Guy Darol : La Boîte à ooTi, votre nouvel album, n’est pas un coup d’essai. Pouvez-vous signaler quelques repères sur votre trajectoire ?
ooTi : Avec John Trap (the band), j’ai eu le temps d’apprendre entre 1999 et 2003. Une formule très rock, anglophone, qui a pas mal tourné et fait de belles dates (les découvertes du Printemps de Bourges, Les Jeunes Charrues, des cafés-concerts...). Après une pause musicale, j’ai commencé à enregistrer dans mon salon, des chansons plus pop-folk. De nouveaux repères, une nouvelle façon de travailler. Nous avons monté la formule ooTi Skulf, groupe dans lequel je chante en anglais, et avec laquelle nous avons fait la première partie de Dominique A., fin 2009 à Brest, et les Vieilles Charrues en juillet 2010. Et puis La Boîte à ooTi s’est dessinée...
Guy Darol : Deux noms sont associés à votre aventure. Qui sont John Trap et Arnaud Le Gouëfflec ?
ooTi : Thomas alias John Trap est compositeur-arrangeur et multi-instrumentiste. Il est à l’origine de nombreux disques, projets et collaborations. L’influence du cinéma dans son ensemble : sonore, visuel et musical est une des sources de son travail. Il a été marqué par John Williams, Spielberg, Georges Lucas... Il cultive aussi l’art du sample, développe les mélodies et les ambiances... Arnaud Le Gouëfflec est un écrivain et un auteur de chansons. Il a publié un certain nombre de disques depuis 1999, à la lisière de la chanson française et du rock expérimental. Il a été marqué par le rock psychédélique et le surréalisme de Charles Trénet ou par Boris Vian. Ce sont tous les deux de formidables compagnons de route ! Je voudrais aussi y associer le nom de Gilles Martin qui a vraiment travaillé nos morceaux pour magnifier toute la matière qu’on lui avait confiée.
Guy Darol : On a comparé votre chant à ceux de Cat Power et de PJ Harvey. Ce n’est pas rien. Que pensez-vous de ce raccourci ?
ooTi : Je ne sais pas... Que c’est un raccourci (rires) ! Peut-être pour tenter de plaquer des références et que le public puisse se raccrocher à une idée. Alors bien sûr cela me touche parce que ce sont deux superbes voix, puissantes (et pas que techniquement, ce qui n’aurait pour moi pas d’intérêt) mais surtout très émouvantes. Elles sont riches des fêlures, des forces, des égratignures, des joies... et là oui, je m’y retrouve ! Je suis et je reste vocalement toujours en mouvement, j’apprends de jour en jour, de mes muliples expériences. Passer de l’anglais au français a été une étape, perdre ses repères, apprendre autrement, se laisser faire, oser lâcher prise...
Guy Darol : Il est dit également que votre univers est voisin de ceux de Tim Burton et de David Lynch. Ne veut-on pas plutôt dire qu’il se rapproche des climats sonores de Danny Elfman et d’Angelo Badalamenti ?
ooTi : La filiation peut venir du rapprochement des climats sonores mais aussi le côté très visuels des textes et de la musique. Arnaud et John ont réussi à proposer de véritables petits films, des courts métrages musicaux.
Guy Darol : Comptines et charades sont des vocables que vous revendiquez pour définir les 13 chansons de La Boîte à ooTi. L’enfance est-il le noyau dur de votre imaginaire ?
ooTi : L’enfance est un conservatoire d’émotions, de couleurs, d’atmosphères, de peurs et de joies. C’est un terrain brut, passionné, exalté... un formidable terrain des possibles. La puissance créatrice et l’imaginaire de l’enfance sont des moteurs. Je suis sensible à rester en lien avec l’enfant que j’ai été et que je porte toujours en moi, sans nostalgie aucune, mais avec bienveillance et tendresse. Les chansons de La Boîte peuvent parfois faire penser à des comptines car elles ont été susurrées, murmurées comme si on était à côté de l’oreille de l’auditeur ou comme lorsque l’on raconte une histoire à un enfant...
Arnaud : Moi, je suis resté bloqué très longtemps sur les dinosaures (rires). J’avais retrouvé des figurines au fond d’un carton, et toutes les émotions qui y étaient associées m’ont sauté à la figure. Je ne m’en suis toujours pas remis ! Je crois que lorsqu’on entrouvre cette porte-là, on retrouve tout, intact, et que c’est la source de toute créativité. C’est le noyau dur de tout imaginaire, je crois, car c’est dans ces années-là qu’il puise ses racines.
Guy Darol : Par ailleurs vos chansons renvoient à la littérature médiévale et aux fantômes chinois d’un certain Ching Siu-tung. Vos contes lorgnent-ils du côté des ténèbres ?
ooTi : Disons que lorsqu’on puise dans l’imagination, on y trouve aussi des choses inquiétantes, angoissantes. Conservatoire des joies et des peurs... Un fantôme chinois, c’est une forme de peur très puissante... (rires).
Guy Darol : Au service de votre féerie vous avez invité Dominique A. Parlez-nous de cette union ?
ooTi : Nous avons été contactés (la formule anglophone) pour faire la première partie de Dominique A. à Brest en novembre 2009 par l’association Les Sonics. A cette occasion, nous lui avons fait passer les maquettes de La Boîte à ooTi. Ensuite j’ai échangé avec lui (par le biais du net) et puis nous avons découvert qu’il avait écrit quelques mots sur nous, sur son propre blog. Nous lui avons proposé à l’époque d’être le parrain de La Boîte ou de faire un duo. On échangeait comme avec quelqu’un de proche. S’il disait non, tant pis. S’il était d’accord, ça nous donnerait un poids supplémentaire. Et il a dit oui. Après une première sélection de titres, il a même retenu deux chansons, pour deux duos. Il a travaillé chez lui, nous a envoyé ses prises de voix, en disant « Voilà, vous en faites ce que vous voulez ! ». Il a fait un sacré boulot, en essayant différentes choses, en travaillant sur les harmonies, etc. Même si on n’a pas travaillé physiquement ensemble, j’ai beaucoup appris grâce à lui. C’est quelqu’un de très généreux, de bienveillant.
Collégial : On apprécie aussi sa démarche, la radicalité de son approche, dès La fossette, son premier album, la profusion de sa discographie, son côté chercheur, toujours en mouvement, et la poésie de ses chansons. On aime autant l’exotisme étrange de La Mémoire neuve, avec ses rythmes latinos bizarres, et le travail sur les samples de Remué.
Guy Darol : Emmanuel Borghi qui vient du jazz est au piano sur l’un des titres. Est-ce le signe que votre monde ne tient pas sur une seule étiquette, disons l’étiquette pop-folk ?
ooTi : Le terme "pop-folk" est un peu restrictif. Nous avons composé et écrit cet album en tenant compte de nos différentes personnalités, de nos diverses influences et de nos rencontres : pop et folk en font partie, tout comme les musiques de films, le rock, la chanson, ce qui nous entoure, nous accompagne, et nous inspire.
Arnaud : Pour ma part, j’ai toujours fait grand écart entre la chanson et le rock, surtout dans sa version bizarre et parfois expérimentale. Depuis que j’ai rencontré John Trap et ooTi, je découvre d’autres musiques, les bandes originales de film, par exemple, dont j’ignorais tout, et le principe du sampling, vraiment fascinant. On s’instruit mutuellement. C’est toujours les rencontres qui font qu’on s’ouvre à des mondes nouveaux.
Guy Darol : Qu’est-ce que l’Eglise de la Petite Folie ? Comment en devient-on fidèle ?
Arnaud : L’Eglise de la petite folie est une maison de disques souterraine et mystérieuse qui fêtera l’année prochaine ses dix ans d’existence. Elle a été inspirée par la chanson de Tom Waits, "Underground", qui évoque des gens qui vivent sous la terre, et qui sont très actifs : « They’re alive, they’re awake, while the rest of the world is asleep ». L’idée nous est venue de fonder une sorte de chapelle souterraine d’où jailliraient des tas de disques tous plus étranges les uns que les autres. On devient fidèle en allant faire un tour sur le site :
http://www.eglisedelapetitefolie.com
Ou en allant écouter nos disques sur notre bandcamp :
http://leglisedelapetitefolie.bandcamp.com
Guy Darol : Avez-vous des projets alternatifs, parallèles voire mainstream ?
Arnaud : John Trap et moi travaillons à un album en commun. Je bricole beaucoup de mon côté, et je collabore de temps en temps avec d’autres musiciens, comme récemment avec le groupe de garage Jorge Bernstein & the pioupioufuckers.
Thomas /John : Un prochain album solo, intitulé 1983 pour finir la trilogie commencée en 2007 avec 1977 et 1980 sortis en 2010. Des projets tels que Sounds and glue (collages sonores) - Wimp - un projet de dessins / chansons pour enfants avec Arnaud Le Gouëfflec (toujours), Chapi Chapo et Laurent Richard (illustrateur en direct) avec un livre disque en mars 2012 chez Coop Breizh / Beluga et d’autres expériences...
ooTi : Un album en anglais sur le label anglais White Label Music - des collaborations à d’autres univers (Ched Helias, Chapi Chapo ...) ... et on a la chance d’avoir la possibilité d’offrir aux personnes qui ont pré-commandé l’album La Boîte à ooTi un Sac à malices avec des remixes de morceaux (Delgado Jones, Purple is My Sound, Henri Wimp ...) et des inédits que nous n’avons pu mettre sur l’album.
Album La Boîte à ooTi (YY Label/Eglise de la Petite Folie)
Sortie le 20 octobre 2011
"Lili, sur le bord" - La Boîte à ooTi - Réalisation : Anne Jochum
Lili, sur le bord - La boîte à ooTi par ooTiSkulf
"L’interprétation des signes" - La Boîte à ooTi - Réalisation : John & ooTi
L’interprétation des Signes par johntrap
Live à l’Espace Glenmor - 22 avril 2011 - Réalisation : Ronan Loup
La Boite à ooTi - Espace Glenmor - Carhaix - 22... par johntrap