On appréhendait d’autant ce concert que notre dernier rendez-vous « live » avec les Dioun’’ (l’Olympia de l’hiver 2008) fut, dans l’ensemble, assez décevant. Avec le Casino de Paris et ses balcons bien garnis, on remet les compteurs à zéro. Cela tombe plutôt bien puisque la formation rock-folk a, elle aussi, fait peau neuve. Herman Dune et non plus Düne (sans les trémas, ils insistent !) et ce, depuis qu’André, la tête pensante des débuts, est devenue Stanley Brinks. Sans le frère aîné donc, mais toujours menée de main de maîtres par les deux cousins louftingues, David-Ivar (aka Yaya, chant & guitares) et Neman (alias « Cosmic Neman », batterie & percussions), le band s’est réinventé, artistiquement, logistiquement : un troisième larron, le bassiste champardennais Cédric Benyoussef (alias Ben Kleng), est venu grossir les rangs en lieu et place de Julie Doiron, et montrer au plus grand nombre tout le talent qu’on pensait de lui, du temps où il menait Cyann & Ben, formation post-rock injustement négligée dans notre pays mais qui fit pourtant florès devant les festivaliers de Reading. Un acolyte d’abord, mais surtout un label original, Strange Moosic, qui fait la part belle aux mélodies illustrées, les songbooks (http://strangemoosic.tumblr.com/),label annonciateur d’un nouvel opus éponyme sorti au printemps 2011 et enregistré, une fois n’est pas coutume, à Portland, Oregon, Uhéssa. Pour la première fois depuis Fire !, leur mini-LP inaugural (2000), les chansons sont soigneusement concoctées, produites puis retravaillées d’abord en studio avant d’être proposées à un public toujours aussi fidèle. Le producteur s’appelle Adam Selzer (http://www.adamselzerblog.blogspot.com/ ), il s’est, entre autres, fait la main auprès d’Alela Diane, des Decemberists et sur les projets confirmés de Matt Ward (aka She & Him) Auparavant, Yaya et Neman faisaient l’inverse, la scène d’emblée, les démos ensuite pour une œuvre discographique déjà riche de 5 LP’s, tous porte-voix d’un courant musical, l’Antifolk (http://www.anti.com/artists/view/2), au même titre que Jeffrey Lewis ou Adam Green et Kimya Dawson, le duo brindezingue des défunts Moldy Peaches. Que de chemin parcouru depuis les tâtonnements scéniques new-yorkais au Sidewalk Café (http://sidewalkmusic.net/ ) et les squats-scènes ouvertes de la Royal Academy Against Authority ! Un peu moins d’une heure trois-quarts de concert mis sous le signe du classicisme. Une basse, un chanteur barbu enlacé par sa Silvertone, un batteur sur ses cannes du début jusqu’au second rappel. Du classique pour une musique loin d’être strange. Exit ukulélés, maracas, glockenspiel et consorts. Les ex-hippies sont ce soir-là tout de jean vêtus, coiffés de Stetson Tahoka du plus bel effet. Il ne manque plus qu’un vieux Pick-Up et quelques serveuses de motel aux seins lourds pour faire chœur à l’ensemble. De vrais cow-boys, vous dis-je, accompagnés par Jolie Holland, égérie country, venue pousser la chansonnette sur deux, trois titres. Le groupe a donc retrouvé la rock-attitude qui était la sienne, il y a de cela dix ans, le découvreur s’appelait alors John Peel. Au train où vont les choses, il ne serait pas surprenant de les retrouver prochainement chez K-Records, la talentueuse écurie de Calvin Johnson qui fêtera ses 30 ans l’an prochain (http://krecs.com/). Bien placé, à deux pas du tourneur et de la Technique, on a pu goûter ce spectacle, ouvert, comme il se doit, par Ah Hears Strange Music, single au refrain susurré. Les autres temps forts de l’album, le hit potentiel, Tell me something I don’t Know, fait façon U2 époque Joshua Tree, puis les romantiques Magician et Just Like Summer ont succédé avec à-propos à Monument Park, ou Where is the Man, deux cavalcades montées pour sorties en canyon.
Ajoutez-y quelques flash-back, le Your Name My Name, morceau phare de l’album Giant qui leur ouvrait, en 2007, les sessions studio de Tv-Shows, des curiosités, comme la reprise de Blue Moon, l’hymne mancunien des Citizens, voire des anecdotes autour de leur passion commune pour les premiers films d’Hitchcock, sans oublier une bonne salve de sourires complices portés par la joie d’être là, et vous aurez le ticket gagnant. Des stylistes de la scène, des artistes qui prennent leur pied quand ils produisent, du son, de l’émotion, de l’effet aussi. Dans les têtes, le saloon est bel et bien resté ouvert toute la nuit.