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Aaron Swartz : web révolution et social-démocratie  

Non à la privatisation du domaine public par la Bibliothèque Nationale de France !
POUR S’INFORMER CLIQUER AU-DESSUS / PUIS PROTESTER CLIQUER AU-DESSOUS :
Pétition.

mercredi 6 février 2013, par Louise Desrenards

Ici est là-bas - présentation

Certains ne savent pas encore qui est Aaron Swartz. Certains ne savent pas encore que Aaron Swartz au terme de deux ans de harcèlement judiciaire et financier exercé par le tribunal fédéral des Etats-Unis s’est pendu à 26 ans, dans son appartement de Brooklyn, le 11 janvier 2013 — endeuillant le web entier.
Co-inventeur du RSS1 (le premier feed de syndication effectivement partageable d’où émergèrent les formats suivants permettant les podcasts), qui a solidarisé le web sémantique et ses blogs — puis outil de transmission de la Presse telle qu’elle advint de la communication numérique. Il avait alors 14 ans, c’était en 2000. Contributeur à 15 ans pour la création et le lancement de Creative Commons, inventeur de bien d’autres codes/ et sites que nous utilisons ou dont nous profitons directement ou indirectement, en toute cohérence du partage et d’une disposition activiste pour les droits civiques et le libre accès du domaine public, et de l’information de la connaissance sur le web.
Aaron Swartz était un codeur, autrement dit un rédacteur du code, avec en outre l’art et la manière de trouver les quelques lignes de supplément à ajouter ou les signes superflus à supprimer dans un code qu’il n’avait pas écrit lui-même, pour le transformer ou le rendre fulgurant : c’est exactement la définition des hackers dans les laboratoires du MIT.

« Je suis tombé sur lui en ligne dans la communauté des hackers. Je veux dire "hacker" de la manière la plus positive de la communauté technique, quelqu’un qui peut faire des trucs, construire des choses, avec les ordinateurs. [...] Et ce gars-là "aaronsw" a fait un tour et il s’est présenté. Il a envoyé un message à la liste en disant : "Salut, je suis Aaron. Je ne suis pas très bon pour la programmation mais je pense que ce que vous faites, c’est cool et je tiens à vous aider." Et il a commencé à faire toutes sortes de choses. Il n’a pas seulement parlé il a codé ! Et ceux qui codent, qui font des choses, obtiennent beaucoup de respect. »

Tim Berners-Lee au mémorial de Washington D.C.

Il a pris sa vie, comme on dit dans la langue américaine où dans la nôtre on dit plutôt, se dessaisir de sa vie — mais cela ne rendrait pas compte de la violence active de se pendre — au terme d’une poursuite avec des complicités secrètes du personnel du MIT violant le 4e amendement de la constitution américaine, pour servir les services secrets comme s’agissant de la surveillance d’un terroriste sous le Patriot Act. Pour la réappropriation par téléchargement et la redistribution gratuite d’un stock considérable de documents universitaires scientifiques et culturels, revues et autres, abusivement convertis en capital commercial de l’organisation JSTOR (il savait très bien qu’une caméra se trouvait dans le local technique où il déposait son ordinateur, il n’a pas agi sous anon — et finalement il a tout restitué).

Je fréquentais souvent les première pages des articles laissés visibles pour tous sur JSTOR, souvent les requêtes dans Google anglophone sur des auteurs français y menaient. Avant le centenaire de la mort de Charles-Louis Philippe, en 2009, on ne trouvait quasiment rien sur lui dans la toile française, ni sur ses grands lecteurs étrangers, ni sur le groupe de Carnetin. C’était là que je trouvais tous les indices à partir desquels je prospectais ensuite dans l’internet francophone (d’ailleurs suite à des pressions du syndicat des éditeurs français y compris faisant la chasse aux textes tombés dans le domaine public, nous n’avons plus accès aux sources littéraires canadiennes en français, ce qui est une perte considérable pour les internautes) [1]. Ces articles, en effet des publications universitaires par rapport à des lecteurs américains, puisqu’il s’agissait d’auteurs français, (et/ou du front culturel commun entre Paris Dublin et New-York) au siècle dernier.

Mais je suis convaincue que certains appartiennent à des fonds non universitaires car il existait et existe encore aussi bien qu’ici des revues littéraires aux États-Unis (sans les citer maintenant) ; ces articles pour nous réfèrent davantage aux essais sur des auteurs publiés dans les revues littéraires ou dans les colonnes spécialisées hebdomadaires des grands quotidiens, pour les amateurs des Lettres, comme on en trouvait encore il y a une quinzaine d’années. Plutôt que des revues universitaires spécialisées en sciences humaines, on pense à des revues avant-gardistes ou de sciences humaines pluridisciplinaires avec des éditeurs associatifs ou privés, (comme actuellement encore la Revue Chimères, par exemple, ou en plus récemment créée, la revue Lignes).

Je rageais de ne pouvoir aller au-delà de l’appât, qui me fournissait pourtant de nombreux indices à partir desquels ensuite je pouvais organiser ma recherche parmi le web francophone... En général je donnais les liens dans les articles de La Revue des Ressources où je publiais le fruit et les références de mes indices. Ne disposant pas de diplôme universitaire pour accéder à l’abonnement à coût modéré prévu pour les lecteurs de l’extérieur, l’achat à l’unité était trop cher pour moi (environ une vingtaine de dollars par article). Mais tout cela était clairement soustrait au libre accès du domaine public, étant donné l’âge des documents qui m’intéressaient en tous cas, pas assez anciens pour avoir fait l’objet d’une restauration pour la numérisation. Je trouvais donc cette restriction d’accès vraiment anormale, abusive.

Quand je réalisai qu’il s’agissait du site hacké par Aaron Swartz qui lui avait valu d’être poursuivi par la justice américaine, ce site dont le putsch commercial sur un tel capital de contenus du domaine public faisait tant pester ses amis de archive.org (une autre de mes sources utiles), — selon ce que j’apprends maintenant, — j’ai tout de suite compris que ce n’était pas une vision sociale utopique du savoir et de la culture qui supportait son acte en amont, y compris s’agissant des sciences exactes, mais une conception tout à fait pragmatique de ce qui pouvait être fait et adapté aux attentes des gens en quête de savoir (sans statut pour l’autoriser à titre corporatiste)... Je ne pourrai plus passer dans ce site sans penser à Aaron Swartz.

Pourquoi enfermer le savoir, d’autant plus quand ses auteurs ne sont plus là pour profiter de leur exploitation, et les sources tombées depuis longtemps dans le domaine public appartenant à tous ?

Exemple : à la requête « Charles-Louis Philippe, T.S. Eliot, » dans Google, j’obtiens exactement Charles-Louis Philippe and T. S. Eliot, [le contenu n’est-il pas intéressant pour nous ? Bien sûr que si] Grover Smith (Yale University) in American Literature Vol. 22, No. 3 (Nov., 1950), pp. 254-259 Published by : Duke University Press .
Bien sûr, ces sources sont en réalité dans le domaine public selon la loi américaine et même davantage, y compris dans la loi française, concernant les ouvrages de 1950, pourtant plus exigeante.

Enfin, sur la « scientificité » dont la Presse française se gausse à propos de cette affaire (sans même prendre la peine d’aller voir en quoi consiste le site JSTOR et les archives qu’il propose), comme si nous étions face à une utopie — donc irréalisable — d’un jeune bourgeois lettré et scientifique voulant proposer son savoir à des gens qui ne pourraient rien en comprendre, et imaginant peut-être, en outre, qu’il pût essentiellement s’agir de formules mathématiques venues des physiciens de l’accélérateur de particules du CERN, je pose ceci : A Hacker Manifesto n’est-il pas publié aussi par un éditeur universitaire — Harvard Press ? Oui, pourtant on ne peut pas dire que ce soit un ouvrage scientifique, mais plutôt un essai épique, peut-être d’un marxisme plus proche d’Homère que de Engels dont il reprend pourtant la dialectique de la nature ? Voilà comment on peut semer de fausses idées représentatives sur les sources hackées par Aaron Swartz au MIT, s’agissant de JSTOR, consortium de contenus qui bien sûr peut aussi comprendre des documents mathématiques ou de toute autre science exacte.

En toute cohérence, pour ouvrir l’accès du domaine public, Aaron Swartz avait également libéré les livres du domaine public numérisés par Google, afin de les transférer sur Internet archive (archive.org), où la consultation était plus facile [2]. Grâce à la technologie Infogami qu’il avait appliquée pour développer Reddit il a également développé le projet Open Library pour dresser une liste interactive et participative mondiale des livres existants passés et présents, avec leurs éditeurs et les endroits ordinaires ou exceptionnels où on peut les trouver en version imprimée ou numérisée. Dans le champ institutionnel, en 2008 avec des camarades parmi lesquels Carl Malamud (qui l’évoqua dans son hommage au mémorial de San Francisco), il avait libéré plusieurs années d’archives judiciaires de la banque de données administrée par le programme PACER moyennant un coût par page [3].

Le gouvernement américain, en recourant contre lui aux lois Computer Fraud et Abuse Act de 1986, a voulu prouver qu’au défaut de la loi SOPA (qu’Aaron Swartz avait réussi à faire différer sine die), il pouvait néanmoins réprimer la liberté du net ; la répression renforcée par les lois sur la sécurité intérieure pouvait néanmoins s’exercer dans le même champ que SOPA, avec 13 chefs d’inculpation pour l’enfermer pendant 35 à 50 ans, en revenant sur des affaires antérieures classées (donc prescrites). À moins d’accepter de se déclarer « criminel » en plaidant coupable (c’est-à-dire se décrédibiliser d’agir dans sa discipline durant sa vie entière) pour alléger sa peine. Il avait d’autre part épuisé ses revenus personnels au terme de la procédure par épisodes (la première fois, il avait du déposer 100.000 dollars), une si longue procédure de deux ans tendant à épuiser ce qu’il lui restait de Reddit [4]... Et pour couronner ce tout la caution portée à 1.000.000 de dollars représentant la totalité de son patrimoine investi, fut exactement calculée pour cela, si j’ai bien compris entre les mots de Lessig et d’une ancienne compagne de Swartz : mettre la main sur la totalité de sa ressource (acquise à l’issue de la vente de Reddit) à l’origine de ses revenus courants. Donc impossible pour lui d’engager les frais de sa défense depuis le mois d’Avril dernier où la caution fut exigée : personne ne peut compenser cela dans ce milieu ni même Aaron Swartz ne pouvait le reproduire, ce sont des choses qui arrivent une fois dans une vie quand cela arrive sous la forme d’une chance, c’est une exception. Dépourvu du revenu qui résultait de l’exploitation de son propre argent, celui dont il n’avait pas hérité mais qu’il avait gagné, il ne pouvait désormais assurer sa défense ni par lui ni par le soutien solidaire, car, comme l’explique Lessig en conclusion de son premier blog, appeler la solidarité secourable de ses amis pour être aidé à se défendre du tribunal fédéral l’aurait mis en risque d’amplifier ses problèmes avec les juges régionaux. Une fois cet argent pris, plus rien ne pouvait être apuré : il n’avait aucune chance de s’en sortir. Pour un acte qui n’était ni un vol ni un meurtre.

Le refus de plaider coupable pour alléger sa peine c’était par fierté mais aussi pour se protéger de ne plus pouvoir agir légalement, ni professionnellement de gagner sa vie, ni d’exercer ses droits légitimes d’activiste. Il a donc refusé sachant le pire, et le pire de tout étant qu’il échapperait à la prison en dérobant sa vie à l’infamie de la justice, qui réalise l’injustice contre ceux qui se défendent non coupables. Cela aussi, sans doute y avait-il déjà pensé, comme il lui était déjà arrivé d’aborder l’idée de sa mort.

Alors oui : ils l’ont tué, dans la mesure où il n’avait le choix qu’entre se livrer ou se détruire — pour les empêcher de le prendre, — et oui il a pu aussi être assassiné, car le rapport légal mentionne une pendaison sans l’attribuer à (ni même citer le mot de) suicide... et dans ce cas on serait totalement dans la configuration de Martin Luther King, (assassiné par le FBI à cause de son tournant politique vers la pauvreté en passant à l’acte du soutien de la grève des éboueurs de Memphis), évoqué par Lessig dans son blog du 18 janvier. Le contexte et la situation comme la fatigue extrême de Aaron Swartz tel que décrit par ses proches dans les derniers jours, à force de lutter contre le stress et la peur, laissent supposer que sa pendaison fut un suicide — mais ne faut-il pas un peu de force physique pour organiser sa pendaison, et se pendre ? Quand on est en état de choc conséquent d’un stress ou d’un deuil la première conséquence est l’effondrement du bilan de potassium et on ne peut concevoir l’espace au-delà d’un périmètre de deux mètres autour de soi ni agir au-delà de un mètre... Et ceux qui l’aimaient et qu’il inspirait ont perdu leur Dionysos, écartelé, mangé par des prédateurs légaux titanesques, et finalement se portant lui-même le coup fatal pour en finir avec cette horreur, à moins qu’on l’y ait aidé.

Mais même l’énigme sur la façon dont Aaron Swartz aurait pu mourir ne compte pas (sauf pour punir des criminels, ce qui ne déplairait à personne, et de toutes façons on en connaît déjà nommément derrière la mort, ils sont au moins deux sur la scène et le réseau qu’ils ont desservi remonte jusqu’au gouvernement lui-même) : ils l’avaient déjà tué, du point de vue matériel puis existentiel, quand la mort fut décidée, — et l’aurait-elle été par Aaron Swartz réalisant lui-même son destin. Mais personne ne pourra détruire la charge symbolique de sa disparition, rendue si forte par la puissance de la trace qu’il a laissée et le réseau qu’il soulève, toujours dans le sens collectif, toujours dans le désir révolutionnaire d’agir et de le faire.

Allègement de peu de peine quoi qu’il pût en être, puisqu’il s’agissait d’abord de faire un exemple contre les inventeurs des sources libres qui prétendent les défendre, et pour les soumettre, parce que justement il avait réussi à faire repousser sine die la loi SOPA déjà citée (Stop Online Piracy Act) et par voie de conséquence la loi Protect IP Act, le double dossier ayant été classé au Sénat le 20 janvier 2012.

La guérilla en immersion non violente a surgi contre l’accroissement des lois américaines qui supprimaient les libertés de communiquer — entre la population et pour la population — toutes les formes de documents et d’information de la connaissance en accès libre, de la même façon que Wikileaks fut empêché d’informer sur les échanges entre les pouvoirs sur les pouvoirs, comme si la culture allait devenir secrète, elle aussi, dans l’état d’une propriété à vocation exclusive d’une classe sociale capable de payer l’université — où le crédit pour y parvenir.

C’est en France que ces lois délirantes ont été expérimentées en premier lieu, et devenant des sortes de modèles de cupidité exportable, convoité ; si on compare les États-Unis et la France, tout simplement les dates l’indiquent : d’abord en interdisant de façon répressive le Peer To Peer (P2P) avec la loi DADVSI, votée en juin 2006, puis au nom de la taxation du droit d’auteur sur les contenus téléchargeables avec l’HADOPI, qui renforça la précédente en l’étendant et en la dotant d’une bureaucratie arbitraire, autorisée à réprimer sans recours ; cependant le projet de la loi SOPA ne fut déposé qu’en octobre 2011, après le PRO-IP Act avorté en 2008, mais de toutes façons après notre inspirante DADVSI, la leur devint le Protect IP Act (PIPA) proposé en mai 2011. Oui, nous sommes bien les premiers au calendrier des infamies contre les droits civiques et individuels dans ces domaines.

D’ailleurs, en matière de droits d’auteur pour la musique contre le piratage sur Internet en France, faut-il remarquer qu’au lieu de sauver la production de la musique et sa reproduction sur des supports matériels, ainsi que les métiers d’arts autour de l’industrie du disque (vinyls et DVD), et les droits d’auteur, comme cela avait été claironné pour justifier les mesures, en réalité ces supports ont disparu ainsi que les boutiques qui les vendaient. Ne restent principalement en France que des formats numériques, trop onéreux à l’unité ou de piètre qualité. Et en fait ce fut non seulement l’enterrement d’une industrie mais encore la réduction de la diversité musicale et l’appauvrissement de l’écoute. Il n’a pas fallu quatre ans pour liquider une industrie entière par ici et un plaisir ou un art de l’écoute largement partagé il y a encore peu de temps, à partir du moment où l’interdiction du téléchargement gratuit est devenue exécutive. L’écoute gratuite convenait donc paradoxalement au commerce des objets matériels correspondants appréciés par les mêmes collectionneurs ou amateurs.

Nous avons combattu ici sans être parvenus à empêcher ces lois qui nous ont été imposées de force par le gouvernement précédent son assemblée et ses lobbies, ni à les vaincre sous le suivant qui est l’objet du même lobbying, parce que nous sommes étouffés par la social-démocratie qui nous empêche, c’est-à-dire que nous sommes auto-résignés par empathie. Le cas de la musique étant résolu, voici le domaine public de la Bibliothèque Nationale de France qui va fondre sous nos yeux. C’est très proche de l’affaire JSTOR qui en fait se renfloue dans un principe de vase communiquant aux dépens des archives du domaine public américain.

La déroute des défenseurs de SOPA fut le résultat d’une énergie patiente et énergique d’un activisme visant les droits constitutionnels, où Aaron Swartz qui sut très vite rassembler du monde autour de lui, depuis un petit groupe d’amis, entra dans les commissions du Congrès fort d’une pétition au nombre massif de signatures, sous le titre DemandProgress, nom du site source pour la lancer. Au terme de la multiplication des procédures, finalement un sénateur s’est levé, le sénateur démocrate de l’Oregon, Ron Wyden, un seul opposant pouvant provoquer la suspension d’une loi, pour faire opposition à celle qu’il qualifia de "bombe de pénétration nucléaire" contre l’Internet, et grâce à son blocage ils finirent par gagner.

À peine Aaron Swartz était mort, les procureurs annonçaient qu’ils abandonnaient toute charge contre lui — étrange aveu d’abus de charges !

Maintenant une loi Aaron Swartz Aaron’s Law, soutenue par Lawrence Lessig, co-fondateur de Creative Commons, professeur de droit à Harvard, et animateur d’une commission universitaire et parlementaire sur la corruption politique, et par d’autres personnalités, a été déposée par la représentante démocrate de Californie au Congrès, Zoe Lofgren, pour que ce harcèlement judiciaire et policier et leurs menaces sur les novateurs et activistes du web n’ait plus jamais lieu.

Cela pourrait aussi alléger le harcèlement de Assange et la peine de Bradley Manning (bien qu’il dépende de la justice militaire et attende toujours d’être jugé). Mais les choses n’en prennent pas le chemin. Tout au contraire, comme si la mort de Swartz avait donné le signal d’une fusillade sur les autres, la justice fédérale et le FBI renforcent leurs pressions contre les activistes [5]. C’est comme si l’accablement de Swartz jusqu’à la mort était le coup d’envoi glacé d’une décision d’en finir avec les activistes de choc sur le sol des États-Unis, on peut craindre le pire, Aaron Swartz n’était pas victime d’un troupeau de bœufs carriéristes, il a été patiemment détruit sur l’ordre du gouvernement américain qui maintenant renforce sa pression sur Appelbaum ; ils ne peuvent rien prouver contre lui. Pourtant, ils le harcèlent, ils le menacent pour le fragiliser, ils tracent ses correspondants. Le journaliste Daniel Ellsberg, ancien combattant du Viet Nam et héros de la libération et de la publication des Papiers du Pentagone en 1971, l’accompagne — ce n’est pas rien.

Toute analyse relative à une dépression et à des anti-dépresseurs ou à la « bipolarité des génies » situera cette mort au-delà de ses véritables causes, et bien davantage cherchant à en effacer l’enjeu. Car dans l’irréversibilité de la mort de Aaron Swartz se joue la dernière action symbolique du combattant de l’ombre qui tombe : la révélation de sa succession. Quand bien même il ne l’aurait pas pensé exactement comme ça, (ce qui serait difficile à croire après avoir découvert sa détermination au long de sa décennie de publications), justement le travail émergent d’Aaron Swartz tant technique que civique était public : c’est donc la question de la poursuite du combat public pour le recouvrement des libertés à l’échelle du monde virtuel, qui se pose, réalité de la connaissance qui fonde les sociétés ouvertes à tous et pour tous, ce qui les rend plus sociables, solidaires, et informées : la question de la poursuite du combat. Comme les phénomènes anonymes y vont par légions ou le reste du temps un par un, on peut parier sur la poursuite du combat, qui sans aucun doute ne fera pas défaut.

Sur le chemin de l’abstraction de toute valeur rien ne résistera, la dépense et le coût sont si bas pour des revenus si élevés, en faisant disparaître les intermédiaires humains, qui entre temps ne seraient pas restés à leur place productive de la machine à battre la valeur pour la faire monter, ou ceux dont ils ont tellement fait les poches qu’ils ont fini par les vider, ce qui les rend socialement inutiles à défendre : si nous ne réagissons pas, nous allons tous y passer. Levons-nous.
(L. D.)

Aaron’s Army, Memorial for Aaron Swartz at the Internet Archive, San Francisco, January 24, 2013, Text of Remarks by Carl Malamud (lien envoyé sur twitter par timbl).

[ Voir le compte Twitter PDF Tribute @pdftributenet qui informe le progrès du site http://pdftribute.net/, contribution des universitaires à l’hommage pour Aaron Swartz, auquel ceux qui veulent s’y associer peuvent y offrir un de leurs documents de recherche enregistré en .pdf ]


web révolution et social-démocratie - méditation


Déclaration de Tim Berners-Lee, créateur du protocole http et du html à l’origine du web public, et du World Wide Web Consortium (W3C) pour l’unification internationale des codes. Le samedi 12 janvier à 12h 06, au forum semantic-web@w3.org :

Aaron is dead.

Wanderers in this crazy world,
we have lost a mentor, a wise elder.

Hackers for right, we are one down,
we have lost one of our own.

Nurtures, careers, listeners, feeders,
parents all,
we have lost a child.

Let us all weep.

timbl

Aaron est mort.

Vagabonds de ce monde fou,
nous avons perdu un mentor, un vieux sage.

Hackers pour le droit, l’un de nous est tombé,
nous avons perdu un des nôtres.

À ceux qui éduquent, étudient, écoutent, nourrissent
à tous les parents,
nous avons perdu un enfant.

Pleurons.

Timbl


Je viens tard... mais il faut lire beaucoup — y compris Aaron Swartz — pour comprendre le sens des réflexions autour de la mort de Aaron Swartz. Et finalement, après la présentation qui lui est dédiée, et l’hommage en quelques mots on ne peut plus clairs ni solidaires et sans réserve de Tim Berners-Lee, je reviens sur la réserve éthique exprimée par Lawrence Lessig dans ses deux premiers blogs, après la triste nouvelle, comme une crise de conscience venant alourdir le chagrin et le désespoir. Il paraît ne pas avoir pris conscience en temps voulu de l’impact du renforcement des menaces sur le jeune homme et les conséquences de son isolement éthique, matériel, et financier, parmi ceux qui auraient pu l’aider mais refusant d’assumer la défense de ses actes avaient pris une prudente distance, en un lieu où ce n’était pas la fierté de Swartz qui allait lui permettre de les appeler.

On peut même considérer que sans tapage il avait été de fait viré de la commission éthique de Harvard contre la corruption à l’initiative de Lessig, du moins le pria-t-on de s’en désolidariser, parce que dans sa note biographique sur www.aaronsw.com/, où toutes les références sont soigneusement liées, il manque étrangement deux — et seulement — liens corrélativement associés à l’action institutionnelle avec Lessig : celui qui normalement devrait se trouver sous « Fellow at the Harvard Ethics Center Lab on Institutional Corruption », et celui qui sevrait se trouver sous « Change Congress ». Pourtant ils existent :www.ethics.harvard.edu, et http://fixcongressfirst.org/, notamment sur les questions du changement climatique et l’argent.

Ce n’est pas vraiment son sentiment de culpabilité qui m’intéresse mais sa difficulté d’aimer un hacker sans pouvoir le défendre — non la question de la séduction mais celle de la contradiction pratique entre l’action parlementaire et juridique, et l’insoumission, ce que les américains appellent la désobéissance civile (qui n’est pas de l’ordre du crime mais de la liberté de penser et d’agir en conséquence, et ce qui, en principe, fait partie des fondamentaux des droits de l’homme).

Il y a la carrière, mais d’une façon plus complexe la nécessité de garder une crédibilité institutionnelle chez ceux qui ne sont pas des activistes de la désobéissance, mais comme ceux-ci revendiquent le même objectif, les libertés et l’égalité, justement ils devraient être amenés à les défendre sur le terrain légal et institutionnel. C’était le cas de la stratégie dialectique entre les personnalités du front démocratique et les militants insurrectionnels, dans les années 70 en France.

« [...] Depuis son arrestation le 11 janvier 2011 tôt le matin — deux ans jusqu’au jour où Aaron Swartz a fini sa vie, — j’en ai su davantage à propos des événements qui commencèrent cette spirale que je n’aurais voulu en savoir. Aaron m’a consulté comme un ami et un avocat. Il a partagé avec moi ce qui s’était passé et pourquoi, et j’ai travaillé avec lui pour trouver une façon de l’aider. Quand mes obligations envers Harvard ont créé un conflit rendant impossible de continuer en tant qu’avocat, j’ai continué en tant qu’ami. Pas suffisamment en bon ami, sans aucun doute, mais rien n’entraîna cette amitié vers le doute.[...] »
Larry Lessing, Prosecutor as bully, Lessig Blog, v2, 12 janvier 2013

« [...] Je déteste mon optimisme perpétuel envers notre gouvernement. Aaron a été enterré le jour du dixième anniversaire du moment où cet optimisme m’avait le plus sévèrement mordu — Eldred contre Ashcroft [6]. Mais combien d’autres exemples sont là, et pourquoi ne puis-je jamais en apprendre ? [...] »
Larry Lessing, A time for silence, Lessig Blog, v2, 18 janvier 2013

Larry Lessig lui aussi déclare implicitement une responsabilité de sa part, et fut-il un de ses amis [7], en tant qu’éminent spécialiste juridique du droit ayant rencontré Aaron Swartz au moment où celui-ci, à 15 ans, concourait aux sources de Creative Commons [8] : de ne pas avoir accepté le principe du hacking pour le droit, contrairement à Tim Berners-Lee qui poursuit de le défendre en s’en revendiquant. L’objet n’est pas de dire le bon ni le mauvais, mais de montrer à quel point les gens représentatifs du web peuvent être aujourd’hui divisés par les années de répression sécuritaire qui ont marqué le monde depuis 2001, entre ceux qui ont inventé le web public et le logiciel libre restés près des utilisateurs, et ceux qui l’ont légiféré serait-ce pour le défendre, comme Lessig a pu le faire face au copyright avec les licences Creative Commons, jusque dans l’hommage unanime rendu à un hacker [9].

Pour information : Larry Lessig Responds – Says Swartz’s Alleged Actions Crossed Ethical Line (20 juillet 2011 — réponse de Lessig à une interpellation fraternelle à propos de Swartz, le lendemain du jour où le grand jury du tribunal fédéral appelé par la juge Ortiz rendait public l’acte d’accusation chargeant Swartz de « fraude électronique, de fraude informatique, pour obtenir illégalement des informations depuis un ordinateur protégé, en endommageant imprudemment un ordinateur protégé ».

Compte tenu de sa spécialité et de sa charge professorale à Harvard, de ses engagements propres dans les licenses libres concurrentes du copyright, et de ses engagements à l’université et devant le Congrès contre la corruption, Lawrence Lessig ne pouvait pas se permettre la moindre concession pouvant affaiblir sa propre crédibilité éthique sur le principe de la légalité et de la loi, même à un ami. Et au fond s’il insiste tant dans son premier blog après la mort de Aaron Swartz pour dire qu’il est toujours resté son ami en dépit d’avoir cessé de le défendre, et y revient dans le second blog c’est qu’il sait bien qu’en réalité il l’a lâché de son vivant, vraiment lâché, et par réserve légaliste.

Après l’avoir défendu, cesser de le faire revenait à le désavouer moralement et institutionnellement, à lui dérober — et le pire, avec son consentement et sa compréhension amicale devant les obligations institutionnelles de Lessig, — des armes psychologiques et affectives où Aaron Swartz trouvait la force de poursuivre face à la procédure qui le frappait.

Et à partir du moment où Lessig n’a pas pu dépasser de ne considérer les problèmes de Swartz qu’en termes éthiques, selon les conventions du système du bien et du mal, c’est à dire insoluble avec l’éthique du hacker, cette situation le rendant par conséquent inutile il ne pouvait que prendre sa distance. Rien de surprenant qu’il n’ait réalisé que le compte à rebours, qui étreignait son ami au dehors comme au dedans, aille mener celui-ci à la mort — à partir du moment où il refusait de plaider coupable, refusant le déshonneur, — mais en acceptant le déshonneur il tuait le hacker du droit et le développeur libre, et donc allait par une autre voie mais encore au suicide (c’est exactement ce qui arriva à Turing sous un autre chef d’inculpation, cité au mémorial de Washington pour Aaron Swartz). À lire le bog du 12 janvier de Lessig, on arrive à se demander si, en toute logique de la position de juriste de Lessig, il n’aurait pas finalement cautionné la pression de la justice sur Swartz pour le faire plaider coupable, pourvu qu’il y eut une rémission de peine à la clé (ce qui n’était même pas certain mais par contre aurait certainement fait tourner court à la légitime défense des hackers pour le droit).

D’ailleurs il est remarquable que les conclusions publiées après la mort de Swartz par un expert du staff de sa défense, loin de déclarer un acte politique ait endossé une version soft — l’irresponsabilité — de l’aveu attendu par les juges :

« [...] Si j’étais monté à la barre comme prévu et avais été interrogé par le procureur pour savoir si les actes d’Aaron étaient "mauvais", je lui aurais probablement répondu que ce qu’Aaron avait fait serait mieux décrit par le terme d’« inconsidéré ». Inconsidéré de la même manière que... nécessaire pour l’histoire du papier 101 de feuilleter tous les livres d’une bibliothèque. Il est inconsidéré de télécharger un tas de fichiers partagés en wifi... mais aucune de ces actions ne devrait mener une jeune personne à être traquée pendant des années et hantée par la possibilité d’une peine de 35 ans. [...] »
Alex Stamos, 12 janvier 2013.

Cette version propose gentiment de considérer Swartz comme un jeune homme psychiquement « dérangé ». S’il a refusé de plaider coupable on voit mal comment il aurait pu accepter ce genre de défense. En outre, entre l’hôpital psychiatrique sous la surveillance de la justice et l’administration pénitentiaire de la prison : quel est le mieux ? Une troisième voie peut-être, les neuroleptiques ? Une camisole chimique, comme il avait déjà été traité quelques années auparavant... mais si on met auparavant de côté, on revient à Turing, car les œstrogènes ce n’était rien d’autre qu’une camisole chimique à visée préventive (dans la logique de la justice).

C’est-à-dire que de Lessig à Stamos, des raisons du retrait à la posture du plaidant, on voit toute la défense accomplir elle-même le système judiciaire.

Malgré toute l’affection et l’attention sincères exprimées dans la déclaration de Lessig, elle arrive sans doute un peu tard, puisque le jeune homme encensé et honoré vient de mourir. Mais elle traduit que le problème de division éthique/ affect demeure, qu’il n’y a toujours pas d’éthique conciliable avec l’ami perdu. Plus tard, dans le même blog, il dira qu’Aaron était coincé de toutes parts, que sa fortune (Reddit) avait fondu en un an de procédures et de défense, et qu’il n’avait plus un sou pour se défendre, mais que personne ne pouvait l’aider sur ce plan, même pas lui Lessig, tant la procédure et la défense étaient coûteuses :

« Dans ce monde, la question à laquelle le gouvernement doit répondre c’est pourquoi il était tellement nécessaire que Aaron Swartz ait été qualifié de « criminel ». Car, dans les 18 mois de négociations, là fut ce qu’il n’était pas disposé à accepter, ce fut donc la raison pour laquelle en avril il se retrouva face à un procès d’un millions de dollars — sa richesse exsangue, tout en n’étant pas en mesure de faire appel ouvertement à nous pour l’aide financière dont il avait besoin pour financer sa défense, du moins sans risquer la colère d’un juge de la cour de district. Et putain, autant injuste pervers et salement triste que ça, je vois maintenant comment la perspective de cette bataille sans défense a joué, pour donner à ce garçon brillant mais troublé le sens d’y mettre fin.

Cinquante ans de prison, impute notre gouvernement. D’une certaine manière, il faut aller au-delà du "J’ai le droit donc j’ai le droit de vous mettre une bombe", éthique qui domine notre temps. Et cela commence par un seul mot : Honte.

Un mot, et des larmes sans fin. »

Brillant mais « troublé » — beaucoup seraient troublés à moins. Lire l’émotion d’un homme en larmes - on veut bien le croire — qui vient d’exprimer la violence de la douleur, justement la violence de la douleur ressentie par son ami Aaron acculé à l’absence d’un choix vital, — et poursuivre de le définir comme un garçon à l’ordinaire troublé, alors que la situation outrepasse la possibilité d’être retournée — trop grosse pour ne pas être fatale — dénote quand même une anomalie ou une force de refoulement (tellement il serait insupportable de ressentir la douleur qu’a pu éprouver son ami au moment de sa dernière décision) terriblement grave — en termes significatifs d’impossibilité d’aide en amont également — de la part de Lessig. Je pense que Swartz les a tous cloués, du début à la fin. Fulgurant.

Deuxième conformisme en dépit d’une grande amitié avec un non conformiste, alors que le conformiste était sensé représenter le camarade de confiance nu non conformiste, partageant les mêmes idéaux sociaux et politiques mais d’y parvenir par d’autres moyens, capable de penser la défense critique, du moins au début de l’affaire, et que clairement il n’avait pas revu Aaron Swartz depuis un moment, (donc étant incapable d’imaginer comment la situation avait pu le transformer)... Quand tout au contraire Taren Stinebrickner-Kauffman qui l’avait vu la veille au soir et le découvrit pendu l’après midi du jour même, pour vaincre la tristesse qui la dévore, cherchant à comprendre et après s’être renseignée pour confirmer sa perception et le souvenir de son ami et compagnon de travail dans les derniers mois, les derniers jours, et les dernières 24 heures, assure connaissant la fragilité antérieure de Aaron Swartz qu’il n’était pas en état de dépression [10]. Et on la croit bien volontiers, pour peu qu’on accrédite la version du suicide, parce que sinon, comme nous l’expliquions à propos des dépressions dues à des états de choc, il ne serait pas parvenu à se suicider de cette façon.

Mais qu’être parvenu au terme des ressources pût poser une question de vie ou de mort pour Aaron Swartz (certes pas celle de s’alimenter), cela ne paraît pas lui avoir effleuré l’esprit auparavant ou alors il en avait pris son parti en souhaitant simplement que Aaron trouverait lui-même sa solution — de s’accommoder de la répression en attendant que tombe du ciel une clémence gouvernementale. Ce qui est étrange, c’est que le péril dépressif annoncé par le choc, le risque de suicide, fut déjà connu par tous, puisque cela fut transmis au bureau du procureur et au juge, bien qu’en vain. Et Lessig ne l’aurait pas su ?

Alors on a soudain le sentiment — plutôt un raisonnement, on se dit logiquement — que seule une défense politique conviant les médias sur la question du hacking pour le droit, dans une démocratie qui défait les droits, aurait pu donner une chance à Aaron Swartz [11].

Que pour sauver son propre statut Lessig n’ait pas poursuivi d’aider Aaron Swartz dans sa défense légale était une chose légitime et compréhensible, et même pour l’intérêt commun vus les enjeux en commun de ses engagements de défense des droits communs, mais qu’il se soit senti obligé (ou tout simplement selon une pensée du bon droit — la loi — et du mauvais droit, — la constitution appliquée sans intermédiaire légal ni juridique), d’exercer une croyance dans la légalité, plutôt qu’admettre qu’il s’agît d’un combat inégal, en est une autre : c’est-à-dire une défaillance de l’analyse institutionnelle non matérialiste (historique) de Lessig. Le problème des grands démocrates qui le restent même quand la démocratie n’en est plus une selon sa charte fondatrice, c’est-à-dire quand l’heure est venue de la combattre pour restaurer le droit, c’est qu’ils poursuivent de crédibiliser la loi, serait-elle devenue scélérate : c’est la loi. C’est la social-démocratie.

Or Swartz décidément était — à travers tout ce que j’ai pu lire de lui dans mon traducteur google pour aller au plus vite — un type génial. Car le temps passe vite et les lois contre le droit s’étendent de plus en plus en punissant physiquement et matériellement, pendant que nul ne parvient à empêcher les guerres nucléaires de pénétration au dehors. Un blocage de fait du progrès de l’appropriation et du retrait des droits civiques et individuels s’impose au dedans.

En fait Aaron avait parfaitement analysé la situation de la domination de l’exploitation et du pouvoir armé (de la loi criminelle, de la police, des services secrets) et avait compris qu’il fallait mener les deux combats à la fois (il suffit de lire tous ses textes et déclarations tactiques pour le comprendre, on les trouve partout dans ses propres sites et reproduits sur le web). Un combat légal et un combat clandestin actif, c’est à dire à l’acte même de la guérilla non violente mais ciblée [12].

Admettre la capacité de requérir les moyens démocratiques et institutionnels de Aaron Swartz sans admettre le deuxième front de désobéissance civile aux lois de la privatisation, c’est-à-dire le principe déterminé de la guérilla à l’acte même du hacking pour le droit (non le hacking punitif — enfin en tous cas pas au premier plan — mais le hacking du partage), c’était édifier la démocratie devenue criminelle ; l’inverse était édifier le combat citoyen populaire dans un processus révolutionnaire pour la reconquête des droits étendus au nouveau monde.

On suppose bien que Wikileaks et Anonymous étaient sinon des alter-identités de Aaron Swartz du moins des amis à lui, au reste, ce n’était pas cet activisme qui lui fut reproché, parce que ce n’était pas celui qui l’intéressait prioritairement à l’inverse de sa première compagne, la journaliste et activiste connue Quinn Norton. Celui qui lui a été reproché était précisément affecté au champ démocratique et à sa transparence, particulièrement de la loi qu’il avait empêchée, les lois SOPA et PIPA, dans le domaine du partage de la connaissance en accès libre et la « récupération » populaire des sources gratuitement appropriées et constituées en capital de la connaissance pour un accès sélectif et commercial.

De la part d’un démocrate ayant un statut de législateur exemplaire, ne pas admettre cette dimension de Swartz tout en se disant son ami, — car au fond dès le RSS 1 il était là-dedans, et Reddit c’était une quintessence du réseau social, — c’était l’exploiter dans sa fabuleuse énergie positive et son charisme, et son potentiel public, tout en le trahissant sur le fond de son mode d’existence et de pensée politiques (proches de Assange mais beaucoup plus franc en matière de résolution citoyenne — la réalisation citoyenne elle-même par la transmission de la connaissance — dont la communauté cognitive des hackers non livrée à une hiérarchie.

Pensée tactique pourtant pas si singulière que ça mais une vraie pensée politique chez Swartz — pas seulement une pensée critique mais un projet social qui se réalise en même temps que le combat se mène — c’est certain. Cela avait déjà été pensé dans le communisme de guerre. Mais le pas n’était pas aisé à franchir pour des pacifistes, qu’un pacifiste comme Aaron Swartz pût recourir à un activisme organique entre sa vie son champ d’activité technique et son double activisme pour rétablir la démocratie de fait comme de droit. Ce n’était pas dans la bulle du démocrate qu’est Lessig (que je respecte beaucoup, comme tout notre milieu qui apprécie et a recours à Creative Commons), qui a marqué une faiblesse idéologique grave sur le front des luttes, de ne pas s’adapter à la situation qu’elles ne soient plus plus alternatives comme à la fin du siècle dernier et au tout début de celui-ci, mais impératives. Les luttes se sont durcies depuis dix ans, parce qu’elles affrontent ce qu’il advient des social démocraties quand elles s’allient, quand elles commencent à tricher contre les droits individuels et collectifs, de finir par les trahir radicalement.

À propos de la compréhension de Swartz, on ne va pas décrire mais on cite la fin de Rosa Luxemburg et Karl Liebknecht — et des spartakistes — advenue par la social démocratie allemande, face aux grèves insurrectionnelles, un des pires moments répressifs de la social démocratie plutôt que la révolution, — le pire, avant celui travesti en bienveillance de fer, mais non moins dur (puis qu’il y a guerre et xénophobie), que nous connaissons aujourd’hui et par conséquent ; le plus significatif, car il s’évalue à l’époque de la montée du syndicalisme révolutionnaire. Pourtant où l’on assassinait on pousse au suicide. Mais le suicide du combattant acculé à disparaître honoré est un appel à la révolte, justement parce qu’il s’est dérobé à l’assassinat — ou à l’incarcération. Son dernier geste a été le choix d’un homme libre, insoumis.

De toute évidence nous n’étions ici ni dans la violence contre autrui ni dans l’auto-défense du combattant — sinon par défaut du corps et peut-être même des biens compromettants, en tous cas.

La pensée de Aaron Swartz était réfléchie par rapport à l’ensemble de la communauté et de la société, et par rapport à l’histoire des guérillas de libération victorieuses, mais vraiment originale et nouvelle dans la mesure où le dispositif de Swartz est le contraire du terrorisme — puisqu’il y avait une application citoyenne immédiate (JSTOR) du passage à l’acte révolutionnaire de la réappropriation et de la redistribution des richesses virtuelles, en même temps qu’un combat légal à long terme se menait au Congrès.

Aussi parce que c’était un pacifiste dans le fond de lui-même, dans la générosité et le commun, il avait d’autre part compris qu’il était inutile de retourner aux références de la lutte armée pour la libération du Viet Nam (référence de Assange dans ses premiers blogs — que Swartz avait peut-être aidé mais ce serait bien réducteur de Swartz et ignorer le dispositif de ce qu’il a fait été écrit lui-même, que de le voir ainsi), parce que les cibles étaient sur des territoires disjoints : la défense de la démocratie sur le terrain institutionnel d’une part, la guérilla contre les vecteurs criminels du paiement de l’octroi, — la reproduction virtuelle du Moyen Äge — dans leur lieux d’appropriation communicationnelle du patrimoine public devenu un capital virtuel, d’autre part : c’est à dire un double combat simultané, cohérent (je veux dire dialectique — sans duplicité. Dialectique parce qu’on imagine très bien comment un champ pouvait évoluer selon le progrès de l’autre, entre répression et progrès).

Contrairement à ce que je pensais ce n’était pas du tout une démission volontaire pour les arranger face à ses positions et ses comportements politiques (que d’aucuns ont toujours beau jeu d’attribuer au caractère s’agissant en réalité d’une structure — celle de l’intelligence vagabonde elle-même), mais bien une prière de ficher le camp qui lui avait été notifiée par ses propres partenaires productifs et commerciaux.

Donc c’est clair : ce sont les mêmes raisons, peut-être sa singularité libertaire — rester libre de décider ce qu’il voulait faire de son temps entre activité et activisme, — pour lesquelles Lessig avait mis des réserves dans le crédit qu’il accordait à Aaron Swartz sur le versant hacker pour le droit : la question de la réalisation du droit fondamental de l’open access dans la vie et sur le net, dans un système légal qui non seulement l’interdit (sait) mais le criminalise (ait) — et qu’il aurait donc fallu admettre ? [13].

En 2010 Swartz partait à l’assaut légal contre SOPA et PIPA, et en 2011 à l’assaut illégal contre l’appropriation criminelle d’archives pour lesquelles ni les revues numérisées ni les prestataires de ces revues n’étant indemnisés forcément leurs contenus ne pouvaient qu’appartenir au domaine public et en donner le libre accès, et ce fut JSTOR. Voici des actions publiques qui n’avaient rien de secret, à partir desquelles on peut vérifier son entière cohérence méta-politique où la théorie et la pratique font partie de son activisme unitaire (je parle bien là au sens de l’urbanisme unitaire chez les situationnistes, et notamment chez Constant : je retrouve exactement une pensée interférente et situationnelle du mode de vie et du numérique chez Swartz semblable à celle de la ville et de l’urbain et du mode de vie chez Constant, avec un bond sémiotique et les langages qui procurent tout le dynamisme du modèle à la fois numérique et vivant chez Swartz).

C’était vraiment novateur, pas post quelque chose, mais une pensée originale hackée entre le situationnisme et les mouvements de libération marxistes et Gandi. Peut-être que Swartz ne savait pas l’histoire des situationnistes de Strasbourg, (le 18 janvier, lors du Memorial de Washington, Tim Berners-Lee a insisté sur le fait que Aaron Swartz avait énormément lu, qu’il lisait beaucoup), mais je donne cet exemple pour comprendre, que lorsque Khayati et Vaneigem ont publié De la misère en milieu étudiant, texte principalement de Khayati, ils l’ont fait en prenant la caisse du syndicat des étudiants pour payer le papier et l’imprimeur. C’était redonner l’argent cotisé pour sa juste cause, et non pour payer des frais bureaucratiques. Les amis de Jean Eustache et lui-même ont payé son premier film, un court métrage que vous ne verrez jamais mais dont les survivants ne nieront pas qu’il ait été tourné, avec la caisse des Cahiers du cinéma — pour payer le laboratoire ; c’était retourner à qui de droit sans un sou et sans études universitaires ce qui lui revenait du droit de faire du cinéma, l’argent de la théorie prescriptive afin de soutenir la tentative de s’arracher à une condition en faisant acte d’une autre, celle du cinéaste. Là c’était un peu d’argent détourné, des deux côtés, mais pour la bonne cause. Concernant Swartz il n’a rien volé, sinon qu’il a pris quelque chose appartenant à tout le monde et qui se trouvait enfermé dans un site clos, pour le rendre à tout le monde en le plaçant dans un site ouvert.

C’était une création en matière d’innovation de pensée révolutionnaire — pragmatique. Pourquoi a-t-on peur d’utiliser ce mot ? Oui pour une fois on n’avait pas à pleurer sur le passé des révolutions postmodernes qui n’avaient pas eu lieu sinon en termes d’instants, aux utopies non seulement défaites mais retournées, car là on avait soudain une pensée révolutionnaire nouvelle, sans projet utopique, en réalité pratique des changements dans un activisme de chaque jour.

Ce n’était pas qu’un manifeste et de la communication, Swartz avait réalisé un art tactique sur les deux plans de l’activisme révolutionnaire.

Les résistants aux fascismes dans la dernière guerre mondiale n’avaient aucun impact possible dans le domaine légal, ils n’avaient que le champ de la guérilla et le sabotage pour combattre. Aujourd’hui nous sommes dans un monde entre deux mondes où la guérilla non violente (et appliquant le principe constitutionnel au pied de la lettre — 1er et 4e amendements) est nécessaire, tandis que le combat légal pour maîtriser le processus de détournement ou de fabrication des lois scélérates doit être aussi mené sur un plan institutionnel (nécessaire mais insuffisant d’où le hacking).

C’est à dire que Lessig n’avait pas encore tout à fait compris, au moment où il écrivait à chaud ce texte exprimant tant de douleur, et de culpabilité détournée, que la société qui a tué Aaron Swartz, (où Steve Jobs avait réussi et même Bill Gates, qui chacun de leur côté commis un exploit de hacker), est une société sous occupation de son territoire virtuel par une classe internationale qui s’approprie le monde, et que cela devient peu à peu — et c’est presque entièrement réalisé mais pas tout à fait — réductible à la loi. C’est donc bien le problème de la loi en lui-même qui est la serrure à déverrouiller, celle de la prise de possession actuelle soutenue la loi qui progresse, et qui tend à clôturer radicalement plutôt qu’à ouvrir. Le problème c’est contre tout ce qu’on avait imaginé possible que la domination globale parvient à sa réalisation de fait par l’abus, et le clôture par la loi, non pas la loi pour le permettre mais la loi pour obliger.

Je pense que le Hacker Manifesto de McKenzie Wark permet de comprendre aussi cela — du moins les processus de l’innovation et de la loi par lesquels ça se construit dialectiquement. Pour le reste il faut avoir une petite curiosité sur la pensée des guérillas violentes et des guérillas non violentes. Swartz était clairement un activiste non violent, alors s’il avait franchi des frontières ce n’était sûrement pas celles du crime, c’était retourner chez soi, reprendre son droit — comme les premiers hackers au temps de l’enclosure : JSTOR par exemple. J’ai souvent eu recours aux premières pages des articles proposés sur JSTOR je n’ai jamais pu aller loin, n’étant ni une universitaire pour l’abonnement forfaitaire ni une cliente potentielle (ne disposant de la somme nécessaire pour acheter les articles à l’unité). JSTOR contient beaucoup d’articles de sciences humaines et de critiques historiques ou esthétiques à propos de la littérature internationale. Tous ces articles viennent de revues qui ne sont pas toutes des revues universitaires, mais, par exemple des revues littéraires. C’est ainsi que j’ai découvert l’existence d’un intérêt de TS Eliot pour Charles-Louis Philippe, dans des articles vieux de plus d’un demi siècle. Ensuite j’ai trouvé une édition anglophone du livre de l’auteur français avec la préface de T.S Eliot, en réalité celle qui avait été étudiée dans l’article. Encore fallait-il pouvoir l’acheter. Il aurait été si simple que j’aie un libre accès à l’article intégral détenu par JSTOR ! Voilà un exemple de l’usage qui peut être fait de la mise à disposition pour tous de ces archives en libre accès, (je veux dire pas seulement réservé à des corporations intellectuelles)...

Concernant ces articles, c’est évidemment un patrimoine public, tombé dans le domaine public et néanmoins il faut payer. Pour les autres articles, ni les revues ni les auteurs vivants n’ont jamais été rétribués pour le commerce du fruit de ces recherches — en général produites gratuitement — et de ces publications.

Ce qui nous arrive à la bibliothèque nationale est ce qui est arrivé avec JSTOR. D’ailleurs les logiciels utilisés sont les mêmes — ProQuest ou une version de ProQuest en France. Très étrangement, le harcèlement de Aaron Swartz pour avoir libéré des sources de JSTOR — peu importe que ce fut en les téléchargeant afin de pouvoir les redistribuer envers et contre leur site source (fermé), — est survenu pendant que s’élaborait en France l’appropriation commerciale du domaine public de la Bibliothèque nationale pour l’échange de sa numérisation, alors que le domaine public n’appartient pas à la Bibliothèque nationale, elle n’en est que le gardien ; ces archives appartiennent au public, on ne peut les lui substituer sans changer beaucoup de règlements légaux. Nous avons donc ici aussi notre lutte à mener, nos droits à restaurer.

Même s’il n’était pas surprenant que Aaron Swartz ait contribué secrètement ou discrètement à diverses opérations des anonymous ou à aider Wikileaks, ne serait-ce que notoirement en contribuant avec la conception du logiciel Tor2web, (toujours dans une perspective de transitivité démocratique de l’information par rapport à l’étanchéité de Tor, qu’il accompagne de cette façon contre l’appropriation corporatiste), en savoir davantage n’apporterait rien, parce que c’est pour ses actes publics qu’Aaron Swartz a été poursuivi jusqu’à en mourir. C’était cela à l’acte même — son activisme public, brillant — qu’il fallait détruire et discréditer, parce que c’était là que s’exprimait sa singularité révolutionnaire créative de nouvelles pratiques possibles pour d’autres, et surtout capables de mobiliser des masses (1.000.00 d’adhérents à Demand Progress contre les listes noires de SOPA) et d’aller débattre dans les commissions du Congrès jusqu’à convaincre.

Lors de la cérémonie commémorative au Mémorial, à Washington D.C., Alan Grayson de la Chambre des représentants a évoqué Socrate condamné à boire la cigüe (trois chefs d’accusation l’accablaient : corruption de la jeunesse, impiété, et introduction de nouvelles divinités dans la cité) — on remarque ici : Aaron : 13 chefs d’inculpation pour l’amener à décider lui-même de se tuer. Il a également évoqué Alan Turing, la mathématicien britannique qui a inventé le cryptage informatique et l’ordinateur, il a également conçu un modèle bio-mathématique de la morphogenèse animale et végétale. Le cas de Turing est aussi édifiant dans la mesure où il est plus proche de nous et évoque une singularité privée, ce qui renvoie à la singularité privée quoique différente mais exprimée en matière de psychologie et d’écriture sensibles de Aaron Swartz, et dans le cas de Alan Turing c’est l’homosexualité : en 1952 Turing fut poursuivi par la justice britannique parce qu’il était homosexuel et c’était alors illégal ; pour échapper à la prison il dut accepter la castration chimique en absorbant des œstrogènes au long d’un an et son corps se modifia intérieurement et extérieurement, au point que lui survinrent, par exemple, des seins monstrueusement gros ; il se suicida en avalant du cyanure, en 1954. De ces deux exemples Grayson définit la fabrication des sacrifiés par la loi américaine conformiste face à l’inattendu, face à l’innovation. Il a dit que les lois américaines actuelles fabriquaient des sacrifiés — pour échapper à la loi, ou bien n’y échappant pas : sacrifiés par elle en termes d’internement ou de dépossession et de dénuement, — et donc forcément suggérant l’échappée vers le suicide.

Si de telles comparaisons permettent une approche sensible de la situation décalée d’un novateur comme Aaron Swartz, dans la société réglée par des lois conformistes et réactionnaires, par contre, au point d’activisme cohérent où il était, tant public et intégré dans le réseau associatif, — à commencer par le travail sur le code qui est souvent un travail en partage à plusieurs, — son suicide ne pouvait pas être l’objet seul de sa résolution solitaire, forcément il allait signifier quelque chose pour les autres. Et là il mourrait épuisé mais invaincu, acculé mais invaincu — avant d’être saisi vivant et dépouorvu de sa liberté d’agir et même de penser (puisque la pensée d’Aaron Swartz c’était aussi celle de réfléchir en vue de se déterminer à agir). Il s’est donc déssaisi de sa vie pour l’arracher des mains de ses juges.

Étant devenu d’abord un activiste combattant pour les droits, partenaire d’autres activistes, son acte sur les archives de JSTOR, fut-il réalisé en solitaire, était en réalité une cible désignée entre amis, comme l’a évoqué Brewster Kahle d’archive.org dans une note qu’il avait publiée dans ce site, où il déclarait se sentir en partie responsable d’en avoir trop parlé ensemble, tellement l’abus commercial de JSTOR était provoquant au point d’être devenu un sujet de discussion obsessionnelle. Et cela avait pu constituer une sorte de pression involontaire — mais en tous cas se constituer en passage à l’acte (déloger ces archives de leur forteresse)... Mais la chose étant faite, il n’y avait rien à regretter, le problème était posé (et il deviendra difficile pour JSTOR de ne pas redonner davantage d’accès libre à ces archives numérisées de longue date, à l’avenir) [14].

Suicide non pas du type qui capitule, ni suicide gratuit, ni suicide dépressif, mais suicide d’un type épuisé qui se sert de la dernière arme qui lui reste pour combattre, en envoyant un message fort à ses camarades — ceux qui partagent les mêmes idées sur et dans le web. Avec son suicide il dit qu’un seul ne suffit pas pour agir — JSTOR. Il dit : je ne peux plus agir autrement pour les autres qu’en les appelant à combattre à ma place. .Je retire mon corps de là où on allait le prendre. Je vais frustrer politiquement ceux qui allaient le prendre en leur soustrayant mon corps radicalement.

Suicide dans ce cas non pas l’impuissance mais au contraire le geste irréversible de l’insoumission radicale de celui qui a été acculé à ne plus vivre ni agir à l’air libre.

En conclusion la seule grande personnalité du web qui ait fait un message solidaire adapté, profondément juste et pertinent, et aussi un hommage, pour ce qui reste à faire maintenant exactement dans le sens de la vie de Aaron Swartz, après lui : à part les hackers anonymes, ce n’est sûrement pas Lessig qui n’est pas un codeur, c’est Tim Berners-Lee, l’inventeur du protocole http et du code html à l’origine du web public, la personnalité internationale la plus représentative du web :

http://www.w3.org/People/Berners-Lee/

La version résumée de son envoi sur twitter est encore plus claire :

Aaron dead. World wanderers, we have lost a wise elder. Hackers for right, we are one down. Parents all, we have lost a child. Let us weep.

Aaron est mort. Vagabonds du monde, nous avons perdu un vieux sage. Hackers pour le droit, l’un des nôtres est tombé. À tous les parents, nous avons perdu un enfant. Pleurons.

— Tim Berners-Lee (@timberners_lee) January 12, 2013

Lawrence Lessig paraît enfin ouvrir les yeux sur une réalité qu’il n’avait pas encore totalement admise, que seule la perte douloureuse d’un ami pouvait lui dévoiler, celle de l’impossibilité du seul combat légal dans une démocratie qui a rendu légale l’illégalité constitutionnelle. Où Aaron Swartz avait agi sur deux plans à la fois, le plan légal et le plan hacker, c’était là que se nouait le fond du combat pour vaincre le monde qui allait provoquer ça.

http://www.huffingtonpost.com/lawrence-lessig/aaron-swartz-suicide_b_2467079.html.

Louise


À savoir :

« [...] Je crois que la mort d’Aaron a été causée par l’épuisement, par la peur et l’incertitude. Je crois que la mort d’Aaron a été causée par une persécution et les poursuites qui l’avaient blessé au long de deux ans (qu’est-il advenu de notre droit à un procès rapide ?) et qui avaient déjà épuisé la totalité de ses ressources financières. Je crois que la mort d’Aaron a été causée par un système de justice pénale qui donne la priorité au pouvoir sur la miséricorde, à la vengeance sur la justice, à un système qui punit des innocents qui au lieu d’accepter les bons plans de plaidoyers qui les caractériseraient comme des criminels à perpétuité ont tenté de prouver leur innocence, par un système où les incitations et les structures du pouvoir amènent des procureurs à détruire la vie d’un novateur comme Aaron dans la poursuite de leurs propres ambitions.

[...]

Demandez-vous ce qui suit : si le 10 janvier, Steve Heymann et Carmen Ortiz, au bureau du procureur américain du Massachusetts, avaient appelé l’avocat d’Aaron pour lui dire qu’ils allaient admettre leur erreur et apurer tous les frais — et d’ailleurs même pour dire qu’ils étaient prêts à proposer un accord de plaidoyer raisonnable qui ne marque pas Aaron comme un criminel pour le reste de sa vie — Aaron se serait-il tué le 11 Janvier ?

La réponse est incontestablement : non. »

Taren Stinebrickner-Kauffman,
Why Aaron died
, TarenSK "The Revolution Will Be A/B Tested", 4 février 2013).


À moins que ?

Hardest view by Stephen Lendman in Freedom’s Phoenix

Murder.

Source :

Moti Nissani,
Sunday, January 13th, 2013 | Posted by Moti Nissani
Who Killed Aaron Swartz ?
. in VT, January 13, 2013 ?


 Le site memorial de Aaron Swartz rememberaaronsw.com.

 Son site personnel avec ses textes Raw Thought.


P.-S.

En logo : un des portraits photographiés de Aaron Swartz par Jacob Appelbaum (CC BY-SA), celui qu’il a installé en hommage dans le site Remember Aaron Swartz. Creative Commons License
This work is licensed under a Creative Commons Attribution 3.0 Unported License. Cette photo a été prise à Berlin le 26 décembre 2006 à 20h37 durant la session du 23e congrès du Chaos Computer Club - CCC - (23rd Chaos Communication Congress - 23c3 : Who can you trust ?). Elle a été déposée par AaronSw (tag de Aaron Swartz) le 7 mai 2007 à 14h 47, sur en.wikipedia.

 Zach Carter, Aaron Swartz Memorial On Capitol Hill Draws Darrell Issa, Elizabeth Warren, Huffington Post, 5 février 2013.

 Aaron H. Swartz (November 8, 1986 – January 11, 2013) was an American computer programmer, writer, political organizer, and Internet activist.
Swartz was involved in the development of the web feed format RSS,[2] the website framework web.py,[3] and the social news site Reddit, in which he was an equal partner after a merger with his Infogami company.[i] Swartz also focused on sociology, civic awareness and activism.[4][5] In 2010 he became a research fellow at Harvard University’s Safra Center for Ethics, directed by Lawrence Lessig.[6] He founded the online group Demand Progress, known for its campaign against the Stop Online Piracy Act, and later worked with the activist groups Rootstrikers and Avaaz. He also was a contributing editor to The Baffler.[7]
On January 6, 2011, Swartz was arrested by federal authorities in connection with systematic downloading of academic journal articles from JSTOR.[8][9] Swartz opposed JSTOR’s practice of compensating publishers, rather than authors, out of the fees it charges for access to articles. Swartz contended that JSTOR’s fees were limiting public access to academic work that was being supported by public funding.[10][11]
On January 11, 2013, Swartz was found dead in his Crown Heights, Brooklyn apartment where he had hanged himself. [ ... ]
https://en.wikipedia.org/wiki/Aaron_Swartz


 
Losing Aaron Swartz
, Doc Searls Weblog, January 12, 2013.

 Aaron Swartz (1986-2013), Web Technologist & Internet Activist (janvier 2012).

 Le futur web.

Notes

[1Ainsi installe-t-on des murs entre francophones, autant dire que ce n’est pas pour l’extension internationale de la culture française ni pour son développement local. On voit ici les vecteurs de la culture agir de la même façon que les vecteurs de la musique par les gestes desquels on peut constater la destruction de tout le secteur de production de la musique pressée et gravée depuis que l’exploitation de la musique numérique a justifié la répression du P2P (op. cit.).

[2Informations accessibles dans le site  : : S.I.Lex : :, article du 6 février 2013, où est traduite l’intervention de Brewster Kahle, fondateur de internet Archive, au mémorial de San Francisco pour Aaron Swartz, le 24 janvier 2013.

[3Plusieurs années d’archives judiciaires de la banque de données des archives judiciaires administrées par la technologie PACER furent libérées par Aaron Swartz et Carl Malamud en 2008 et 2009 et sont encore accessibles dans le site theinfo.org créé spécialement pour les publier gratuitement en pdf, elles sont progressivement installées dans le site archive.org, où maintenant un accès direct à la banque de données fédérale est proposé via l’extension librement téléchargeable RECAP,, du navigateur Firefox, développée au Centre Berkman à l’université de Princeton. Cette action lui valut sa première fiche du FBI publiée dans son site, mais pas de poursuite s’agissant de documents officiellement publics et sur lesquels il n’avait pas exercé de commerce.

[4Aaron Swartz avait intégré Reddit en fusionnant sa société Infogami (éponyme du nom d’une technologie d’interactivité interconnectée qu’il avait inventée et qu’il utilisera de nouveau pour Open Library), en janvier 2006 devenant l’un des deux dirigeants et notamment de la filiale résultante Not A Bug. Le groupe de Presse Condé Nast Publications (Wired, The New Yorker, Vanity Fair, etc.) acheta Reddit à la fin de la même année pour un montant qui ne se refuse pas ; l’entreprise migra à San Francisco au siège de Wired où Aaron Swartz poursuivit de travailler comme développeur avec l’un des fondateurs de Reddit ; au retour d’un voyage en Europe, en 2007, il fut sommé de quitter l’entreprise et il n’en fut pas mécontent car le système de travail de bureau et des horaires fixes ne lui convenaient pas (Tchat Interview de Aaron Swartz par le responsable du blog d’information Google sur le monde de la technique, Philipp Lenssen, le 7 mai 2007). Puis, ce qui n’était peut-être pas nécessaire, toutes les archives correspondant à son nom d’utilisateur dans le site disparurent, au point que des usagers posèrent publiquement la question de savoir où tout était passé

[5En attendant la loi Aaron’s Law le gouvernement redouble de pressions abusives contre les activistes susceptibles de concourir aux sources anomymes et à Wikileaks notamment Jacob Appelbaum un autre brillant développeur harcelé lui aussi depuis plusieurs années, développeur entre autre de la sécurité du programme Tor (anonymous) et représentant de Wikileaks au congrès HOPE à New York, en 2010. Ici il explique que le gouvernement a obtenu un accès secret aux emails de son compte Twitter (Democracy now !, 5 février 2013).

[6Il s’agit de la défaite du recours de E. Eldred, défendu par Lawrence Lessig, en appel du Sonny Bono Copyright Term Extension Act voté en 1998 par le Congrès, sous l’influence du groupe Walt Disney pour prolonger ses droits, au moment où le personnage de Mickey Mouse menaçait de tomber dans le domaine public. Finalement le Tribunal Suprême, alors dirigé par le procureur général John Ashcroft, confirma le décret au défaut des plaignants, le 15 janvier 2003 — jour pour jour 10 ans avant les funérailles de Aaron Swartz. (Copyright vs/ Droit à la culture, Marina Fourtine, Copyright & Droit d’auteur, Avocats Publishing, jeudi 27 février 2003).

[7Pour mémoire le premier texte réactif de Lawrence Lessig dont il est discuté ici :
Harvard Law’s Lawrence Lessig on Death of Aaron Swartz, in Lessig Blog V2, 12 January 2013 :

Prosecutor as bully

(Some will say this is not the time. I disagree. This is the time when every mixed emotion needs to find voice.)

Since his arresting the early morning of January 11, 2011 — two years to the day before Aaron Swartz ended his life — I have known more about the events that began this spiral than I have wanted to know. Aaron consulted me as a friend and lawyer that morning. He shared with me what went down and why, and I worked with him to get help. When my obligations to Harvard created a conflict that made it impossible for me to continue as a lawyer, I continued as a friend. Not a good enough friend, no doubt, but nothing was going to draw that friendship into doubt.

The billions of snippets of sadness and bewilderment spinning across the Net confirm who this amazing boy was to all of us. But as I’ve read these aches, there’s one strain I wish we could resist :

Please don’t pathologize this story.

No doubt it is a certain crazy that brings a person as loved as Aaron was loved (and he was surrounded in NY by people who loved him) to do what Aaron did. It angers me that he did what he did. But if we’re going to learn from this, we can’t let slide what brought him here.

First, of course, Aaron brought Aaron here. As I said when I wrote about the case (when obligations required I say something publicly), if what the government alleged was true — and I say “if” because I am not revealing what Aaron said to me then — then what he did was wrong. And if not legally wrong, then at least morally wrong. The causes that Aaron fought for are my causes too. But as much as I respect those who disagree with me about this, these means are not mine.

But all this shows is that if the government proved its case, some punishment was appropriate. So what was that appropriate punishment ? Was Aaron a terrorist ? Or a cracker trying to profit from stolen goods ? Or was this something completely different ?

Early on, and to its great credit, JSTOR figured “appropriate” out : They declined to pursue their own action against Aaron, and they asked the government to drop its. MIT, to its great shame, was not as clear, and so the prosecutor had the excuse he needed to continue his war against the “criminal” who we who loved him knew as Aaron.

Here is where we need a better sense of justice, and shame. For the outrageousness in this story is not just Aaron. It is also the absurdity of the prosecutor’s behavior. From the beginning, the government worked as hard as it could to characterize what Aaron did in the most extreme and absurd way. The “property” Aaron had “stolen,” we were told, was worth “millions of dollars” — with the hint, and then the suggestion, that his aim must have been to profit from his crime. But anyone who says that there is money to be made in a stash of ACADEMIC ARTICLES is either an idiot or a liar. It was clear what this was not, yet our government continued to push as if it had caught the 9/11 terrorists red-handed.

Aaron had literally done nothing in his life “to make money.” He was fortunate Reddit turned out as it did, but from his work building the RSS standard, to his work architecting Creative Commons, to his work liberating public records, to his work building a free public library, to his work supporting Change Congress/FixCongressFirst/Rootstrikers, and then Demand Progress, Aaron was always and only working for (at least his conception of) the public good. He was brilliant, and funny. A kid genius. A soul, a conscience, the source of a question I have asked myself a million times : What would Aaron think ? That person is gone today, driven to the edge by what a decent society would only call bullying. I get wrong. But I also get proportionality. And if you don’t get both, you don’t deserve to have the power of the United States government behind you.

For remember, we live in a world where the architects of the financial crisis regularly dine at the White House — and where even those brought to “justice” never even have to admit any wrongdoing, let alone be labeled “felons.”

In that world, the question this government needs to answer is why it was so necessary that Aaron Swartz be labeled a “felon.” For in the 18 months of negotiations, that was what he was not willing to accept, and so that was the reason he was facing a million dollar trial in April — his wealth bled dry, yet unable to appeal openly to us for the financial help he needed to fund his defense, at least without risking the ire of a district court judge. And so as wrong and misguided and fucking sad as this is, I get how the prospect of this fight, defenseless, made it make sense to this brilliant but troubled boy to end it.

Fifty years in jail, charges our government. Somehow, we need to get beyond the “I’m right so I’m right to nuke you” ethics that dominates our time. That begins with one word : Shame.

One word, and endless tears.

[8L’information de l’hommage à Aaron Swartz dans le bandeau de Creative Commons :
« Remembering Aaron Swartz
As a teenager, Aaron Swartz helped design the Creative Commons licenses. His genius is reflected in RSS, Archive.org, DemandProgress.org, and dozens of other important projects. - avec le portrait de Aaron Swartz par Jacob Appelbaum, (CC BY-SA) » - Jacob Appelbaum est un développeur indépendant dans les codes de sécurité et activiste des droits et contributeur au premier plan du projet Tor (anonymat en ligne), harcelé lui-même à propos de Anonymous et depuis plusieurs années à propos de Wikileaks qu’il a représenté au congrès de 2010 de HOPE (Hackers on Planet Earth, qui se tient traditionnellement à l’Hôtel Pennsylvania à Manhattan, New York City).

[9On ne parle pas ici de la licence libre française crée par Antoine Moreau qui l’a associée à copyleft (fondé par des développeurs du Libre, Don Hopkins (également artiste), Richard Stallman), bien qu’elle fut d’emblée radicalement ouverte, contrairement à Creative Commons fondée par un juriste, car d’après Antoine Moreau lui-même Licence libre est une ironie critique du copyright, une licence d’art, un art en soi. Les licences Creative Commons ont été juridiquement fondées face au copyright — c’est d’ailleurs pour ça, parce qu’elles proposent un cadre légal d’ouverture du copyright, qu’elles ont fini par s’étendre sous la forme d’une licence de remix en plus du partage, pour wikipédia par exemple, afin d’éviter des conflits d’intérêt à propos de la qualité des copies.

[10TarenSK Why Aaron died, 3 février 2013, op. cit..

[11L’absence de critique à l’égard de la stratégie des défenseurs de Aaron Swartz est tellement surprenante, et pourtant s’imposant à l’idée de toute personne ayant tenté de comprendre l’enchaînement de ces événements fatals, que c’est l’objet du premier commentaire qui tombe sur le plus beau et approfondi des dossiers publiés sur Aaron Swartz depuis sa mort aux États-Unis, dans Slate, le 7 février 2013 : The idealist - Aaron Swartz wanted to save the world. Why couldn’t he save himself ?n By Justin Peters.

[12Voici le manifeste écrit par A. Swartz en 2008 traduit en version française par un collectif publié le 14 janvier 2013 dans le site framablog :
 Manifeste de la guérilla pour le libre accès

Guerilla Open Access Manifesto

Aaron Swartz - juillet 2008 - Internet Archive (free download)
(Traduction : Gatitac, albahtaar, Wikinade, M0tty, aKa, Jean-Fred, Goofy, Léna, greygjhart + anonymous)

L’information, c’est le pouvoir. Mais comme pour tout pouvoir, il y a ceux qui veulent le garder pour eux. Le patrimoine culturel et scientifique mondial, publié depuis plusieurs siècles dans les livres et les revues, est de plus en plus souvent numérisé puis verrouillé par une poignée d’entreprises privées. Vous voulez lire les articles présentant les plus célèbres résultats scientifiques ? Il vous faudra payer de grosses sommes à des éditeurs comme Reed Elsevier.

Et il y a ceux qui luttent pour que cela change. Le mouvement pour le libre accès s’est vaillamment battu pour s’assurer que les scientifiques ne mettent pas toutes leurs publications sous copyright et s’assurer plutôt que leurs travaux seront publiés sur Internet sous des conditions qui en permettent l’accès à tous. Mais, même dans le scénario le plus optimiste, la politique de libre accès ne concerne que les publications futures. Tout ce qui a été fait jusqu’à présent est perdu.

C’est trop cher payé. Contraindre les universitaires à débourser de l’argent pour lire le travail de leurs collègues ? Numériser des bibliothèques entières mais ne permettre qu’aux gens de chez Google de les lire ? Fournir des articles scientifiques aux chercheurs des plus grandes universités des pays riches, mais pas aux enfants des pays du Sud ? C’est scandaleux et inacceptable.

Nombreux sont ceux qui disent : « Je suis d’accord mais que peut-on y faire ? Les entreprises possèdent les droits de reproduction de ces documents, elles gagnent énormément d’argent en faisant payer l’accès, et c’est parfaitement légal, il n’y a rien que l’on puisse faire pour les en empêcher. » Mais si, on peut faire quelque chose, ce qu’on est déjà en train de faire : riposter.

Vous qui avez accès à ces ressources, étudiants, bibliothécaires, scientifiques, on vous a donné un privilège. Vous pouvez vous nourrir au banquet de la connaissance pendant que le reste du monde en est exclu. Mais vous n’êtes pas obligés — moralement, vous n’en avez même pas le droit — de conserver ce privilège pour vous seuls. Il est de votre devoir de le partager avec le monde. Et c’est ce que vous avez fait : en échangeant vos mots de passe avec vos collègues, en remplissant des formulaires de téléchargement pour vos amis.

Pendant ce temps, ceux qui ont été écartés de ce festin n’attendent pas sans rien faire. Vous vous êtes faufilés dans les brèches et avez escaladé les barrières, libérant l’information verrouillée par les éditeurs pour la partager avec vos amis.

Mais toutes ces actions se déroulent dans l’ombre, de façon souterraine. On les qualifie de « vol » ou bien de « piratage », comme si partager une abondance de connaissances était moralement équivalent à l’abordage d’un vaisseau et au meurtre de son équipage. Mais le partage n’est pas immoral, c’est un impératif moral. Seuls ceux qu’aveugle la cupidité refusent une copie à leurs amis.

Les grandes multinationales, bien sûr, sont aveuglées par la cupidité. Les lois qui les gouvernent l’exigent, leurs actionnaires se révolteraient à la moindre occasion. Et les politiciens qu’elles ont achetés les soutiennent en votant des lois qui leur donnent le pouvoir exclusif de décider qui est en droit de faire des copies.

La justice ne consiste pas à se soumettre à des lois injustes. Il est temps de sortir de l’ombre et, dans la grande tradition de la désobéissance civile, d’affirmer notre opposition à la confiscation criminelle de la culture publique.

Nous avons besoin de récolter l’information où qu’elle soit stockée, d’en faire des copies et de la partager avec le monde. Nous devons nous emparer du domaine public et l’ajouter aux archives. Nous devons acheter des bases de données secrètes et les mettre sur le Web. Nous devons télécharger des revues scientifiques et les poster sur des réseaux de partage de fichiers. Nous devons mener le combat de la guérilla pour le libre accès.

Lorsque nous serons assez nombreux de par le monde, nous n’enverrons pas seulement un puissant message d’opposition à la privatisation de la connaissance : nous ferons en sorte que cette privatisation appartienne au passé. Serez-vous des nôtres ?

Aaron Swartz [retour].

[13Heureusement, dès le 18 janvier, Larry Lessig (op. cit.), disait dans son blog une semaine après le drame, qu’il avait beaucoup dormi puis téléphoné et communiqué avec tous ceux qui pouvaient l’éclairer, pour vraiment chercher à comprendre ce qui s’était passé (entendre : ce qui avait pu lui échapper), et il commença à se poser les bonnes questions ou du moins à trouver les bonnes réponses démocratiques, c’est-à-dire, premièrement, que le procès de Aaron, comme la mort que ce procès avait provoquée, sa cause, comme l’engagement de Aaron, étaient politiques — et il cite Martin Luther King (qui finit par être assassiné par le FBI) pour comparer son cas de comparution judiciaire ; mais sans oser comparer directement les deux époques, restant précis ou prudent — pour ne pas faire d’attaque frontale au gouvernement Obama. Mais finalement il en déduit que ce n’était qu’un procès politique. À savoir, secondement, que les États-Unis n’étaient plus une démocratie de droit pour le droit mais le contraire, et notamment qu’il avait réalisé toute l’inversion de la démocratie américaine quand il avait connu la réponse de la procureure Ortiz, à l’interpellation que lui avaient faite des congressistes et des intellectuels, à propos de la mort de Aaron. Souhaitons qu’il saura se relever de la perte de son ami, et d’avoir perdu le procès de Aaron avant même qu’il ait eu lieu, pour parvenir à régler la justice qui s’impose sur les acteurs et les décisionnaires de la justice, aux personnalités qui ont pensé en faire carrière, qui ont été autorisées et même encouragées à tuer Aaron Swartz.

[14Sur le hacking, voir Bulk Downloading, Aaron Swartz, and Terms of Service (Internet Archive Blogs , January 30, 2013), et l’information de la mort et du mémorial d’Aaron Schwartz à an Francisco le 24 janvier + la vidéo de son exposé à F2C en mai 2012 - Eulogy by Brewster Kahle, (Internet Archive Blogs , January 12, 2013).

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