Naplouse, série de trois reportages
« C’était pendant l’opération "Rempart". Au printemps 2002. prenant prétexte d’une série d’attentats suicides, l’armée israélienne réoccupait les villes de Cisjordanie concédées à l’autorité palestinienne : Ramallah, Naplouse, Jenine...
A Naplouse, les fédayins se battaient retranchés dans la vieille ville, la casbah. Quelques centaines de combattants mêlés à la population civile, à la fois otage et bouclier.
Avec le caméraman Gilles Jacquier et Khaled Abou Aker, le fixeur palestinien du bureau de France 2 à Jérusalem, nous étions entrés à Naplouse clandestinement, forçant le blocus imposé par les Israéliens.
Depuis deux jours nous attendions le moment de nous glisser dans la casbah.
Cela s’est fait sur un coup de tête, à la faveur d’une accalmie. presque à pile ou face. En pénétrant dans le dédale des ruelles, je me souviens d’avoir déclenché mon chronomètre. J’avais dit à Gilles : "Pas plus de 20 minutes à l’intérieur !" Quand nous sommes ressortis, 34 minutes s’étaient écoulées. Le temps de voir passer la mort deux fois, sur un brancard, portée par des militants hurlant des slogans à la gloire de Dieu, auxquels faisaient écho des cris de femmes, invisibles derrière leurs fenêtres.
Le reportage était passé le soir même à 20h.
Aujourd’hui encore je me souviens de cette journée comme d’un moment d’élation, une allégresse paradoxale telle que la guerre en procure quelques fois à ceux qui la couvrent. Qui choisissent de la couvrir. Par goût de la chose. Un sentiment difficile à partager, à cent lieues des discours bien pensants sur "l’obligation de témoigner"...
Si le reporter est bien ce "flâneur salarié", selon la belle définition d’Henri Beraud, le correspondant de guerre est aussi voyeur égoïste. Autant le savoir. »
Crédits pour ce texte : Bernard Coq & les Editions Montparnasse.
On pourra également lire, avant ou après avoir vu ces reportages, l’entretien de Gilles Jacquier et Véronique Hamel sur le site de France 2 Journalistes Reporters d’Images.
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