« Cet homme marchait pur loin des sentiers obliques,
Vêtu de probité candide et de lin blanc (…) »
V. Hugo, « Booz endormi », La Légende des siècles
Dans le Figaro du 10 décembre : Le libéral Jean-Michel Fourgous a été sèchement repris quand il a proposé, après Bernard Accoyer, une « amnistie fiscale » pour rapatrier de l’étranger des capitaux. Résolument hostile à la suggestion de l’aile la plus libérale de sa majorité, Sarkozy a rétorqué : « Si j’étais assez dingue pour proposer à François Fillon une amnistie fiscale, on verrait ce qu’on verrait. Au nom du symbole, les Français peuvent renverser le pays. Regardez ce qui se passe en Grèce ». Utilisant la métaphore royaliste, il a conclu sur ce point : « Les Français adorent quand je suis avec Carla dans le carrosse mais en même temps ils ont guillotiné le roi. » (Source)
Sa langue a dû fourcher ou est-ce moi qui louche ? Notez bien qu’il ne s’agit pas ici de renverser le Gouverne-et-Ment, non. Ni de culbuter le Premier Minitriste, que non... Ni même notre Président tout mini, que nenni ! Carrément il a dit : "Renverser LE PAYS !" Là, je me frotte les yeux trois fois et relis, incrédule. C’est bien ça qui est écrit... Renverser le gouvernement, ne dit-on pas normalement, croyais-je, fort candide ? Car "le pays" c’est quand même NOUS, le peuple, pauvres bougres de la France d’en bas que nous sommes, l’aurait-il oublié ? Alors va-t-il falloir renverser le peuple ? Cela ne vous rappelle-t-il pas un certain Bertold Brecht, cette histoire ? « J’apprends que le gouvernement estime que le peuple a ’trahi la confiance du régime’ et ’devra travailler dur pour regagner la confiance des autorités’. Dans ce cas, ne serait-il pas plus simple pour le gouvernement de dissoudre le peuple et d’en élire un autre ? [1] »
En fait, ces prétendus « grands hommes » sont persuadés d’incarner « la France ». Une « France éternelle » parfaitement artificielle, toute en esprit et qu’on ne voit jamais, à laquelle il faut des drapeaux et des médailles, des mitraillettes et des paillettes, des dorures et des déguisements, des subterfuges et autres fripes philosofriques, la Marseillaise et ses flonflons, au besoin le feu des canons pour lui donner l’assurance de la vie. En conséquence, « le pays », ce n’est pas Nous, les travailleurs, les créateurs, les producteurs, c’est Eux, et en l’occurrence, « le pays », la France éternelle qu’on nous conte dans les livres d’histoire (à dormir debout) c’est Lui, aujourd’hui, Tsar Kozy. Cette même France qu’on invoque à tout va, qu’on applaudit ou siffle dans les stades, qui perd ou qui gagne au foot et au tennis, qui irait de nos hypothétiques ancêtres les Gaulois à un trop réel M.I.N.I. (Ministère de l’Identité Nationale Introuvable) en passant par l’Algérie française vite hypothéquée et autres calembredaines, balivernes et carabistouilles. La mystification aimerait s’élever à la hauteur du mythe. Savante élucubration qui semble avoir la peau dure…
Il arrive que le « mythe » dérape et percute la réalité. La crise révolutionnaire est précisément ce moment historique où les populations font subitement irruption sur la scène où se joue leur propre destinée et décident de la prendre en mains. Quand les Français se mettent à vouloir renverser « la France », l’équation ne tient à l’évidence plus debout, on se rend compte de l’absurdité d’une telle abstraction, on savoure son inconsistance. La France fantasmée redevient ce qu’elle n’aurait jamais dû cesser d’être : une fiction qui n’a d’autre force que la foi qu’on veut bien lui accorder. Un proverbe japonais l’exprime avec causticité : « On peut adorer même une tête de sardine, le tout est de croire » [2]. Lorsque le voile de l’illusion se déchire, le mensonge apparaît pour ce qu’il était : un songe creux, et dangereux.
D’où l’importance de maintenir les apparences hautaines de la fonction. Drapé dans des coutumes et un costume régaliens, le « Président » ne peut pas dire et faire n’importe quoi au risque de désacraliser la fonction et de vider l’abstraction « France » de sa substance. Quand le Président Sarkozy insulte vulgairement un citoyen qui refuse de lui serrer la main, il redevient ce qu’il est assurément : Monsieur Tout le Monde, un petit homme parmi les autres, et la France n’est soudain plus qu’un miroir aux alouettes, un conte pour enfants qui finit mal… Le décorum fantasmagorique se casse la fiole, la parure mystificatrice apparaît bien mitée et miteuse, et l’on s’écrit ému : « Le roi est nu ! ».
Not’ Prince ne craint pas de poursuivre à sa manière visionnaire. Depuis le carrosse où il se pavane, il redoute que sa balade bravache ne s’achève sur un échafaud. "Ces gueux nous aiment fort en carrosse, bougonne-t-il, néanmoins ils ont déjà su mettre la tête d’un roi au bout d’une pique". Mais les Français jadis n’ont pas guillotiné un roi, il faut sortir de ce mensonge. Ils ont guillotiné Capet, nuance qui fait toute la différence entre un pseudo-représentant de Dieu sur Terre et un criminel fuyant à l’étranger pour trahir ses concitoyens, qui ne mérite pas cette indécente déférence. Serrurier malveillant ayant pris la clé des champs, Capet était un collabo.
Ce rapprochement pas vraiment déraisonnable entre nous, ses contemporains, menu fretin dont il semble se gausser quotidiennement, et nos héroïques ancêtres qui prirent la Bastille, prenons cela non pour de la bienveillance mais pour de la clairvoyance. Bravo not’ Prince. Pas merci, non, mais bravo ! Bien vu dans votre marc de café... On se marre, hein, mais vous avez raison, à force qu’on tonde les vieux, les jeunes, les prolos les paysans les étudiants les marins-pêcheurs les banlieues les prostituées les... ben, sûr, quand ça va chauffer, ça va pas être pour des blagues.
Hommage et reconnaissance, donc, à nos courageux aïeuls pour ce noble héritage qu’ils nous ont transmis et qui, après plus de deux siècles, fait encore trembler nos présomptueux (et bientôt ci-devant) roitelets ! Parce que l’on sait, dans les palais, que nous saurons nous montrer dignes de nos précurseurs comme de cette longue et grande histoire qui est celle de la vraie liberté, la vraie égalité, la vraie fraternité.
Une nouvelle nuit du 4 août pourrait être dans l’air, craignent-ils, et il n’est pas sûr que la vieille taupe (celle qui creuse et qui creuse, vous savez, pour la justice, contre les privilèges...) attende l’été pour pointer le bout de son nez... "Et si ces bougres-là, tu te rends compte Maria-Antoinetta-Carla, allaient renverser le pays ?" Mais qu’est-ce qu’il nous chante, celui-là ?
1789, 1871 et 1968 n’auraient donc été que des répétitions générales ? Mince alors...
"Cauchemardons un instant, mon amour... Imaginons que les rejetons des dix millions de grévistes qui avaient montré leur puissance sociale en arrêtant TOUTE la production en 68 fassent de même mais redémarrent l’outil de travail pour le faire tourner au bénéfice de la société, non plus pour le profit mais pour le bien commun, comme les LIP [3] mais en plus grand, en beaucoup plus grand... Avec l’Internet, planifier, ce serait autre chose que dans la Russie misérable et exsangue de 1917... On fédère vite des collectifs avec ces saletés de téléphones portables et autres instruments de pouvoir qu’ils ont maintenant entre les mains. Pour l’instant, ils croient tous n’être RIEN, mais suppose qu’ils se rendent compte qu’ils peuvent TOUT...
Normalement, bien sûr, on ne les laisserait pas aller trop loin, on pourrait faire donner la troupe, comme De Gaulle les en avait menacés après être passé par la case Massu. Mais tu sais, c’est pas si simple... C’est pas comme de lancer "Casse-toi pauv’ con !" à un homme seul quand on a des gardes du corps avec soi jusqu’aux oreilles. Les usines d’armement, c’est aussi l’outil de travail ça... Tu vois pas que ces diables aient la mauvaise fichue idée de s’en emparer comme on occupe une vulgaire usine de voitures... Et qu’avec leurs têtes sympatoches et leur enthousiasme et leur détermination à en finir avec toute cette grisaille d’une planète qui part à la dérive, cette puanteur qui sourd de tous les pores de notre système qui n’a que la précarité à leur offrir, ils fassent basculer la moitié des troupes à leurs côtés, comme au Portugal en 1974...
Parce que tous ces jeunes soldats étaient hier encore leurs copains de quartier... Tu crois pas que c’est la jeunesse dorée qui va accepter de jouer les comiques-troupiers à la botte pour des clopinettes...
Une révolte comme celle qui se déroule actuellement en Grèce suscite chez nous le plus vif intérêt et la plus profonde solidarité, une révolution de cet ordre en France pourrait entraîner l’Europe entière, gagner le monde... Les enfants ne suivent pas toujours le bon exemple, et j’aurais beau alors leur faire miroiter encore mon fabuleux slogan : "Travailler plus pour gagner plus", je risque de faire un sacré couac...
Le rôle d’un Président c’est de voir loin... Et tu vois Carla, si ça tournait comme ça, ce serait vraiment renversant !"
Renversant c’est le mot : pour le coup, le vrai pays vous ferait voir du pays…
A son cauchemar Mad in France, not’ Prince voudrait nous voir préférer le douteux Rêve américain. Mais s’il y a deux pays, il n’y a pas deux systèmes. La mondialisation des marchés ne peut être évacuée par un tour de passe-passe. La haute finance n’a pas de frontières pour nous faire boire la tasse et avaler sa pilule empoisonnée.
Ouvrons Le Monde deux jours plus tard. Il faut rendre la honte encore plus honteuse en la publiant, préconisait Karl Marx.
Alors publions et republions :
Dans l’édition du 12 décembre, on rêve à nouveau les yeux ouverts : En pleine crise financière, l’affaire ne pouvait pas plus mal tomber. Bernard Madoff, conseiller en investissement à New York et considéré comme étant une des légendes de Wall Street, a été arrêté, jeudi 11 décembre, et inculpé de fraude boursière pour avoir monté une fraude financière qui pourrait atteindre 50 milliards de dollars. Selon la Securities And Exchange Commission (SEC), le gendarme de la Bourse américaine, la fraude est "épique" et pourrait être l’une des plus importantes jamais perpétrées.
Theodore Cacioppi, un des agents du FBI qui s’est rendu au domicile de M. Madoff pour l’arrêter, rapporte que, confronté aux accusations, l’homme aurait immédiatement avoué. "Je lui ai dit : ’Nous sommes ici pour savoir s’il y a une explication innocente.’ Il a dit : ’Il n’y a pas d’explication innocente’.
Madoff, âgé de 70 ans, était également un ancien dirigeant du Nasdaq, la deuxième Bourse de New York après le New York Stock Exchange. Il risque jusqu’à vingt ans de prison et une amende de 5 millions de dollars s’il est reconnu coupable. Il a été laissé en liberté moyennant une caution de 10 millions de dollars (source).
Excusez-nous not’ Prince, mais chez nous, en banlieue, pour comprendre vos histoires de milliards volés entre capitalistes bcbg, nous traduisons en équivalent-mobylette.
En proportion, cette histoire signifie que si, étant un bourgeois « légendaire » de Vol Street comme le titre l’article, je vole 10.000 mobylettes (50 milliards de dollars), je risque vingt ans de prison et UNE (sic !) mobylette d’amende (5 millions de dollars). Mais, car il y a un MAIS à ces vingt ans de prison, si je verse une caution de DEUX mobylettes (10 millions de dollars), on me laisse en liberté. Très fort la justice de classe. Très très fort !
Pour les petits bourgeois qui n’ont pas de mobylettes et comptent en équivalent-croissants chapardés chez le boulanger, ne cherchez pas, c’est kif-kif. Tu piques 10.000 croissants chez ton boulanger (en clair, tu le dévalises ! ) et les keufs te libèrent si tu leur en files … 2. C’est dur, la vie de courtier en Bourse de haut vol…
Arrête de rire Camarade ! C’est pas une blague, c’est dans Le Monde ! Je te jure ! Dites donc, ce que vous nommez la « racaille », vous êtes sûrs qu’il faut aller la chercher en banlieue ?
Je m’en prends à vous Monsieur not’ Prince, mais nous sommes bien conscients que vous n’êtes qu’un rouage dans une machine capricieuse, un pion dans un vaste système capitaliste dont vous avez perdu le contrôle mais dont vous tentez de tirer le maximum en nous entraînant tous à la catastrophe. Nous nous refusons à conforter votre petitesse dans sa folie des grandeurs. Désolé donc de blesser votre ego démesuré mais, avec vos complices, vous êtes monumentalement égaux tant sur le plan de la vilenie que sur celui de l’impuissance.
Un siècle et demi après Napoléon le Petit nous revient, comme un clone dégénéré du précédent, Napoléon le Minus.
« Que peut-il ? Tout. Qu’a-t-il fait ? Rien. Avec cette pleine puissance, en huit mois un homme de génie eût changé la face de la France, de l’Europe peut-être. Seulement voilà, il a pris la France et n’en sait rien faire. Dieu sait pourtant que le Président se démène : il fait rage, il touche à tout, il court après les projets ; ne pouvant créer, il décrète ; il cherche à donner le change sur sa nullité ; c’est le mouvement perpétuel ; mais, hélas ! cette roue tourne à vide. L’homme qui, après sa prise du pouvoir a épousé une princesse étrangère est un carriériste avantageux. Il aime la gloriole, les paillettes, les grands mots, ce qui sonne, ce qui brille, toutes les verroteries du pouvoir. Il a pour lui l’argent, l’agio, la banque, la Bourse, le coffre-fort. Il a des caprices, il faut qu’il les satisfasse. Quand on mesure l’homme et qu’on le trouve si petit et qu’ensuite on mesure le succès et qu’on le trouve énorme, il est impossible que l’esprit n’éprouve pas quelque surprise. On y ajoutera le cynisme car, la France, il la foule aux pieds, lui rit au nez, la brave, la nie, l’insulte et la bafoue ! Triste spectacle que celui du galop, à travers l’absurde, d’un homme médiocre échappé. » [4]
Un certain N.B., Empereur des Français, nous a soufflé ceci mais vous n’écoutez pas. N.B., Nota Bene :
« Lorsqu’un gouvernement est dépendant des banquiers pour l’argent, ce sont ces derniers, et non les dirigeants du gouvernement qui contrôlent la situation, puisque la main qui donne est au-dessus de la main qui reçoit. [...] L’argent n’a pas de patrie ; les financiers n’ont pas de patriotisme et n’ont pas de décence ; leur unique objectif est le gain. » [5]
Voyez-vous, dorénavant « nous sommes dans un système où la monnaie n’est pas mise en circulation parce que nous avons travaillé, produit, et que nous méritons d’être payés. Non. Aujourd’hui, pour que la monnaie soit mise en circulation nous devons l’emprunter. Ainsi, la masse monétaire fait l’objet d’un recyclage permanent par emprunts et remboursements aux banques. Cela signifie qu’entre ces deux opérations la monnaie circule et que nous versons un intérêt aux banques. Si l’emprunteur est l’Etat, les intérêts sont inclus dans les impôts. Si l’emprunteur est une entreprise, les intérêts sont inclus dans les prix. Si l’emprunteur est un particulier il paie les intérêts de l’Etat et des entreprises plus ceux de son emprunt personnel. Ainsi chacun de nous est endetté malgré lui et nul ne peut échapper au paiement des intérêts. Si demain nous refusions de nous endetter, ce qui est parfaitement notre droit, il n’y aurait plus d’argent pour payer le travail. Il faudrait avoir un intellect vraiment mal construit pour accepter un pareil système en toute connaissance de cause. Les responsables politiques de tous bords ne maîtrisent plus les réalités et font de nous les victimes expiatoires de la finance. Ils portent ainsi une lourde responsabilité. Dans le système corrompu où nous sommes : les emprunts auprès des banques privées se substituent aux versements directs de la banque centrale au Trésor Public. Il nous en coûte 80 milliards d’euros par an soit plus de 2500 euros par seconde ! »(source )
Alors Mes Saigneurs, sans aigreur on vous rassure, chez nous, on ne guillotine plus. Nous sommes contre la peine de mort et ne tirons à vue qu’en cas de légitime défense, comme expliqué ci-dessus. Après occupation des usines d’armement, pour mémoire, en guise de sommation. Mais nous pourrions vous faire rendre gorge et de la belle manière. Tous ces croissants que vous et vos compères nous avez volés depuis des générations avec cette exploitation sans frein et sans honte que vous faites subir aux travailleurs, on pourrait vous les faire … manger ? Comme on dit dans vos commissariats : « Vous allez déguster ! » Aux flags, comparution immédiate et pas de caution qui tienne : dix mille croissants tous les matins au petit déjeuner !
Vous aimez vous goinfrer quand d’autres meurent de faim ? Vous allez être servis…
Souvenez-vous bien de cela : en 1788, peu se doutaient être à la veille d’une gigantesque révolution. Les tsunamis sociaux ne paraissent absolue folie qu’à ces rois et seigneurs insouciants que la vague balaie aux poubelles de l’Histoire (voir cet article).