Après des études à Tonnerre (Yonne), il va faire sa médecine à Paris (1842-1845) et devient interne des hôpitaux de Paris en 18452.
Il entre dans la vie politique en 1848, professant après les journées de juin des « opinions révolutionnaires socialistes intransigeantes ». Il ne se remit jamais de l’échec de février 1848 et du sang ouvrier versé sur les barricades de juin2.
Après la manifestation du 13 juin 1849, il doit s’enfuir en Suisse et est condamné par contumace par la Haute Cour de Versailles à la déportation. Expulsé de Suisse en 1851, puis de Belgique, il décrira plus tard cette expérience dans : "Jours d’exil". Il réside ensuite deux ans en Grande-Bretagne2.
En septembre 1852, parait : "De la révolution dans l’homme et dans la société". En 1853, il part pour l’Espagne et, en 1854, pour l’Italie, où il publie, à Turin, "Hurrah !!! ou la Révolution par les Cosaques"3. En 1855, il épousa la fille de Germain Rampont-Léchin, ancien représentant démocrate de l’Yonne à la Constituante. Pendant ces années d’exil, il consacre l’essentiel de son temps à des activités littéraires. D’autres livres annoncés ne seront jamais publiés. Malade, il se déplace encore en Europe, propagandiste de la Fraternité et de la résistance à l’oppression. Installé en Suisse, dans le canton de Genève, il s’y suicide en 1862 après avoir refusé l’amnistie de 1859.
Ernest Cœurderoy était en fait un solitaire. Il combattait vivement les chefs républicains et socialistes dont il rendait les ambitions et les dissensions responsables de la défaite de la révolution de 1848. Sous la triple influence de Fourier, de Pierre Leroux et de Proudhon, son système était une « synthèse de collectivisme et de mutuellisme libertaires ». Il réclamait la propriété collective des moyens de production, le libre accès pour tous aux instruments de travail, la propriété individuelle et l’échange mutuel des produits du travail. Malade depuis assez longtemps, il se suicida dans une crise de dépression nerveuse ou de folie.
Aujourd’hui connu seulement des spécialistes de la période tourmentée qui suivit la révolution de 1848, Ernest Cœurderoy fut pourtant l’un des précurseurs de l’anarchisme. Ayant fait sien le parti des révolutionnaires vaincus, il dut fuir son pays, exil douloureux qui le contraint de vivre en proscrit. L’histoire est écrite par les vainqueurs et l’on eut tôt fait d’oublier Cœurderoy. Son œuvre n’en est pas moins celle d’un vibrant héritier des lumières, préoccupé de la question sociale, celle d’un républicain intransigeant et d’un sombre visionnaire.