. Et c’est grand, beaucoup plus grand que l’apparence pourrait le laisser croire, dans un monde où l’on penserait l’art fini parce que sa formalisation n’a plus de sens collectif représentatif ni représentable. Justement elles sont au-delà, particulaires, cosmiques.
Je ne sais pas si Olivia Clavel s’est souvenue de Djuna Barnes ni si elle l’a lue (j’ai oublié de lui poser la question). Bien sûr, ce n’est pas seulement le renvoi du titre ni l’allégorie, ni le passé journalistique, mais ce qui compte symboliquement : l’énigme d’une connaissance de l’autre exprimée par le noir criblé de lignes flamboyantes.
Notes :
* Une version numérique de l’Almanach des dames — Ladies Almanack, dessins et textes de Djuna Barnes (en anglais), paru originalement dans cette langue en France, en 1928 :
http://www.women.it/les/ladies/intro.htm.
La première traduction fut produite par Michèle Causse, aux éditions Flammarion, dans la passion du mouvement féministe des années 70 (peu avant la mort de Djuna Barnes qu’elle put auparavant visiter à New York, pour demander son autorisation de traduire). La version française a paru en 1982, avec une postface, "Rencontre avec Djuna Barnes", où la traductrice, après que Djuna Barnes disparût le 18 juin — 90 ans presque jour pour jour après sa date de naissance le 12 — évoque l’intensité du contact qui eut lieu. (Le Bois de la nuit préfacé par T. S. Eliot, avait été traduit par Pierre Leyris dès 1957, au Seuil).
** Contemporary Alchemy featuring Lisa Lyon for the Japanese Painter Tadanori Yokoo’s work (1985)
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