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LA GRANDE ÎLE 

En suivant 35 photographies de Patrick Le Bescont & 35 poèmes de François Cheng

vendredi 23 août 2024, par Lionel Marchetti


Chacun des 35 poèmes de LA GRANDE ÎLE
à été écrit en regard des 35 photographies de Patrick Le Bescont
et des 35 poèmes de François Cheng
que l’on trouve dans l’ouvrage intitulé
échos du silence — paysage du Québec en mars
de François Cheng & Patrick Le Bescont — CREAPHISEDITIONS…

… comme un miroir face à un miroir, lorsque Au plus intime de chaque présence
L’invisible ouvre sa plus vaste aire
 [1].


N.B. : Les quelques vers en italique, dans l’ensemble des poèmes de cette suite, sont des citations de François Cheng.





LA GRANDE ÎLE



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Photographie N&B originale : Patrick Le Bescont



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À l’orient de tout, à l’heure du soir
Nous nous prosternons vers le pur silence

François Cheng


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La grande île


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Première partie — Hypothèse de l’éclair
poèmes 1 à 10

Seconde partie — Dessiner avec le vent
poèmes 11 à 21

&

Troisième partie — Un lac sans fond
poèmes 22 à 35



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Première partie — Hypothèse de l’éclair






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1.

TEMPS CIRCULAIRE

Sur la grande île, irrésistiblement attiré par l’exubérance

Toucher la glace, la neige, comprendre cette richesse, le multiple
et surtout cette évidence

Au sein de la matière, dont nous sommes
pliée, repliée et froissée encore
existe un temps circulaire qui est autre chose que du temps

Fraye-t-elle ici cette pensée qui n’aurait pas encore trouvé l’extrême vigueur ?

Froide fracture d’irradiants diamants

Éclair abrupt — mots premiers.

2.

HYPOTHÈSE DE L’ÉCLAIR

À l’extrême du pays des glaces se trouve une gigantesque roche noire

Nous vivons en ces verticales

De temps à autre se découvre une passe

Nous nous y engageons
et nous appelons cela l’hypothèse de l’éclair

Bien que pour la plupart d’entre nous ce moment essentiel soit sans nom

Nous passons, nous allons et revenons

Et cela suffit.

3.

OBSERVER LE SILENCE

Cette neige
tombée pendant la nuit
apporte avec elle un certain silence
bientôt dissout

Silence blanc redevenu eau sale
où l’on patauge

Rien n’a encore été dit et tout, déjà, se résorbe

Invention lente

Selon l’heure du jour ou de la nuit, un fouet traverse le temps
l’air claque

Une telle saveur !

Le sens de la retenue

Ne pas répondre de ceci ou de cela

Observer le silence

Et surtout, ce mouvement glacial en échos dans le silence.

4.

Un immense fleuve — immobile — charriant en lui quelque chose d’énorme.

5.

CHAOS

Le poids, augmenté de sa face sombre (une forme massive et concassée)
met à jour ce bouillon d’eau
arrêté par le gel pour tout l’hiver

En ces régions du chaos

Une force surnage
une dynamique précise se transmet

Ne viendrait-t-elle pas des phénomènes eux-mêmes ?

Quelque chose, en effet, nous regarde, attire et repousse

À la mesure de cette réalité qui lorsqu’elle se manifeste, existe, c’est un fait

Sans que notre présence soit nécessaire.


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Photographie N&B originale : Patrick Le Bescont



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Photographie N&B originale : Patrick Le Bescont



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6.

Les mots, depuis cet horizon de longues et lentes formes
délivrent un unique mot d’avant les mots — sphère de glace et de poussière
rejetée sur la grève par la marée millénaire.

7.

SUR LA GRÈVE

Silence sans passé, intensité sans mémoire

Qui crée le cycle ? À cette question vide de sens répondent le regard, l’écoute
la conscience
et tout ce qui participe du grand flux

Créer des bifurcations, frayer, bousculer définitivement tout agencement

Acte d’incise qui se doit, paradoxalement, d’être situé au-delà du désir
puisque éperdument nécessaire

Destructeur, cependant, s’il ne s’agit que d’une avancée à contre-courant

Rester sur la grève, être là

Regarder, écouter, méditer

Apparition, disparition d’un gigantesque bloc de glace.

8.

VOIR

L’horizontale

Liquide
et
noire

Poussées, intensités
une surface
laissant venir jusqu’ici le vent en tempête

Micro-climat

De l’eau et du feu

Un éclair —

Nous irons de part le monde, animés de cette énergie folle
nous aimerons tout ce qui existe
tout ce qui se présente

Nous irons de part le monde

L’horizontale est un mot (à peine éclôt, il s’enfuit) — orient des directions
simplicité du regard qui se doit de rester simple

Afin de voir

L’horizontale ? Le vivant des mots.

9.

LA GLACE

Cette insatisfaction que l’on porte en soi, pourquoi ne pas l’accepter ?

Abandon de toute décision forçée, inversion du regard, entrée autre part

En toute situation ce qui se manifeste est une chance

Une dérive

Au sein d’un océan sans intention

Ici, où il n’y a rien

La glace est une structure dansante et chantante
l’eau, un sol sec
l’horizon
une montagne à gravir comme le serait la plus naturelle des respirations.


&

10.

MULTIPLICITÉ DES PHÉNOMÈNES

Tempête récente sur l’océan du monde

Le temps, invoqué
lorsqu’il se fige
change d’état comme l’eau se transforme, de saisons en saisons

Délivrant minéraux, particules, glace et poussières

Jusqu’à laisser jaillir cette présence première accordée à la multiplicité des phénomènes

Tempête récente, bascule des échelles

Le minuscule devient énorme, l’immensité se liquéfie.

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Seconde partie —Dessiner avec le vent






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11.

LE TERRITOIRE

Étudier, observer, méditer
s’abandonner à cette complexité tressée de lignes souples

Être au monde

Le territoire où nous sommes

Quelle est cette lumière ? Partir, revenir
cheminer encore et encore

Traverser l’irréel sans trop s’y attarder

Devenir feu, devenir glace

L’union des directions — la mort (est-ce cela ?) se présente

Le plus grand des mouvements

Au-delà du cercle, au-delà de tout mystère.

12.

INSCRIPTIONS

Complexité des agencements naturels
vie des formes
cette beauté âpre si particulière

Ombre et lumières, vent, glace, eau
et fonte de l’eau

L’inscription, à tous instant, d’une grande respiration (le souffle qui unit, désunit, à la lisière du chaud
et du froid)

Un chant

Une coulée

Les questions nécessaires ne sont-elles pas la montée, ici-même
de l’émergence elle-même ?


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Photographie N&B originale : Patrick Le Bescont



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Photographie N&B originale : Patrick Le Bescont



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Photographie N&B originale : Patrick Le Bescont



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13.

MARCHER, MÉDITER

Avoir conscience de ce qui jamais n’épuise
est-ce la bonne façon de considérer le piège ?

Qu’il disparaisse de lui-même !

Illusion se nourrissant d’illusions

À l’heure du soir — lorsque marcher, méditer
observer et respirer
nous accorde avec le réel

Et lorsque le réel se dépouille
jusqu’à être encore plus que réel

Une phrase, une seule
et le silence

À partir d’ici la vraie vie commence.

14.

LES LOINTAINS

Sur cet immense champ blanc, j’ai compté, pour provoquer le temps
et en un sens lui donner consistance
un nombre incalculable de signes

Une suite à l’allure régulière, sans cesse grandissante

Grands mouvements dans la substance — les lointains, depuis toujours, nous regardent.

15.

LE VENT

Les végétaux, comme des cils, à l’avant-poste du lac gelé
sifflent une partition noire

Le temps arrêté — cristal froid — lui aussi écoute

Tiges, feuilles sèches et vibrantes
outillage précieux, déjà là
pour inscrire

Faire signe

Et dessiner avec l’aide du vent

Sur la grève du monde.

16.

LE CIEL

Oblique et nu le ciel enfin bascule

Le ciel est un désert en mouvement
d’où émerge une intense luminosité

Feu glacial, plissement savant des phénomènes

L’œil écoute

Ce qui, vu d’en haut
plus que d’être une promesse est un devenir vertical

Sans cesse renouvelé.

17.

SABLE ET NUAGE

Remercier l’aube, chaque jour

Une discipline

De l’espace

La possibilité d’un envol

L’eau seule chante la vision de l’étal — entre sable et nuage.

18.

LE MOUVEMENT

La clarté de la situation
née de ces grands mouvements dans le ciel
balaye définitivement la prétention d’être soi-même à l’origine de quoi que ce soit

Un pas devant l’autre, qui est le guide ?

Une respiration après l’autre, qui respire ?

Ouvrir la main — prendre le temps — observer, écouter

Ressentir

Accepter d’être vivant

Mais surtout laisser agir, ne rien retenir
ni forcer

Jouir

Alors, de lui-même, le jeu s’éclaircit

Le chant est là

Au sens d’un esprit ouvert et pour toujours en mouvement.



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Photographie N&B originale : Patrick Le Bescont



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Photographie N&B originale : Patrick Le Bescont



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Photographie N&B originale : Patrick Le Bescont



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19.

LES RAVISSEURS

Sur cette ligne où les à-pics se brisent et délivrent une force instable
les ravisseurs nous observent — ils sont deux

Un choix, de toute évidence, a été fait

Garder les yeux grands ouverts face à ce que l’on ne saurait nommer
et qui, sans cesse, depuis le grand piège
lance des râles informes et violents

À l’inverse du corps même du rêve.

20.

ESPACE RAPACE

Le parcours sans inquiétude suit les méandres et se perd (le parcours nécessaire)

Le vent se lève
il s’immisce à la surface des choses — celles-ci répondent
oubliant le peu de sève qu’il leur reste

L’espace, rapace, observe

Puis l’inquiétude revient.


21.

L’OR DU JOUR

Un feu
depuis l’intérieur de la nuit

Et nous voici
sans cesse ballotés par les phénomènes

Une porte se ferme, une autre s’ouvre

Le labyrinthe premier des émotions : le fleuve les capte et les redonne
tout en glissant savamment vers l’océan

Dans un tel espace l’espace lui-même est nourriture

Beaucoup d’images se perdent, changent d’état, s’évanouissent
abandonnant cette soi-disant consistance

Finalement, elles ne sont plus grand chose

Face à ce terrain profond

L’intérieur de la nuit — ici, l’infini sans cesse se construit, se déconstruit et se reconstruit

Un feu

Il disparaît

Et c’est l’or du jour.


&

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Troisième partie — Un lac sans fond






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22.

L’OISEAU

Le cheminement nécessaire, propre à chacun
parfois s’effiloche et se perd — ruisseau bientôt absorbé pour renaître plus loin, vif et filtré

Débarrassé d’un nombre incalculable d’impuretés

Accepter de se défaire, bifurquer, devenir autre

Muer, muter

Jusqu’à siffler avec le vent

Jusqu’à jouir, sans relâche, du grand cercle

Je lève les yeux

Un grand oiseau solitaire plane tout là-haut

Dans le froid et le silence.

23.

NUDITÉS

Ici, plusieurs nudités cohabitent

L’une d’elle, ensevelie, est un lac sans fond où frayent de sombres entités qui cherchent leur nom

Cette autre, beaucoup plus simple et lumineuse
ne s’embarrasse pas de tels personnages ; elle est
au cœur de l’immense

En toutes saisons, à tout instant

Surgissant, vivante, d’un vide sans besoin d’aucun nom.

24.

L’INVISIBLE

De temps à autre le sang se condense, change de texture

Et les rêves (la matière même des rêves : poches de sens, idées, images se suffisant de leur lucidité à elle) prennent le dessus
masquant jusqu’à la liberté naturelle de l’esprit [2]

Fort heureusement, dehors
c’est le filtre du jour

Il existe quelques rares instants au plus intime de chaque présence

Comme les membres d’un corps, en apparence
ils nous prolongent

Et l’invisible ouvre sa plus vaste aire.

25.

DIX DIRECTIONS

Le monde, ici, est coupé en deux

Un cerveau ?

Son horizon : une partition

L’écoute, le regard

L’entièreté des sensations en accord avec cet ajustement de soi avec le dehors
ou, à l’opposé
cherchant à rejoindre l’étrangeté fascinante de toute défaite volontaire

Pour survivre, dirait-on, au filet obstiné des épreuves

Un paradoxe
à contre courant du progrès des anciens — tous morts, désormais, mais vivant leur propre mort et, à n’en pas douter
jouissant de l’union nouvelle de leur être
autrement combiné

Seules comptent les dix directions

Et la beauté extrême des tourbillons.

26.

UNE ABSTRACTION

Sortir de la forêt, trouver le froid, la glace

Cet espace immense

L’incandescence

Être feu, circulaire et dansant
à l’inverse de cette ligne droite sur un paysage sans relief

Ce qui est nouveau : la possibilité d’une abstraction telle que la voici revenue au plus proche du réel

Signe net, plein
et surtout accepté comme tel

Jusqu’à ce qu’il se confonde, en toute confiance, avec la transparence.


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Photographie N&B originale : Patrick Le Bescont



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Photographie N&B originale : Patrick Le Bescont



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27.

LES ABORDS D’UN TOURBILLON

La beauté de quelques graines apportées par le vent (à moins que ce ne soit à la faveur d’un estomac animal)

Le monde observé d’en haut
son temps à lui, très lent, circule à l’inverse de toute évidence

Une vague haute, très haute
attend sa délivrance
depuis les abords d’un tourbillon

Lorsque la saison change, nous profitons de ces grandes avançées liquides pour nous enfoncer encore plus loin

Jusqu’à rejoindre l’océan

Là où fraye notre nature première

Ici, le monde en entier se reflète

Voici l’énergie du grand vide — mais déjà proche est la brise.

28.

L’UNITÉ

L’écriture des choses, leur mélodie naturelle
ouverte à toutes les directions

Écouter le long dépouillement au hasard des vents
de la sorte, lentement se dénuder

Suivre de telles traces, ne plus les suivre

Toute perspective est horizontale et verticale à la fois — foyer d’incandescence sans cesse en déplacement

Au sein même de la tourmente l’unité n’a plus besoin d’être nommée.

29.

LE FEU

Ce matin, un espace de glace et de nuages bas

L’horizon, dilaté par le froid, se transforme en un rempart immense

Intensité révélée, structure démesurée, myriades lumineuses

La solitude éclot

Seul le feu, entre nos mains frottées, est le compagnon

Étincelles jusqu’au ciel — un appel à encore plus de lumière.

30.

CATACLYSME

Cette façon du détail agrandi — les trois verbes, qui sont-ils ?

Insistance, pour regarder

Ausculter le va-et-vient de ces grandes algues dansantes, désormais immobiles

Recherche précise à même le sol : être là

Le peu qui s’énonce

Notre regard s’élève et dérive

Il s’accroche au buisson du temps, tout là-haut
au plus proche de cette lèvre de glace, si grande
que l’on croirait à un cataclysme naturel.

31.

L’EAU NOIRE

J’ai vu une eau si noire qu’elle semblait surgir des entrailles de la Terre

J’ai entendu, à cet instant, le grand calme approcher
jusqu’à ce que ma respiration soit pleine d’une telle eau

L’eau noire est-elle vivante d’yeux grands ouverts ?

Une eau, depuis trop longtemps gelée.



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32.

DÉBÂCLE

Les quelques animaux qui vivent ici connaissent, du territoire, autre chose

L’apport perpétuel d’un rythme éternel — la forge du monde — et, sans cesse, l’horizon fluctuant des marées

Ces espaces insaisissables ; leur beauté est à la mesure de toute certitude

Le temps d’une débâcle

Elle seule féconde le temps.

33.

LE POIDS SONORE DE LA ROCHE

Le néant n’existe pas, le néant est une falaise à la dérive sur des eaux bouillonnantes

L’usure

Du temps rassemblé, qui rogne et la matière et le temps
se mêlant, s’embrasant
fusionnant

L’immobilité d’une hauteur immense

Le poids sonore de la roche et des falaises

L’impermanence
inacceptable pour qui respire mal et ne s’occupe que de son ombre, se dissout

À l’instant unique
d’un
clignement d’yeux.

34.

SYNTAXE

La célébration du blanc — oser, prendre le risque de l’infini, avancer sur cette surface

L’aplomb du mot, l’axe
de la syntaxe
destinée à nourrir l’ensemble des mots

Un à un ils s’ouvrent
comme une coque

Délivrant cette rapidité qui s’échappe.

&


35.

LE SILENCE

Le désir demeuré désir se perd sur les grèves

La grève à sa manière filtre cela
elle accumule, envase, digère
puis restitue autrement

L’illusion, ici venue, déjà noircie
mâchoire glaciale à laquelle on s’accroche — et que l’on aime

Jusqu’à en mourir

Prendre le risque de se confronter au grand piège

Au-delà du désir demeuré désir s’anime l’évidence des fondements

À l’orient de tout, à l’heure du soir
Nous nous prosternons vers le pur silence
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Lionel Marchetti - 2019


P.-S.

Les quelques vers en italique, dans l’ensemble des poèmes de cette suite
sont des citations de François Cheng
tirés de échos du silence paysage du Québec en mars
de François Cheng & Patrick Le Bescont — CREAPHISEDITIONS 2018

NB : une première édition de La grande île, légèrement différente
a été réalisée sur L’atelier géopoétique du Rhône, en 2020.

L’ensemble est ici accompagné de quelques images du manuscrit de La grande île
directement écrit (parfois légèrement rehaussé à l’encre, de biffures et autres traces de café) sur l’ouvrage échos du silence lui-même.


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Photographie N&B originale : Patrick Le Bescont

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Notes

[1François Cheng et Patrick Le Bescont, in Échos du silence, CREAPHISEDITIONS, 2018, p. 53.

[2La liberté naturelle de l’esprit, Longchenpa, présenté et traduit du tibétain par Philippe Cornu, éd. du Seuil, 1994.

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