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Le sens des affaires : Six. 

samedi 13 février 2010, par Rodolphe Christin

Six.

Hector Dumenclin sortait tout juste de son plaisir. Il se sentait étrillé comme un cheval de course. Mais il n’était pas du genre à rester sur cette impression lascive, son affaire à lui c’était le travail. Pas le travail pour le plaisir, non : to earn money. Faire du fric, voilà l’important !

Comme il sortait de son plaisir, et que ce plaisir se transformait petit à petit en souvenir, il recommençait à songer à ses obligations de directeur de la Compagnie Dumenclin. Il se leva, seulement vêtu de sa cravate, puis se dirigea prestement vers sa veste. Clara le suivait de ses yeux sombres et beaux, un léger sourire aux lèvres. Il avait l’air vraiment ridicule. Il plongea la main dans la poche intérieure de sa veste de costume pour en retirer son téléphone portable, qu’il avait pris soin d’éteindre. Il le ralluma donc. Pas de message, très bien ! Rassuré, il endossa sa veste, puis récupéra son pantalon et ses sous-vêtements éparpillés dans la pièce et se rhabilla en vitesse. Il avait déjà une main sur la poignée de la porte, l’autre aux lèvres pour un baiser lointain destiné à Clara. Mais celle-ci l’interrompit : N’aurais-tu pas oublié ta chemise, par hasard ? Son client piqua un fard, honteux de tant de maladresse, lui qui tenait si fort aux apparences. Bon sang, ou ai-je la tête ! Mon prochain rendez-vous me fait perdre l’esprit, ma parole ! Un contrat, vois-tu, et juteux avec ça ! Pas le droit à l’erreur, pas question de passer à côté !

Clara songea à voix haute :

- Et si tu passais à côté, que se passerait-il ?

- Le suicide, ma chère, il n’y aurait que ça pour me guérir d’une perte pareille.

- Tu exagères, Hector, non ? Tu exagères toujours de toute façon. Ta Compagnie ne ferait pas faillite aussi facilement ! Comment serait-ce possible ?
- Le Compagnie, peut-être pas. Mais mon moral, oui. A coup sûr, aucun doute là-dessus !

Il disait cela tout en passant les bras dans les manches de sa chemise. Il avait failli l’oublier. Il ne défit pas le nœud de sa cravate. Il l’élargit seulement pour laisser passer son col, puis le resserra d’un geste habile et assuré. Ce coup-ci le baiser claqua d’un bord à l’autre de la pièce :

- Au mois prochain, très chère ! Enfin, si je ne suis pas mort d’ici là !

- Ne t’en fais pas, répondit-elle. Tout se passera bien.

Hector Dumenclin n’était pas au bout de ses surprises.

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