Pour les pauvres de Bradford Noël 1930 fut une saison inhospitalière où la faim tenait les rues sordides et gelait les chômeurs dans des logements délabrés indignes des bêtes de somme. Je peux encore me rappeler la psalmodie des mendiants que je chantais quand affamé j’avais besoin d’aumône, même si quatre vingt années se sont écoulées depuis que je répétais la rime : « Un trou dans mon bas un trou au soulier, une pièce de cuivre ou deux s’il vous plait. Si vous n’avez pas un penny la moitié le fera et si vous ne l’avez pas que Dieu vous bénisse. »
Tout de même un peu de soulagement allait être apporté quand le matin de Noël je me réveillai avec une faim accablante qui érodait mon ventre. J’ai sauté du lit et commencé à crier qu’il était si injuste que le Père Noël ne nous ait pas donné un tant soit peu et ne se soit jamais arrêté pour apporter des cadeaux dans notre chambre au grenier. Mon père s’est levé de notre lit partagé, m’a étreint et a dit : « Vas voir dans la poche de mon pantalon, c’est peu et ça ne vient pas du Père Noël, mais c’est de la part de ton papa. »
J’en fis mon affaire et allai faire bruire ses poches, où je trouvai deux petits paquets enveloppés dans du papier journal. Il dit, souriant : « L’un est pour toi, l’autre pour ta sœur ». J’ai ouvert le mien et j’ai rayonné parce que c’étaient quelques morceaux de bonbons à un penny que j’ai mangés pour mon petit-déjeuner.
En bas, ma mère dit à ma sœur et à moi que pour notre dîner de Noël nous devions aller à la messe, parce que c’était fourni par la société bienfaitrice de Saint Vincent de Paul.
En un rien de temps Mary et moi fûmes habillés prêts à voyager pour aller entendre la messe et recevoir la générosité de l’église. Une fois arrivés, les religieuses nous dirent qu’il était important de rendre grâce à la naissance de l’enfant Jésus pour la vie éternelle qu’il nous accordait dans l’au-delà. Ce jour de Noël, j’ai rendu grâce que le sermon soit bref et les hymnes au moins joyeux.
Après la messe, nous avons cheminé dans la direction du repas pour les enfants indigents. La fête pour les pauvres de Bradford avait lieu dans le gymnase d’une école. Il y avait de longues tables équipées de bancs où nous étant assis nous avons mangé notre oie de Noël et le pudding. On nous a dit de prier, et nous, les pauvres, les démunis, les mal-aimés et les malchanceux, de nouveau nous avons dû rendu grâce à la prévoyance permanente de Jésus. Je priai silencieusement pour que les nonnes fussent d’humeur indulgente ce jour-là et que mon oreille ne fût pas tirée ni mes fesses meurtries par leur amour de la discipline au nom du Seigneur. Après le repas, un Père Noël toussant comme un tuberculeux apparut, et il offrit à chaque enfant une orange et une paire de chaussettes.
À la maison je trouvai mon père à l’étage du grenier.
« Joyeux Noël, mon garçon, désolé qu’il n’y ait eu davantage pour ta sœur et pour toi. L’année prochaine, hey ! mon fils, l’année prochaine... »
Texte original envoyé le 22 décembre 2014 dans « 1923thebook’s Blog » et le même jour dans Goodreads Harry Leslie Smith.
Traduit par Louise Desrenards le 24 décembre 2014 et publié dans La Revue des ressources avec l’accord de l’auteur.
La Trilogie de Noël 2014 au 1er janvier 2015 par Harry Leslie Smith dans La RdR :
La veille de Noël 1945 à Hambourg (28 décembre)
Un Noël d’austérité en 1930 (26 décembre)
Noël 1944 (22 décembre 2014)