"De fil en aiguille, et à mesure que je m’accoutumais à ce milieu nouveau, je cessai de regarder les Africains sous l’angle de l’exotisme, finissant par être plus attentif à ce qui les rapprochait des hommes des autres pays qu’aux traits culturels plus ou moins pittoresques qui les en différenciaient. "
Michel Leiris, L’Afrique fantôme
Après 4 jours de voyage, on se pose enfin. On habite dans une petite maison du quartier Dioula de la bourgade.
Sakassou, bien que sous-préfecture est avant tout un grand village.
Face à la maison trône un vieux manguier sous lequel nous pouvons éviter le soleil. A côté on trouve la cour où les enfants jouent. Au fond de la cour la cuisine avec son double foyer en terre.
Ici, les ravages que la civilisation occidentale produit sur les différentes cultures avec lesquelles elle rentre en contact semblent moins importants qu’ailleurs. Penser à Michel Leiris qui a mis deux ans pour achever son détachement des préjugés et des valeurs de l’Europe, et sa pénétration des vérités africaines.
L’Afrique détient-elle vraiment le secret d’"une présence au concret et à la succulence immédiate de la vie " ? : capacité de contact avec les choses, de fusion avec la nature, capacité d’écoute et de sérénité...
C’est le moment de regarder, d’écouter, de filmer, d’enregistrer.
Justement tout le monde se regarde. La voiture nous a déposés devant la maison. Le père d’Aya pleure en silence. Les femmes sont assises avec nous sauf Florence la petite soeur qui sera en retrait durant tout le voyage, contrairement à Béa qui très vite plaisante avec la soeur prodigue tout en me regardant de loin. Les enfants ne s’approchent pas encore. Ils nous toisent tous, assis ensemble, avec derrière eux les autres petits du quartier.
Je commence à réfléchir plus profondément au film que je veux faire ici.... Prendre mes premières notes, plus sur le voyage que sur le film lui-même. Ne pas être un touriste, encore moins un spectateur et un dilettante.