Aucun anathème du bréviaire raciste sur l’Afrique n’a été épargné au Rwanda dans l’émission parodique #DBQT de Canal+ du 20 Décembre. Cris de singe, cannibalisme – un personnage de "Tutsi" est soupçonné de servir du "Hutu" à manger à ses hôtes français – c’est frais ! Mais il y a plus bas, plus bas que ne peut descendre la pelle dirait Césaire, une comédienne trouve que le génocide n’a pas fait assez de morts "On parle de génocide, génocide, moi je trouve qu’il y en a encore un paquet en pleine forme" Un paquet ! Pour finir en apothéose, comme si Canal+ avait eu peur de louper la palme de l’ignominie, une berceuse macabre jette en pâture les victimes du génocide au rire gras de l’assistance " Fais dodo Colin mon petit frère… Maman est en haut coupée en morceaux, Papa est en bas, il lui manque un bras…"
A l’approche de la vingtième commémoration du génocide, on aurait pu rêver que les médias français couvrent désormais cette page de l’histoire du Rwanda qui est aussi la leur et celle de l’humanité toute entière, avec le recul que favorise le temps. On peut toujours rêver. A défaut d’une empathie pour les victimes, on aurait préféré que ces médias s’abstiennent. Par pudeur ou pour le simple respect dû aux morts dans toutes les civilisations. Canal+ a trouvé mieux d’en faire un sujet de dérision.
Sur le Rwanda, un écrivain tchadien – Koulsy Lamko – écrivait en 2000 dans la "Phalène des collines" comme pour conjurer le sort "Nous n’avons pas pour vocation de vivre et de mourir pour vous divertir". Las, le peuple veut du pain et des jeux, cher Koulsy. Dans le grand barnum des actualités internationales, le Rwanda loge à la case frissons plus plus pour les montreurs de merveilles. Déjà en 1994, alors que les charniers fumaient encore, un membre de l’Académie française revenait du Rwanda tout excité de raconter sur toutes les télés de France et de Navarre avoir découvert au delà des mers le pays des milles splendeurs. Dans un article tout en superlatifs "J’ai vu le malheur en marche" Jean d’Ormesson se laissait aller, dans le Figaro du 19 Juillet 1994, à une overdose d’exclamations "le Rwanda… Des massacres grandioses dans un décor sublime"… Massacres grandioses ! Telle va la France des droits de l’homme, qui veut savoir sans réaliser, regarder sans rien voir, juste contempler.
Aujourd’hui pour amuser la galerie, Canal+ foule aux pieds la dignité des morts et ajoute à la profanation de leur mémoire, les injures d’un racisme primaire. Douce France !
Cette émission est passée à l’antenne en prime time le 20 décembre. Dix jours durant aucun média français n’y a trouvé rien à redire. Aucun commentaire, aucune critique, aucune condamnation. Rien, circulez, il n’y a rien à voir. C’est peut-être ça le plus effrayant, ce silence de cathédrale, en pleine affaire Dieudonné.