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On a eu affaire à la police française sous l’occupation allemande ça fait plus de 70 ans 

Hommage d’octobre à Jean-Michel Mension

mercredi 18 octobre 2017, par Jean-Michel Mension aka Alexis Violet


Nous sommes en 2017, le 18 octobre, c’est la deuxième journée commémorative du massacre massif des Algériens rassemblés pour manifester pacifiquement dans la capitale, en 1961, par la police parisienne du Préfet Papon aux ordres de Roger Frey ministre de l’Intérieur du gouvernement de Michel Debré, sous la Présidence du Général de Gaulle. Celui-ci, avec les pleins pouvoirs autorisés par l’article 16 de sa constitution inaugurale de 1958, et dont il usera d’avril à septembre pour parer aux conséquences métropolitaines du putsch d’Alger, annoncé comme une tentative de coup d’État contre le referendum national du 8 janvier, sur l’autodétermination algérienne, où 75% de la population a répondu favorablement [1], a réussi à écarter la menace des Généraux factieux qui se sont rendus peu à peu, ainsi que leurs corps d’armée et certains avant eux. Même si la guerre n’est pas encore radicalement conclue sur le terrain, les négociations d’Évian vers un cesser le feu et la reconnaissance de l’indépendance de l’Algérie ont commencé. Pourquoi avoir imposé un couvre feu parisien aux Algériens des banlieues si tôt dans la soirée ? Ceux qui viennent travailler dans les usines du quai de javel (Citroën), dans l’île Seguin (Renault), ou encore à Nanterre (Simca), ou chez des patrons dans d’autres endroits de la ville, n’ont pas des horaires de travail qui leur permettent de respecter le couvre-feu ; l’effet pervers est qu’au titre du viol des consignes de sécurité ils se font ratonner au moment où ils rentrent chez eux, et leur libération, sans garantie d’en sortir indemne, est incertaine — certains disparaissent comme au plein moment de la guerre. C’est pourquoi le FLN demande aux Algériens de venir manifester pacifiquement et massivement pour défier le couvre-feu afin de le faire prescrire, en appelant les familles à rejoindre les travailleurs, ce mardi soir, à Paris.
Contradictoirement, le Général de Gaulle qui prépare l’armistice et l’indépendance nationale de l’Algérie, aux mains du front uni du Gouvernement Provisoire de la République Algérienne (GPRA), était revenu au pouvoir avec le mot d’ordre marqué du "V" de la victoire, les bras levés, adressé aux pieds noirs : « Je vous ai compris ! » ; ainsi, son gouvernement n’est pas exempt de partisans de l’Algérie française en dépit de sa soumission et de sa loyauté sur les grands principes du projet gaulliste, et certains de ces membres se sentant éconduits sur la promesse de l’Algérie française profitent de l’état d’urgence contre l’OAS pour se venger, à travers différentes milices dépendant de l’armée qui contrôle aussi les harkis, qu’elle a convoyés en France à cet effet, par une répression criminelle sous procuration, donc inavouée, du prolétariat algérien immigré, soumis à l’impôt du FLN ; ainsi, les interrogatoires sous la torture pour trouver les identités combattantes du FLN se poursuivent et les soutiens activistes de la résistance, notamment les étudiants les intellectuels et des syndicalistes anti-colonialistes, qui assurent la propagande anti-guerre ou soupçonnés d’être des porteurs de valise, sont emprisonnés. Telle Laurence Bataille qui avait été écrouée en 1960 avec d’autres jeunes femmes à La petite Roquette [2]. La censure blanchit des colonnes entières dans la Presse (cela durera jusqu’en 1962), tandis que les derniers activistes récalcitrants de l’OAS tentent encore de poser des bombes dans la capitale.
La première information publique du massacre des 17 et 18 octobre consista en un graffito collectif peut-être une stratégie de trois graffitis, du moins un seul photographié est connu tracé par Alexis Violet avec le comité antifasciste Seine-Buci, quelques jours plus tard en pleine nuit, sur le garde-corps en pierre du quai de Conti [3].

Cette année, octobre est aussi le mois clé du centenaire de la révolution russe : le 25 octobre 1917 [4] eut peut-être une origine dans les répressions brutales des mouvements de grève par l’armée impériale, à Saint Pétersbourg, le « dimanche rouge » (9 janvier 1905) [5] ? (L. D.)


NDLE : Le discours suivant est extrait de l’hommage du 6 mai 2006 à Jean-Michel Mension aka Alexis Violet, décédé le matin même. L’artiste lettriste, le militant trotskiste anticolonialiste et antiraciste, le journaliste : « Alexis Violet, un rebelle de toujours, nous a quittés », dans le site rebellyon.info, où nous recommandons d’aller lire l’intégralité de l’article.


2006


[...]

Le 21 octobre 2004, c’est Alexis Violet [6], qui représentait l’Observatoire des Libertés Publiques à la rencontre qui avait pour thème « Outrage et rébellion » au CCO de Villeurbanne. L’ambiance était tendue car Albert Lévy [7] n’avait pu y assister et les policiers avaient organisé à proximité une manifestation contre cette rencontre. L’assistance était nombreuse et variée, quand Fabien Jobard [8] a démontré, de façon très sérieuse, comment la police s’en prenait prioritairement aux jeunes des banlieues. Après des témoignages de violences policières, Alexis a réussi singulièrement à détendre l’atmosphère. Voici son intervention :


« L’histoire de l’Observatoire des Libertés Publiques démarre il y a très très longtemps, en tout cas en ce qui concerne son président, Maurice RAJSFUS [9], qui a écrit plein de bouquins et moi-même, puisque l’un et l’autre on a eu affaire à la police française sous l’occupation allemande. Donc, ça fait plus de 60 ans, ça fait plus de 60 ans.

On a commencé d’abord par une pétition, qu’on a lancée après l’assassinat à bout touchant, par un flic, du jeune Makomé, en 1993. Et on a réuni 130 signatures, ou 131, puisque c’est comme ça que s’appelait la pétition, en hommage à un charter de Maliens, de 131 Maliens qui avaient été virés par PASQUA. Et puis, au premier anniversaire de l’assassinat de ce jeune, on s’est dit que c’était pas suffisant, une pétition, et qu’il fallait, qu’il fallait faire quelque chose.

Alors je vais vous faire, moi je suis pas scientifique, je suis pas dans la magistrature, je vais vous faire un seul graphique, hein.

Voilà. Tout le monde a compris ? Non. Bon, alors, c’est que les bavures, ça n’est que la pointe de l’iceberg, et que c’est au ras des flots, à peine 50 cm en dessous, qu’il y a effectivement la politique sécuritaire, et de temps en temps ça déborde, et ça donne la mort de plus de 200 jeunes, largement plus de 200 maintenant, depuis 1977, avec Peyrefitte, date à laquelle on a commencé en France à s’occuper de la question sécuritaire, dans un gros rapport qui s’appelait « Liberté et sécurité », quelque chose comme ça.

On peut faire un parallèle entre 1977 et 1974, le début de la crise économique dite crise du pétrole. A partir de ce moment là, une partie de la bourgeoisie s’est rendue compte que les choses allaient tourner mal.

Jusqu’à là, la théorie qui était en cours est reconnue à peu près par tout le monde, c’est ce qu’on appelait la théorie de la courbe en J, interprète la violence en termes de privation : elle se développe lorsque l’élévation des aspirations des individus ne s’accompagne plus d’une amélioration comparable de leurs conditions de vie. C’est à dire que c’est la misère qui amène à un certain type de délinquance, la délinquance de sécurité, la délinquance de survie.

Ca, ce n’était pas possible dans une situation nouvelle, et dont les dirigeants savaient qu’elle allait amener à des explosions. Et donc, ça a été la théorie qui renversait la théorie précédente, c’est la théorie de la vitre brisée, cette théorie revient à renverser la thèse habituellement admise : ce n’est pas la dégradation du lien social qui est cause des incivilités, mais les comportements d’abandon des citoyens face à ces activités qui précipitent le délitement du lien social. C’est parce qu’on n’est pas assez, on est trop angélique, on va nous sortir souvent la formule, c’est parce qu’on est trop angélique que la délinquance se développe, c’est les individus qui sont coupables, et il y a un type célèbre, puisqu’en même temps, il vendait des contrats locaux de sécurité, dénommé Alain Bauer, qui a co-écrit un petit bouquin dans la collection « Que sais-je ? », extrêmement vendu, extrêmement célèbre, il l’a co-écrit avec un dénommé Xavier Raufer, qui est un fasciste ; et c’est la collaboration de ce type, qui est devenu maintenant président de je ne sais plus quelle loge maçonnique, curieux, parce que pendant la guerre, les francs-maçons et les nazis ne s’aimaient pas beaucoup, bien, c’est eux qui ont co-écrit ce livre, qui ensuite a été développé par des tas de gens, et contrebattu aussi, et ça faut les remercier par un grand nombre de sociologues qui se sont penchés un peu sérieusement sur la question.

Donc nous, notre association, elle développe ce phénomène, pas pour les gens politisés, au départ, c’était pas notre idée, notre idée c’était de faire comprendre au maximum de gens que c’était un système, qu’il fallait en terminer avec le mot bavure. C’était ça, et c’est ça qu’on a réussi à développer, peu à peu, en plus de 10 ans maintenant, faire comprendre aux gens qu’il fallait s’investir dans cette affaire là. S’investir dans un sens d’eux à nous, en nous informant d’un certains nombre de choses, puisque nous on a comme informations la presse, et puis des avocats qui nous donnent des infos, des gens qui nous envoient, comme les témoins de tout à l’heure, leur histoire, mais qu’on est obligés de vérifier, bien évidemment, sinon il y a longtemps qu’on serait interdits par les flics, bien. Et en même temps, que eux mêmes reprennent et multiplient à l’infini, si possible, en les photocopiant, les numéros de « Que fait la police ».

Je tiens à remercier particulièrement nos amis de TÉMOINS, qui à l’occasion de je ne sais plus quelle manifestation, en ont tiré un millier, alors qu’on a 400 abonnements, et euh bon, on ne sait pas exactement à combien se diffuse notre feuille. Mais on sait qu’elle est connue dans de très larges milieux.

Bien. Alors, c’était à peu près, un peu après le temps des premières émeutes effectivement, qu’on a lancé notre association, mais j’ai lu avec intérêt, puisqu’il y a eu une émission sur l’histoire de la police en France il y a pas longtemps, hein ?... C’est la création en 1667 de la Lieutenance de police. Un seul homme va rassembler sous son autorité des missions jusqu’alors trop fragmentées pour être vraiment efficaces. Les préoccupations des premiers titulaires de la charge, auront trait au ravitaillement de la capitale, entre parenthèses le but étant de prévenir les émeutes.

Comme à Vaulx-en-Velin, il y a eu des émeutes. Dans la région lyonnaise, il y en a eu pas mal. Donc ces gens, ils sont prévoyants, ils savent que leur politique libérale va un jour ou l’autre amener à des émeutes.

Au contrôle d’une population en plein expansion, c’est plus exactement le cas, mais quand même, il y a une expansion, entre autre de l’immigration, et de l’immigration clandestine, qu’il faut surveiller de très très très près, à l’échelon français comme à l’échelon européen, bon,
à une meilleure connaissance, enfin des fauteurs de trouble ; les fauteurs de trouble, c’est les meneurs, c’est les quelques uns qui dans chaque banlieue, sont fautifs, parce que évidemment, c’est toujours les méchants qui foutent le bordel et qui, après on sait comment ça marche, les méchants ils foutent pas plus le bordel que d’autres, c’est la situation économique, bien évidemment qui fait que il y a toujours des gens qui essayent de résister comme ils peuvent.

Bon alors, des fauteurs de trouble qui feront l’objet de signalements expédiés à toutes les brigades du royaume, toutes les brigades du royaume. C’est une centralisation tout à fait volontaire, et je crois que l’un des témoins tout à l’heure avait un peu tort, sur le fond, il avait entièrement raison sur ce qu’il a raconté, mais un peu tort de dire qu’on ne pouvait pas changer le système policier.

Malheureusement, si, on peut bien évidemment l’aggraver.
(Riresdans la salle)

Et c’est ce qui se passe régulièrement, depuis des décennies, depuis des siècles, hein, à chaque fois qu’il y a des luttes, eh bien on change les lois, on met des lois complémentaires, on attend un petit peu pour que ça foute pas trop le bordel, et puis quand les gens ont oublié l’affaire, bien on en rajoute, on en met une louche de plus. Et ce phénomène, effectivement, il est épuisant, il est épuisant. Il est épuisant pour nous, qui luttons, pour les camarades d’un certain âge, hein, démocrates, machin, moi je suis pas spécialement démocrate, je ne me fais plus aucune illusion sur la démocratie, depuis l’âge de 6 ans.
(Rires dans la salle)

Ni sur la police, parce que j’ai connu la police en octobre 1961, bien évidemment, j’ai lutté contre. C’était la même police que maintenant. J’ai connu la police en 1942, une partie de ma famille y est passée, c’était la même police que maintenant.

Parce que la police est un phénomène tout à fait spécifique, c’est un engrenage qui écrase y compris, effectivement, les flics, mais ils acceptent, ils acceptent ! Et y compris les flics dits démocratiques, je les ai jamais vus se battre, et dénoncer réellement leurs collègues, hein ? Dont certains disent, c’est arrivé dans une algarade entre jeunes et policiers, et les jeunes ont traité les policiers de fachos, et les fachos ont répondu, je m’excuse, du lapsus, enfin c’est pas tout à fait un lapsus.
(Rires dans la salle)

Les flics ont répondu : « On n’est pas des fachos, on est des nazis ». C’est ça, la réalité. Alors, elle se voit mal, par exemple au niveau électoral, parce que il y a un nombre incalculable de syndicats catégoriels, machin-chose, etc, dans la police, et y compris les gens d’extrême droite ont tendance à voter pour les plus gros syndicats, parce que c’est comme ça qu’ils sont le mieux défendus, et c’est comme ça qu’ils ont le plus de chance d’avoir la possibilité un jour de devenir bureaucrate syndical, et de plus bosser, bien bref, et de pouvoir boire toute la journée, et pas seulement à la pause.
(Rires dans la salle)

Donc on est dans cette situation.
Bien, mais ça peut être pire, ça peut être pire, je vous signale, juste une petite phrase, qui date du début du 18ème siècle, hein ? L’évêque Bertiolay, c’est un Anglais, c’est pas chez nous, d’accord, a suggéré l’idée d’arrêter les mendiants endurcis. Ca rappelle les machins, les décrets, contre la mendicité illégale, etc, etc. Lui, il allait plus loin, quand même, hein ; peut-être qu’on le rattrapera, hein, et d’en faire des esclaves, propriété du public, pendant un certain nombre d’années. C’est-à-dire, c’est un retour à l’esclavage, qu’il proposait. Et ce qu’on propose maintenant, que le gouvernement propose, que les gouvernements proposent, d’une certaine façon, pour une catégorie de la population, c’est un retour au féodalisme. C’est effectivement ne plus avoir aucun droit. C’est aussi bien valable sur le plan social, avec le MEDEF, qui proposait qu’on puisse virer n’importe qui, quand ça plaît pas à un actionnaire, on vire un mec, peu importe.

Alors là dessus, la discussion elle n’est pas terminée, mais ils reviendront à la charge, évidemment, et pour les jeunes des banlieues, c’est fermer sa gueule, s’écraser, et il y a un flic qui a dit il y a plusieurs années déjà, on l’interviewait et tout et tout, et qui a dit : « Ben, ils n’ont qu’à rester chez eux, comme ça on les arrêtera pas ! » C’est-à-dire rester toute leur vie, devant la télé, etc. Bon, bref, maintenant ils peuvent prendre 2 ans de prison, ou quelque chose comme ça, si ils sont dans le hall de l’immeuble, le seul endroit où ils peuvent se voir ensemble, hein, parce qu’autre part, ben ils peuvent plus même maintenant ; même ça, ils peuvent plus, ils risquent la taule.

Donc on est dans cette situation où, particulièrement, on a commencé par insuffler du racisme, et le racisme, ça, c’est, c’est un mal indélébile, c’est indestructible, au niveau de la police, plus largement même, des fois, c’est très difficile, à réduire ce racisme là. Mais si on arrêtait, parce que c’est la loi, tous les flics en France, qui ont prononcé des propos racistes, et qui en prononcent tous les jours, il y aurait des dizaines, des dizaines de milliers de flics en taule, en taule ! Est-ce qu’il y a des flics ici dans la salle qui sont pas contents, qu’ils le disent dans le débat ! Qu’ils le disent dans le débat !

Donc, ils sont couverts, ils sont couverts par le gouvernement. Parce que bien évidemment, il s’agit pas seulement de s’attaquer à la police, la police, c’est un outil, c’est un outil, et qui, maintenant est un outil aussi sûr totalement, hein, dans le temps, c’était aussi bien un outil, bon pour la gauche, des accords et tout, mais, maintenant, la gauche et la droite, on ne voit pas la différence, hein. La gauche fait voter la LSQ, la droite fait voter la LSI, et il y a un article, quelque part, qui est très bon, je crois que c’est dans Libé, même, qui explique que, que Julien DRAY a dit, « mais ça c’était notre programme », quand SARKOZY est arrivé.
(Rires dans la salle)

VAILLANT a dit, « mais on m’a piqué mes idées », y a un autre socialo, qui a dit « mais ça, c’est, JOSPIN l’avait proposé », etc, etc. C’est une véritable surenchère entre un triptyque de droite et types de gauche, bien, pourquoi, pourquoi ? Parce qu’on a fait tellement pénétrer cette idée du racisme, du fait que c’est de la faute aux immigrés, etc, etc, de l’insécurité, avec des chiffres totalement bidons, bidons, des prévisions totalement bidons, y compris maintenant eux mêmes en arrivent à dire qu’il faut un nouvel organisme pour juger tout ça. Et avec ce système, là, machin, on va contrôler la police et je sais pas quoi, ben qui est le président du comité de mon truc, eh ben c’est le gars dont je vous parlait tout à l’heure, Alain Bauer.
(Rires dans la salle)

Il y avait des avocats, des magistrats, qui disaient "Il y a l’IGS, l’IGPN...", bon ça c’est complètement bidon. Tant qu’il n’y aura pas un organisme indépendant, totalement indépendant de la police, pour juger les crimes, les délits, les méfaits de la police, eh bien évidemment, c’est toujours les flics qui auront raison.

Mais, cet organisme indépendant, il existe, ça s’appelle la justice, ça s’appelle un Parquet, ça s’appelle un tribunal, ça s’appelle une salle d’audience ; normalement cette institution judiciaire elle est là aussi, pour juger, pour le civil, comme pour les fonctionnaires de police, comme...

Qu’est-ce que tu me dis, là ?
(Rires dans la salle)

J’ai un autre papier qui me dit qu’il y a deux flics qui viennent d’être acquittés alors qu’ils ont matraqué, quasiment torturé un jeune, qui a été obligé, à qui on a été obligé de faire une ablation d’un testicule. Ils ont été a-cqui-ttés, c’est ça la justice ? Oui, c’est ça la justice, c’est ça la justice. A quelques exceptions près, à quelques exceptions près, y compris les amis qui sont venus tout à l’heure.

Alors c’est plus exactement la justice qu’il y avait sous PETAIN, où la totalité des magistrats sauf un, ont fait allégeance au Maréchal PETAIN, sauf un. Maintenant il y en a quand même plus qui ripostent, qui ne se laissent pas faire, qui essayent de se battre. Bon, c’est un-peu-mieux, un peu mieux, mais il ne faut pas non plus se faire d’illusions, hein ? Un flic a toujours raison. Il y a un copain qui l’a dit tout à l’heure, un flic assermenté a toujours raison ! Et un flic armé, il peut toujours tuer ! Alors il ne faut pas qu’il y ait des flics assermentés, il ne faut pas qu’ils aient des armes à feu !

Là on arrivera effectivement à un autre type de police, parce qu’elle commencera à avoir la trouille. Bien sûr, c’est comme ça qu’il faut fonctionner, au rapport de forces, sinon on arrivera à rien, jamais à rien. Et ça il faut le faire très largement, ça commence un peu à se développer, on voit dans certains villages, dans certaines petites villes, des collectifs qui se mettent en place, quand il y a eu une aventure où la police s’est permis des déviations par rapport au droit et par rapport à la justice.

Et y compris même, malheureusement, des juges, qu’on pourrait juger à gauche, euh c’est à dire les juges du Syndicat de la Magistrature, c’est un juge du Syndicat de la Magistrature qui a condamné à 3 ans de prison un médiateur qui s’interposait entre les jeunes qui étaient dans une maison, il n’y en a pas des masses, hein des maisons, pour les jeunes, dans les banlieues, et les flics essayaient de les cogner. Le médiateur a pris 3 ans. Réflexion du juge : « Oui, mais, j’ai vu tout de suite, à sa tête, qu’il était fourbe »... C’est-à-dire qu’on ne juge plus. Non seulement on arrête au faciès, mais maintenant on juge, y compris un juge du Syndicat de la Magistrature, on juge au faciès.
Directement.

Alors la justice, effectivement, elle devrait faire ce que tu as dit, mais elle ne le fait pas, elle ne l’a jamais fait, elle ne l’a jamais fait.

On m’a demandé de parler de l’Europe, mais je n’ai pas le temps, car on m’a demandé de faire vite. La première fois qu’il y a eu une entente européenne entre les polices, c’était en 1897, pourquoi faire ? Pour se donner des renseignements sur les groupes anarchistes, qui à l’époque passaient des fois à l’action directe. Bon, maintenant, c’est la même chose, hein, ce qu’on fait avec l’Europe, c’est-à-dire, pas d’étrangers illégaux, contrôle systématique, etc, etc. On défend l’Europe, en fait, on défend aussi la race blanche, hein, on défend la race blanche. Et bien, c’est une tradition.
(Bruits dans la salle)

Alors quand je dis aussi que la police peut être changée, c’est par exemple, elle peut être encore plus centralisée, c’est, c’est les GIR créés par Monsieur SARKOZY. Il y a 287 fonctionnaires, je crois, qui sont censés, euh, et qui disent que notre rôle est de mettre en cause les chefs, ceux qui tirent bénéfice des trafics, c’est essentiellement contre les trafics de drogue, enfin les trafics de femmes, les trafics d’enfants, les trafics de tout. Et alors ça donne dans un article assez curieux, puisque, comme ça, il est du Monde, hein, journal paraît-il sérieux. Alors y a un type qui dit d’un GIR, « Notre rôle est de mettre en cause les chefs, ceux qui ne touchent pas aux produits, mais en tirent les bénéfices », et puis plus loin on parle « d’un établissement de la cité Pablo Picasso pour des faits de travail clandestin, et d’infraction aux règles d’hygiène et aux lois sur les débits de boissons ». L’établissement a été fermé, selon les policiers, il y avait de la délinquance, c’est-à-dire il y avait du hachisch, c’est un produit qui fait beaucoup moins de mal que l’alcool, et qui devrait être légalisé depuis longtemps.
(Quelques applaudissements)

Il y a aussi une part de racisme dans cette affaire là parce que c’est les Arabes, ces salauds qui nous ont fait perdre l’Algérie, bien évidemment qui vont nous piquer notre vin.
(Rires dans la salle)

Et c’est vrai, c’est vrai, les jeunes, et j’ai des enfants, euh, bon.
Mais pour ça, pour fermer un débit de boissons qui fonctionne mal, moi je sais très bien comment on faisait dans le temps : c’était une commission de santé et de sécurité qui passait, ils regardaient derrière les tuyaux, dans la cuisine, c’était sale, c’était mal peint, ils fermaient. Insalubrité, faut refaire les travaux, le machin, là, pour attirer l’air, là, ça marche pas. On envoyait pas les GIR, on envoyait même pas les flics.

Faut peut-être préciser que les GIR, hein, en fait, regroupent à la fois des forces de la police nationale, des douanes, de la police de l’air et des frontières, et que en fait, ils organisent des actions coordonnées, sur certains sites, et que là le résultat en fait de l’action, a représenté je crois l’emploi, de quelque chose comme pratiquement 200 hommes. Oui oui oui, oui oui oui, oui oui oui.
(Rires dans la salle)

Alors c’est une façon de renforcer, et il y a une façon qui est en fait beaucoup plus grave, bien évidemment, ça vient des Etats Unis, c’est passé par l’Angleterre, et maintenant ça arrive en France, c’est l’appel systématique à la délation. C’est que tout le monde soit flic. C’est la meilleure solution.
(Rires dans la salle)

Plus de problèmes. C’est plus la peine de faire des réunions, c’est plus la peine..., les flics n’ont plus besoin de venir. Euh, il y a des RG qui sont dans la salle...
(Rires dans la salle)

(Une voix dans le public :)
Ils sont où ?

Il font comme ils veulent...

Bon juste, juste un mot pour terminer, il ne faut pas se désespérer.
(Rires dans la salle)

Oui, mais c’est ça le plus dur, c’est ça le plus dur. Parce que, bon nous, à l’Observatoire des Libertés Publiques, on a des raisons d’enfance d’en vouloir aux flics. On a la haine, on l’a vraiment, on l’a vraiment et on ne nous l’enlèvera jamais. Seulement, à 70 balais comme moi, ou à 76 comme RAJSFUS, on n’a pas non plus la haine à tout foutre en l’air, à balancer des baignoires sur des voitures, ou les brûler. On a une haine un tout petit peu plus raisonnée.
(Rires dans la salle).

Il faut avoir cette haine, il faut avoir cette haine.
C’est indispensable de bien comprendre qu’on ne parle pas à un flic, que c’est plus tout à fait un être humain.
(Rires dans la salle)

Qu’il est broyé par une machine, une machine d’état, qu’il est au service, et qu’il est payé, pour faire traverser les enfants dans les clous c’est vrai, mais aussi en cas d’émeute, pour tirer, et pour descendre des gens ; pas 1, 2, 3, 4, 100, 200, comme maintenant, beaucoup plus. Il est payé pour ça, ça devient la plus importante force de police intérieure, enfin c’est une véritable armée, maintenant. C’est une véritable armée. Avec un armement tout à fait important.

Bon, il ne faut pas désespérer pour une raison, c’est qu’il y a des choses qui ne se passent pas. Il y a les copains, RÉSISTONS ENSEMBLE : nous on participe en tant que association, c’est leur truc, ça marche. Il y a des réactions quand il y a des arrestations arbitraires. Il y a maintenant les gens de la protection judiciaire de la jeunesse, alors, qui sont visés, très directement, parce qu’avec la nouvelle loi contre les mineurs, parce que c’est surtout aux mineurs qu’on s’attaque, ils vont devenir flics. On leur demande de devenir flics. C’est-à-dire, l’éducatif d’abord, qui a été voté en 1945, ça n’est absolument plus respecté, et maintenant, c’est la justice d’abord.

Donc ils commencent à créer, un certain nombre de collectifs, il y en a une trentaine, ils se sont réunis la semaine dernière, bon ils intègrent bien évidemment pas seulement des gens de la PJJ, il y a des gens, des syndiqués, des gens de la Ligue des Droits de l’Homme, des associations humanitaires, et puis il y a aussi des individus isolés, c’est une bonne chose, parce que il faudra être très très très très nombreux dans cette affaire là.

Il y a par ailleurs, effectivement, une manifestation unitaire, pas tout à fait unitaire, parce que SOS Racisme n’y est pas, mais bon ce n’est pas la première fois qu’SOS Racisme n’est pas dans une manifestation antiraciste ; puisque quand on a fêté le 40ème anniversaire du massacre du 17 octobre 1961, SOS Racisme n’y a pas participé, bah c’était pas le même problème que maintenant, mais enfin ils ont refusé d’y participer. Bien il y a quand même le 7 novembre 2004 une grande manifestation, et à partir de cette lutte, qui est absolument indispensable pour lutter contre la violence policière, contre tout ce qui se passe actuellement par rapport à la jeunesse, bien à partir de ce regroupement, puisqu’on parle de mettre en place une structure permanente de différentes organisations, la possibilité après la lutte contre le racisme, de lutter aussi contre la police, bien d’exiger entre autre par exemple, que tout propos raciste des flics soit condamné, bien bref, que le flic soit mis... à la poubelle... à la poubelle
(Rires dans la salle)

... comme formule, voilà.

Et quant à la vision maintenant, elle est simple, elle sort d’un article qui est dans Le Monde, et qui est titré en gros, par un type là, qui est dans un organisme d’état, il y a à peu près un an, hein, où la formule est : « Liberté, sécurité, valeur ». C’est ça les trois fondements de la République que les libéraux, le gouvernement actuel essayent de mettre en place. Voilà. La liberté, c’est pas pour les jeunes, de toutes façons, pour les vieux, j’espère...
(Rires dans la salle)

Voilà.

(Applaudissements très nourris)

On peut être content, c’est la première fois qu’on m’a entendu aussi bref ! 

(Rires dans la salle) »

pour Alexis Violet

Transcrit par Claire


Ici on noie les algériens
Photo Jean Texier
(graffito du quai de Conti
par Alexis Violet et le Comité anti-fasciste Seine-Buci)
Source cairn.info


P.-S.

En logo, la première de couverture signée Siné du livre de Maurice Rajsfus et Alexis Violet, Que fait la police, dans le cadre de L’Observatoire des Libertés Publiques, paru aux éditions Dagorno en 1999. Il demeure accessible dans les librairies urbaines et dans les librairies numériques.

Dans le blog Que fait la police, pour L’observatoire des libertés publiques (site samizdat.net) on peut lire des articles relativement récents de Maurice Rajsfus.

Notes

[1« Référendum sur l’autodétermination en Algérie » (fr.wikipedia).

[2On peut s’informer en lisant l’article publié en janvier 2014 « Janine Cahen , une militante du FLN de Mulhouse », où il est question de Laurence Bataille parmi d’autres, dans le blog Non au musée fasciste de Montpellier.

[3On peut lire dans la RdR l’article commémoratif du cinquantenaire du 17 octobre 1961, où la manifestation des graffitis est informée (2011).

[4« Révolution d’Octobre » (fr.wikipedia).

[5« Dimanche rouge » ( fr.wikipedia).

[6L’activiste lettriste et militant trotskiste Alexis Violet est aussi Jean-Michel Mension

[7Albert Lévy (1923-2008) est un écrivain et militant d référence sur les droits de l’homme contre le racisme (on peut lire sa bio-bibliographique dans le site fr.wikipedia.

[8Fabien Jobard est aujourd’hui chercheur du CNRS, attaché au Centre Marc Bloch à Berlin. Il est spécialisé en sociologie de la police et de la justice pénale. On peut en lire quelques articles et découvrir sa bibliographie dans La vie des idées.

[9Ndle. Pourquoi le titre détourne-t-il la phrase de Alexis Violet « ça fait plus de 60 ans » ? En dépit de son âge le grand militant Maurice Rajsfus est encore parmi nous. On peut se reporter à sa bio-bibliographie dans fr.wikipedia.

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