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Aux armes et cetera : Julien Coupat, the Tarnac Five, et nous... 

vendredi 28 novembre 2008, par Aliette G. Certhoux

TARNAC, JE VOULAIS DIRE

...

Il y a quelque chose d’hétérogène dans l’affaire de Tarnac qui rend la situation inclassable : on n’appelle pas l’hétéronomie (le principe de la vie), elle advient ou n’advient pas, or elle advient ; elle n’est qu’un fruit des circonstances et c’est bien pourquoi elle est fragile. A l’appeler on la fait fuir, à tenter de l’instrumenter on provoque le contraire : des mortifications. Parce que le vivant c’est comme le mort, ils marchent ensemble et sans nom.

Quelque chose d’extrêmement fructueux, la mobilisation sur le web et dans la société grâce à un père "bourge" (c’est lui qui le dit) soixante huitard et un éditeur comme un père activiste depuis la guerre d’Algérie, qui parlent au micro dans le studio, et quelque chose de poétique, des manifestations peut-être même avec des français à Moscou et qui s’intitulent "manifestation de soutien des inculpés de Tarnac par les anarchistes de Moscou", mot d’ordre : "mouvance anarcho-autonome, revient" (un mot par carton figurant chacun un wagon de train). Construction poétique de situation. Et pétition pour la libération des incarcérés de l’arbitraire de la bêtise armée.

En fait des circonstances et de la masse critique des signes entre média, idéologies, désinformation, information, répression, appel de libération, dévoilement du pouvoir, paraissent effectuer "la mariée mise à nu" où l’affaire médiatique elle-même est la "broyeuse de chocolat" du Grand Verre de Marcel Duchamp. C’est une installation peinte sur verre, comme son nom l’indique, qui semble décidément, et à plusieurs reprises ces temps-ci, particulièrement adaptée aux événements entre dispositif des choses et dévoilement du sujet. Car le changement de nature de la chose par son dévoilement n’a rien à voir avec le voyeurisme du panoptique (la surveillance, mais aussi un certain aspect de la transparence démocratique assimilable à la prison, chez Foucault). Il y a un texte de Armand Biglari et Charles T.Wolfe et sur ces deux points de vue intégrés sous le titre "L’éthique de la perspective chez Duchamp et Foucault", dans l’opus 1 de criticalsecret.com, "Actualité du vampire"
 ; et j’en fais ici une interprétation personnelle.

Ces signes médiatiques corroborent des impressions ou des certitudes (ou incertitudes) intérieurement ressenties, mais habituellement pas exprimées, même dans les protestations où cela reste impensé, indépendamment de ce qui est dit... et leur agencement soudain fait acte d’événement.

Quelque chose qui tient non à une volonté ni même à une intention préalable, mais à un arrangement aléatoire des choses concourant ensemble de diverses façons mais, curieusement, attendues : certaines paraissent dues à nos réactions volontaires ou éduquées mais déssaisies pour comprendre les autres réactions volontaires ou éduquées (la recherche de l’autre mais qui reste toujours en partie vaine sauf le troc) ; d’autres sont dues à la crise économique, d’autres aux réformes inadaptées à l’accroissement de la vie nue dans les sociétés néolibérales ; d’autres à la crise financière et aux mesures inéquitables pour la traiter, etc... Sinon, notre bon vouloir relever et faire suivre l’affaire de Tarnac, pour nous convenir, mais en part infime dans l’ensemble où il s’agit d’abord, extérieurement de notre intimité, de faire sortir de prison les victimes d’un pouvoir sans scrupule, réalise un consensus obsolescent dont l’accroissement finit par produire une intention collective, indécidable, auparavant inédite (au sens propre et métaphorique) jusqu’à se mettre à compter activement.

Ce qui nous renvoie au corps mental collectif comme impensé en mouvement, loin de la conception marxiste ou même existentialiste, de la détermination de l’engagement. Dans l’affaire de Tarnac, le corps propre cognitif, collectif, ce corps commun ignoré par la conscience du nôtre particulier, mais qui s’y meut en partie avec lui et en partie avec celui des autres, est relatif au corps pensé des inculpés, immobilisés. On pense alors au dynamisme inventif des marcheurs de la grève parisienne des transports, l’automne 1995, plutôt que se prêter aux appels à manifester contre les conducteurs des transports en commun qui avaient cessé leur activité. Mouvement social critique et en masse critique, fondé par la réaction en grève du zèle des usagers se rendant au travail, exemplaire au point qu’il finit par mettre le pays tout entier en débats. Ce que l’on entend sous le terme "le mouvement social de l’automne 1995".

Je cite, extrait de l’article de Mahmoud Miliani, "Corps et lien social", intégralement accessible au lien de l’opus 3 de la revue "Corps et culture", sur le thème du sport et du lien social (1998), un extrait du chapitre "Le mouvement social de l’automne 1995" mis en ligne sur Internet en 2007 (d’où la première phrase au présent) ; il s’agit surtout des paragraphes à propos de la surprise des masses innovant leurs mouvements (à partir du 5), ouvrant autrement l’espace urbain et social, et pour tenir lieu de référence positive, dans l’évaluation de la "Psychopathologie du lien à la faculté des sciences du sport de Montpellier" résultant, autrement des tensions lors de ce mouvement :

Corps et lien social par Mahmoud Miliani

[...]

5 En cet automne 95, les technocrates de l’ENA alliés à une philosophie sociale qui fait du marché l’horizon indépassable de l’humanité, ne pouvaient pas imaginer que le bon peuple, sage, à qui il faut constamment expliquer les raisons économiques puisse se révolter contre les lois de l’économie. Ils ne se doutaient pas non plus qu’il n’y ait pas que des experts, des conseillers du prince dans le champ scientifique. Qu’il existe dans la société en deçà de la « programmation guidage » de la population et du conditionnement des esprits une énergie sociale insoupçonnée et des intellectuels prêts à prendre leur responsabilité.

6 Parmi les grévistes de la gare de Lyon, Pierre Bourdieu s’en prend à « cette noblesse d’Etat, qui prêche le dépérissement de l’Etat et le règne sans partage du marché et du consommateur, substitut commercial du citoyen, [et qui] a fait main basse sur l’Etat, [en faisant] du bien public un bien privé [ ... ] Ce qui est en jeu, poursuit-il, c’est la conquête de la démocratie contre la technocratie : il faut en finir avec la tyrannie des " experts ", style Banque mondiale ou FMI, qui imposent sans discussion les verdicts du nouveau Léviathan, les marchés financiers ", et qui n’entendent pas négocier, mais " expliquer " il faut rompre avec la nouvelle foi en l’inévitabilité historique que professent les théoriciens du libéralisme ; il faut inventer les nouvelles formes d’un travail politique collectif capable de prendre acte des nécessités, économiques notamment [ ... ], mais pour les combattre et, le cas échéant, les neutraliser. » (Libération, 14.12.95)

7 Alors que Pierre Bourdieu parmi les cheminots [donc contre « les intellectuels de cour et d’écran » [1]] réinvente une figure de l’engagement [2], d’autres intellectuels prennent la parole, agissent non pas en s’attaquant à l’hégémonie du marché et de la pensée managériale mais en dévoilant l’emprise de la circulation et du mouvement forcé imposés quotidiennement aux citoyens. L’arrêt, la grève livrent en quelque sorte les fonctions cachées des transports en commun, des flux effrénés sur la route et leur fonction dissolvante du lien social.

8 Edgar Morin écrit : « En effet, l’électrochoc qui a soudainement immobilisé tous les transports a réveillé un pays qui s’était somnambulisé dans le métro-boulot-dodo. Le métro suspendu, le boulot chahuté et le dodo raccourci ont soudain suscité des proliférations de débrouillardises, ingéniosités et solidarités. Le réveil généralisé et multiple de la solidarité, entre travailleurs d’un même centre ou dépôt, entre ces travailleurs ; leurs familles, leurs amis et voisins, et la naissance de communications et entraides entre voisins d’habitation ou de travail montrent que la paralysie de la grève a provoqué comme une régénération spontanée du tissu social et a fait retrouver la santé psychique minimale qui comporte l’ouverture à autrui. Du coup, nous pouvons dire à quel point dans la situation dite normale il y avait la "déliaison" généralisée, l’isolement des individus, la raréfaction des communications affectives ... » (Libération 19-12.95). Presque au même moment Jean Baudrillard observe, à sa façon, la reconquête par les citoyens de l’espace public et la redécouverte de la temporalité propre au corps. Toutes choses fortes de conséquences sociales et politiques. « Marcher, marcher, écrit-il, ç’aura été la grande révélation de ce mouvement. Beaucoup plus que les manifestations traditionnelles. Car le point crucial de la fracture sociale, c’est justement la circulation. La seule circulation dans cette société, c’est celle des élites et des réseaux, celle de l’argent et de l’information en temps réel. C’est contre cela que les gens marchent. Ils marchent dans le temps différé de l’espace, contre le temps réel des réseaux dans le temps physique des parcours, contre la circulation effrénée des flux. C’est une contestation originale et directe de la norme même de cette société. » (Libération, 18.12.95)

9 Je ne résiste pas ici au plaisir de rappeler combien ces observations sont redevables aux travaux de Paul Virilio et combien certaines de ses analyses sont pertinentes non seulement pour ce qui concerne les événements de l’automne 95 mais aussi pour notre rapport quotidien au mouvement, au corps. Souvenons nous des déclarations et injonctions du pouvoir par l’intermédiaire du Premier Ministre Alain Juppé. Avant toute discussion avec les grévistes il exigeait que l’on « rétablisse la circulation ». Car l’enjeu est bien là. Pour le pouvoir, la circulation c’est l’ordre ; l’embouteillage (Cf. les récentes actions des chauffeurs de camions), le débrayage, la grève, surtout les rassemblements sont menaçants. A la rigueur le pouvoir préfère un défilé de manifestants qu’avoir affaire à une occupation. Le mot du pouvoir est d’abord « circulez ! ». Hier, cet ordre s’était appliqué aux squatters en tout genre, aux Maliens (sans abri) qui campèrent à Vincennes, aux « sans papiers » de l’église Saint-Denis à Paris ; aujourd’hui aux chômeurs qui occupent les ASSEDIC, ANPE ou d’autres administrations, services ou institutions de l’Etat ; de tout temps, note Virilio, la police a toujours obligé les marginaux, les mendiants à déambuler. Dans cette analyse du rapport à l’espace et au corps en mouvement le pouvoir apparaît moins une séquestration, un enfermement qu’une « dictature du mouvement" [3].

10 On comprend mieux la redécouverte d’autrui, les multiples solidarités, le vécu du rythme singulier du corps pendant la grève. Car habituellement, la ville n’est pas un lieu d’habitation et d’échanges sociaux et culturels ; l’espace urbain est surtout un entrecroisement de voies de communication, un espace de circulation de plus en plus rapide ; les transports en commun ou prives ne sont rien qu’un moyen de déplacements en masse de corps-objets, d’individus atomisés.

11 La grève de l’automne 95 nous aura appris les conséquences négatives d’une vie sociale réduite à de la circulation. Il n’est pas inutile, par ailleurs, de mentionner que la tactique du pouvoir se traduit par l’obligation au mouvement. C’est une manière d’affronter l’un des impensés d’une éducation par le mouvement.

12 Pendant le temps social de la contestation, pendant cette période de l’entredeux où tout est possible, à la Faculté des Sciences du Sport de Montpellier il se passait beaucoup de choses. Seulement cela se passait à l’intérieur des murs de l’organisation. Ici, point de mouvement social mais un mouvement brownien qui agite les fantasmes et les membres de l’institution. Refermée sur elle-même, celle-ci fonctionnait (et fonctionne encore) sur le mode schizophrénique. La compréhension de cette situation locale relève moins d’une approche dans les termes d’une sociologie des organisations que d’une interprétation clinique des comportements déviants encouragés par l’isolement de l’institution.

[...]

TARNAC, LE SPORT DU POUVOIR

...

Après avoir cité Mahmoud Miliani, on considère l’espace social du pouvoir élargi aux réseaux de la défense et de leurs alliances, dans une société post démocratique telle qu’en France. Les traditions régionales d’indépendance collective et individuelle y sont décadrées par l’union européenne, puis par l’orientation militaire du dispositif de police citoyenne, avec l’abandon, dès la célébration européenne du bi-centenaire de la révolution française, par Mitterrand en 1989, du droit d’insoumission inscrit aux droits de l’homme restaurés par de Gaulle en annexe de la constitution, d’une part ce droit réductible à ses extrêmes autant à l’individu qu’à chacun des trois pouvoirs ainsi intrumentés en auto-critique de l’Etat et de la majorité populaire, et d’autre part l’OTAN, concept de sécurité supra européen applicable aux citoyennetés nationales délocalisées par la globalisation (néo-libéralisme de la guerre sans contestation gagé par la sécurité des pays), sous l’influence du Pentagone.

On tire la leçon du passé (1995) tel celui de la faculté des sciences du sport de Montpellier, corrélative à l’extériorité du mouvement, ce qui causa une psycho-pathologie relationnelle, analysée dans la suite du texte (suscité), et on l’applique non à la société mais au dispositif de sécurité intérieur, post-démocratique.

Dans le cas des inculpés de Tarnac, le pouvoir de toutes façons a déjà perdu la guerre de l’information sur le sujet ; ferait-il taire la Presse ou maintiendrait-il en prison les inculpés dont l’accusation a été entièrement fabriquée, en pensant par là ne pas perdre la face : l’information s’est donné libre court autrement et ailleurs, c’est déjà fait, cela a lieu — aura eu lieu.

Plus le pouvoir insistera dans son erreur, plus il donnera lieu au traumatisme de son propre talon d’Achille, sa répétition schizophrénique ; sinon, ce serait notre espace qui l’accomplirait (notre cas ordinaire) ; l’erreur du pouvoir qui fabrique et ne sait pas s’avouer perdant, le mauvais joueur, qui ne sait pas gracier — ou gracie ici pour ne pas gracier là — piètre maître face aux esclaves qui le dévoilent, n’est plus un pouvoir symboliquement représentatif. Il n’est plus que médiatico-répressif au pire de la société du spectacle, ou répresso-médiatique au pire de la société de la communication.

Dans les consciences, le mensonge dévoilé de celui dont la seule crédibilité post politique est liée au fait que de toutes façons il dise la vérité, même insupportable à entendre, fait disparaître son protagoniste, à ses actes mêmes, c’est dire la situation de faiblesse de la ministre qui fabrique le signe d’un délit pour afficher sa force. Pourtant, avec une ministre de la justice soumise à sa portée : ça met les gens en risque de 20 ans de réclusion.

Il ne s’agit pas de ce que pourrait influencer par direction notre volonté, mais au contraire ce que les intentions de toutes provenances qu’elles soient endogènes ou exogènes des nôtres en inspirent d’autres qu’elles-mêmes et que les nôtres.

Que cela rende ce qui nous paraît positivement important, dont la capacité de se rassembler sans discuter de la ligne politique, dans une même famille de la solidarité, mais outrepassant par le pragmatisme de l’aide l’impossibilité théorique dans laquelle se trouvent les anciens dispositifs d’analyse, rend justement cette affaire hétéronome. En quoi réside le potentiel de subversion commun, non agressif, dans la capacité d’union hétérogène — à son grand dam.

Cible d’union non unitaire ni identitaire : contre l’interpellation par la ministre de l’intérieur qui par son usage du mot "autonomie" ne s’en tient qu’à la question du lien ou du non lien avec des partis, ici, tout au contraire, ce sont les individus eux-mêmes qui s’émeuvent, tandis que les partis se confondent, et s’agissant à distance de l’autonomie, bien mieux, de l’hétéronomie influente et active, comme réalité du vivant imputable imprévisiblement au dynamisme intelligent d’une conscience sociale, circonstancielle.

Structure d’un mouvement synchrone mais divers et tant qu’il durera : irrécupérable par la désinformation puisqu’il la déconstruit en temps réel de la solidarité des diversités. En cela, de plus, il n’y a pas de donneurs d’ordre, ou tant nombreux qu’ils s’annulent. C’est délibérément chacun, respectivement, qui décide de faire un bout de chemin avec les autres. Comme en 1995 on marche en communication de défense des inculpés de Tarnac, à plusieurs.

En fait, pour conclure : si nos respectables amis — soutenus, ceux-là mêmes que je ne pensais jamais avoir un jour à rallier quelle qu’en fût l’éventualité — victimes de la répression monstrueuse de la bêtise, n’avaient pas été les boucs émissaires des problèmes du pouvoir exécutif à plusieurs têtes, et bien qu’ils soient probablement remarquables à un titre ou à l’autre, et/ou collectivement ensemble, n’y changerait rien : je persisterais à les trouver sinon dogmatiques ou sectaires — pas dans le sens de secte mais dans le sens de l’autoritarisme de la pensée singulière, quand elle se donne comme vérité universelle (exclusivement la bonne) — du moins autocentrés. Alors les faits qui leur échappent (leur arrestation comme démonstration médiatique de la force) les portent déclencheurs de questions et d’idées adaptées, en temps réel des solidarités de leur défense, réfléchissantes indépendamment d’eux.

Et surtout, qu’ils s’en émerveillent au lieu de vouloir l’animer ou s’en ressaisir centralement, parce que ça ne marcherait pas : leur pensée communautaire restant particulière, même avec d’autres, amies, au lieu de nous réjouir de voir le pouvoir en situation psycho pathologique, nous nous retrouverions nous mêmes dans l’espace bloqué de l’école des sports...

Une cause politique parmi les autres mais qui les met toutes en mouvement.

Je n’aimais pas la revue Tiqqun, post situationniste gothique, comme je disais à l’époque où je considérais même qu’ils pensaient selon un révisionnisme des avant-gardes... au moment où cela déjà ne pouvait plus être une avant-garde de classe des masses... révolutionnaires, et le situationnisme historique ayant fait long feu (s’étant d’ailleurs et en toute cohérence auto-dissous). Ma foi, si je prends "L’insurrection qui vient.. " comme un texte manifeste, il m’est autant insupportable. Seulement si je le prends pour une anticipation du temps réel et une révolte exprimée par la voix de l’écriture, réalisée par les mots comme puissance en soi, alors le comité invisible prend une place conceptuelle et non d’un pouvoir secret manipulateur, ni arrogant, dans un moment où personne ne veut réinstrumenter un parti ou un groupe quand on en sort, et là, cette étrangeté, ça va tout à fait bien.

C’est exactement cela, la séduction, productrice d’énergie non utilitaire, en quoi réside une réversibilité révolutionnaire de fait, le retournement des situations elles-mêmes, peut-être... et en tous cas réversibilité bienvenue ou attendue quand il n’y a plus une classe sociale productive dialectique (non pas idéologiquement mais économiquement) dans le rapport de force. Mais ce n’est sûrement pas la dictature du prolétariat en marche, ni le retour de la Commune, même si les conseils ouvriers sont restés en suspens, aux pertes et profits des actes révolutionnaires dans l’histoire des nations modernes, qui demeure dominante à travers les nouveaux paradigmes d’union économique (en Europe comme en Amérique). Paradigmes évidemment protectionnistes dans leur concept même. C’est la population entière qui se joue en termes dialectiques face au pouvoir qui n’en respecte plus les pactes politiques, tout simplement parce que ces pactes ont été rayés du droit, par décrets successifs ou lois toujours approuvées par leur majorité adaptée, en vue de l’intégration communautaire et globale des marchés et de la vie sur terre sous ces conditions, décidés par les bureaucraties supérieures, gérés par les nouvelles supra démocraties.

En effet, il n’y a pas de gouvernement mondial possible (prévisionnellement) des économies générales, gérées par le principe des marchés, qui puisse admettre sa critique à l’acte des économies régionales. Avoir imaginé la démocratie globale sur une telle base d’accords intégraux consistait en poudre lancée aux yeux de l’humanité fraternelle à l’issue des grands totalitarismes. La gouvernance dans ce cadre est une fois de plus la broyeuse de chocolat, le flux moins la volupté et la disparition de l’humain comme femme ou homme en droit (à défaut de la cuisinière et du mangeur d’hommes), à l’issue des sociétés de consommation où le consommateur doit prendre ce qu’on lui destine. Quand seul le traitement global de l’argent gage les économies de production disparues, c’est que les droits de l’homme ne "valent" plus.

A ceci près que ce livre du comité invisible, micro micro-particule ne serait pas si remarquable si ce n’était la mise en scène de la police cherchant à représenter le signe de la preuve — ce qui n’existe pas, sinon l’invention par la police et la justice d’une réalité, l’indice, ce signe de leur existence mais qui en prouve principalement le vide.

Seulement voilà, parce qu’il y avait en amont une stratégie de l’édition respectable en France qui a publié la signature obsolète (que nous considérons comme intégralement poétique) Comité invisible, contrairement au pouvoir qui ne sait pas ce qu’il fait mais s’y autorise, le fait que des co-signataires (mais qui pourrait affirmer qu’il ne s’en trouve pas qu’un seul sous ce nom générique ?) se soient repliés pour se donner une pratique communale selon leurs idées, mais ne s’autorisant rien d’autre (pas même de saboter les caténaires) leur procure la certitude de leur topologie cohérente, et la nôtre pensante à leur marge. Ce qui conforte la validité de leur existence collective, autant que la révélation indéniable du désemparement du sens du côté du pouvoir, une fois la démocratie disparue, alors qu’il se présente en force comme celui qui en détiendrait les clés initiées, et en réalité pour cacher qu’il les a perdues.

Paradoxalement, la conscience opératoire de l’hétéronomie, comme agissement ensemble, passe par un retour sur l’individu.

Cependant, il devient notoire que de tels mouvements révèlent à quel point les capacités spontanées d’exercice direct de la solidarité destinent autrement les classes moyennes qu’elles ne s’expriment contradictoirement dans le cadre électoral, depuis que le vote blanc a disparu des votes exprimés au total de suffrages attribués, ce qui aurait dû rendre méfiant, la proportionnelle promise en échange ayant compté ses avantages en termes pingres... Cela aurait dû rendre inacceptable la modification des droits de l’homme français pour l’alignement avec les droits européens tant que l’Europe ne se proclamait pas politique. Seule la charte héritée en annexe de la 5ème constitution, non pas universelle mais particulière, pouvait assurer les libertés citoyennes et civiques dans une institution d’Etat comme la nôtre, présidé au suffrage universel après la disconvenue algérienne du parlementarime, et donc en cas de retour du parlementarisme local, dans le cadre d’un exécutif européen de commissaires globalisés, loin des démocraties électorales.

On le voit bien à propos de l’amendement contre la riposte choisie, que le gouvernement français vient de faire retirer du vote définitif malgré la large majorité du parlement européen qui l’avait approuvé.

Et néanmoins, et justement, signons :
http://www.soutien11novembre.org/ ONLINE PETITION - PÉTITION EN LIGNE.

A. G-C.

Notes

[1L’expression est de Halimi S. (1997) Les nouveaux (...

[2Pour une analyse des figures de l’engagement (Sartre, (...)

[3Sur la circulation instaurée en tant qu’ordre (...)

3 Messages

  • Julien Coupat est mon ancien compagnon de séminaire, à l’EHESS. Il a suivi le séminaire « histoire de la pensée allemande » et soutenu brillamment un DEA autour des écrits de Guy Debord. Nous avons conduit quelques activités communes, dont de nombreuses réflexions et échanges de textes en vue de co-fonder ensemble une revue. Nous avons arpenté la rue Mouffetard à maintes reprises avec les yeux & les mains ouvertes vers la liberté, la désaliénation et l’action pour le progrès.

    La revue Tiqqun est née sans moi. Des désaccords pratiques et d’existence nous séparaient. Républicain et nourrissant des analyses me portant à stimuler les actions collectives dans et pour le peuple dans la lutte des classes pour organiser l’union de luttes des classes populaires, nous n’avons pas poursuivi nos relations fraternelles mais le respect mutuel dans nos travaux a demeuré. Nous avons tout de même mis sur pied ensemble un atelier au cours d’un Congrès Marx International à Nanterre.

    L’orientation intellectuelle et partisane de Julien Coupat l’a mené dans les franges de la radicalité scripturaire. Ni plus, ni moins. Toujours amical avec ses semblables, d’une gentillesse remarquable, les écrits de Julien Coupat sont certes radicaux mais qu’on nous comprenne bien : entre des écrits et les actions, il y a un monde qu’il n’a certainement pas franchi. Du ciel des idées au cieux de l’action, la béance est un drame grossi aujourd’hui par la procurature. Il est devenu le pion d’un jeu imbécile qui en révoltera plus d’un : l’hypertrophie du vocabulaire de la sanction.

    Julien Coupat n’est pas un prolétaire mais un bourgeois entré en critique ; il y en a, il en faut ! Individualiste, Julien Coupat n’est pas républicain au sens strict. Il ne méconnaît pourtant pas les idéaux et espérances de l’esprit de la Révolution française, de la Révolution de 1848 et la Commune de 1871 et les milliers de déportés et fusillés, femmes, enfants et vieillards au cours de la répression sanglante orchestrée par Versailles. En rupture de ban avec les idées communes des si gentils mouvements politiques claniques et groupusculaires qui n’ont d’autres vues que de se satisfaire de la haute opinion qu’ils ont d’eux-mêmes, cela fait-il de julien Coupat un « terroriste » ? Non, trois non.

    Julien Coupat a mené ses travaux honorablement avec tout le sérieux que je lui connais. Excellente plume littéraire, je peux ne pas être en accord avec ses analyses, orientations théoriques et politiques. Loin de là. Reconnaissons-le pourtant parmi les intellectuels engagés qui n’a jamais fait défaut à l’humanité : nulle tentation et nul appel à l’homicide ne transparaissent dans l’ensemble de ses écrits. Je le sais, nul appel au meurtre ne se lira jamais sous sa plume, malgré les épreuves du jour et de la nuit en enfermé. Il a par la suite fait paraître des livres collectifs, signant Théorie de la jeune fille et Bloom aux Editions Mille & Une nuits sous des noms d’emprunts. Ses textes provenaient tous de la revue Tiqqun. Il a ensuite préfacé un recueil de textes de Blanqui paru aux Editions de La Fabrique. Il a de même été l’une des plumes principales du Comité Invisible popularisant L’insurrection qui vient, toujours aux Editions de La Fabrique, texte éponyme d’une réalité en marche.

    Cela fait-il de Julien Coupat un « terroriste » ? Non, trois non. Que reproche-t-on à Julien Coupat ? D’écrire librement ?

    • Aux armes et cetera : Julien Coupat, the Tarnac Five, et nous... 29 novembre 2008 00:37, par l’auteur de l’article

      Ce qui est le pire, vous savez : c’est qu’il n’y a pas eu de sabotage... il n’est accusé que pour diriger une "association de malfaiteurs" (?) relativement au fait éditorial d’une part et associé à celui d’avoir accompagné des amis à New York dans une manifestation anti-guerre — fichier partagé des services de renseignement français et du FBI (comme tous les voyageurs étrangers sont "tracés" depuis leur entrée aux USA). Par exemple, le mouvement "no war" : tous les gens informés d’internet contre la guerre d’Irak sont abonnés en soutien des américains contre la guerre, partout dans le monde, les plus grand acteur d’Hollywood en font partie, et comment voulez vou ne pas suivre une marche de vos amis si vous vous trouvez sur place au moment d’une telle manifestation publique légale ?

      Vous vous rendez compte ?! Faire suivre ici le Patriot Act au nom duquel le FBI a harcelé Steve Kurtz du Critical Art Ensemble pendant 4 ans, en résidence surveillée après son incarcération illégitime, parce que ses installations mettaient en cause l’agro alimentaire bio-génétique...

      Alors qu’il s’agit d’actes civiques légaux ! Kurtz est enfin complètement relaxé depuis cette année et voici Coupat pour poursuivre...

      Il est établi qu’il n’a rien à voir avec les problèmes de la SNCF. Ces jeunes gens des deux sexes étaient suivis depuis plusieurs mois et dès qu’il mettaient le nez dehors. Comment pourrait-on imaginer qu’ils n’aient pas pu être pris la main dans le sac, s’ils étaient responsables de ce dont la Presse les accuse alors que les juges ne les en accusent même pas ?

      De plus, dans la tradition des lutte de classe, personne ne se substitue à personne. Les caténaires constituent un problème interne de la SNCF — gestion et maintenance, vétusté des équipements, privatisation des services qui au lieu de maintenir sytématiquement les voies, comme auparavant, les réparent au cas par cas.

      Qu’ils soient remis en liberté est déterminant pour la crédibilité ultime de ce gouvernement.
      Ce sont les dernières libertés civiques pactuelles en France : liberté de publication et de mode de vie, qui se jouent à travers la question de Tarnac.

  • Quand ils sont venus arrêter.... 28 novembre 2008 21:01, par un invisible

    « Quand ils sont venus arrêter mon voisin communiste, je n’ai rien dit, je n’étais pas communiste.

    Quand ils sont venus arrêter mon voisin tzigane, je n’ai rien dit, je n’étais pas tzigane.

    Quand ils sont venus arrêter mon voisin juif, je n’ai rien dit, je n’étais pas juif.

    Quand ils sont venus m’arrêter, il n’y avait plus personne pour me défendre »

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