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Quel statut pour les réfugiés de l’environnement ? 

jeudi 16 décembre 2010, par Michel Tarrier

Les réfugiés écologiques, environnementaux et climatiques, dits aussi écoréfugiés, ne sont déjà plus une catégorie naissante puisque 20 millions de personnes selon l’ONU, et 163 millions selon l’organisation humanitaire britannique Christian Aid, ont déjà dû se déplacer ou être déplacées pour des raisons environnementales.

L’effectif ne fera que croître : ce sont au moins un milliard de personnes qui devraient migrer de par le monde pour des raisons environnementales d’ici 2050. Il s’agit de groupes d’agriculteurs, d’éleveurs ou de pêcheurs, voire des chasseurs-cueilleurs contraints à se déplacer définitivement à cause de la dégradation d’un environnement devenu hostile à la survie et impropre à fournir des ressources fondamentales. Ils sont victimes de la désertification, de l’érosion, de la baisse des nappes phréatiques, de la salinisation, de la déforestation et plus généralement du réchauffement climatique. D’ici la fin de ce siècle, certaines populations des littoraux et des basses vallées seront aussi victimes de la montée des océans et des eaux.

Ces orphelins des terres occises seront évidemment de plus en plus nombreux et des gesticulations à relent d’identité nationale telles que celles du sarkozysme nauséeux seront bientôt vaines et pathétiques face aux arrivées surnuméraires.

Ces anciens cultivateurs vivriers et leurs familles, devenus réfugiés climatiques, sont tous originaires du tiers monde et ne portent aucune responsabilité dans ce qui leur arrive. Les dérèglements qu’ils subissent ont pour origine les émissions des pays du premier monde, ainsi que la gestion erronée et l’inconduite de l’agronomie néocoloniale quand il ne s’agit pas simplement d’expropriations forcées. Il faut aussi prendre en compte les incommensurables appropriations de ressources naturelles et minières commises par les colonisateurs depuis cinq siècles, lesquelles ont fragilisé et appauvri les pays du Sud.

L’engagement d’une enveloppe annuelle de 100 milliards de dollars promise à Copenhague par les Nord-Américains en guise de fonds verts pour l’aide à la réduction d’émissions des pays en développement avant 2020 ne correspond qu’à un effet d’annonce puisqu’« il s’agira de fonds publics comme privés, avec des financements innovants, dont les mécanismes doivent être élaborés afin d’atteindre l’objectif de 100 milliards de dollars annuels », avait déclaré Mme Clinton. Même chose pour le contentieux climatique européen proposé à court terme et dont les pays du Sud ne sont pas prêts de voir venir les 30 milliards. L’essentiel des sommes faramineuses proclamées par les patrons du Monde au profit des pays défavorisés correspond à un argent qui physiquement n’existe jamais. Dans les cas rarissimes où quelques sommes sont versées, elles ne sont jamais redistribuées aux populations locales et restent dans les poches des gouvernants des dits pays, hyper corrompus pour la plupart. Et d’habiles transferts de technologies toujours favorables à des malversations souterraines soldent les comptes. Dans ce contexte, il appert pour le moins qu’on n’ose plus parler de l’inique dette extérieure de ces pays insolvables par faute de développement.…

Sans statut au royaume des sans-papiers



Le terme de réfugié renvoie à une catégorie très particulière de migrants que le droit international a définis par la Convention de Genève de 1951. Ne sont concernées que les personnes victimes de violation des droits de l’homme (notion d’ailleurs assez vague et subjective), de violences politiques et d’exclusions ethniques ou religieuses, toutes catégories liées à l’appartenance à une nationalité.

Etant donné que dans les années 1950 nous pensions pouvoir faire reverdir les déserts, les atteintes au bioclimat et à l’intégrité des sols et des écosystèmes ne pouvaient figurer dans cette convention. Maintenant que nous savons que nous allons désertifier la Terre entière, il convient donc de revoir ces notions juridiques, de les actualiser en les arrimant aux nouvelles et sombres réalités afin que ces centaines de milliers de gens puissent être accueillis chez ceux qui leur ont dérobé leur climat, leurs pluies, leurs rivières, leur végétation, leurs terres arables…

La définition du statut de migrant écologique est facile à établir et à certifier. Elle devra permettre de trouver asile dans un pays nanti de la communauté internationale où les citoyens n’ont plus qu’à se pousser pour faire de la place, et si possible en faisant moins de petits… puisque nous sommes tous dans une merde noire.

On imagine comment le monde occidental va redoubler de mauvaise foi pour limiter le champ d’application d’une telle extension d’hospitalité. « Vos anciens colons, voire génocidaires, ne peuvent accueillir toute la misère du Monde », proclamera un « socialiste » d’après-demain.

En Belgique, en 2006, Philippe Mahoux a déposé au Sénat une Proposition de résolution visant à la reconnaissance dans les conventions internationales du statut de réfugié environnemental.

Ce qui est pris n’est plus à prendre. La France refoule aux frontières mais Areva, Total & Co ne se gênent pas pour prospecter et extirper en terres malheureuses.

P.-S.

En logo, la première évacuation connue d’une population entière due au changement climatique a commencé sur les îles Carteret, dans le Pacifique Sud. Le destin de ces hommes et femmes est presque passé inaperçu - seul un journaliste reporter suit sur place cette évacuation sur son blog, Journey to the sinking land.

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