Yi Ch’ôngjun (né en 1939) exemplifie une vie entière consacrée à la littérature, dans un champ d’activité qui exige encore souvent qu’on appartienne à une institution, université ou journal. D’être rapidement couvert de prix littéraires l’y a certainement aidé, de publier beaucoup aussi. Son succès n’était toutefois pas acquis d’avance, dans la mesure où il représente ce qu’on a nommé littérature conceptuelle. Sur fond de couleur locale marquée, une écriture très surveillée fait que le sujet apparent cède le pas au cheminement de la conscience. Si ses textes relèvent de genres divers, récits familiaux et provinciaux, comme Namdo saramdûl / Les Gens du Sud, 1978) et oeuvres symboliques, comme Iôdo / L’Ile de Iô, 1975, leur point commun reste une intentionnalité très marquée. L’auteur sait où il va, sa logique est conceptuelle et non fictionnelle. Ce qui ne peut que surprendre dans un champ littéraire habitué aux grosses ficelles du réalisme historico-familial et sentimental. Son chef d’oeuvre, Tangsindûrûi ch’ôn’guk / Ce Paradis qui est le vôtre (1976), est une parabole spéculative sur la question fondamentale de son temps, l’autorité. Prolifique, Yi Ch’ôngjun est autant un écrivain des années 60 (son Somunûi pyôk / Mur de la rumeur, 1972, est peut-être la première analyse de la dictature) qu’un auteur actuel, tant il reste créatif, observant le monde littéraire avec un sourire ironique. Sop’yônje / Le Fauconnier, Le Prophète ou Je ne chanterai plus cette chanson montrent l’étendue de ses moyens littéraires, tant on les dirait écrit par des auteurs différents.