« Tout finit afin que tout recommence, tout meurt afin que tout vive. »
Jean-Henri Fabre, entomologiste.
« L’approche de la mort terrifie, mais si le nouveau-né avait conscience de l’approche de la vie, il serait tout aussi terrifié. »
Charlie Chaplin, artiste.
« À désinfecter de la vie ce qu’elle abrite de mort, c’est la vie même qui est frappée. »
Gilles Lapouge, philosophe
Pour une mort écologique : que choisir ?
Que faire d’un corps humain pollué, une fois que la vie s’en est allée ? Le dernier défi d’une vie éco-responsable est bien celui d’une mort propre, écologique et vertueuse.
Voici un petit guide de la mort écolo, pour tous ceux qui comptent mourir… Étant donné le tabou lié à la mort, cette question n’est que rarement abordée, y compris par le législateur. J’y mets donc un zest d’humour pour alléger cette « sympathique » étude, susceptible de réduire l’empreinte écologique de nos cadavres, plus encombrants qu’exquis parce que polluants.
Il n’est plus à démonter qu’en raison du chemin contre-nature qu’il a suivi, l’homme est devenu la pire des nuisances pour la planète Terre. Depuis que notre corps est infecté de médicaments, d’antibiotiques et de pièces rapportées, maintenant que nous urinons quotidiennement des pesticides, que notre carcasse est démesurément radioactive, notre décès est loin de mettre un terme aux effets nocifs dont nous sommes le vecteur tout au fil de notre vie indigne. Bien au contraire : notre corps pestiféré n’est plus recyclable ! Se débarrasser de la poubelle que le progrès fit de notre être au fil de notre vie de cobaye n’est pas chose facile, particulièrement quand les derniers instants conduisent à un regain de conscience testamentaire. On en profitera au passage pour se faire à l’idée simple qu’on ne peut être en bonne santé dans un monde rendu malade.
Si vous avez raté votre vie et que vous souhaitez réussir votre mort en vous réconciliant avec la Nature, ce n’est absolument pas gagné ! ! D’une vie peu éthique à un trépas qui se voudrait repentant, c’est un vrai challenge !
« Tu es poussières et tu retourneras poussières » est le leitmotiv de toute une vie, que l’Ancien Testament a ancré en nos têtes, et dont on trouve toutes les variantes dans toutes les religions qui, finalement, gardent les pieds sur terre. Pour une fois que le christianisme et l’écologie font bon ménage en nous incitant à offrir notre dépouille aux vers bienfaisants ! Hélas, c’en est fini, notre macchabée n’est plus une offrande nutritive, il est un cadeau empoisonné ! Il fallait s’y attendre quand on constate les quantités incommensurables de produits médicamenteux que nous absorbons chaque jour, la gabegie pétrochimique dont nous abreuvons les sols et les eaux, les overdoses d’antibiotiques avec lesquelles nous gavons nos pauvres animaux d’élevage, la multitude de pollutions dont nous avons désormais enrobé la planète bleue. Nos corps sont les dépositaires de toute cette infecte chimie, Homo sapiens economicus n’est plus qu’un homme clinique, une pathologie vivante. Ne nous lamentons pas, nous l’avons voulu, tout un chacun participe chaque jour et dans ses moindres gestes à cette funeste situation, même que le sombre horizon qui en résulte commence à nous faire sérieusement réfléchir avant de faire des petits.
En bon militant de la Terre, en amoureux de la biodiversité et du vivant, la tendance serait donc de ne pas se faire incinérer et de se faire enterrer naturellement, de faire don de sa chair et de ses os à l’univers. C’est ainsi que nous mourions, c’est ainsi que meurent les autres espèces. Lorsque je traverse les hautes terres des Atlas marocains, là où le malin progrès n’a pas encore dérégler les horloges biologiques, je suis toujours admiratif de ces cimetières berbères d’où jaillit une Nature spontanée, flamboyantes prairies florifères au premier printemps survolées de papillons. Ces cimetières font passer cet admirable message de la mort comme source de vie. Les corps y sont enterrés dans un simple suaire, personne ne foule du pied l’espace sacré et la Nature prend sa revanche sous la forme d’oasis de biodiversité au beau milieu d’un univers de montagnes généralement scalpées par le surpâturage. Des cimetières-potagers, des cimetières-paradis !
Mais voici qu’une nouvelle prise de conscience nous dit que notre noble décomposition ne viendra plus enrichir la terre en nutriments féconds, ne sera plus biologiquement salutaire à l’édaphon (microfaune du sous-sol) et à la végétation, mais que tout au contraire notre cadavre constitue une peste et qu’il y a grand risque de s’en débarrasser. Devra-t-on, à l’instar de certaines tribus amérindiennes, manger les cendres de nos morts, moyen non seulement d’en réintégrer l’esprit, mais d’en dispenser le sol, les eaux et l’air de ses immanentes contre-indications ?!!
Funérailles célestes
Sommes-nous bons à donner aux vautours ? Notre viande contaminée ne leur serait-elle pas contre-indiquée ? Faudrait-il encore que nous ne fassions pas « une maladie » de notre corps et que, comme dans la vision bouddhique, l’enveloppe charnelle ne fût pas davantage considérée qu’un vêtement dérisoire pour notre bref passage sur cette Terre. Ce n’est certes pas le cas, les monothéistes croyant en l’âme, mais défendant mordicus leur corps. Sinon, selon ce beau rituel tibétain, nous accepterions d’être découpés, disséqués, tranchés, dépecés en haut d’une colline et que nos morceaux soient distribués aux nobles charognards. Quant au crâne, une fois les oreilles et le cuir chevelu prélevés de la tête, il serait placé dans une cavité, puis explosé afin de permettre l’examen des fragments pour s’assurer que le principe conscient est bien sorti. Ossements et chairs seraient enfin amalgamés en boulettes afin de faciliter le travail des vautours, le cadavre devant disparaitre totalement si l’on veut que l’âme soit tout à fait libérée. Certains disent qu’une pratique affine existait chez nos ancêtres les Gaulois. Au Tibet, cette pratique on ne peut plus écologique est quotidienne et ne choque personne.
La mort en apnée
Un de mes amis, amoureux des mers, a opté pour une mort océanique, plongé en milieu marin avec un boulet au pied. Nourrir les créatures des abysses représente le rêve de sa fin de vie. L’initiative est louable, encore est-il que pour être éco-responsable, le candidat devra s’assurer auparavant de l’état de bonne santé de son corps. Si celui-ci s’avérait outrepasser certains indices de pollution, au lieu d’être écologique son option de mort serait tout au contraire dangereuse pour le milieu, à l’instar des pratiques de cette mafia calabraise qui balance des déchets nucléaires dans les fonds marins !
Mourir hors sol et partir en fumée
La crémation est très tendance, c’est chic de partir en fumée : plus de 25 % en France, 99,8 % au Japon.
Les avantages écologiques de la crémation sont l’économie territoriale (laisser la Terre aux vivants). L’atout est non seulement très réaliste pour des nations exiguës (Monaco, Hong-Kong…), mais la pression foncière augmentant partout autour de toutes les métropoles et même des villages, elle incite les municipalités à mettre un terme aux concessions à perpétuité. Sur 10 m carrés de cimetière où l’on ne loge que 4 cercueils, on parvient à stocker 200 urnes.
Les cendres résultant de la crémation sont la partie calcaire des os, et donc et jusqu’à preuve du contraire une excellente minéralisation pour le sol. L’incinération pourrait aussi prétendre à la limitation d’une contamination de plus en plus réelle des nappes à partir de nos pauvres corps tous pollués, tous gavés de molécules délétères, de métaux lourds et autres toxiques accumulés dans nos graisses, sources de l’abondance et de la diversité de nos cancers (lire, entre-autres, Belpomme, Joyeux, Servan-Schreiber…), et dont la guérison ou sa tentative ne fait qu’accroître notre potentiel polluant, sans omettre de citer nos pièces rapportées comme les douteux amalgames dentaires riches en mercure et en plomb, voire un taux inquiétant de radioactivité. Il n’en est rien, les fumées dégagées par la consumation de nos restes sont évidemment tout autant polluées et toxiques ! Les 500.000 cadavres annuellement incinérés au Royaume-Uni représentent, par exemple, une source non-négligeable d’émissions nocives dans l’atmosphère.
En outre, l’incinération est énergivore et consomme des quantités non négligeables de carburant. C’est la chaleur et non les flammes qui réduit en cendres le cercueil et le corps, et la consommation de fuel ou de gaz naturel est grande pour chauffer un four à 850 ºC durant une heure trente. Dans les pays du Sud où la crémation se fait encore au bois, ce n’est guère mieux en raison du déboisement induit. Le dioxyde de carbone est un gaz à effet de serre qui est bien plus durable que le méthane s’échappant de la décomposition naturelle des cadavres, sans oublier les produits toxiques avec lesquels sont traités les cercueils.
Mourir comme Flocon de neige
Copito de nieve (Flocon de neige), le gorille albinos qui passa sa vie au zoo de Barcelone, est mort par euthanasie en novembre 2003. Il était âgé de 40 ans, record de longévité dû au bonheur de la captivité… Il souffrait d’un cancer de la peau, probablement dû à son albinisme. Exclus du genre Homo (mauvais genre…), les singes anthropoïdes ont cette chance de pouvoir bénéficier de la mort douce programmée, d’éviter l’agonie d’une maladie incurable et les outrances de l’acharnement thérapeutique.
Il fut, sans le savoir, le précurseur d’une mort très écologique. Incinéré, ses cendres ont été placées dans un prototype de l’urne Bios, conception porteuse de message de deux designers
catalans : Gerard Moliné et Martin Azùa. Fabriquée avec des matériaux biodégradables (écorce de noix de coco et cellulose), cette urne contient de la tourbe et une graine d’arbre. On y ajoute les cendres du disparu dont les minéraux, notamment le calcium, contribueront à faire grandir l’arbre une fois l’urne enterrée. L’idée consiste à remplacer les cimetières par des forêts, à ce que chaque mort devienne un arbre de vie. L’urne contenant les restes du vieux gorille a été mise en terre en avril 2004, avec la graine d’un marronnier du Cap, essence africaine. N’est-ce pas tout autant écologique que poétique ?
Le découvreur du gorille le plus célèbre du monde, le primatologue Jordi Sabater Pi, mourut quelques années plus tard mais fut enterré traditionnellement dans un cimetière de Barcelone, sans suivre le bel exemple de son élève.
L’urne Bios est en vente chez certaines compagnies de Pompes funèbres. Si vous voulez flirter avec la métempsychose version végétale, et devenir l’arbre de votre choix après crémation, il ne vous en coûterait que 130 €, plus les frais de la crémation, 430 € en France. Pour ceux qui s’endorment mieux bercés par les vagues, une société commercialise une urne en pâte à sel qui se dissout dans l’eau. L’avantage de ce produit, c’est qu’il coule et évite que les cendres restent en suspension. Aux États-Unis, on propose même d’inhumer le défunt entier, avec la graine de l’arbre élu directement « dedans », le tout dans un éco-cercueil en carton alvéolé.
Mais en fait, toutes ces options dites écologiques ne résolvent nullement le problème de la rémanence de nos corps pollués, qu’ils soient mis en terre en l’état ou en cendres.
Survivre en diamant noir
Le diamant est symbole de pureté et de durabilité extrêmes. Certaines entreprises proposent de transformer en le purifiant le carbone résiduel des cendres humaines en diamants synthétiques. Une machine extrêmement puissante, d’une pression de plus de 50.000 kilo bars et une température atteignant 1.700 degrés permettent cette réalisation qui n’est pas à la portée de n’importe qui, mais qui esquive en grande partie le problème polluant en permettant de porter au doigt ou en sautoir le diamant bleu ou noir d’un parent ou d’un aïeul trépassé.
Revivre en mort-vivant
Reste les procédés modernes de la thanatopraxie qui consiste à redonner vie au défunt sous une apparence de sérénité. Le mode est en expansion (très prisé en Belgique, allez savoir pourquoi ?). En pratique, il s’agit pas d’un véritable embaumement pour l’éternité, façon pharaonique ou léniniste (le corps de Lénine repose embaumé dans un mausolée de la Place Rouge), mais le plus souvent de limiter provisoirement le processus de putréfaction lorsque le mort figure, par exemple, sur la liste d’attente d’un crématorium. L’écolo mort s’interdira ce raffinement, les substances formolées étant sources d’émission de dioxine dans l’atmosphère. Tous les produits destinés à être injectés en remplacement des fluides corporels pour bloquer le processus naturel de décomposition comportent la mention « tête de mort » pour indiquer leur forte toxicité ! Il faut aussi noter que les excrétas (fluides corporels) peuvent contenir des agents infectieux et induire ainsi un sérieux risque nosocomial.
Ultime solution : le repos éternel à la scandinave
Et puisque nous sommes plus dangereux morts que vivants, que nos corps sont fortement contaminants, nous ne devrions pas échapper à la promession, ou funérailles bio.
Pour pallier tout problème écologique, certains pays avancés comme ceux scandinaves, ont recours à ce nouveau procédé expérimenté pour la première fois en Suède en 1999. Le corps est refroidi dans de l’azote liquide à - 196 ºC. Devenu friable, il est passé sur une table vibrante et débarrassé des résidus métalliques provenant d’éventuelles interventions chirurgicales, ainsi que des amalgames dentaires, puis les restes dépollués sont mis en terre dans des urnes biodégradables. Outre les Pays scandinaves, la promession commence à être adoptée en Allemagne, au Royaume-Uni, en Afrique du Sud et en Corée du Sud.
Vidéo sur la promession (en anglais)
Une suggestion pour vos achats !
L’écoconscience doit être à l’image de l’âme et survivre au défunt écologiste ! Il existe désormais des cercueils « verts » réalisés à partir de papier, carton, fibres multicouche recyclés, des couches résistant à l’eau ainsi que des couches de renforcement.
Voilà, Terriennes et Terriens, le choix est cornélien, il n’est pas plus facile de mourir que de vivre lorsque l’on est regardant sur notre empreinte écologique. Tâchez de tenir compte de ces considérations à l’heure de rédiger votre testament.
Rêverie d’outre-tombe
Je viens de méditer un peu sur mon billet mortuaire, en regardant tomber la nuit sur mes montagnes andalouses, balafrées de tant de cicatrices anthropiques, au-dessus de ces vallées et de ce littoral où prison et vacances riment avec décadence.
Vraiment, à voir ce que je vois, à savoir ce que je sais (naturaliste depuis un demi-siècle), nous ne servons strictement plus à rien, écosystémiquement nous avons perdu notre raison d’être.
Notre espèce moderne n’est plus le noble animal humain dont toutes les cellules étaient en phase avec les interdépendances de la Nature lorsque nous vivions en immersion dans le vivant. Maintenant que nous avons tout apprivoisé, tout exploité, tout dépecé, tout souillé, je cherche à trouver notre rôle élémentaire dans ce vaste et prodigieux univers, outre celui lamentable de proxénète capitaliste que nous venons de nous assigner et qui justifie le grand effondrement perçu à l’horizon 2050.
Alors, comment la mort nous rachèterait-elle, comment des corps pollués de petits démiurges arrogants pourraient-ils servir de fumure ?
Imaginez que nous avons même fait gravement reculer la biomasse des lombrics, ces nobles décomposeurs du sol ! Imaginez que les excréments d’équidés, d’ovins et de bovidés ne sont même plus consommables par l’édaphon, que les médicaments vétérinaires ont empoisonné le système digestif de nos animaux de ferme et que, quand on les sort encore dans la prairie, on ne voit plus le moindre scarabée ou géotrupe, ces fameux bousiers qui roulaient leur pilule fécale pour la descendre en terre et y pondre « leurs petits ». Notre espèce signe la merde immangeable des animaux domestiqués et esclaves ! Fallait y arriver à telle extrémité ! Alors, quand j’entends le docteur David Servan-Schreiber déplorer que nos enfants urinent les pesticides des fruits et des légumes que nos dictateurs démocrates et agroterroristes leurs imposent, comme je comprends qu’en fin de transit terrestre nous ne sachions plus où mettre nos morts sans contaminer le sol, l’eau et l’air !
Mort ou vif, l’homme-poison reste un problème
À part la promession, encore inaccessible dans la plupart des pays, ou le repos éternel en diamant noir pour les plus friqués, aucune recette ne s’avère écologique à 100 %. Compte tenu de la rémanence des substances contaminantes et des rayonnements nocifs dont sont vecteurs les corps ayant vécu à l’Occidentale, ou en ayant payé les conséquences (longue liste…), une dépolution devrait en être rendue obligatoire.
Pour l’instant, ne nous fatiguons pas, mourir ne sert même plus à débarrasser le plancher ! Pourtant, l’immortalité n’est pas démographiquement viable.