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Trois poèmes à la ville de Nanterre 

lundi 10 février 2014, par Norbert Barbe

TROIS POÈMES À LA VILLE DE NANTERRE

Scène II :

ORPHÉE. 
Ce n’est pas elle, 
C’est toi, qui de l’hymen, as rompu la ficelle ! 
Je fus jadis témoin de son amour pour toi ; 
Je la vis, te gardant et son coeur et sa foi, 
Poussant le dévouement jusqu’à cirer tes bottes, 
Quand vous manquiez de fonds, en mettre à tes culottes.

Scène VIII :

MÉDÉE, seule.
Oh ! je prévois ici d’atroces gabegies !..

Des choses qu’on ne voit que dans les tragédies,
Et comme Bouchardy jamais n’en inventa :
Je veux du cachet vert en fait de vendetta !..

VAUDEVILLE FINAL :

’ JASERON. 
Un théâtre fait voir, la réclame est subtile,
L’image de Mandrin au public aveuglé ;

Des voleurs illustrés, c’est bien le plus habile ;
Car, même après sa mort, par lui l’on est volé !

(Th. Cogniard, É. Grangé et Bourdois,

La Médée de Nanterre -

Tragédie fantaisiste en trois parties et en vers de Bohême

- Traduction en gaulois de la traduction en italien

de la tragédie française de Médée,

représentée pour la première fois, à Paris,

sur le Théâtre des Variétés, le 9 juin 1856,

Paris, Michel Lévy Frères, 1857, pp. 2, 6, 8-9)

Kevin (Pour Noël)

Cet avocat à la serviette

Cette aube qui met la voilette

Pour des larmes qui n’ont peut-être

Ni Dieu ni maître

Ces bois que l’on dit de justice

Et qui poussent dans les supplices

Et pour meubler le sacrifice

Avec le sapin de service

Cette procédure qui guette

Ceux que la société rejette

Sous prétexte qu’ils n’ont peut-être

Ni Dieu ni maître

(Léo Ferré, ’Ni Dieu ni maître’)

1. Dans mes pompes (funèbres)

Ils m’ont donné un prénom de telenovela états-unienne

Mon éducation s’est faite entre cages d’escaliers et Camel

Je suis fan du PSG ou de l’OM et de Jamel

Quand j’étais petit avec mes parents on regardait Les Nuls à la télé les week-ends

J’ai jamais vu Star Trek The New Generation

Ni SNL tous mes câbles sont Canal Plus

La France est petite avec ses monopoles

Le minitel durant tous les 90’s mini-minus

J’ai fait une formation un BEP de technicien de surfaces

Tête de veau j’ai le diplôme sur la face

Je traîne je zone car il semble qu’on est trop nombreux à être le même

Je vis chez mes parents j’ai jamais arrêté d’être un môme

Jeux vidéos Stephen King Under the Dome

Ici rien ne se passe juste les trains et plus de Hyundai que de BM

J’ai une copine elle est en seconde mais elle fait plus que son âge

Sauf cette fois-là en général on est plutôt sages

Le bébé a trois ans déjà on la partage

La semaine elle reste chez les beaux-parents on ne parle plus trop souvent de mariage

Ceux qui ont des études disent que c’est un rite de passage

Être parents quand on a pas de taf’ quel tapage

En vérité nous on n’a jamais trop rien planifié

C’est pas facile d’oublier les murs gris quand on marche à pied

Mon père il est tourneur-fraiseur ma mère elle est femme au foyer

Elle garde les enfants des autres dans la chambre du fond près de l’évier

Moi sans diplôme c’est possible que je termine coiffeur ou infirmier

L’année dernière j’ai été à un programme social comme ça laver les vieux faire de brancardier

Je connais des PhD. docteurs obligés de s’expatrier

Comme mon vieux dit toujours les études c’est pour les rentiers

Ça sert à rien dans le monde entier

Plus qu’un cerveau vaut mieux être un bon ouvrier

Qu’y dit avec son pack de Kro en regardant Ruquier

Moi je le crois j’ai pas de moyen de comparer c’est pour les héritiers

Ça d’étudier

Évidemment lui il est au chômage technique licencié

Et moi je me fume des joints dans le quartier

Mais je suis bien incapable d’inventer la machine à cogiter

Je n’ai jamais prétendu que je pouvais sauver l’humanité

Moi tout ce que je sais c’est parler fort et cogner

2. Épilogue (sans moral)

Ils m’ont donné un prénom de telenovela états-unienne

Mon éducation s’est faite entre cages d’escaliers et Camel

Je suis fan du PSG ou de l’OM et de Jamel

Quand j’étais petit avec mes parents on regardait Les Nuls à la télé la fin de semaine

La seule chose à bien y réfléchir

J’aime pas ma situation comme je la vois aujourd’hui

Les assistantes sont des putes à collier

Et l’État leur proxénète sur nos deniers

Je me fous des Restos du Coeur je veux pas finir

Comme le Nanterrois ou sans abri

Société irresponsable et pas mal pourrie

Arrête de me donner ce que je veux pouvoir obtenir

J’en ai marre des boîtes périmées et des joggings que ma mère doit recoudre

J’en ai ma claque d’être l’image qui te plaise le plus de ma vie

Laisse-moi une bonne fois résoudre

Mon avenir

Donne-moi un job un plan pour en découdre

Je veux pouvoir choisir

La marque de ma viande et de mon riz

Je veux pouvoir payer rubis

Sur l’ongle ce que j’achète et y mettre le prix

Mon bourreau a ton sourire

Ta torture c’est le RMI

Et on est des millions n’entends-tu point ma colère sourdre

Et à Nanterre l’odeur de la poudre

Et de Nanterre l’odeur de la poudre

Pourquoi t’es tombé

Devenir méchant ! Mais puis-je seulement devenir quelque chose ? Ni méchant ni bon, ni coquin, ni honnête, ni héros ni goujat. Maintenant j’achève de vivre dans mon coin, et j’achève aussi de m’enrager avec cette consolation : que sérieusement un homme d’esprit ne peut être ni coquin, ni honnête, ni rien, et qu’il n’y a que les sots qui puissent être quelque chose. Oui, un homme du dix-neuvième siècle a pour premier devoir d’être une créature quelconque, surtout sanscaractère : car un homme à caractère, un homme d’action est essentiellement borné. Voilà l’enseignement expérimental de mes quarante ans. Quarante ans ! Mais quarante ans, c’est tout une vie, c’est la plus extrême vieillesse. Dépasser la quarantaine est impoli, banal, immoral. Qui vit plus de quarante ans ? répondez-moi franchement. Mais je vais vous le dire : les sots et les coquins, je le dis en plein visage à tous les vieillards, à tous ces honorables vieillards, à ces vieillards aux cheveux d’argent ; je le dis à tout le monde, et j’ai le droit de le dire, car je vivrai moi-même jusqu’à soixante ans, - jusqu’à soixante-dix ! jusqu’à quatre-vingts !… Attendez, laissez-moi respirer…

(Dostoïevsky, Carnets du sous-sol, 1864, traduction d’Ély Halpérine-Kaminsky et de Charles Morice)

’Tuez-moi, tuez-moi’

Dit l’assassin

Sur le lieu du crime

On peut bien dire n’importe quoi

Passer à l’acte c’est un tout autre refrain

Un peu comme de l’assurance les primes

Ou bien les je n’aime que toi

Charlatan du matin

Dont on connaît la rime

Mais écoutons l’avocat du Diable

Qui dit Diantre

En voilà bien des ébats

Pour un pauvre minable

Qui n’avait pas assez de ventre

Pour supporter de la vie les hauts et les bas

Est-il au moins pensable

Que refermé le Guignol dans son antre

On nous épargne au moins de tels débats

Qu’on le déguise en blanc en noir ou en sable

Écu jamais ne se pourra prétendre

Et de ces tristes cendres

Soyons raisonnables

On le sait on ne retirera qu’un vilain grabat

Plein de poux et de médiocres abats

Aucune morale on le voit

Qui nous dise enfin

Ce qui nous opprime

Pourquoi en mairie respectable

Un pauvre privé de droit se crut chantre

Main criminelle de Dieu et acheva

Sans remord ni effroi

De nos prélats le chemin

L’horreur venant moins de l’acte que des victimes

Disons-le tout de go à cette table

De l’importance des fonctions devrait dépendre

Le souci que personne ne nous en relevât

Quand a-t-on vu qu’on se souleva

Pour des petits riens comme cette misère qu’on voit s’étendre

Cela est tout de suite mesquin et très détestable

Si l’on permet que les passions s’expriment

Ce sera je le prédis le tocsin

Du status-quo des lois

Mais dans ce bon sentiment de justice

Qui fructifère nous imprègne

Tous et chacun comme société

Donnons la parole à l’avocat de la défense

Bien qu’on le sait il n’aura pas grand chose on le pense

Et la rapidité de sa prise de parole nous fera économiser d’inutiles dépenses

En peu de mots celui-ci résume son expertise

Il s’étonne brèvement que dans l’administration de police

Proprement les prisonniers l’on ne ceigne

Et qu’ils tombent mûrs sous les fenêtres et enseigne

Comme les fruits des arbres en été

Ou comme les dissidents dans les dictatures les plus détestées

Sans jugement formel de leurs offenses

Avec juges jurés et témoins à charge et décharge tout cela en longues et ennuyeuses audiences

Mais voyant le bon côté il s’exclame voilà bien une économie pour la France

Ainsi conclut-il sa plaidoirie sinon vendue du moins achetée

Où nous trempons tous nos doutes pour qu’ils s’y teignent

Trouvant dans ce sens pratique que nous apprend toute crise

Le fondement de finances

Qui permet d’étouffer votre anxiété

Même si sous les coups du marteau de la loi ils geignent

Et si nos oreilles ne sont pas encore assez sourdes pour rendre tout à fait muettes leur franchise

Nous dirons alors bien nous tout le public

En choeur comme un seul homme

Répétant les mêmes chants et les mêmes cantiques à chaque messe

Que pure paranoïa et mauvaise intrigue

Serait d’accuser la misère et la solitude qui énormes

Auraient été ses Charybde et Scylla ses écueils et son ivresse

Rejetons vite contre la vite construite digue

De notre sens commun contre notre La Rochelle Richelieu très catholique

L’hypothèse absurde et informe

Qu’aucune détresse

En vérité dans le coeur et le poing serré comme un cri monotone et autonome

Aient pu décider le doigt qui la gâchette presse

Et le journaliste besogneux

Enduit de gros maquillage

Notre éblouissante idée collective

Il réduit en charpie l’ignominieux

Concept que ses pages

Moquent avec cette ingéniosité si vive

Et qui voudrait que tes paroles réellement décrivent

Et soient de l’actualité le fidèle portrait ta cage

D’où comme tout Rocky tu sors si tu cognes

Mais bien sûr l’assassin de Nanterre comme l’ivrogne

Tombe des mêmes coups qu’il engage

Et seuls les forts les inconscients y survivent

Dans nos honteuses Mémoires du sous-sol

Tu as revu une dernière fois ton Coué

Ton Coelho ton Goldman

Un autre matin pour rien sans que tu t’envoles

T’apprends aux coups de fouet

Du destin que ton intelligence n’est aucune cape de Superman

Alors dans le creuset de tes dols

Enfant adolescent et adulte baffoué

Par tes parents par la société et par les juges Hey man Amen

Et de perdre ton tapis et dans ta caravane

Comme les Rois Mages à ta quête voué

De foutre en l’air au vitriol

Les voleurs et leur système

Mais le journaliste scrupuleux évitera le thème

Il n’oublie pas d’insister

Sur le fait que quand ils t’ont finalement dominé

Tu criais pour qu’on te tue

Cela expliquera tout têtu

Le remord et ta conscience te minaient

Tu n’étais rien d’autre qu’un fracassé de plus de ces assistés

Excité personne ne t’a poussé dépisté

Ton corps comme celui des anges cheminait

Vers la lumière mais comme celui des démons perdu

Il chuta le bon goût voulait voir répandu

Comme au ciné le sang katabase innée

Du méchant avant le générique Disney

Bien sûr notre journaliste oubliera prudemment

De rappeler qu’en évitant un procès

On évitait aussi de trop révéler tes circonstances

Personne ne voulut le relever ni s’appesantir

Le deuil était national comme toujours et un puissant médicament

L’excuse patriotique il est des questions qu’on n’aime pas poser

Était-on tous collabos ça n’a plus d’importance

Avant Harry Baur Max Jacob après Guitry Arletty le silence évite d’avoir à mentir

C’est plus simple de penser que tu t’es jeté ou poussé amicalement

Finalement tu as eu la décence

De savoir sans trop de bruit partir

En mourant bien sûr tu t’accusais

Toi et rien que toi évidemment

On oublie vite et la porte du Pasteur Douet

Dans le malheur une saine délivrance

Dommage qu’avant de faire des tiennes tu n’es pas pu mourir

Une bonne peur mais c’est comme avec les gaz fossiles qu’est-ce qu’un petit tremblement

Si le débat artificiellement créé évite d’en causer

C’est mieux pour nous de le voir en perspective garder notre indépendance

De penser tu sais histoire de ne pas contredire

Dans le malheur des autres gît notre ressemblance

Les codes en commun et les valeurs inopposées

S’ils t’ont tiré vraiment

C’est un cadeau qu’ils nous ont fait pour éviter ton influence

Voilà ce que nous pensons tous je dois le dire

Le juge la police le procureur l’avocat de la défense

Le public interrogé et les célébrités tous l’ont clairement

Dit écrit chanté pleuré revendiqué discuté analysé et exposé

Continuer à parler de tes actes sans jugement

Serait leur donner trop de publicité pour quelque chose plus que glosé

J’y mettrai donc un point final

À la manière de l’Ancien Régime

Le dédiant à mon Sire

Je concluerai de la façon la plus banale

Comme bon je l’estime

En demandant au fond

Pourquoi t’es tombé

Et en répondant sans hésitation

Parce que c’était la meilleure chose à faire dans cette situation

Comme l’ambiance était déjà mauvaise et la Maison avait flambé

Y mettre encore de la discussion

C’était pas possible y fallait un plan B

L’unique technique dans ce cas de la mafia et de toute Institution

Faut pas nous chambrer

C’est de te plomber

Si ça a bien marché avec Lumumbé

Si ça a bien marché avec Lumumba

Ce poème nécessite

Bien sûr comme tout digne fils de pute

Sa chute

Nous l’avions annoncée elle sera subite

Et c’est donc encore une fois en forme abrupte

Qu’il vous laissera vieux Communards sur la butte

Je suis tombé par terre...

Élégie aux âmes mortes de la Cinquième République

Aujourd’hui, j’ai plus les mains sales

J’ai plus personne pour me faire du mal

(Alain Bashung, ’Station-Service’)

Aujourd’hui ô ma Muse

Je veux que tu m’amuses

Et que tu m’inspires

Pour le mieux ou pour le pire

À chanter

Le chant des âmes mortes

Et sur ton chantier

Faire bien forte

L’aubade

Sinistre mais vraie

Qu’ici je mettrai

Au pieds du peuple maussade

Pour qu’il se divertisse un peu

Aide-moi donc je t’en prie si tu le peux

De Laurent Wauquiez

Je veux conter la geste

Qui bien qu’à peine digérée

Vous le saviez

Ne consiste qu’en un mot dont peste

Il n’a pu se glorifier

Plus que d’un César

C’est celle d’un administrateur

Qui aurait mal lu le livre de comptes et trop tard

Se rend compte de son erreur

Je raconterai ici la brève vie

De son esprit

Mort dans l’oeuf d’une décharge électriiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiii

Sa grandeur

Et sa déchéance

Je le décrirai en chausses qui montrent ses valeurs

Et comme de Monsieur Jourdain j’en citerai la prose et l’élégance

J’écris donc ce jour l’histoire

Sans secret et sans fard

D’un jeune homme de bonne famille

Élevé en ville

Précisément fils d’une mère

Qui en était la maire

Et d’un riche industriel

Directeur d’Indosuez dans l’onde septentrionale

Adoubé donc dans son berceau

Thor au marteau

Et Fils du Vainqueur des Sept Boeufs

Ce qui le fit Maître d’un destin heureux

Né des Lumières

Il en écrira un volume

Ce qui on ne sait trop comment

Le système a des mystères vraiment

Mais il semble que sa plume

Le lança comme un ion vers les ministères

À vingt ans on dit qu’il fut reconnu entre mille

Pour son talent et se gagne habile

L’estime du ministre des affaires sociales

Qui sous son aile fera prendre de la voile

si l’on me permet la métaphore d’ironie collatérale

À notre progéniture de propriétaires de chantier naval

(’Créateurs de grandes séries de voiliers qui ont marqué l’histoire

de la plaisance internationale’)

Méritoire

Est notre histoire

Mais digne si l’on m’en veut bien croire

De notre imberbe héros

Vite disciple de Clio

Major de la promotion Mandela

Maître de Requêtes au Conseil d’État

On n’oubliera pas de mentionner je crois

Que la charge prestigieuse

De maîtres des requêtes ordinaires de l’hôtel du Roi 

Est aussi extrêmement coûteuse

Ni si l’on me permet la référence je le sais oiseuse

Mais Chambon-sur-Lignon

Fief de la maman de notre mignon

Est en Haute-loire à l’instar d’Yssingeaux

Où accessoirement me dira-t-on

Naquit le sien Dante

Ou comme ce soit qu’on le plante

C’est-à-dire le mentionné ministre Jacques Barrot

Fils lui-même de Noël Barrot

Qu’il remplace dès sa mort à l’Assemblée nationale

Nommé député alors qu’il n’était jusque-là que conseiller municipal

Où me demanderont les sots

Je répondrai que bien-sûr dans sa ville natale

Dont il serait postérieurement élu comme heureux maire

À l’instar de tous les hommes de sa classe

Il aura dérivé en clair

En trente ans c’est long de carrière

De places en places

Du centre droit de Raymond Barre

À l’axe de gauche démocrate de Michel Rocard

Des ministères du Commerce et de la Santé et la Sécurité sociale

À celui des Affaires Sociales

Accusé et condamné pour recel d’abus de confiance

Aux côtés de Pierre Méhaignerie et de Bernard Bosson

C’est aussi en toute confiance

Qu’il sera amnistié parce que la malversation

Était antérieure à la loi qui nous dit que faire mal

N’est ni bien ni bon

Ce qui prouve amis et collègues que la morale

Comme l’essence

Est consécutive à l’existence

Mais foin de farce ou de défiance

Envers nos belles et bonnes institutions

Au cas plutôt de son action

Dans l’assomption

De son jeune protégé nous revenons

Et voilà qu’ici je me rends compte le croira-t-on

Que le ministre est aussi

vice-président du Cercle de l’Industrie

et qu’à son jeune émule il abandonna la députation

pour de la Haute-Loire la Première circonscription

étant nommé Jacques Barrot

Vice-président de l’Européenne Commission

Présidée par José Manuel Barroso

Ouvrant ainsi la voie royale

Au fils des chantiers navals

Secrétaire d’État à trente ans

Ministre à trente-cinq ans

On ne peut pas parler d’une carrière fulgurante

Mais elle est toujours plus brillante

Que celle d’un autre licencié en histoire

Qui décida un froid soir

De mars à Nanterre

De ne plus revoir

Sur cette terre

Le soleil diurne

Dont résonne encore Richard Durn

Le nom

Comme celui du loup entre les moutons

Évidemment c’est là

Que l’histoire

Des deux gars

Se rapproche et se reserre

Puisque l’un ’apparatchik inamovible

Et l’autre RMIste invisible

Avaient bien le même âge

Lorsque l’un à trente-quatre ans

Décide de s’abandonner à sa rage

Et que la sage

République engage

L’autre comme ministre à trente-cinq ans

On me dira bonnes gens

Que la similitude s’arrête là

Et que j’exagère la ressemblance

Entre deux enfances

Ou deux adolescences

Mais j’irais plus loin

Si vous le voulez bien

Et me donnez un peu de temps

Écoutez-moi

Durn était licencié je l’ai dit en histoire

Wauquiez est agrégé en histoire

Durn fit une maîtrise en sciences politiques

Wauquiez se diplôme de l’Institut d’Études Politiques

Durn essaie de se libérer par le théâtre

Wauquiez embrasse la scène politique

L’un pourtant sera porté vers le désastre

Alors que l’autre recevra les plus hauts titres

De la République

Évidemment des journaux les deux feront leurs gros titres

Durn naquit sans être attendu

De la rencontre fortuite

Avec un inconnu d’une mère immigrée

Qui n’en voulait pas

De la naissance de son fils

Qu’elle n’arriva pas à se faire avorter

Elle dit une fois qu’il fut mort

Je savais que ça me porterait malheur

Wauquiez dans les draps d’or tendus

D’une famille instruite

Naquit par la magie des dieux le gré

Maman en haut et papa en bas

Favorisèrent leur fils

Auquel les fées ont apporté

Le domaine d’une ville pour fort

Et l’argent d’une entreprise comme facteur et premier moteur

Alors que la vie de Durn fut un malentendu

Celle de Wauquiez depuis toujours fut entendue

Là où Durn voulut mourir dans des villes détruites

Depuis toujours l’autre eut la route du succès toute construite

Malgré sa formation le premier ne put de la vie franchir les degrés

L’autre en revanche qui n’eut pas à s’intégrer

N’a qu’à lever le pied sur le dos des laquets qui le hissent

Alors que Durn n’eut comme génie de sa lampe que le maudit démon des RMIstes

L’un de succès réconforté

L’autre qui à personne n’importait

Durn sans mère élevé par sa soeur

Wauquiez simplement soulevé par la familiale splendeur

Nous avons donc ici deux figures suspendues

Un dieu romain au joues roses et au cul tendu

Et un mesquin solitaire apeuré par l’envie qui l’habite

Pécheur et coupable de vouloir dans la vitrine les merveilles confites

Français fils de slovaque ironiquement Durn devra s’émigrer

Pour chercher au Kosovo un rapport aux autres

Auquel se consacrer

Mais là encore trop opaque était la vitre de ses hôtes

Il cherchait là sa propre mort

Il l’a trouvé mais spirituelle

Ce que les bombes ne lui donnèrent pas

L’indifférence générale

Si

Il cherchait à se faire exploser le corps

D’un coup de grisou ou de manivelle

Il n’a même pas connu la paix de trépas

Indifférente aussi à son chemin fatal

La belle amie

Finalement pour lui Je ne fut qu’un Autre

Pour Wauquiez apparemment aussi si l’on en croit l’anecdote

Autre ironie encore c’est dans le combat humanitaire

En Ex-Yougoslavie chez les Verts

Puis comme trésorier de la Ligue des droits de l’homme de Nanterre

Que Durn terminera de se décevoir

De la vie et à perdre tout espoir

Il a lutté comme il dit

Toutes ces activités et fonctions,

en plus des actions bénévoles

effectuées auparavant,

ne m’ont assuré aucune intégration

sociale. 

J’avais projeté de tuer ces gens

à d’autres conseils municipaux précédents,

mais j’avais encore des garde-fous

moraux et des inhibitions

Je ne voyais pas comment changer le cours des choses

même si j’avais le choix et que j’aurais dû lutter comme un fou

pour la vie

J’ai lutté pendant de nombreuses années contre ce projet,

mais n’étant rien socialement,

n’ayant plus d’ami proche, ni de famille,

ni ne me battant jusqu’au bout

pour des causes

auxquelles je devais croire,

j’ai compris

que je n’avais plus ma place nulle part

Voici

Notre Raskolnikov

Notre héros d’une modernité inhumaine

Et d’autre part l’autre maillon de la chaîne

Voilà notre Pirogov

Extrême superbe et intransigeant

Comme tout bel imbécile si l’on veut mon avis

Qui sort de son gant

Et bien oui

Comme tout idiot bien nourri

La phrase du jour et s’en réjouit

Il faut bien le dire

Au fond n’est-il pas plus ou moins le produit

De son éducation et celle-ci

Ne fut rien d’autre qu’une comédie

Ses diplômes ne devaient pas le rendre intelligent

Regardez ses yeux vides

Deux orbites

Plus folles que celles de veaux

Lorsqu’ils ne comprennent rien

Panses avide

Que mâchent le près qu’ils habitent

Sans un mot

Ils ruminent c’est leur fin

Parasites

Des terres où ils résident

Animaux

Plus français que nous ont dit d’aucuns

Regardez ses deux yeux ouverts en grand

Comme le nouveau-né

Énormes comme le ventre du capital

Immenses comme les galaxies qu’ils ne voient pas

Car Wauquiez est comme la bête et le bébé

Sa pensée pas encore formée est sidérale

Trou noir dans le néant

Et si tu le regardes attentivement

Tu le vois

Puiné

De tous descendant

Il ne procrée que par le ventre l’esprit ça ne lui donne pas

Hébété A-B-A-B-B

Ses concepts sont bancals

Son âme asociale

Son éducation ne fut rien d’autre qu’une comédie

Ses diplômes ne devaient pas le rendre intelligent

Non il était prévu qu’il gagne sa vie

En ne rien faisant

Donc par là se déduit

Qu’il n’avait pas besoin d’être intelligent

Cela autre été de trop il devait être servile

Et servile il s’écrie

Du haut de son ministère récemment acquis

Du haut de ses trente-cinq ans qui n’en valent pas dix

Mais qu’espérer de lui

S’il n’a rien vécu il n’est pas pubère il n’est que juvénile

Son teint frais son air parfaitement satisfait

Regardez ses yeux

Ses yeux vides et absolus comme des gouffres géants de noirs cieux

Son embompoint qui en tout s’oppose aux traits

Masculins et asymétriques des Durn inquiets

À l’esprit agile

Comme il n’a pas vécu

De rien il n’est déçu

Alors que Durn trop ami des hommes

Les cherchent mais bêtes fauves

Ils ne le firent pas pénétrer dans leur alcôve

Wauquiez insensible clown

Des parents insipide clone

N’a jamais aimé que lui si Dieu l’avait fait Adam

Faute d’imagination ou narcissique pédant

Il n’aurait jamais partagé la pomme

Voici donc enfin

Puisqu’il faut bien la dire l’énormité

D’un esprit gros qui se croit fin

D’un inutile

Qui n’a jamais eu faim

D’un politique enfin

C’est-à-dire pour ceux qui en doutent c’est facile

D’une personne qui n’a aucun mérite ni aucune faculté

Qui pour cela n’a pu que se créer comme le kangourou

Sur l’illustre bosse de sa famille

Et qui n’a su s’ouvrir la voie dans la vie

Que comme le coucou

Sur les oeufs des autres

Ceux qui travaillent et qui suent

Aient-ils ou non la chance d’avoir un emploi stable ou autre

De ceux qui connaissent la peur et le doute

L’angoisse du lendemain

Mais que peut-on attendre de notre fils à maman

Qui au bain

Attend encore la main

Qui lui lavera l’entre-jambe et le pan-pan

Le ’cancer de l’assistanat

Bien-sûr cela nous ferait rire si

Ce n’était pas

L’affirmation

De Wauquiez celle d’un récemment

Secrétaire d’État

Chargé de l’Emploi

Et Ministre en charge des Affaires Européennes

Si ce n’était pas celle d’un fils-à-papa

Qui n’a jamais travaillé car disons-le à l’antenne

À la chaîne

À l’ancienne

De déplaire sous peine

Être politien ou politienne

Comme maman

Travailler ce n’est pas

Ce n’est que vivre de l’argent public

Donnez-donc des cours d’histoire

si c’est que vous avez retenu quelques leçons

et pouvez comprendre quelque chose sans un Maître de rhétorique

Ou un lecteur pour vous lire à voix haute ce que vous ne pouvez voir

Travaillez au moins cinq heures par semaine

Si cela ne vous donne pas d’ampoules sur les mains

Mais le hic

C’est que le travail salit et cela le ministre n’en veut pas

Maman lui a mis sa belle chemise et papa lui a attaché les lacets

Il doit se porter bien

S’il se tache

À la tâche

Après Concepción

Doit le laver

Et elle se fâche

Mais je ne porterai au fond pas de jugement

Chacun sa vie

Chacun son idée de ce qu’il dit

Et quand il ment

Citons

Simplement

La page trois de la Préface

De Ladislas Mickiewicz

Aux Mélanges Posthumes d’Adam Mickiewicz

... quand l’Etat paie, la scène est ennuyeuse

comme une feuille officielle ou officieuse ;

quand la direction vit du public,

elle flatte ses goûts

et ses appétits

pour faire recette ;

et il n’est pas rare

(C’est une tare)

qu’elle lui dore et glorifie ses vices,

pour faire fortune.

Le jour où les classes supérieures

seront saisies d’un réel amour

du bien public,

elles inaugureront,...

Mais pourquoi continuer

Si nous savons

Tous sauf ceux qui vivent sur la lune

C’est triste

Mais que cela n’arrivera jamais

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