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Une critique de la cosmologie du big bang 

lundi 29 février 2016, par Jean-Jacques Micalef

« Ainsi, c’est l’énergie d’un vide inexistant qui va être à l’origine de l’explosion et de l’expansion. Comment s’effectue cette transformation de l’énergie du vide en rayonnements ? Comment le vide peut-il de lui-même susciter du rayonnement ? Comment ces fluctuations virtuelles peuvent-elles devenir réelles ? Et comment délimiter l’étendue de ce vide plein d’énergie si l’espace n’est pas ? Et qu’est-ce que l’énergie « en tant que telle » sinon du pur mouvement qui ne peut s’exprimer que par un corps ? »


La question de la genèse de l’univers revient à se demander quelle est la procédure d’apparition de la matière, de quel néant est extrait le monde.

Avec la théorie du big-bang et de l’expansion corrélative de l’univers, il n’y a pas de création mais un point de départ aux constructions mathématiques à partir duquel se déploient tout à la fois l’espace-temps et la matière universelle. Le modèle exclut la description de ce qui s’est passé avant et se refuse à décrire une quelconque genèse. Il s’attache essentiellement à élaborer un système formel cohérent avec pour ambition de faire basculer tout le savoir sur l’origine du côté de la démonstration rigoureuse et vérifiable.

Il est tracé une frontière entre science et métaphysique qui autorise le développement autonome de chaque discipline : au savant la mathématique du cosmos, aux philosophes le discours sur les causes premières. A la limite, la cosmogenèse standard se présente comme non critiquable puisque ses concepts échappent à la sphère métaphysique.

Or le refus des vérités ’plurielles et invérifiables’ de la métaphysique repose sur une option métaphysique dissimulée. Ainsi, la cosmologie actuelle s’initie à partir d’un point reculé où l’espace-temps et la matière étaient infiniment concentrés, ce que les équations permettent effectivement de poser. Mais ces conjectures reviennent à admettre que l’univers est né d’un rien, qu’il est issu du nihil absolu : sont absentes la cause physique et la procédure qui permettent le passage du néant au réel, du temps zéro à la première seconde. De même, s’il y a eu première seconde c’est qu’on choisit une philosophie de l’histoire, un point d’origine du temps qui autorise le calcul de l’âge de l’univers. Nous pourrions opposer une conception d’un monde incréé, anhistorique, qui n’a ni commencement ni fin.

Cependant, bien qu’optionnel, ce modèle d’univers a fini par s’imposer, les critiques de ses adversaires ont été désarmées par des justifications aussi bien théoriques qu’observationnelles. Or cette conception comporte de graves incohérences et nous propose une vision assez extravagante de la genèse en dérogeant à certaines lois physiques et logiques élémentaires.

 1 — Univers créé ou incréé

Une première prise de position consiste à se déterminer entre un univers incréé présent de toute éternité et un cosmos en expansion à partir d’une singularité initiale qui implique un début du temps. On doit se demander ce qui implicitement a conduit à rejeter l’hypothèse d’un univers incréé au profit d’un monde créé tel que l’envisagent la plupart des cosmogonies.

Un univers incréé [1] suppose d’accéder à une vérité impensable, au sens où il existe une zone inaccessible à l’entendement, celle d’un espace incréé et illimité dans toutes les directions. Si l’univers n’a ni origine ni fin, s’il n’a pas fait l’objet d’un décret divin de création, s’il a toujours été et sera toujours, nous rencontrons une limite à la quête scientifique. Il est difficile à l’homme, habitué au cycle création-destruction, de se représenter un état ’hors temps’, un fait sans origine, non engendré, sans cause et qui persisterait éternellement, une catégorie d’être qui échapperait aux notions de naissance et de mort.

L’inconcevable pensée d’un univers incréé et demeurant de toute éternité devra être à nouveau éprouvée lorsqu’il s’agira d’imaginer un mouvement infini, qui s’éloignera toujours plus de son origine sans jamais rencontrer de frontière, un mouvement qui sera aussi infini que le temps dont il disposera. Une distance infinie, dont l’expression mathématique comporte un nombre infini de zéros derrière l’unité est intranscriptible dans le réel. Il est alors tentant de mathématiser ce mouvement et d’imaginer un univers sphérique où l’infini serait consécutif à une courbure de l’espace conduisant à un retour vers l’origine. L’univers sphérique présente l’avantage de pouvoir concilier finitude et infinitude : l’univers d’Einstein est fini et illimité. Nous sommes ainsi confrontés à deux champs du savoir sans traduction possible : les jeux mathématiques de l’espace-temps et l’expérience humaine pour se représenter l’éternité et l’infini.

Un univers sphérique est une construction mathématique : l’espace, par définition, s’il ne comporte pas d’objet, comme « pure étendue », peut être représenté par toutes les géométries possibles. Seul les objets finis et discontinus ont leurs formes traduites géométriquement et de plus, la mesure des distances suppose leur présence. Telle est la conception relativiste de l’espace qui n’a aucune réalité puisque seules les masses définissent sa « structure ». Ainsi, dans un univers sphérique, sa forme est essentiellement tributaire de la disposition des astres qui le délimitent. Il est dans toutes les directions égal à la distance/temps cosmologique évaluée à 13,7 milliards d’années. Cela suppose que les galaxies les plus lointaines soient situées à la limite ultime, sur les bords de cette sphère, ni plus ni moins avancées.

2 — La singularité mathématique

La singularité, c’est le moment où toutes les valeurs (température, densité, courbure, masse) deviennent infinies. La création est une simple origine mathématique, le domaine limite d’application d’une théorie. L’instant t = 0 ne doit pas s’interpréter en conséquence comme s’il s’agissait d’une naissance à partir de rien. Pour les théoriciens du big-bang, l’espace, le temps et la matière surgissent simultanément.

Tout se passe comme si temps, espace et matière étaient substantiellement équivalents. L’espace comme fonction du temps peut s’étendre à mesure que le temps se prolonge. Quand l’espace-temps se contracte, il faut de moins en moins de temps pour atteindre son bord (ou sa limite mathématique). En conséquence à t = 0 il ne peut y avoir d’espace pensable, temps et espace sont fondus. L’espace ne peut exister que dans un temps et la naissance de l’espace équivaut à celle du temps et l’espace-temps à celle de la matière.

Aussi, l’espace-temps devient une sorte de potentialité énergétique, ce qui permet de dire que les premières secondes de l’Univers ne sont pas plus courtes relativement aux 13.7 milliards d’années suivantes. La seconde se mesurant relativement à l’espace parcouru selon la vitesse uniforme C, elle se raccourcit d’autant plus que l’espace se contracte. Dans un espace infiniment contracté, le temps est infiniment reculé. La densité absolue de l’Univers correspond à la quasi absence du temps : c’est celui d’une origine qui n’en serait pas une puisque le temps a disparu. Il n’y a plus de temps de la création car celui-ci se déploie ’en même temps’ que se crée la matière de l’univers. On ne peut rien dire sur le moment d’avant la création puisque ’en ce temps-là’ la distinction espace/temps n’avait aucune signification.

L’application de l’espace-temps relativiste à la genèse reprend l’argument augustinien : le temps surgit avec la Création divine et ne pouvait exister avant. Pour la genèse contemporaine en effet, il n’y a pas de temps précédant la première seconde de l’Univers, il se décompte à partir de l’explosion primordiale, qui est le point zéro de la singularité mathématique. Nous pourrions reprendre l’interrogation du même Saint Augustin : mais que faisait Dieu avant la création ?

La théorie du big-bang situe l’émergence de matière en un temps et selon un mode où aucune expérience n’est possible. On ne peut observer le moment de la création puisque nous ne pouvons transporter nos instruments à l’intérieur d’une monstruosité en fusion. L’avantage du big-bang, produit il y a 13.7 milliards d’années, c’est qu’il dispense ses partisans d’apporter les preuves directes à l’appui de leurs hypothèses.

3 — L’espace-temps

L’univers commencerait avec le déploiement de l’espace-temps. Ainsi, les quatre dimensions de l’espace-temps étant à l’origine unifiées, la géométrie de l’espace peut se développer, ce qui permet de ne pas s’interroger sur le lieu du surgissement de la matière, de contourner la question de savoir comment la boule de feu originelle a pu s’extraire du néant. Il est simplement constaté la présence comme ’déjà-là’ de la masse de matière /rayonnement désormais disponible pour la constitution des étoiles et galaxies.

Comme il n’est conçu aucune procédure permettant d’expliquer son surgissement, que même infiniment concentrée, il a bien fallu qu’elle ’existe’ en cet état d’extrême densité, on doit conclure que cette matière n’avait pas de lieu, qu’elle était prête à surgir d’un non-lieu atemporel. La substance primaire, qu’on affirme constituée de rayonnements de très haute énergie, d’où proviendrait-elle, quel est son mode d’émergence ?

Les astronomes australiens ont dénombré 70 sextillions d’étoiles dans l’univers visible. Cela fait 7 suivi de 22 zéros, soit un nombre dix fois plus grand que celui des grains de sable de toutes les plages et déserts terrestres réunis. L’univers visible n’est qu’une partie de l’univers. Le nombre d’étoiles est peut-être plus grand, voire infini. On peut se demander comment cette quantité incommensurable de matière des étoiles a bien pu se trouver concentrée en un point infiniment petit comme le prétendent les théoriciens du big bang. [2]

Comment imaginer qu’une telle masse monstrueuse de matière puisse avoir été concentrée en un point d’infinie densité ?

4 — Création et nucléosynthèse primordiale.

Le modèle du big bang nous raconte l’histoire de l’évolution de l’univers, nous démontrant la puissance de l’imaginaire mathématique :

Avant 10-43 seconde, l’environnement de l’Univers est si extrême (masse de l’Univers concentrée dans un point et température infinie) que notre physique est pour l’instant humblement muette. Tout ce qui se passe avant cette date chronologique incroyablement courte est un mystère total. Pourquoi ? Car 10-43 seconde correspond à ce que l’on dénomme le temps de Planck, sorte de quantum temporel incompressible. Cet intervalle de temps semble être le plus petit possible selon la physique quantique, de la même manière que la distance de Planck (10-35 m) semble être la plus petite distance accessible à notre physique. Nul ne sait encore très bien à quoi pouvait bien ressembler notre univers à une telle échelle de Planck. La difficulté apparaît dès que l’on met en rapport un temps aussi minuscule que 10 -43 seconde avec la colossale énergie de l’univers, concentrée, à l’époque, dans un volume aussi infime. La valeur de cette énergie est alors très mal définie. Or, c’est l’énergie, avec la matière, qui imprime sa forme à l’espace et détermine comment s’écoule le temps. Sur des distances et des durées de l’ordre de l’échelle de Planck, espace et temps deviennent des notions très difficiles à caractériser. La notion de distance entre deux points avait-elle déjà un sens quand l’univers était aussi petit ? Le temps s’écoulait-il déjà du passé vers le futur ? Au temps de Planck notre Univers n’a qu’environ 10-33 cm de diamètre, c’est-à-dire 10 millions de milliards de fois plus petit qu’un atome d’hydrogène ! Sa température est de 1032 degrés Kelvin (0°K = -273°C).

Comment se représenter que les milliards de galaxies dénombrées puissent avoir été concentrées dans 10-35 cm de diamètre et de température de 1032 degrés Kelvin ? Comment est-il possible de mesurer la température d’un « objet » quasi inexistant dans l’espace, sachant qu’une température est avant tout la manifestation de l’agitation d’un corps dans l’espace ? Ici, la notion de température classique n’a plus aucun sens. Ici apparaît l’une des pratiques habituelles : user d’une notion commune et reconnue (la constante de Planck) en la transférant dans un domaine où son effectivité ne peut être prouvée.

Les auteurs nous disent également que, à ce stade d’évolution, la matière n’était pas encore née, seul le ’vide’ régnait, mais attention ! Le vide de l’Univers n’était pas vide : il comprenait de nombreuses particules virtuelles de matière et d’antimatière qui apparaissaient et disparaissaient comme des bulles de savon. Notre Univers actuel est peut-être issu de l’une de ces fluctuations quantiques du vide ! Dans cet Univers, toujours le vide quantique où bouillonne une énergie inimaginable. Celle-ci se matérialise sporadiquement (n’oubliez pas E=mc²  !) en d’éphémères particules et antiparticules fantômes. [3]

Ainsi, dans ce vide quantique les particules virtuelles apparaissent, c’est-à-dire qu’elles doivent s’extraire du vide pour… aussitôt y retourner. Mais comme l’espace n’est pas encore créé (espace-temps et matière surgissent simultanément), elles ne sauraient apparaître à la surface du réel. Ces particules virtuelles entrent et sortent dans le vide et autant dire qu’étant issues de nulle part, la physique quantique les contraint à y retourner car puisque virtuelles, elles ne sauraient exister. Par ailleurs, le vide n’a de sens que relativement à un plein et surtout à un espace. Dans l’état initial de Planck, on ne saurait recourir au vide puisque l’espace n’a pas encore été créé. Enfin, ce vide serait plein d’une énergie bouillonnante, de fluctuations. Mais quel objet fluctue de la sorte ? Certainement ces particules virtuelles qui entrent et sortent de ce vide. Nous aurions ainsi deux objets physiques cohabitant : d’une part l’univers hyper concentré, y compris l’espace lui-même, et d’autre part le vide où se trouveraient des particules virtuelles et ne faisant pas partie de la globalité de l’univers.

De fait, l’astrophysique actuelle hésite entre deux conceptions : soit la genèse résulte de l’ ’éclatement’ d’un atome hyper concentré, soit elle est due à l’énergie libérée du vide… déclenchant le big bang par éclatement de la matière ultra concentrée.

A cette température de 1028°K, l’énorme énergie du vide est libérée et imprime à l’Univers une expansion fulgurante que le physicien Alan Guth a appelé inflation. Entre 10-35 et 10-32 seconde, son volume augmente d’un facteur 1027 (ou 1050 selon d’autres sources ?) alors que dans les 15 milliards d’années suivantes, son volume n’augmentera que d’un facteur 109.

Ainsi, c’est l’énergie d’un vide inexistant qui va être à l’origine de l’explosion et de l’expansion. Comment s’effectue cette transformation de l’énergie du vide en rayonnements ? Comment le vide peut-il de lui-même susciter du rayonnement ? Comment ces fluctuations virtuelles peuvent-elles devenir réelles ? Et comment délimiter l’étendue de ce vide plein d’énergie si l’espace n’est pas ? Et qu’est-ce que l’énergie « en tant que telle » sinon du pur mouvement qui ne peut s’exprimer que par un corps ?

5 — L’espace en expansion

Un univers créé suppose tout à la fois un lieu de création et un développement, ce qui induit la nécessité d’une expansion. On ne peut songer à aucun centre de l’univers à partir duquel l’expansion se développerait puisque ce lieu devrait se positionner dans un espace, ce qui impliquerait une antériorité de l’espace à la création. Aussi la création serait agrandissement, expansion de l’espace créant son propre lieu et permettant le positionnement de la matière. On doit imaginer un ballon de baudruche constellé de taches (les galaxies) qui s’éloignent les unes des autres lorsqu’on le gonfle. Les galaxies ne sont pas animées d’un mouvement interne, mais c’est l’espace qui emporte les galaxies comme un bateau entraîné par les courants.

« C’est l’univers lui-même, sans objet ni centre, qui est en expansion. En s’élargissant, il entraîne les galaxies, si bien que les distances entre elles augmentent… » (James Kaler in Les étoiles, ed. Belin, p. 215)

Nous changeons radicalement de registre d’explication puisque ce n’est plus la matière qui reçoit une impulsion initiale consécutive à l’énergie cinétique du big-bang, mais l’espace en tant que tel qui transporte les galaxies. Nous apprenons une chose étonnante : l’espace est doté d’une puissance d’action telle qu’il est capable de propulser des galaxies, comme le ferait un corps quelconque appuyant sur un autre. Nous qui croyions, avec la relativité, à un espace vide et non susceptible d’effets, nous constatons que les physiciens n’hésitent pas à lui prêter d’étranges propriétés. Certains cosmologistes lui attribuent une capacité élastique ainsi qu’une matière visqueuse, caoutchouteuse, qui pourrait se tendre et se contracter.

Ce mouvement d’expansion met en œuvre une force, une énergie et nous découvrons qu’il existe, à côté des forces traditionnelles (FG, FN, FEM [4]), une nouvelle force d’expansion qui n’a pas reçu la moindre justification. Comment expliquer qu’un espace puisse — en lui-même — contenir une énergie à l’aide de laquelle il peut mettre en mouvement la totalité des galaxies de l’univers ? A cette force on oppose la gravitation, laquelle, selon le modèle d’univers choisi, devrait ralentir plus ou moins l’expansion. Les théoriciens actuels débattent la question de la vitesse de cette expansion pour définir la « forme » de l’univers (univers plat, courbe, en selle de cheval, etc.).

Puisque l’espace se dilate et s’étend, c’est par l’effet inverse qu’il va se ralentir et se contracter. Or cette fois le ralentissement résulte d’un effet dû à la gravitation. Il n’est plus question d’espace élastique et d’action quelconque de celui-ci. Ici est utilisé l’argument relativiste : l’espace se contracte selon l’effet des masses.

Lorsqu’on tente de transcrire les équations de l’espace-temps dans le réel, lorsqu’on essaie de se représenter la nature physique du mouvement d’expansion de l’Univers, on se heurte aux propriétés de l’espace dont il importe de donner une définition préalable à toute extrapolation mathématique. Si la fuite des galaxies n’est pas due à une énergie cinétique interne acquise par ses particules constitutives lors de l’explosion primordiale et s’il nous paraît déraisonnable de penser que l’espace, comme cadre vide, puisse être doté de quelque propriété cinématique que ce soit, on ne peut comprendre l’origine de ce mouvement qui pousse les astres à s’éloigner les uns des autres en échappant à l’attraction gravitationnelle.

6 — Un espace qui s’étend sur lui-même 

Lors de l’état initial du big-bang, l’espace et la matière se trouvent à l’extrême contractés. On pourrait songer que l’espace en tant que lieu vide de matière disparaisse et imaginer une bulle uniquement constituée de matière plasmatique sans espace entre les éléments. Mais même dans cette hypothèse, il faudrait que cette bulle OCCUPE un espace (fût-ce le fameux proton ultra dense comportant toute la matière universelle).

De même, si les plus lointaines et anciennes galaxies sont situées à 13,7 milliards d’années-lumière, il existe donc une galaxie limite au-delà de laquelle plus aucune matière ne peut se trouver. Mais comme il s’agit d’une expansion de la matière/espace/temps, c’est l’espace lui-même qui se trouve limité, de sorte que nous devrions avoir un point situé à 13,7 milliards d’années-lumière où l’espace disparaît, où nous ’pénétrons’ dans le non espace. Si, selon la relativité, l’espace n’a de réalité que par les masses qui le délimitent, lorsque nous nous situons sur le point extrême de l’ultime étoile de la dernière galaxie de l’univers, peut-on apercevoir devant nous une ouverture quelconque que nous nommerions espace ? Nul doute qu’après la dernière galaxie, ne s’étendrait vers les plus lointains un vide sans matière qui relèverait encore de ce que nous avons l’habitude de nommer : l’espace. D’où le nécessaire contre argument : l’espace-temps se superposerait à l’espace newtonien qui préexisterait comme lieu vide pour accueillir l’espace-temps. Cet espace newtonien serait donc infini et non sphérique : on voit à quelle contradiction aboutit la relativité. Celle-ci intègre l’espace dans ses équations mais dès que nous retournons dans la physique réelle, elle bute sur des difficultés inextricables.

Car les équations de la relativité permettent de poser un espace à la fois fini et infini, ce qui résout mathématiquement la question du « bord ultime de l’univers ». Raison représentative et mathématique s’opposent ici radicalement. La finitude suppose toujours une limite, l’infini son absence. L’univers du big bang est nécessairement fini puisqu’il ne peut s’étendre au-delà des 13,7 milliards d’années-lumière ; Il comporte obligatoirement une limite, un bord ultime. L’astuce de la géométrie sphérique ne saurait être une réponse à cet impératif logique.

7 — Quantité de matière et temps irréversible

Pour qu’il y ait expansion à partir d’une explosion primordiale, il faut que la totalité de la matière puisse être créée au jour j, selon une quantité finie de rayonnements. Si la masse totale des composants de l’Univers est définitivement arrêtée, c’est une même quantité qui demeure à travers les cycles big bang/big crunch. Cela implique le choix d’un volume fini de matière et de rayonnements. Ce postulat d’un univers fini est implicitement contenu dans la théorie de l’expansion puisqu’un cosmos infini n’a pas besoin de s’étendre.

Par ailleurs, comme on ne saurait limiter le temps de l’univers aux seuls 13,7 milliards d’années, qu’il a pu exister ainsi une infinité de cycles d’expansion, un big-crunch suppose une rétractation de toute la matière en « boule de feu » originelle. Or une quantité infinie de matière devrait mettre un temps infini pour se contracter. Un cosmos infini est donc logiquement inconciliable avec l’idée d’un temps de la création. La théorie de l’expansion nous impose ainsi la conception d’un monde fini et limité aussi bien dans le temps, l’espace et la quantité de matière qu’il contient.

Si à l’inverse, on n’accorde à l’univers aucune limite, la quantité de matière serait absolument indénombrable. Et telle est en effet notre supposition : si on ne peut poser une limite à l’espace, alors on ne peut limiter la quantité de matière qu’il contient. Il serait alors impossible que cette masse infinie ne puisse jamais se retrouver concentrée en un seul point de l’univers. Il faudrait supposer un temps lui-même infini. Et cette masse de matière occuperait elle-même un espace infini. Mais ces difficultés peuvent encore une fois être facilement résolues par la singularité mathématique : il suffit de poser dans les équations un point t = 0 infiniment reculé où espace/temps/matière étaient eux-mêmes infiniment concentrés. La raison mathématique vient ainsi au secours de la raison représentative, sans trop se préoccuper de leur adéquation, les champs des deux savoirs n’étant pas recouvrables.

L’univers est né il y a 13,7 milliards d’années (la découverte de galaxies de plus en plus éloignées oblige constamment à allonger l’âge de l’univers bien que les contraintes liées à la température des rayonnements fossiles limitent singulièrement son extension temporelle). Mais aucune preuve ne saurait confirmer qu’il s’agit là du premier univers et qu’il n’en a pas été créé une infinité d’autres auparavant. Un univers daté sera donc toujours confronté à cette objection d’une multiplicité de temps de création successifs car il est impossible d’enserrer l’histoire du cosmos dans ces seules 13,7 milliards d’années puisqu’on ne peut prouver que notre monde est seul et unique. Dès lors, nous devons accepter le cycle perpétuel expansion/contraction, détente/contraction assimilable au cycle création/destruction.

La faiblesse de cette argumentation réside également dans la contradiction consistant à poser une origine temporelle à un phénomène tout en voulant exclure ce moment initial de la catégorie du temps auquel il appartient par définition. On suppose en effet un moment de l’indistinction temps/espace/matière, ce qui revient finalement à poser un moment à partir duquel ils se déploieraient. On doit donc opérer une coupure dans le continuum de l’éternité puisque rien n’oblige à croire à un début des temps. Il est donc impossible, même à l’aide d’astuces mathématiques, d’échapper aux contraintes logiques : un monde en expansion oblige à définir un temps de création de la matière, un début à cette expansion, et donc d’affirmer implicitement qu’il y a eu un jour surgissement de l’univers à partir de rien, d’une indistinction fondamentale, d’une singularité mathématique.

8 — Quelques éléments de conclusion

Toute observation suppose d’être intégrée dans un cadre théorique préalable pour être interprétée. Ainsi, un même phénomène peut faire l’objet d’interprétations différentes, selon la théorie qui sert de base à son analyse. Le big bang se justifie par trois preuves d’apparence scientifique : le redshift des galaxies, l’origine des rayonnements fossiles et la quantité du deutérium primordial issue des calculs. Il est tout à fait envisageable de démontrer que, par exemple, le rayonnement fossile et le redshift [5] des galaxies peuvent être attribués à une autre cause que celle du big bang. Mais notre argumentation critique se situera non pas au niveau de ces preuves supposées, mais au cœur de la théorie. En effet, si celle-ci est erronée alors l’interprétation qu’elle donne des phénomènes qui la prouvent sera fausse.

L’aporie absolument incontournable que rencontre toute idée de création originelle est celle-ci : comment l’être d’un objet physique peut-il surgir d’un non être ? En physique le néant ne peut avoir de sens : ex nihilo nihil fit. Tout surgissement implique la transmutation d’un état à un autre qui s’opère sur un objet déjà existant. On doit nécessairement supposer une substance absolument incréée et donc éternelle à partir de laquelle il y a création de matière. L’idée d’un univers ayant pour base une substance éternelle est alors radicalement incompatible avec l’idée d’un cosmos créé, daté, n’ayant ni lieu ni cause pour son émergence.

Le paradoxe de la cosmogenèse moderne est de vouloir se fonder sur une axiomatique rigoureuse, alors même qu’elle repose sur une hypothèse métaphysique contestable qu’elle se refuse de clarifier.

 

Notes

[1Un Univers incréé ne signifie pas que le cycle de la matière soit rendu impossible, mais oblige à dissocier ce qui est permanent, immuable et la dynamique nécessaire de la matière : la cosmologie du big bang nous contraint au choix radical entre la création et l’incréation, entre mouvement et statisme.
Ici il faut dissocier l’incréation de l’espace qui peut être immuable et infini dans toutes les directions et le surgissement de la matière. Pour les théoriciens du big-bang, l’espace ET la matière surgissent simultanément, ce qui est hautement problématique.

[4Les forces de gravitation, nucléaire et électromagnétique sont les trois seules forces existantes auxquelles il faut ajouter la force électrofaible qui découle de la force nucléaire comme étant la résultante de la décomposition du neutron.

[5Le décalage vers le rouge (redshift en anglais) est le décalage des longueurs des raies spectrales en provenance des galaxies lointaines. La physique actuelle l’interprète comme l’indice d’un éloignement des astres à une vitesse proportionnelle à leur distance. Cependant, on peut analyser cet effet comme une conséquence de l’inertie de l’espace. Le rayonnement fossile peut tout aussi bien être interprété autrement dans le cadre d’une nouvelle théorie.

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