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L’Appel de Thorens-Glières par les vétérans du CNR le 14 mai 2011 

dimanche 15 mai 2011, par Louise Desrenards

 Qui a dit : « Il faut défaire méthodiquement le programme du CNR » ? C’est Denis Kessler, ancien vice-président du MEDEF et actuel PDG du groupe SCOR, dans l’éditorial du magazine Challenges du 4 octobre 2007 (suivre le lien) *. Ce qui provoqua au moins une démission au sein du MEDEF. Pas plus.
Où en sommes-nous aujourd’hui ? Bien des progrès dans le sens de cette déclaration péremptoire, contre les libertés et le bien public, ont eu lieu depuis. Protection de l’enfance, éducation, santé, communication, sécurité, accueil, transports, énergie, etc. qui, dans le cours de leurs privatisations, et de leurs expropriations diverses, allant de pair avec de nouveaux édits d’interdits, (le tout dit réformes), ont délié la société civile de ses engagements sociaux. En recadrant chaque fois des amendements constitutionnels facilités par les tendances de la majorité parlementaire, sénatoriale, et même du Conseil constitutionnel, où, d’un autre côté, se pose la question de la constitutionnalité européenne et du rôle des lobbies sous les experts.
C’est pourquoi, reprenant leur alerte de 2004, les derniers vétérans toujours vivants du Conseil National de la Résistance, à l’aube des prochaines élections présidentielles françaises, alertent une fois encore, — cette fois pour la dernière, peut-être, vu leur âge et la vitesse de la destruction du pacte gaulliste, dont il ne reste d’ores et déjà plus que des ruines, sans nouvelle alternative, — et plus que jamais appellent les citoyens à réagir et les politiques à reconstruire une charte des engagements des droits fondamentaux de l’individu et de la communauté sociale.

Appel de Thorens-Glières, le 14 mai 2011

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Le 8 mars 2004, treize vétérans des mouvements de Résistance et des forces combattantes de la France libre lançaient un " Appel aux jeunes générations " dénonçant notamment " la remise en cause du socle des conquêtes sociales de la Libération ". Cette tendance régressive s’accélère dramatiquement. Nombre de citoyennes et citoyens s’en indignent.

Partout la prise de conscience que les valeurs, toujours actuelles, incarnées en 1944 dans le programme du Conseil National de la Résistance, ouvrent l’espoir qu’un mieux-vivre ensemble est possible. Il est aujourd’hui concevable de définir un nouveau “programme de la Résistance” pour notre siècle. Au lieu de cela, le débat public qui s’annonce avec les élections de 2012 semble privilégier les manœuvres politiciennes au service d’intérêts particuliers sans traiter :

des causes politiques des injustices sociales,

des raisons des dérégulations internationales,

des origines des déséquilibres écologiques croissants.

Comme en 2004, nous souhaitons que tous les citoyens, tous les partis, tous les syndicats, toutes les associations participent à l’élaboration d’un Projet de Société du 21ème siècle en repartant du programme du CNR " Les jours heureux " [1] adopté le 15 mars 1944.

Ce programme politique constitue toujours un repère essentiel de l’identité républicaine française.

Avec l’association " Citoyens Résistants d’Hier et d’Aujourd’hui " nous appelons tous les partis politiques, toutes les candidates et candidats à un mandat public dans le cadre des élections présidentielle et législatives de 2012 à prendre trois engagements qui mettront réellement en application la devise républicaine " Liberté Égalité Fraternité ".

Premièrement, afin de garantir l’égalité :

Lancer immédiatement le travail législatif et réglementaire qui permettra de reconstituer les services publics et institutions créés à la Libération pour aller vers une véritable démocratie économique et sociale. Possible en 1944, cette démarche l’est d’autant plus aujourd’hui, alors que le pays n’a cessé de s’enrichir depuis. Droit à la santé pour tous, droit à une retraite, droit à l’éducation, droit au travail, droit à la culture demeurent les seuls véritables garants de l’égalité républicaine. Une égalité qui n’a de sens que dans le respect du droit des étrangers.

Deuxièmement, afin de garantir la liberté :

Approfondir la forme républicaine du gouvernement afin de séparer clairement les pouvoirs et renforcer la démocratie parlementaire au détriment de notre régime présidentiel personnalisé.

Développer de nouvelles pratiques de la démocratie dans laquelle l’action de la société civile sera reconnue, et restaurer les conditions du principe d’ailleurs défini à l’article 2 de la constitution actuelle : " gouvernement du peuple, par le peuple et pour le peuple ".

Garantir la qualité du débat démocratique et la fiabilité des contre-pouvoirs, en assurant à nouveau la séparation des médias et des puissances d’argent comme en 1944.

Ces 3 axes de débats devront aboutir à une démarche souveraine d’"Assemblée constituante " vers de nouvelles pratiques républicaines.

Troisièmement, afin de garantir la fraternité :

Travailler les coopérations avec les peuples et les pays, en refusant l’actuelle dictature internationale des marchés financiers qui menace la paix et la démocratie. Favoriser résolument des solutions soutenables pour les équilibres écologiques, dans les limites de développement compatibles avec la survie humaine. Écarter de la marchandisation totale les besoins vitaux de l’être humain comme l’eau, la nourriture et l’énergie. Il est temps de bien vivre ensemble, dans la haute nécessité de l’épanouissement du plus grand nombre et d’offrir une perspective d’avenir prometteur aux jeunes générations.

Plus que jamais, comme le proclamait en 2004 l’Appel des Résistants aux jeunes générations, à ceux et celles qui font ce siècle qui commence, nous voulons dire avec affection : ” Créer c’est résister. Résister c’est créer “.

Les signataires :

Raymond Aubrac, résistant ; Stéphane Hessel, résistant, déporté ; Marie-José Chombart De Lauwe, résistante, déportée, présidente de la Fondation pour la mémoire de la déportation ; Daniel Cordier, résistant, secrétaire de Jean Moulin ; Georges Séguy, résistant, déporté ; Walter Bassan, résistant, déporté ; Henri Bouvier, résistant, déporté ; Léon Landini, résistant FTP MOI ; Pierre Pranchère, résistant ; François Amoudruz, résistant, déporté, membre de la présidence nationale de la FNDIRP ; Jean Marinet, résistant, déporté, président de la FNDIRP de l’Ain ; Noëlla Rouget, résistante, déportée ; Odette Nilès, résistante, ex-fiancée de Guy Moquet ; Charles Paperon, résistant, co-président de l’ANACR Finistère ; Pierre Moriau, résistant.

Stéphane Hessel
INDIGNEZ-VOUS !
Coo. Ceux qui marchent contre le vent,
éd. Indigènes (21 oct. 2010)
Source fr.amazon


Couverture de la déclaration
Les jours heureux
Publication clandestine du CNR
le 15 mars 1944

P.-S.

* L’éditorial de Denis Kessler s’intitule Adieu 1945, raccrochons notre pays au monde !, titre qui pourrait laisser des doutes sur ses mauvaises intentions s’il n’y avait le sous-titre particulièrement clair dans son ciblage politique : " Le modèle social français est le pur produit du Conseil national de la Résistance. Un compromis entre gaullistes et communistes. Il est grand temps de le réformer, et le gouvernement s’y emploie. "
La conclusion de Kessler relative à la psychanalyse est un clin d’œil à une victoire de "mauvais goût", rappel de "L’amendement Acoyer" (2003) justifié par l’accès au remboursement des soins pour les psychologues "comportementalistes", contre celui des psychanalystes, animé par les nouveaux lobbies du second septennat Chirac qui l’emportèrent, amendement qui en réalité inaugura les réformes des premiers actes de destruction du réseau public de la psychiatrie institutionnelle, en milieu ouvert comme en milieu fermé.
Voir la ligne éditoriale de www.criticalsecret.com N°14, "Au coeur de la tourmente" sous la direction éditoriale de Yasmine Grasser, psychanalyste lacanienne, elle-même.
Il convient de savoir que le comportementalisme n’engage pas une politique d’extrême droite ni même nécessairement de droite aux USA, où de toutes façons il n’y a pas d’enjeu de reconnaissance par la Sécurité sociale, puisqu’il n’en existe pas.


Pour information, l’association Citoyens et Résistants d’hier et d’aujourd’hui citée dans la déclaration :
http://www.citoyens-resistants.fr/.

L’article de Marie Prieur, envoyée par La tribune de Genève, au retour de sa mission, le soir du 14 mai 2011 : 1500 personnes bravent la pluie pour écouter l’appel des résistants.

Notes

[1Programme du Conseil National de la Résistance adopté le 15 mars 1944, dit "Les jours heureux" :
" Née de la volonté ardente des Français de refuser la défaite, la Résistance n’a pas d’autre raison d’être que la lutte quotidienne intensifiée.

Cette mission de combat ne doit pas prendre fin à la Libération. Ce n’est, en effet, qu’en regroupant toutes ses forces autour des aspirations quasi-unanimes de la Nation, que la France retrouvera son équilibre moral et social et redonnera au monde l’image de sa grandeur et la preuve de son unité.

Ainsi, les représentants des organisations de Résistance, des centrales syndicales et des partis ou tendances politiques groupés au sein du Conseil National de la Résistance, délibérant en Assemblée plénière le 15 mars 1944, ont-ils décidé de s’unir sur le programme suivant, qui comporte à la fois un plan d’action immédiate contre l’oppresseur et les mesures destinées à instaurer, dès la libération du territoire, un ordre social plus juste.

I Plan d’action immédiate (…)

II Mesures à appliquer dès la libération du territoire

Unis quant au but à atteindre, unis quant aux moyens à mettre en œuvre pour atteindre ce but qui est la libération rapide du territoire, les représentants des mouvements, groupements, partis ou tendances politiques groupés au sein du C.N.R., proclament qu’ils sont décidés à rester unis après la Libération :

1) Afin d’établir le gouvernement provisoire de la République formé par le général de Gaulle pour défendre l’indépendance politique et économique de la Nation, rétablir la France dans sa puissance, dans sa grandeur et dans sa mission universelle ;

2) Afin de veiller au châtiment des traîtres et à l’éviction dans le domaine de l’administration et de la vie professionnelle de tous ceux qui auront pactisé avec l’ennemi ou qui seront associés activement à la politique des gouvernements de collaboration ;

3) Afin d’exiger la confiscation des biens des traîtres et des trafiquants de marché noir, l’établissement d’un impôt progressif sur les bénéfices de guerre et plus généralement sur les gains réalisés au détriment du peuple et de la Nation pendant la période d’occupation, ainsi que la confiscation de tous les biens ennemis y compris les participations acquises depuis l’armistice par le gouvernement de l’Axe et par leurs ressortissants, dans les entreprises françaises et coloniales de tout ordre, avec constitution de ces participations en patrimoine national inaliénable ;

4) Afin d’assurer :

 le rétablissement de la démocratie la plus large en rendant la parole au peuple français par le rétablissement du suffrage universel ;
 la pleine liberté de pensée, de conscience et d’expression ;
 la liberté de la presse, son honneur et son indépendance à l’égard de l’Etat, des puissances de l’argent et des influences étrangères ;
 la liberté d’association, de réunion et de manifestation ;
 l’inviolabilité du domicile et le secret de la correspondance ;
 le respect de la personne humaine ;
 l’égalité absolue de tous les citoyens devant la loi.

5) Afin de promouvoir les réformes indispensables :

a) Sur le plan économique :

 l’instauration d’une véritable démocratie économique et sociale, impliquant l’éviction des grandes féodalités économiques et financières de la direction de l’économie ;
 une organisation rationnelle de l’économie assurant la subordination des intérêts particuliers à l’intérêt général et affranchie de la dictature professionnelle instaurée à l’image des Etats fascistes ;
 l’intensification de la production nationale selon les lignes d’un plan arrêté par l’Etat après consultation des représentants de tous les éléments de cette production ;
 le retour à la Nation des grands moyens de production monopolisés, fruit du travail commun, des sources d’énergie, des richesses du sous-sol, des compagnies d’assurance et des grandes banques ;
 le développement et le soutien des coopératives de production, d’achats et de ventes, agricoles et artisanales ;
 le droit d’accès, dans le cadre de l’entreprise, aux fonctions de direction et d’administration, pour les ouvriers possédant les qualifications nécessaires, et la participation des travailleurs à la direction de l’économie.

b) Sur le plan social :

 le droit au travail et le droit au repos, notamment par le rétablissement et l’aménagement du régime contractuel du travail ;
 un rajustement important des salaires et la garantie d’un niveau de salaire et de traitement qui assure à chaque travailleur et à sa famille la sécurité, la dignité et la possibilité d’une vie pleinement humaine ;
 la garantie du pouvoir d’achat national par une politique tendant à la stabilité de la monnaie ;
 la reconstitution, dans ses libertés traditionnelles, d’un syndicalisme indépendant, doté de larges pouvoirs dans l’organisation de la vie économique et sociale ;
 un plan complet de sécurité sociale, visant à assurer à tous les citoyens des moyens d’existence, dans tous les cas où ils sont incapables de se le procurer par le travail, avec gestion appartenant aux représentants des intéressés et de l’Etat ;
 la sécurité de l’emploi, la réglementation des conditions d’embauchage et de licenciement, le rétablissement des délégués d’atelier ;
 l’élévation et la sécurité du niveau de vie des travailleurs de la terre par une politique de prix agricoles rémunérateurs, améliorant et généralisant l’expérience de l’Office du blé, par une législation sociale accordant aux salariés agricoles les mêmes droits qu’aux salariés de l’industrie, par un système d’assurance contre les calamités agricoles, par l’établissement d’un juste statut du fermage et du métayage, par des facilités d’accession à la propriété pour les jeunes familles paysannes et par la réalisation d’un plan quinquennal rural ;
 une retraite permettant aux vieux travailleurs de finir dignement leurs jours ;
 le dédommagement des sinistrés et allocations et pensions pour les victimes de la terreur fasciste.

c) Une extension des droits politiques, sociaux et économiques des populations indigènes et coloniales.

d) La possibilité effective pour tous les enfants français de bénéficier de l’instruction et d’accéder à la culture la plus développée, quelle que soit la situation de fortune de leurs parents, afin que les fonctions les plus hautes soient réellement accessibles à tous ceux qui en auront les capacités requises pour les exercer et que soit ainsi promue une élite véritable, non de naissance mais de mérite, et constamment renouvelée par les apports populaires.

Ainsi sera fondée une République nouvelle qui balaiera le régime de basse réaction instauré par Vichy et qui rendra aux institutions démocratiques et populaires l’efficacité que leur avaient fait perdre les entreprises de corruption et de trahison qui ont précédé la capitulation. Ainsi sera rendue possible une démocratie qui unisse au contrôle effectif exercé par les élus du peuple la continuité de l’action gouvernementale. L’union des représentants de la Résistance pour l’action dans le présent et dans l’avenir, dans l’intérêt supérieur de la patrie, doit être pour tous les Français un gage de confiance et un stimulant. Elle doit les inciter à éliminer tout esprit de particularisme, tout ferment de division qui pourrait freiner leur action et ne servir que l’ennemi.

En avant donc, dans l’union de tous les Français rassemblés autour du C.F.L.N. et de son président le général de Gaulle ! En avant pour le combat, en avant pour la victoire afin que VIVE LA FRANCE ! "

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