Ainsi s’achèverait la folie 807, par un baroud d’honneur du Maître Eric Chevillard qui avait initié le mouvement par le fameux aphorisme : J’ai compté 807 brins d’herbe, puis je me suis arrêté. La pelouse était vaste encore ?
Très estimé professeur, je viens par la présente solliciter de votre bienveillance ma réadmission dans le pavillon des aliénés que vous dirigez et que je n’aurais jamais dû quitter. Mes délires m’ont repris, plus féroces et aberrants que jamais. Je vis à présent dans l’illusion que chacun de mes faits et gestes a pour effet immédiat la création spontanée d’un mouvement littéraire de grande ampleur qui le répercute à l’infini. Ces divagations de mon esprit ont commencé comme je dénombrais les brins d’herbe de ma pelouse avec l’espoir que la patience et la concentration nécessaires à cette tâche me permettraient au contraire de tenir en respect la folie toujours prête à fondre sur moi, comme vous le savez, hélas, très honoré professeur. Peine perdue. La discipline à laquelle je m’astreignais fut cause de cette nouvelle crise hallucinatoire : mon cerveau malade enfanta des hommes et des femmes qui, par dizaines, furieusement, se livraient à leur tour à des additions absurdes et des recensements maniaques. Du coup, je n’ose plus rien entreprendre. Songez que j’avais le projet d’épiler mon ourse, mais aussi celui de reproduire avec des grains de riz sur la moquette noire de ma chambre la carte du ciel étoilé, et encore celui de dresser la liste exhaustive des barbarismes qui rendent si piquante et singulière l’œuvre d’Alexandre Jardin au risque de devoir en copier chaque mot de ma main. Je renonce à tout cela. Je n’aspire plus qu’à la paix des neuroleptiques et de la camisole. Réintégrez-moi, s’il vous plaît, et je vous promets d’être le plus doux, le plus aboulique, le plus cataleptique de vos patients pétrifiés.