Friedrich Hölderlin [’fʁi:dʁɪç ’hœldɐlɪn] (1770-1843) est un poète et philosophe très proche de Fichte, Schelling, Hegel, de la haute période classico-romantique en Allemagne – époque que la tradition culturelle occidentale fait encore rayonner autour de la figure emblématique de Goethe1. Cette acmé de la littérature allemande, créatrice plus tardive de son premier grand « classicisme » en Europe2 précédé d’un « pré-classicisme » (Lessing…), comprend l’ensemble du courant qui va du Sturm und Drang aux deux grands classiques allemands Goethe et Schiller pour engendrer les « Modernes » du romantisme allemand (Tieck, Novalis…).
L’énorme élaboration philosophique allemande d’alors, sécularisatrice de la religion par le protestantisme culturel, est partie prenante de cette époque : le grand nom, c’est Emmanuel Kant, que Hölderlin appellera le « Moïse de la nation allemande ». Par le « titan » Fichte (selon Hölderlin, son étudiant à Iéna en 1794-1795) qui trouve la « révolution copernicienne » de Kant « inachevée », on aboutit à l’idéalisme allemand : le « trèfle » Hölderlin – Hegel – Schelling, étudiants en théologie ensemble au Stift, le Grand Séminaire protestant de Tübingen). Hölderlin oppose néanmoins une objection fondamentale : l’être ne peut se confondre avec l’identité3. Hölderlin excède cette époque. Il l’excède de loin, en deçà et au-delà, pour commencer de nous arriver plus véritablement au xxe siècle, parce qu’il l’excède en profondeur, par sa traduction de la Grèce en Hespérie (le retournement catégorique occidental).