Don’t trust the corporate media ! OWS (2011)
Source encognitive.com
Si vous aviez suivi les protestations du Premier Mai à New York sur les principaux canaux médiatiques vous auriez pu à peine vous rendre compte que toutefois elles avaient lieu. Récits généralement gommés, minimalistes, centrés sur quelques arrestations, et barre placée à des « centaines » de manifestants dans les rues, ou peut-être, si un journaliste se sentit particulièrement généreux, à de vagues « milliers ». J’ai fait mon propre décompte sur la dimension approximative des protestations d’Occupy ce jour là. J’ai quitté Union Square dans la soirée en direction du périmètre de Wall Street. J’ai remonté la manifestation jusqu’au bout à contre-courant, le calcul de deux ou trois mille protestataires lâchement assimilés à un groupe est monté à 15.000 personnes avec une évaluation de conservateur. Ce n’était peut-être pas la manifestation du millénaire, mais d’un volume non négligeable pour Occupy, organisation sans structures solides mais fortement située, qui avait été poussée (littéralement) hors de ses camps de Zuccotti Park et d’autres endroits dans le pays, ou même cognée, en vue d’être oubliée.
Si vous aviez vérifié dans The Nation ou Mother Jones, vous auriez obtenu une idée plus précise de ce qui se passait. Pourtant, est-ce que le grand mouvement de protestation de notre moment américain (sur une planète tout de même en plein bouleversement) ne méritait pas mieux ce jour-là ? Et indépendamment de ce que vous avez lu dans le flux principal, voici ce que vous n’en auriez rien su : ce pays est de plus en plus un camp en arme et ces marcheurs, remarquablement détendus et paisibles, se dirigeaient parmi une concentration de policiers suffocante, dont on resterait interloqué.
Des flics patrouillaient en scooters sur les rives de la manifestation, qui était contenue par les habituelles barrières métalliques. Les hélicoptères de la police au ras des toits nous bourdonnaient aux oreilles. La police réussit à changer la route même des marcheurs à mi-chemin, et le taux de participation de la police — j’ai évalué jusqu’à 75 flics, par trois rangées à certains coins de rue, qui ne faisaient rien d’autre que des heures supplémentaires, — était de loin peu désavantageux.
Bien que les manifestants d’Occupy aient entonné « À qui les rues ? Nos rues ! » [2], ce ne fut jamais le cas. Les rues appartiennent à la police. Si cela est la démocratie et la liberté de dissidence comme valeurs essentielles constamment vantées au monde par les officiels américains : pincez-moi — je rêve ! Je serais même surpris que ceci soit globalement légal. En revanche, pour ce qui est de la légalité, c’est résolument non. De sorte que n’importe quelle marche dominicale sous le soleil se retrouve emprisonnée et ses manifestants réduits à un auditoire captif. Lorsque des jeunes franchissent les barrières et les cordons serrés de flics et filent dans toutes les directions, ça ressemble vraiment à une évasion.
Le fait est que, dans un pays dont les forces de sécurité sont blindées des orteils jusqu’aux dents et de la frontière mexicaine jusqu’à Union Square, on sent bien, derrière n’importe quel groupe de manifestants, le malaise des puissants qui confine à la peur. Rien de surprenant. La « reprise » se joue sur le fil du rasoir. Si jamais la zone euro s’affaiblit puis s’effondre, si la bulle immobilière chinoise éclate, si le Golfe persique s’embrase, vous pouvez toujours vous accrocher. Comme Bloomberg à New York, de nombreux maires ont envoyé leurs paramilitaires (avec le coup de main du Ministère de la Sécurité Intérieure) pour se débarrasser des fauteurs de troubles. Le seul problème c’est que la réalité de leurs problèmes est si profonde que lorsque le prochain « moment » viendra, Occupy aura eu l’air d’une ballade au parc (ce dont ce mouvement s’inspire à bien des égards). Pendant ce temps, les rues tombent de plus en plus dans des mains surarmées. Les Américains dénoncent le flou dans l’application obsessionnelle des lois relatives au « terrorisme » depuis le 9/11.
Si vous voulez avoir une idée de ce qui se trame derrière tous les drones, les hélicoptères, les chars et même les mini-drones sous-marins de la police, ce qui sous tend ce délicat moment-clef, lisez l’entretien que Noam Chomsky a accordé à TomDispatch. Il s’agit d’un extrait de son dernier livre, Occupy, pour lequel nous remercions son éditeur Zuccotti Park Press.
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Ploutonomie et Précariat
Sur l’histoire de l’économie des USA en déclin
par Noam Chomsky
Le mouvement Occupy a connu un développement extrêmement excitant. En fait, sans précédent. Jamais quelque chose de tel à quoi je pourrais penser n’a existé. Si les associations et les promesses que le mouvement a établies peuvent être soutenues à travers la période longue et sombre qui arrive — parce que la victoire ne viendra pas rapidement — il pourrait s’avérer un moment considérable dans l’histoire américaine.
Le fait que le mouvement Occupy soit sans précédent est particulièrement approprié. Après tout, c’est l’ère durant depuis les années 1970 qui se trouve sans précédent, et qui a marqué un tournant majeur dans l’histoire américaine. Pendant des siècles, depuis que le pays existait, ce fut une société en développement, et pas toujours par de jolis chemins. C’est une autre histoire, mais le progrès général allait vers la richesse, l’industrialisation, le développement, et l’espoir. Il y avait une espérance assez immuable qu’il en allât ainsi. Ce fut aussi le cas dans les moments très sombres.
Je suis juste assez vieux pour me souvenir de la Grande dépression. Après les toutes premières années, au milieu des années 1930 — même si la situation était objectivement beaucoup plus sévère qu’elle ne l’est aujourd’hui, — l’esprit était néanmoins différent. « Nous allons nous en sortir » faisait sens, même parmi les gens sans emploi, y compris nombre de mes proches : « ça va aller mieux ».
Il y avait le syndicat du travail militant qui continuait à organiser, particulièrement le CIO (Congress of Industrial Organizations) [3]. On en venait au point des grèves sur le tas, qui effrayaient le monde des affaires — vous pouviez le voir dans la Presse d’affaires de l’époque, — parce qu’une grève sur le tas est juste l’étape qui précède la reprise de l’usine pour la faire tourner par vous-même. Par ailleurs, l’idée de prise de contrôle par les travailleurs est tout à fait quelque chose à l’ordre du jour aujourd’hui, et nous devrions le garder à l’esprit. En outre, la législation du New Deal commença à intervenir en tant que résultat de la pression populaire. Malgré les moments difficiles, il y avait un sentiment qu’en quelque sorte : « nous allons en sortir ».
C’est tout à fait différent maintenant. Pour beaucoup de personnes aux États-Unis, il y a une acception pénétrante de l’impossibilité, parfois le désespoir. Je pense que c’est tout à fait nouveau dans l’histoire américaine. Et ce fait a une base objective.
Sur la classe ouvrière
Dans les années 1930, les travailleurs sans travail pouvaient anticiper que leurs emplois reviendraient. Si vous êtes un travailleur dans l’industrie manufacturière aujourd’hui — le niveau actuel du chômage y est à peu près le même que pendant la Dépression — et si les tendances actuelles persistent, ces emplois ne reviendront pas.
Le changement a eu lieu dans les années 1970. Il ya beaucoup de raisons à cela. L’un des facteurs sous-jacents, discuté principalement par l’historien économique Robert Brenner, fut la baisse du taux de profit dans le secteur manufacturier. Il y a eu d’autres facteurs. Ceci a conduit à des changements majeurs dans l’économie — un renversement de plusieurs centaines d’années de progrès du côté de l’industrialisation et du développement qui s’est transformé en processus de développement personnel et de désindustrialisation. Bien sûr, la production manufacturière continua d’être très rentable outremer ; mais ce ne fut pas bon pour la force de travail.
Avec cela est venu un changement important de l’économie de l’entreprise productive — qui produit les choses dont les gens ont besoin ou qu’ils pourraient utiliser — à la manipulation financière. La financiérisation de l’économie a vraiment décollé à ce moment-là.
Sur les banques
Avant les années 1970 les banques étaient des banques. Elles faisaient ce que des banques étaient supposées faire dans une économie capitaliste d’État : par exemple, elles prenaient les fonds inutilisés de votre compte bancaire pour les transférer à des objets potentiellement utiles, comme aider une famille à acheter une maison ou envoyer un enfant au collège. Cela changea dramatiquement dans les années 1970. Jusque-là, depuis la Grande Dépression, il n’y avait eu aucune crise financière. Les années 1950 et les années 1960 avaient été une période d’énorme croissance, les plus hautes dans l’histoire américaine, et peut-être dans l’histoire économique.
Et c’était égalitaire. Le un cinquième du plus bas faisait aussi bien que le un cinquième du plus haut. Des tas des gens évoluaient dans des styles de vie raisonnables — appelés ici « la classe moyenne » et dans d’autres pays « la classe ouvrière », — et c’était une réalité ; et les années 1960 l’accélérèrent. L’activisme de ces années, après une décennie assez morne, civilisa vraiment le pays dans toutes sortes de voies inaliénables.
Quand les années 1970 arrivèrent, il y eut des changements subits et aigus : désindustrialisation, délocalisation de la production et passage aux institutions financières — qui grandirent énormément. Je devrais dire que dans les années 1950 et les années 1960 il y eut aussi le développement de ce qui devint, plusieurs décennies après, l’économie des hautes technologies (high-tech) : ordinateurs, Internet, la révolution des technologies de l’information (IT Revolution) — considérablement déployées dans le secteur d’État.
Les développements qui eurent lieu pendant les années 1970 firent ressortir un cercle vicieux. Celui-ci mena à concentrer de plus en plus de richesse entre les mains du secteur financier. Ce qui ne profite pas à l’économie — lui nuit probablement ainsi qu’à la société — pour autant mena vraiment à une concentration énorme de la valeur.
Sur la monnaie et la politique
La concentration de la richesse rapporte la concentration du pouvoir politique. Et la concentration du pouvoir politique donne lieu à une législation qui augmente et accélère le cycle. Le projet de loi, essentiellement bipartite, entraîne de nouvelles politiques fiscales et des modifications des taxes, ainsi que des règles de gouvernance d’entreprise et la déréglementation. A côté de cela une forte hausse dans les coûts des élections a commencé, qui pousse et même plus profondément les partis politiques dans les poches du secteur d’entreprise.
Les partis se sont dissous de nombreuses façons. L’usage était que si une personne au Congrès attendait une position comme la chaire du comité, elle ou il l’obtenait principalement par le service et l’ancienneté. En deux ou trois ans, pour passer en avant, il fallut commencer par mettre de l’argent dans les coffres du parti, — un sujet étudié principalement par Tom Ferguson. Cela a juste conduit encore plus profondément le système entier dans les poches du secteur d’entreprise (de plus en plus le secteur financier).
Il a toujours existé un fossé entre la politique publique et la volonté publique, simplement il a grandi en proportion astronomique. En fait, on peut le voir dès maintenant. Jetez un regard au grand sujet sur lequel tout le monde se concentre à Washington : le déficit. Pour le grand public, à juste titre, le déficit n’est pas considéré comme un gros problème. Et ce n’est pas vraiment un gros problème. La question est celle du chômage. Il y a une commission du déficit, mais aucune commission du chômage. Autant que le déficit le concerne, le public a des opinions. Jetez un coup d’oeil aux sondages. Le public appuie massivement des impôts plus élevés sur les riches, impôts qui ont fortement diminué dans cette période de stagnation et de déclin, et la préservation des prestations sociales qui furent limitées.
Le résultat de la commission du déficit va probablement être à l’opposé. Les mouvements Occupy pourraient fournir une base de masse pour essayer d’éviter ce qui équivaudrait à un poignard planté dans le cœur du pays.
Ploutonomie et précariat
Pour l’ensemble de la population -– les 99% dans l’image du mouvement Occupy -– ça a été assez dur, et cela pourrait empirer. Cela pourrait être une période de déclin irréversible. Pour les 1% et même moins -– les 01% — cela va très bien. Plus riches et plus puissants que jamais, ils contrôlent le système politique, au mépris de la communauté. Et si cela peut continuer pour eux, pourquoi pas, bien sûr ?
Prenez, par exemple, Citigroup. Pendant des décennies, Citigroup a été l’une des sociétés bancaires d’investissement les plus corrompues, plusieurs fois renflouée par le contribuable dès le début des années Reagan et cela continue. Je ne vais pas pourfendre la corruption, mais c’est assez étonnant.
En 2005, Citigroup s’est fait connaître grâce à une brochure pour investisseurs intitulée « Ploutonomie : Achat de luxe, explications des déséquilibres mondiaux ». Les investisseurs étaient exhortés à mettre de l’argent dans un « Indice de ploutonomie ». La brochure affirmant que « Le Monde est scindé en deux blocs — la Ploutonomie et le reste ».
La ploutonomie se réfère aux riches, à ceux qui achètent des produits de luxe et ainsi de suite, et c’est là que se font les profits. Ils ont affirmé que leur indice de ploutonomie permettait de surpasser le marché boursier. De la même façon que le reste, nous l’avons laissé aller à la dérive. Nous n’en avons pas besoin. Ils doivent être là pour assurer l’existence d’un état puissant qui saura nous protéger et nous sortir du pétrin, mais ils n’ont assurément aucune autre fonction. « Précariat » est le nom qu’on leur donne parfois de nos jours — des gens qui ont une existence précaire en marge de la société. Sauf que ce n’est plus la marge. C’est désormais une partie très importante de la société, aux États-Unis voire ailleurs. Et cela passe pour une bonne chose.
Ainsi, par exemple, Alan Greenspan, le président de la Fed, au moment où il était encore « Saint Alan » — et qu’il était salué par la profession comme l’un des plus grands économistes de tous les temps (c’était avant le krach dont il était en grande partie responsable) — témoignant au Congrès durant les années Clinton, y expliqua les merveilles de la grande économie qu’il supervisait. Il affirmait que la majeure part de ces succès tenait surtout à ce qu’il appelle « l’insécurité croissante des travailleurs ». Si les travailleurs sont vulnérables, s’ils font partie du précariat et mènent des existences précaires, ils ne vont pas revendiquer, ils ne vont pas réclamer de meilleurs salaires et n’auront pas de meilleures prestations. On peut les virer si on n’en a pas besoin. Et c’est ce qu’on appelle une économie « saine » du point de vue technique. Et c’est ce dont on lui sut grandement gré, ce pourquoi il suscita l’admiration.
Ainsi le monde est-il bien scindé entre une ploutonomie et un précariat — le 1% et les 99% selon l’image du mouvement Occupy. Les chiffres ne sont pas adéquats, mais l’image est bonne. Désormais, la ploutonomie est là où se font les profits des entreprises et des transactions et cela pourrait continuer ainsi.
Si c’est le cas, alors l’inversion historique qui commença dans les années 1970 pourrait devenir irréversible. C’est vers cela que nous nous dirigeons. Et le mouvement Occupy est la première, véritable et importante réaction populaire qui pourrait permettre d’éviter cela. Mais il ne faut pas se le cacher, ce sera un combat long et difficile. Il ne s’agit pas de gagner demain. Il faut créer des structures durables qui permettront, en traversant les temps difficiles, de remporter d’importantes victoires. Et il y a beaucoup de choses à faire.
Vers une reprise en main par les travailleurs
J’ai déjà dit que, dans les années 1930, un des modes d’action les plus efficaces était la grève sit-down. La raison en est simple : il s’agit de l’ultime étape avant de prendre le contrôle d’une industrie.
Pendant les années 1970, alors que la récession s’installait, on put assister à d’importants événements. En 1977, U.S. Steel a décidé de fermer une de ses principales installations à Youngstown, en Ohio. Au lieu de simplement s’en aller, la main-d’œuvre et la communauté ont décidé de se réunir et de les acheter à la compagnie, de les remettre en état de marche et d’en faire une installation dirigée par les travailleurs et autogérée. Ils n’ont pas gagné. Mais ils auraient pu vaincre s’ils avaient eu un soutien populaire plus grand. C’est un sujet que Gar Alperovitz et Staughton Lynd, l’avocat des travailleurs et de la communauté, ont discuté en détail [4].
Ce fut une victoire partielle puisque, malgré la défaite, cela a stimulé d’autres efforts. Ainsi maintenant, dans tout l’Ohio, et ailleurs, peut-on trouver des centaines, peut-être des milliers d’usines — parfois pas si petites que ça – détenues par les travailleurs et la communauté et qui pourraient être dirigées par les travailleurs eux-mêmes. Et c’est la base d’une véritable révolution. C’est comme ça que ça arrive.
Il y a environ un an s’est passé quelque chose de semblable dans l’une des banlieues de Boston. Une multinationale a décidé de fermer une entreprise rentable et fonctionnelle qui opérait dans certaines fabrications high-tech. D’évidence, ils estimaient le profit insuffisant. Les ouvriers et le syndicat ont proposé de l’acheter, d’en prendre le contrôle et de la gérer eux-mêmes. La multinationale a néanmoins choisi de la fermer, probablement pour des raisons de conscience de classe. Je ne crois pas qu’ils désirent que de telles choses arrivent. S’il y avait eu un soutien populaire suffisant, s’il y avait eu une sorte de mouvement Occupy, qui eût pu être impliqué, ils auraient pu réussir.
Et il y a d’autres choses en cours comme ça. En fait, certaines sont importantes. Il n’y a pas si longtemps, le président Obama a repris le contrôle de l’industrie automobile, qui avait été essentiellement détenue par la communauté. Et il y avait un certain nombre de choses qui auraient pu être faites. L’une a été faite : la rétablir de façon à ce qu’elle puisse être rendue à la propriété, ou à une propriété similaire, et continuer sur la voie traditionnelle.
L’autre possibilité était de la remettre à la main-d’œuvre — qui en était de toute façon propriétaire — de la convertir en une industrie détenue et gérée par ses travailleurs et constituant un système industriel majeur qui représente une importante part de l’économie, et de lui faire produire ce dont les gens ont besoin. Et il y a tant de choses dont nous avons besoin.
Nous savons ou devrions tous savoir que les États-Unis sont très en retard dans le domaine du transport à grande vitesse, et que c’est très grave. Cela affecte non seulement la vie des gens mais aussi l’économie. A cet égard, voici une anecdote personnelle. Voici quelques mois, j’ai donné des conférences en France et il m’a fallu prendre le train d’Avignon, dans le sud de la France, à l’aéroport Charles-de-Gaulle à Paris, à savoir la distance entre Washington, DC, et Boston. Cela prit deux heures. J’ignore s’il vous est jamais arrivé de prendre le train entre Washington et Boston, mais il roule aussi vite qu’il y a soixante ans quand mon épouse et moi l’avions emprunté pour la première fois. C’est scandaleux.
On pourrait faire comme en Europe, ici. Ils avaient la capacité de le faire, la main-d’œuvre qualifiée nécessaire. Il aurait fallu un peu de soutien populaire, mais cela aurait pu apporter un changement majeur dans l’économie.
Rien que pour rendre tout cela encore plus surréel, alors que cette option était écartée, l’administration Obama a envoyé son secrétaire des transports en Espagne pour obtenir des contrats afin de développer des trains à grande vitesse aux États-Unis, lesquels auraient pu être faits précisément dans la « Ceinture de rouille [5] », dont les usines ferment. Rien ne s’oppose économiquement à ce que cela se fasse. Si ce ne sont des raisons de classe qui illustrent l’absence de mobilisation politique populaire. De semblables choses continuent.
Le changement climatique et les armes nucléaires
Je suis resté sur des questions intérieures, mais dans l’arène internationale, deux évolutions dangereuses étendent leur ombre sur tout ce dont nous avons parlé. Pour la première fois dans l’histoire de l’humanité, de réelles menaces pèsent sur la survie ad hoc des espèces.
Nous traînons la première depuis 1945. C’est une sorte de miracle que nous y ayons échappé. Il s’agit de la menace des armes nucléaires et de la guerre nucléaire. Bien qu’on en parle peu, cette menace s’accroît du fait de la politique menée par cette administration et ses alliés. Et il faut faire quelque chose pour ça, sinon nous sommes dans un sacré pétrin.
L’autre, bien sûr, est la catastrophe écologique. Il n’est pratiquement pas un pays qui n’essaie au moins de prendre des mesures pour essayer de l’enrayer. Les États-Unis aussi prennent des mesures, surtout pour accélérer la menace. Non seulement c’est le seul grand pays qui ne fait pas la moindre chose pour protéger l’environnement, mais il n’est même pas monté dans le train. A certains égards, il le tire vers l’arrière.
Et cela est lié à un énorme système de propagande ouvertement revendiqué avec fierté par le monde des affaires qui tient à convaincre les gens que le changement climatique n’est qu’un canular. « Pourquoi écouter ces scientifiques ? »
Nous retournons vraiment à un âge de ténèbres. Ce n’est pas une blague. Et si cela arrive dans le pays le plus riche et le plus puissant de l’histoire, alors cette catastrophe ne sera pas évitée — et dans une génération ou deux, toute autre considération sera vaine. Il faut y faire quelque chose, et vite, en s’y consacrant de façon durable.
Cela ne sera certes pas aisé d’y parvenir. Il y aura des obstacles, des difficultés, des épreuves, des échecs. C’est inévitable. Mais à moins que l’esprit de cette année dernière, ici et partout dans le pays et dans le monde ne continue de croître pour s’affirmer comme une force majeure dans le champ social et politique, les chances d’avoir un futur convenable ne sont guère élevées.
Source : Tomgram : Noam Chomsky, A Rebellious World or a New Dark Age ? © Copyright 2012 Noam Chomsky.
Noam Chomsky is Institute Professor Emeritus in the MIT Department of Linguistics and Philosophy. A TomDispatch regular, he is the author of numerous best-selling political works, most recently, Hopes and Prospects, Making the Future, and Occupy, published by Zuccotti Park Press, from which this speech, given last October, is excerpted and adapted. His web site is www.chomsky.info.
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Occupy, By Noam Chomsky, May 1 2012 ; Occupied Media, Pamphlet Series, Zuccotti Park Press, Brooklyn, NY. (accessible sur amazon.com)