Défense de Baleine
Les éditions Baleine, dont je m’occupe depuis 2005, et que j’ai rachetées au
groupe La Martinière en 2008, ont publié plus de 450 titres, dans des
collections diverses et variées, entre autres, et pour ce qui est encore
d’actualité :
Le Poulpe, collection créée en 1995 par JB Pouy et dirigée aujourd’hui par
Stéfanie Delestré, qui -en dépit des attaques et changements de
propriétaires, compte maintenant plus de 190 titres, sans compter les
copies, imitations et adaptations. Il en paraîtra huit nouveaux inédits en
2010, faisant appel aux meilleurs auteurs du moment et à leur interprétation
personnelle du personnage et de la bible d’origine : Maïté Bernard, Marin
Ledun, J.P. Jody, Sébastien Gendron, Sergueï Dounovetz, Antoine Chainas...
Ceci pour 2010.
Baleine Noire, « collection-de-livres-qui-ne-se-vendent-pas », que je dirige
et qui réunit dans des livres de poche de luxe, une littérature punk,
gothique, gore ou noire , bizarreries, outrances, exercices de style, avec
des auteurs français ou traduits, morts ou vivants, célèbres ou pas. Faut
toutes les buter ! est publié dans Baleine Noire.
Dans cette collection, constituée comme un cabinet de curiosités, j’ai
publié, d’une part des auteurs contemporains de textes difficiles et
littéraires que le "politiquement correct" et la frilosité éditoriale
ambiante avaient amené dans cette collection unique (Serge Scotto, Pascal
Françaix, Nada), et j’ai réédité, d’autre part, des textes anciens dont le
caractère singulier me semblait cohérent avec les modernes. BR Bruss, Th. de
Quincey, M. Agapit, Dann & Dozois...
Son objet est bien la littérature. Pas la politique. La démarche est
esthétique et artistique. Les couvertures sont toujours illustrées de
photographies de cires anatomiques du Docteur Spitzner, qui rappellent aux
éventuels chalands que ce n’est pas …pour les enfants.
On m’accuse de vouloir créer du buzz : Malheur à celui par qui le scandale
arrive ! Sérieusement, j‘aurais lancé une telle campagne pour un livre dont
le tirage est de 2600 exemplaires, et qui sera demain diffusé à… 800 ex. ?
Et j’aurais envisagé avec sérénité la perspective d’être traité de « facho
», pour un roman populaire de 1947 ?
Bien sûr que Baleine n’est pas un éditeur militant : le Poulpe peut passer
pour un militant, et encore...
Ce n’est ni un vengeur, ni le représentant d’une loi ou d’une morale, c’est
un enquêteur un peu plus libertaire que d’habitude, c’est surtout un témoin.
C’est écrit sur les couvertures, depuis quinze ans. Mais les éditions
Baleine, non : c’est une entreprise d’édition qui se targue de publier des
romans divers et variés. On n’est pas obligé de les lire, ni de les acheter,
ni de les aimer.
Pourquoi serait-il -comme déjà remarqué- scandaleux de côtoyer M. Brigneau
chez Baleine, et pas chez Gallimard ou Albin Michel, où il fut édité aussi ?
Je maintiens que c’est un texte drôle, émouvant, divertissant, et
historique. C’est un roman d’atmosphère. Bien sûr qu’il est grossier,
sexiste, raciste et violent : le narrateur est un caïd assassin qui n‘a
connu que la violence et les armes. Il a été publié en 1947. Et le dernier
Ellroy, il ne contient pas lui aussi quelques expressions aussi vulgaires
que racistes ?
Pourquoi lancer cette campagne une semaine avant la mise en vente, et avec
une stratégie aussi maladroite : elle profite à M. Brigneau et nuit au
poulpe ? N’étais-ce pas l’effet inverse qui était escompté ?
Je regrette que des amis, pris en otage par cette polémique dérisoire, se
trouvent mis en porte-à-faux. Qu’il sache que la porte de Baleine leur sera
toujours ouverte. Et que leurs textes, eux, je continuerai à les défendre.
Comme Patrick Raynal quand il a publié son ami ADG, parce qu’il jugeait que
c’étaient des bons livres, je publierai M. Brigneau, je continuerai à
publier des Poulpes, je continuerai à publier des romans horribles dans
Baleine Noire, je défendrai les titres parus chez Baleine, tous les titres
sans exception :
A titre personnel, je n’aime pas les fachos. A titre professionnel, je
déteste les censeurs.