Je suis paresseux comme un paysage, comme une vue calme qui montre un pont, une rivière, des bâtiments anciens, et une bande de ciel peinte à la main. L’eau coule, les nuages passent, les saisons changent et le cadre est immobile.
Si je commence cette narration par une image poétique, c’est qu’elle en contiendra peu et je baille déjà sous l’effort que m’a demandé cette trouvaille. Je compte sur votre indulgence. Contentez-vous de cette ouverture.
J’avais une femme, elle ne pensait qu’à sortir, et j’étais casanier. Un matin, je lui ai dit qu’elle me fatiguait. Dormir en sa compagnie était agréable, mais elle ne m’accordait le sommeil qu’après de longues contorsions. J’étais son lombric, son amant. Elle se lassa de m’entretenir, devint invivable. Je fus mis à la porte, je revins, elle m’égara dans un bois, je rentrais, elle me perdit dans un supermarché. C’était terminé.
J’avais un ami insomniaque, il me payait pour parler. J’étais son anesthésiant naturel, sa morphine, je lui faisais des massages mentaux qui le détendaient de son stress. J’étais sa musique apaisante comme le roulement d’un train, sa litanie, sa berceuse et il aimait ma constance. J’ai occupé cet emploi deux ans sans récriminer. J’étais rémunéré pour être là, utile comme un bâtonnet d’encens.
Quand je ne sais que faire, je m’allonge et dors.
J’aime manger des œufs à la coque, c’est économique, et ce n’est pas salissant.
Comme Elvis Presley, je ne vais jamais à la douche sans un tabouret.
Quelques médecins prétendent que la masturbation a des vertus somnifères, ils précisent qu’il faut la pratiquer lentement, librement comme on se fait un sandwich. Certains précisent qu’il est plus sain de le faire sans image, parce que celles-ci échauffent trop l’esprit. C’est possible.
Faire la sieste l’après-midi m’est nécessaire, même si j’ai dormi dix heures. La sieste idéale dure trente minutes. Moins, elle est inutile, plus elle épuise et il faut alors se recoucher.
La paresse a un ennemi : la pauvreté. Un matelas usé réduit le confort. Dormir par terre ne convient pas à un débutant. Il faut de l’expérience. On dort mieux quand on a de l’argent.
Un métier adapté ? Présentateur de la météo. Ce sont les mieux payés de tous les fainéants. Sous le mât de Cocagne de la télévision, poussent des tirelires humaines roses comme des cochons. D’indolentes présentatrices aux seins mous pointent du doigt une carte en épelant des noms de région. Elles mènent la vie planquée des mannequins de placard. Des hommes qui pourraient être votre gendre récitent des éphémérides. Leur effort dure cinq minutes chaque jour.
Voilà l’emploi où je postule. Qu’on mette un lit pliant dans la loge, puis qu’on me porte jusqu’aux caméras, qu’on m’installe alors dos au mur avec des trous pour les pieds, et je réciterai tous les départements sans erreur. Ensuite des assistants relèveront mon corps, et le rapatrieront vers un lit. Je pourrais enfin buller, sage comme un idiot qui jouit du moment présent, et sans souci vaque à rien faire, plus insouciant que le printemps.
Jamais je n’ai regretté mon existence de paresse, mon très long avachissement.
Je n’ai ni haine ni gratitude pour personne. Je me fous des activités productrices. Je veux être à côté, passif, recevoir des visites, choisir. Sans rien faire, je brasse autant de néant que quiconque travaille mais je mouline moins d’air.
Je suis plus sot que sage, mais à mon âge c’est raison. Mon bonheur est dedans mon lit.
Fol, qu’apprends-tu si tu te couches ? Quelle est cette philosophie dont l’art est abrutissant ?
ZZZZZZZZZZZzzzz C’est le rêve ZZZZZZZZZZzzzzzzzzzz