Inutile de résumer les faits et les causes déjà largement informés. L’extradition, démettant les bases d’un consentement réciproque sur le doute éthique, qui assortit toute cause non divine, est symboliquement inacceptable en République une et indivisible des trois principes de la liberté, de l’égalité, de la fraternité (solidarité), et représentée par chacun des trois pouvoirs séparés en France. La séparation des pouvoirs n’est pas une attribution de la division des tâches ni du travail, mais un dispositif autocritique réciproque de l’indivision des droits du peuple à chaque niveau de l’Etat, du citoyen aux institutions, une sécurité contre les abus ou les fautes visant à assurer la pérennité des garanties républicaines, que ce système constitue loin du communautarisme, pour les minorités au regard de la majorité, démocratiques.
L’extradition de Battisti bafoue la présomption d’innocence, le droit d’asile qui la connote universellement du droit relatif à chaque moment donné de son histoire (avec sa prédiction corollaire d’amnistie), le devoir d’insoumission d’un citoyen des cités du troisième millénaire devant l’infamie, par exemple devant une condamnation injuste ou des pouvoirs abusifs (comme autrefois ici même purent prendre place des génocides laissant en mémoire que tout impossible peut toujours avoir lieu), menace nos propres droits régionaux, manifeste l’inadaptation de l’Europe et de ses lois contre les cultures (ces structures que l’on veut disloquer pour mieux effectuer la domination idéologique des lobbies), inscrit les lendemains les plus liberticides à chaque niveau de l’existence, de l’activité, détruit l’émancipation de la conscience particulière et collective en pulvérisant la formation de l’autonomie critique, dissout la hauteur des points de vue qui rend les peuples inspirés, leur interdit d’inventer des solutions intelligentes face aux crises.
L’Europe depuis Schengen n’a pas été plébiscitée par les peuples régionaux dont les pouvoirs ont été les signataires, alors qu’elle bafoue des structures acquises de la paix sociale, par exemple en France ; elle n’est pas celle des droits du citoyen mais de ceux qui leur sont dérobés ; elle n’est pas celle de la paix civile mais celle du mur arbitraire des nouvelles lois entre les puissants et ceux qu’ils prétendent soumettre ; elle règne y compris en les divisant entre eux, pour faire disparaître les plus démunis de l’économie financière et des marchés de la guerre, ou du droit d’exister différemment au sein du même monde. Elle n’est de fait qu’une machine technique exécutoire à faire du fric dépendant des organisations mondiales et de la super-puissance et de ses vassaux ; il fait bon y être payé, même comme élu, et faire sa cote boursière et ses marchés internationaux en réseau. Et pour ne pas en être empêchée, elle fabrique et éduque des élites et des esclaves sans espoir.
La complicité Franco-Italienne des pouvoirs contre les réfugiés cache des tractations peu honorables, que ce soit sur le plan inter-régional, ou global européen et mondial, sur le dos des hommes.
Qu’attendent les députés français européens issus d’une tradition pacifique de la République reconstruite après la guerre d’Algérie, quel que soit leur parti, pour bouger devant de telles mesures qui révèlent soudain de mauvaises lois communes, parfaitement analysables à la lueur des expériences passées des années modernes ? Qu’attendent-ils, au moins, pour demander au Président régional, à Paris, de changer la jurisprudence européenne à travers des actes locaux non demain, mais à l’instant même où le problème des lois adaptées aux conventions élargies de l’Europe se pose. Sinon, qui pourrait nous faire croire en l’espoir d’adaptations juridiques ultérieures à l’épreuve des actes, sans attendre la révélation des plus grandes catastrophes ou conséquences annoncées par de telles erreurs ?
Ils attendent le boycott citoyen de l’Europe - l’abstention généralisée comme aux Etats-Unis ? C’est en effet une belle façon hypocrite des démocraties (la vox majoritaire d’une minorité électrice) de mettre un terme à l’accomplissement de la citoyenneté républicaine (la reconnaissance constitutionnelle des minorités y compris réduites à un seul individu sous le régime des majorités, car la chose publique est une pour tous) pour le triomphe des oligarchies - armes domestiques des pouvoirs !
Comment des lois pourraient être décrétées applicables irrévocablement avant d’avoir été corrigées à l’épreuve des erreurs révélées par leurs premières applications ? Tel est le cas de celles qui s’appliquent sans scrupule contre des réfugiés Italiens et d’abord aujourd’hui, contre Cesare Battisti.
Soutenir Battisti contre l’extradition et hanter le pouvoir de notre devoir de mémoire, c’est accomplir notre devoir traditionnel de citoyen au-delà de toute référence partisane, sinon la seule consensuelle dont ici et à l’instant même nous ne sommes pas censés ignorer la loi commune.
Qu’attendons-nous, sinon de l’énergie et de la joie pour l’Europe ?