Un éminent journaliste israélien dit qu’Israël est un État de l’apartheid
Un éminent journaliste israélien qui écrit dans Haaretz – le plus ancien et prestigieux des quotidiens d’Israël – dit qu’ « Il est temps de l’admettre, la politique israélienne est ce qu’elle est : l’apartheid » [2].
L’auteur, Bradley Burston, un chef de rubrique du Haaretz et rédacteur en chef de haaretz.com, est bien connu dans les médias israéliens. Il a dans ses poches toute la bonne foi journalistique et des décennies d’expérience des supports accomplis. Pendant des années, Burston a servi de correspondant militaire à Gaza pour le journal israélien de droite le Jerusalem Post. Plus tard, il a fait des reportages pour Reuters, l’agence de Presse internationale renommée.
Burston écrit :
Ce que je suis sur le point d’écrire ne me viendra pas facilement.
J’ai eu l’habitude d’être une de ces personnes qui posaient la question de l’étiquette de l’apartheid appliquée à Israël. J’étais une de ces personnes sur lesquelles on pouvait compter pour soutenir, tandis que les implantations coloniales et les politiques d’occupation du pays étaient antidémocratiques, brutales, et suicidaires à un rythme lent, que le mot d’apartheid ne s’y appliquait pas.
Je ne suis plus une de ces personnes. Pas après les quelques dernières semaines.
Pas après que les terroristes aient lancé des bombes incendiaires sur une maison palestinienne en Cisjordanie, anéantissant une famille, assassinant un garçon de 18 mois et son père, brûlant sa mère à plus de 90 pour cent de son corps — et que le gouvernement d’Israël décidât purement et simplement d’exclure cette famille de l’admissibilité à l’aide financière et à la rémunération accordées automatiquement aux victimes israéliennes du terrorisme, les colons inclus.
Je ne peux plus faire semblant. Pas après que la ministre de la Justice d’Israël Ayelet Shaked ayant explicitement déclaré que les jets de pierres étaient des actes de terrorisme, ait conduit à faire passer un projet de loi rendant les lanceurs de pierres passibles de jusqu’à 20 ans de prison.
La loi ne précisait pas qu’elle ne visait que les lanceurs de pierres palestiniens — il n’y avait pas lieu.
À peine une semaine plus tard, les Juifs pro-implantations d’une colonie de Cisjordanie lançaient des pierres, des meubles, et des bouteilles d’urine sur des soldats et des policiers israéliens, et en réponse, Benjamin Netanyahu récompensa immédiatement les lanceurs de pierres juifs avec un engagement de construire des centaines de nouvelles maisons d’implantation.
Voilà ce qu’est advenu le règne de la loi. Deux séries de tables. Une pour nous, et l’autre pour le jeter sur eux. L’apartheid.
Un article comme celui publié par un éditorialiste de Haaretz (souvent décrit comme l’équivalent israélien du New York Times) est un signe — un des nombreux signes — que les attitudes politiques soient en train de changer au sein d’Israël.
Burston n’est pas un anti-sioniste. Il a servi dans l’armée israélienne en tant que médecin de combat. Burston a également contribué à établir un kibboutz. Dans un article de 2010 [3] il s’identifie comme un « partisan de l’idée d’un État juif véritablement démocratique ».
Burston n’est pas non plus un gauchiste convaincu. Dans une rubrique de 2011 [4] il a critiqué les « progressistes » pour ce qu’il prétendait être leurs doubles standards envers Israël. Si l’on devait faire une généralisation, les vues de Burston pourraient être largement considérées comme représentatives de celles de nombreux Israéliens libéraux.
Néanmoins, comme beaucoup de sionistes libéraux, Burston commence à voir de plus en plus d’indices du rêve sioniste libéral métamorphosé en cauchemar.
Le glas du sionisme libéral
De nombreux sondages avaient prévu que la coalition de l’Union sioniste libérale allait gagner l’élection israélienne de mars 2015. Au lieu de cela c’est Netanyahu, le Premier ministre de la droite dure, qui fut réélu pour un quatrième terme. Quand Netanyahu achèvera son mandat actuel, il sera le Premier ministre détenant le plus d’ancienneté dans l’histoire d’Israël, ayant même gouverné plus longtemps que le fondateur David Ben-Gurion, souvent décrit comme le « Père moderne d’Israël » [5] .
Netanyahu a été réélu sur la promesse explicite que les Palestiniens n’aient jamais d’Etat indépendant. Il a aussi rempli son gouvernement d’extrémistes de droite :
– Ayelet Shaked, qui avait appelé au génocide des Palestiniens [6], a été nommée Ministre de la Justice.
– Eli Ben-Dahan, qui sert maintenant comme ministre adjoint de la Défense Nationale d"Israël, revendique que les Palestiniens « ne soient pas des humains » et les qualifie d’« animaux » [7]. Selon Ben-Dahan, « un Juif même homosexuel a toujours une âme beaucoup plus haute qu’un Gentil ».
– Miri Regev, nouveau ministre de la Culture d’Israël, maintient que les demandeurs d’asile africains en Israël (où ils font face à une intense discrimination) [8] « sont un cancer dans notre corps » [9].
« Il fut un temps où je faisais une distinction entre les politiques de Benjamin Netanyahu et ce pays que j’ai aimé depuis si longtemps », remarque Burston, « Plus maintenant. Chaque jour nous nous réveillons pour une nouvelle atrocité ».
L’apartheid « en termes israéliens »
Que signifie l’apartheid en termes israéliens ?L’apartheid signifie le clergé fondamentaliste fer de lance de l’approfondissement de la ségrégation, de l’inégalité, du suprématisme, et de l’assujettissement.
L’apartheid signifie Avi Dichter, député du Likoud et ancien chef du Shin Bet, demandant, dimanche dernier, la séparation distincte des routes et des autoroutes respectivement pour les Juifs et les Arabes en Cisjordanie.
L’apartheid signifie que des centaines d’attaques par les colons ciblant la vie, les moyens de subsistance, et les biens palestiniens, sont réputés sans preuves, sans charges – ou suspectes. L’apartheid signifie que d’innombrables Palestiniens sont emprisonnés sans procès, ont été abattus sans procès, abattus sans juste cause d’un tir dans le dos tandis qu’ils fuyaient.
L’apartheid signifie que les fonctionnaires israéliens utilisent l’armée, la police, les tribunaux militaires et les détentions administratives draconiennes, non seulement pour protéger du terrorisme, mais pour amenuiser quasiment toutes les voies de protestation non-violentes qui sont à la disposition des Palestiniens.
Le mois dernier, passant outre les protestations explicites de la direction de l’Association de la médecine et des groupes israéliens des droits humains contre la torture, Israël a promulgué la loi du gouvernement « pour prévenir les dommages causés par les grèves de la faim ». Si la vie du gréviste est en danger la loi prévoit le gavage du prisonnier même s’il refuse.
Gilad Erdan, ministre de la Sécurité publique du gouvernement Netanyahu, qui a durement poussé pour le passage du projet de loi, a qualifié les grèves de la faim des prisonniers de sécurité palestiniens, emprisonnés pendant des mois sans charge ni procès, de « nouveau type d’attaque-suicide terroriste à travers lequel ils vont menacer l’État d’Israël ».
Il n’est que dans un système aussi distordu que l’apartheid, qu’un gouvernement ait besoin d’étiqueter et de traiter la non-violence à l’égal du terrorisme.
Burston est loin d’être la seule personnalité connue qui décrive la politique d’Israël envers les Palestiniens autochtones comme un système d’apartheid.
Le leader anti-apartheid sud-africain Desmond Tutu a insisté sans mâcher ses mots : « je sais de première main qu’Israël a créé une réalité de l’apartheid dans ses frontières et dans les territoires occupés. Les parallèles avec ma propre Afrique du Sud bien-aimée correspondent amèrement, en effet » [10].
Des femmes en vue, indigènes et féministes de couleur, y compris des érudites comme la célèbre Angela Davis et Barbara Ransby, visitant Israël en 2011, rappelèrent : « on voit par nous-mêmes les conditions dans lesquelles les Palestiniens luttent contre ce que nous pouvons maintenant qualifier avec certitude comme le projet israélien d’apartheid et de purification ethnique ». Plusieurs membres de la délégation ont grandi pendant l’apartheid en Afrique du Sud , au sud des États-Unis sous les lois de Jim Crow [11], – ou dans des Réserves indiennes américaines, et ont été les témoins de situations saisissantes communes à leurs expériences personnelles propres [12] [13].
Le savant légendaire Noam Chomsky, l’un des penseurs de l’histoire humaine les plus cités [14], soutient depuis un moment que la politique d’Israël envers les Palestiniens autochtones est dans les faits « bien pire que l’apartheid ». « La nommer apartheid est faire un cadeau à la violence d’Israël », dit-il [15].
Remerciements : Traduction publiée avec l’autorisation de l’auteur.
Il s’agit d’une recension situationnelle de l’article du Haaretz du 17 août 2015 par Bradley Burston
http://www.haaretz.com/blogs/a-special-place-in-hell/.premium-1.67153
dont une version française intégrale traduite par MO est accessible depuis le 18 août
dans le site de l’Association des universitaires pour le respect de la Palestine.
Un éminent journaliste israélien dit qu’Israël est un État de l’apartheid by Ben Norton trad. L.D. is licensed under a Creative Commons Attribution-NonCommercial-NoDerivatives 4.0 International License. Based on a work at http://www.larevuedesressources.org/qu-est-ce-que-l-apartheid-israelien,2856.html.