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Sur l’œuvre photographique de Arnaud Baumann - Visage, étoile et monde : L’Homme réalisé  

mardi 9 janvier 2018, par Pacôme Thiellement

Déjà le premier mois de l’an 18 au second millénaire. Deux expositions en événement diptyque des photographies de Arnaud Baumann exhument les braises des dernières décennies du siècle passé et la trace incandescente de nos actualités à présent désunies. Un moment symbolique fort et un privilège dans la connaissance ultra contemporaine parmi les manifestations artistiques qui inaugurent l’année à Paris. En présence de l’artiste. (L. D.)

— Arnaud Baumann, Ombres et Lumières — Visions intérieures, images intimistes. Dédicace à Lucie Dobaria.
Du 6 janvier au 3 février, à la Galerie Corinne Bonnet [1]

— Total Baumann : Rétrospective — Photographies de 1974 à nos jours.
Du 10 (vernissage) au 13 janvier, aux Showrooms du Marais [2]


Visage, étoile et monde : L’Homme réalisé

Ne vous fiez pas à l’appareil qui lui sert d’instrument. Ce photographe est comme un peintre ou un dessinateur : il ne « reproduit » pas la réalité ; il ne « capture » pas le réel ; il n’« enregistre », à proprement parler, rien. Il pense. Il imagine. Puis il danse avec son imagination et la fait tourbillonner jusqu’à ce qu’elle se hisse à l’état de vision. Ce photographe est tout aussi alchimique qu’un peintre : il fait de son regard un creuset, et de la matière même du monde il tire la puissance transmutatoire de l’image, comme on tire une étoile du chaos. Chez Arnaud Baumann, c’est une vision qui glisse comme de l’eau d’un œil à l’autre, ou qui traverse les cœurs à la vitesse du feu. Ce n’est plus une image, c’est de la poudre. Toutes les photographies d’Arnaud Baumann sont des pierres de lune tombées de l’oeil exorbité du soleil.

Arnaud Baumann aura réinventé son art un nombre incalculable de fois. Comme certains peintres ou dessinateurs, il a remis entièrement sur le métier, non seulement son ouvrage photographique, mais les relations entre la trame de sa vision et la chaîne du monde. Au point qu’on peut quasiment deviner la date d’une photo de Baumann aux courbes et aux couleurs, aux angles et aux profondeurs. Ensuite, toute sa vie, il a alterné les photos posées et les photos spontanées, de sorte que les deux se sont sans cesse nourries l’une de l’autre : les photos spontanées sont les esquisses de ses photos posées ; ses photos posées sont les préparatifs de ses photos spontanées.

Et dans les photos spontanées, certaines sont si sophistiquées qu’on les dirait posées : les BNF et Villette de la fin des années 90, ou même les Animaux de 1994, se plaçant face à l’appareil tels des stars en train de « jouer » les bêtes ! Enfin, il y a ces séries qui strient sa vie d’artiste, comme des Papes ou des Montagnes Sainte-Victoire : les nus de Carnet d’Adresses ; les visages ridés et les sourires lumineux de L’Âge du Siècle ; les AutoSportraits où les voitures ressemblent à des personnages de fiction, plein d’arrondis souriants de comics américains ; les déchaînements d’animalité des vedettes transformées en « patients » enfermés dans les Chambres Blanches ; les baptêmes d’Eau Secours ; les corps découpés et exposés comme des œuvres d’art des Excentricités Ordinaires ; les réalisateurs et acteurs « montés » dans des décors imaginaires des Projections Privées ; les Cuisiniers ; les Designers ; les Femmes fantasmes de… ; les Vidéocaptures…

Parmi les plus importantes de ses séries, la plus récente, Artistes Peints a une place à part. Pour celle-ci, Baumann a inventé un système de projection permettant de photographier les peintres ou les dessinateurs tatoués de leurs propres œuvres, métamorphosés par leur style, leurs profils tissés par la chaîne même de leur trame. Les Artistes Peints sont non seulement des réflexions sur le physique de l’artiste transformé en creuset de son œuvre, mais aussi des méditations sur la façon dont la photographie associe un être et son devenir, la façon dont la photographie peut fonctionner comme « point d’assemblage », au sens chamanique du terme, entre le corps, l’âme et l’esprit. Tant que nous sommes sur la photo de Baumann, nous ne sommes pas « déboîtés » ; nous sommes « sur la bonne voie » ; nous avançons vers notre réalisation et notre délivrance.

Parce que l’œuvre photographique de Arnaud Baumann n’est pas seulement un voyage chamanique, c’est également une quête : celle de la Totalité. Total Baumann est le nom du lieu que recherche l’adepte. C’est un lieu où le visage d’un homme, une étoile et le monde deviennent Un. Dans un visage, tous les mouvements de l’âme. Dans une étoile, toutes les expressions du corps. Dans un monde, tous les labyrinthes de l’intelligence. Et ce que ses photographies attendent de nous, c’est que nous soyons à la hauteur de leur exigence de totalité nous concernant. Les photographies de Arnaud Baumann nous demandent d’être « Total Nous » : visage, étoile et monde. Le sujet de l’ouvrage photographique d’Arnaud Baumann, le tissage qu’il aura réalisé sur son métier pendant quarante ans, c’est l’homme réalisé.

2018 : ANNÉE BAUMANN


Avec l’aimable autorisation de l’auteur


Source FB Pacôme Thiellement, le 2 janvier 2018
http://www.pacomethiellement.com


Les expositions « Total Baumann » dans le n° 534, janvier - février 2018 de Photo Magazine - deux pages avec un article de Guillaume Coconnier


P.-S.

En logo de l’article : le carton de l’événement présenté par Corinne Bonnet (« Autoportrait à l’essence C » © Arnaud Baumann 1983 ; + Logo « Total Baumann » par Willem).

FB Arnaud Baumann.

http://www.baumann-photo.net

FB Corinne Bonnet.

FB Galerie Corinne Bonnet.

http://galeriecorinnebonnet.com.


- Postface

Arnaud Baumann au vernissage le 10 janvier
© Xavier Zimbardo

Arnaud Baumann (vernissage du 10 janvier 2018)
Source © Xavier Zimbardo

Notes

[1Cité artisanale, 63 rue Daguerre, XIVe : du mardi au vendredi de 14h à 19h, le samedi de 15h à 19h, et sur rendez-vous, tél : Corinne Bonnet, +33 (0)1 43 20 56 06.

[2118 rue de Turenne, IIIe : de 11h à 19h.

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