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Radio : Portraits, traits privés de Jean-Claude Guiguet sur France Culture (ACR)

dimanche 6 novembre 2005 (Date de rédaction antérieure : 28 mars 2024).

Dimanche 6 Novembre 2005

Série Documentaire

PORTRAITS, TRAITS PRIVES

De et par Jean-Claude Guiguet
Réalisation Thomas Marchand

Portraits, traits privés essaie de dire un destin d’homme simple tout en
élargissant peu à peu les perspectives strictement autobiographiques. C’est
une dérive radiophonique conçue à partir de la bande du son de ce qui
devient aujourd’hui le dernier film de Jean-Claude Guiguet, disparu le 16
septembre 2005.

« Expérimenter l’art du portrait est un projet depuis longtemps caressé,
jamais réalisé. Sans doute fallait-il être patient, attendre aussi la
rencontre du modèle espéré. Il faut avouer aussi que Numéro zéro, le film de
Jean Eustache où ce dernier, deux heures durant, interroge sa grand-mère,
restait pour moi particulièrement intimidant. Les grands modèles cependant
conduisent moins à l’impuissance qu’ils nous engagent sur d’autres voies à
la manière de ces héritages qu’il convient de faire prospérer loin de toute
inhibition.
Depuis, trente ans ont passé. Le monde a changé et la télé-réalité a
banalisé les confessions qui semblent aujourd’hui constituer un inépuisable
fond de commerce. Apparemment. A y regarder de plus prés, ce ne sont que les
confessions en trompe l’œil dont le but inavouable est avant tout le droit à
l’exhibition, fragments volatiles de vie arbitrairement détachés des aléas
de l’existence, saisis hors de l’espace et de la durée où s’incarne chaque
destin plongé dans l’expérience commune, emportée dans le grand fleuve du
temps.
Le modèle choisi dit son quotidien – bien qu’il soit organisé et construit –
sans chercher le pathos et l’exceptionnel comme si le discret tragique qui
fonde la ligne de tant de vies était ici un simple motif ne se distinguant
pas du sort commun. D’où le choix d’un lieu unique pour cadre de
l’entretien, lieu anonyme d’où la parole et le souvenir surgissent sans
précaution oratoire ni emphase, une parole qui serait l’expression d’un cœur
« simple ».
Mais cette parole est aussi un corps. Ils expriment tout deux une série de
faits et de sensations dessinant un motif ou les rumeurs du monde se
laissent percevoir dans les marges de ses incidences secondaires, dans le
gris de la vie de tous les jours qui s’illumine soudain d’une joie
inattendue, d’un éblouissement miraculeux.
Ces joies et ces éblouissement Portrait, traits privés cherchera à les
saisir pour tenter de les illustrer par autant d’ouverture d’espaces –
naturels, aquatiques, photographiques – à l’exemple des séquences précédant
la parole où le corps de celui qui va parler se mêle aux statues du
cimetière de Gênes et Turin pour composer ensemble un dialogue muet entre la
vie et la mort. De plus, la parole devrait ici contraindre le film à se
risquer du coté de ce qui reste encore immontrable : l’expérience sensuelle
et sexuelles, un peu a la manière d’un Pavese écrivant avant de se tirer une
balle dans la tête « assez de mots, des actes ».
Ces plans, sans faux-semblants, devraient s’inscrire comme une grâce
naturelle s’opposant à l’obscénité morale qui sous tend l’ordinaire des
déballages complaisants au goût du jour. Ils ne devraient pas pour autant
constituer la cerise sur le gâteau comme il serait facile de les concevoir à
l’exemple de ces solutions expéditives et machinales qui occultent toujours
ce qui se passe entre un homme et son intimité. A quelques rares exceptions
près initiées par Bergman ou Pasolini, la fonction érotique comme pulsion de
vie et harmonie intérieure relève encore de l’irreprésentable. »

Jean-Claude Guiguet

Jean-Claude Guiguet fut assistant de Paul Vecchiali sur Change pas de main
(1975), s’occupa du décor et des costumes du Théâtre des Matières de
Jean-Claude Biette et tourna quatre longs métrages : Les Belles Manières
(1978), Faubourg Saint-Martin(1986), Le Mirage (1992) et Les Passagers
(1998), et deux courts : La Visiteuse (1983) et Une Nuit Ordinaire (1996).

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