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Sur "L’homme qui arrêta d’écrire" de Marc-Édouard Nabe 

dimanche 4 avril 2010, par Robin Hunzinger

C’est l’histoire d’un homme qui, après avoir arrêté d’écrire, va découvrir par l’intermédiaire d’un nouvel ami, un monde où les marques et les concepts ont remplacé l’essence même de l’être.

A travers les réflexions du narrateur (L’homme qui arrêta d’écrire), de Jean-Phi (le blogueur), et de ceux qui les entourent, le livre nous plonge avec délectation dans les années 2000. Pari réussi pour un livre de 700 pages qui pourrait en faire 7000, et qui à la manière de la série 24 heures chrono suit un narrateur pendant plusieurs jours.

Je n’avais jamais lu Marc Edouard Nabe. Je ne connaissais que le personnage télévisuel. Pas l’écrivain. La réputation, pas l’oeuvre. Un passage chez Pivot, pas le journal. Bref je ne connaissais pas Nabe.

Je suis rentré dans ce livre curieux d’abord par sa démarche : il est vendu uniquement sur la plateforme de vente en ligne que l’écrivain a créée. Lire à ce propos cet entretien passionnant dansla revue littéraire) dans lequel l’auteur déclare :"Je le fais aussi pour montrer l’inanité, à mon sens, et l’escroquerie de ce système qui s’est tellement incrusté dans les esprits des auteurs et des autres qu’ils trouvent ça normal. Il faut sortir de tous ces contrats, de toutes ces contraintes… Montrer que ce système, en effet, n’est pas inéluctable. C’est de là que vient mon analyse historique. Celle que j’ai étudiée, depuis Hugo recevant Lacroix à Guernesey pour Les Misérables et lui octroyant 50 % pour qu’il soit l’imprimeur-éditeur-libraire des Misérables. Et puis ensuite ça s’est développé et ça a régressé pour en arriver à la fin à 10 %, à partir de Gallimard, en gros en 1913. Le même Gaston qui dit aux auteurs : « D’abord je veux les droits des livres suivants et votre exclusivité, puis je vous donne 10 % parce que j’ai des frais, signez là ! » Et on a laissé ainsi le terrain se laisser manger par le système éditorial qui fait que l’auteur se retrouve comme aujourd’hui avec ces miettes alors que l’éditeur garde ses droits pendant soixante-dix ans après sa mort. Enfin, vous connaissez. J’ai étudié ça et je me suis dit que ça ne pouvait pas continuer indéfiniment de cette façon. Il fallait bien que quelqu’un siffle la fin de la récré pour les parasites."

Mais au-delà de la démarche, j’ai découvert un écrivain qui écrit depuis plus de vingt ans.

Le livre nous parle donc d’un homme qui a arrêté d’écrire. Il vient d’être viré. Il n’a plus d’éditeur et plus beaucoup de sous devant lui. Il est comme un homme qui découvre le monde, un candide qui part à l’assaut d’une ville, Paris, avec un regard neuf, drôle, presque enfantin.

Dans une rue, un jeune homme le reconnait. Jean-Phi, un jeune blogueur qui conçoit aussi des jeux vidéos et qui détient pour quelques heures le premier manuscrit du Voyage au bout de la nuit de Céline. Par son intermédiaire, le narrateur va découvrir un monde halluciné fait de jeux vidéos qui suppriment la conscience, de jeunes gens nés dedans et dans le net. "Pour nous les jeunes, Internet remplace à la fois notre mémoire et notre culture.", dit Jean-Phi. "Le savoir à la carte, c’est ce qu’il fallait à l’homme. Selon ses besoins du moment. Ta génération, et je ne parle pas des précédentes, s’est mise des tas de trucs inutiles dans la tête et dans le coeur. L’intelligence ce n’est plus de savoir des choses mais de savoir comment les trouver rapidement. Un moteur de recherche, ça vaut un cerveau."

Ou encore : "Pour les gens de ma génération, 2001 ce n’est pas le 11-Septembre, et toutes ses conneries de terrorisme, de lutte contre le terrorisme, mais l’avènement de la téléréalité en France. Regarde comme c’est beau, comme c’est vrai."

Le risque de "l’homme qui arrêta d’écrire" serait d’être juste un livre à la mode, comme ces passages à propos de soirées et de personnages connus qui ressemblent plus à un carnet mondain qu’à de la littérature.
Tous les lieux à la mode il y a quelques années y passent - du Baron au Mathis, en passant par le palais de Tokyo et l’hôtel Amour. A l’intérieur starlettes côtoient acteurs et animateurs TV. On s’interroge sur la volonté de Nabe à vouloir présenter ainsi ce "tout Paris" télévisuel ? Que restera-t-il de ces passages du livre dans quelques années, lorsqu’ils seront tous oubliés ? N’est-ce pas juste de petites histoires qui se racontent plaisamment ? Heureusement l’ambiance de ces scènes est hallucinée, rêvée, voire cauchemardesque, et très vite on oublie de qui on parle, pour ne retenir que le portrait d’un galeriste ou d’un vieil acteur dans sa loge.

Nabe est celui que le milieu hostile de l’édition déteste et qui regarde ce même milieu avec humour.

Il balance :

J. "est devenu tout ce qu’il détestait dans notre jeunesse : un homme de lettres parfaitement intégré, apprécié par les vieilles névrosées du sixième arrondissement, et qui pond tous les ans pour la rentrée littéraire un roman encensé d’avance par les critiques les plus abjects..."

Ou encore ...

J. "se croit sorti d’affaire parce qu’il a pris un agent. Toujours le même, le fameux Samuelshon, celui des Angos, Houllebeckq, Asouline.... La nouvelle mode de l’agent...Agent de quoi ? de la circulation, de la sécurité, de change ? De tout sauf de l’auteur."

C’est souvent très bien senti :

"Un roman, c’est bien pratique pour faire passer toutes ses dégueulasseries narcissiques, ses intimités minables, toute sa broquante de fantasmes psychanalysables, psychanalisibles, psychana-illissibles. L’art romanesque est superfétatoire, ce qui compte, c’est de pondre son oeuf. Plus il est dur, mieux c’est. La mort d’un enfant c’est le succès assuré. Que ce soit vécu ou pas, raconté trash ou soft, par un homme ou une femme, du moment qu’ils sont bien tous, "de lettres", ça passe, même si c’est à gerber."

Les people risquent de s’arracher le livre pour savoir ce que l’écrivain raconte sur eux. Mais ses pages sont juste faites pour qu’on parle du livre dans les salons, qu’on s’interroge sur comment l’écrivain a écorché votre nom. Il s’agit juste de marketing. C’est malin, bien vu en terme de stratégie éditoriale, mais ce n’est pas de là que le livre prend sens. Heureusement L’homme qui arrêta d’écrire n’est pas uniquement un guide du Paris in. Vite on retrouve de vrais personnages comme dans cette scène hallucinée, où le narrateur et Jean-Phi croisent un vieux clochard qui sent la fleur d’oranger.

" J’en veux pas à ton oseille, fils ! lui répond le clodo. Je suis riche ! Je suis le gardien de la mémoire des martyrs de la Butte, Patachou, Mouloudji, Brasseur ! Tout le quartier m’appartient..."

Là, Nabe reprend toute sa puissance et son souffle.

Ce livre est passionnant quand il questionne l’époque, le regard de différentes générations sur le virtuel, le réel, l’amour, et le désir (réel) face à l’immédiateté du virtuel. Peut-on encore désirer quelque chose qu’on peut tout de suite obtenir ?

"Moi quand j’avais dix-huit ans, je n’avais pas Internet, lui objecté-je. J’étais obligé de prendre le train de ma banlieue, puis de faire la queue devant la bibliothèque de Beaubourg, pour y passer des heures à farfouiller. Je ressortais avec quelques photocopies rayées de poèmes, de textes, je partais frustré de ne pas avoir réussi à trouver ce que je voulais. J’étais obligé de faire des pieds et des mains pour obtenir une cassette pourrie, un bout de vidéo, un morceau de revue... Evidemment je suis conscient que c’est beaucoup mieux de l’avoir tout de suite, mais uniquement pour ceux qui savent s’en servir et qui en ont vraiment, non seulement besoin, mais envie. J’espère que Google n’enlève pas l’amour énorme qu’il faut à un jeune homme pour chercher tout ce qu’il rêve de trouver. C’est juste que je crains que la facilité annule l’amour, car pour savoir bien utiliser une connaissance, il faut qu’il y ait de la passion prise dedans comme du chocolat dans un BN. "

La cinémathèque de Chaillot va fermer. C’est la dernière séance, puis la fête. "Ce soir, Langlois et Rouch feraient un carnage, au milieu de cette surboum de post-pubères ineptes, ignorants du cinéma qui ne palpitent pour rien, ne voient des films que comme des films, sans aucune magie. Ils les auraient maudits comme ils le méritent."

A la fois féroce, décalé, étonné et ironique, le narrateur arrive à tenir le lecteur, à le faire réfléchir, à le happer dans le tourbillon de ses idées. "L’homme qui arrêta d’écrire" n’est pas un livre écrit : "Il est pensé. C’est un livre non écrit." On suit le narrateur, ses pensées, ses obsessions, on rentre dans sa tête, on hallucine avec lui. Son écriture a un souffle incroyable.

Pour terminer, Nabe a choisi internet pour diffuser "L’homme qui arrêta d’écrire". Il s’agit d’un livre papier et non un fichier numérique. Toute la différence est là. Prendre ce qu’il y a de mieux dans internet, pour en faire un vrai livre, un livre de chair. Chapeau.

P.-S.

Livre à commander uniquement sur la plateforme de l’écrivain : http://www.marcedouardnabe.com

Lire les 25 premières pages ici en flipbook

Lire aussi le numéro 44 de La revue littéraire.

6 Messages

  • Merci pour ce papier !

    Nabe, une sacrée personnalité littéraire dont la plume ne désempare pas de ses engagements, le Jean-Edern Hallier éditeur et peut-être est-ce lui qui commença à en révéler le potentiel y croyait fort et au départ il l’a beaucoup soutenu (il faut dire réciproquement que ce n’était pas simple à assumer — mais enfin Hallier c’était le co-fondateur de Tel Quel avec Sollers il ne faut pas l’oublier), même si voir son protégé voler de ses propres ailes put l’agacer un peu de se voir vieillir et de ne plus être le maître... Je les ai croisés ensemble à la fin de L’Idiot International dont je me demande même si Nabe ne fut pas le secrétaire de rédaction (à vérifier)... C’étaient vraiment deux bagarreurs provocants et solidaires contre vents et marées et toujours taxés de soupçon de droite ou d’extrême droite — que nenni étant plus complexe philosophiquement parlant de la littérature et lié aux écoutes de Jean-Edern par l’Elysée dont il dut se défendre : rumeurs procès (autant Le Pen que Lang) ont eu la peau de l’éditeur Hallier et peut-être aussi de sa vie exténuée par la haine qu’il suscitait. —

    Puis Nabe cavalier seul d’écriture au moment où Hallier passa au show télévisé — mais où il l’invita — poursuivit de faire virulemment critique dans l’édition, avec un très beau réseau d’amis parmi lesquels Jean-Jacques Schultz, me semble-t’il, et grand au résultat, toujours cette libre énergie si dure à suivre comme une éthique, quand il eut été facile de vivre des rentes d’éditeurs sur la piste desquelles il fut à un moment et où il aurait également pu s’engager. Seulement voilà, il fait les choix de la rupture au titre de laquelle il ne pourra jamais être considéré comme un opportuniste. Tous ses livres ont quelque chose de puissant, de sulfureux. Mais ce dernier est-il sans doute le plus puissant de tous, puisqu’il se passe d’éditeur...

    Il ne faut pas rêver davantage sur le fait qu’un tel acte ne fonde sa puissance que dans le fait d’avoir été une star d’éditeur et de s’y être dérobé ou y étant finalement détruit d’en avoir fait la force de son émergence (j’ignore la véritable situation, qui est peut-être exposée dans ce dernier livre). N’importe quel inconnu de la Presse littéraire ou critique des colonnes culturelles des grands journaux ne pourrait s’y adonner avec force... Mais ça viendra peut-être avec le buzz ?

    Grand écrivain français actuel.

    Lui-même a beaucoup soutenu le démarrage de la revue Cancer ! (Rédacteur en chef Bruno Deniel-Laurent — voir lien), qui d’après moi est de son côté une personnalité singulière, diverse et remarquable.

    Voir en ligne : http://www.brunodeniellaurent.com/o...

  • > Que restera-t-il de ces passages du livre dans quelques années, lorsqu’ils seront tous oubliés ?N’est-ce pas juste de petites histoires qui se racontent plaisamment ?

    Un peu comme ce qu’il nous reste à la lecture de Proust... ?
    Ce sera déjà pas mal, non ;)
    Peu importe les personnes réelles, elles finissent par mourir, les personnages littéraires qu’elles ont inspirés, eux restent vivants.

    Rester vivant... un autre des riffs (leitmotiv) de L’Homme !

    Voir en ligne : http://tillybayardrichard.typepad.com

    • Sur "L’homme qui arrêta d’écrire" de Marc-Édouard Nabe 4 avril 2010 22:21, par esclave-non esclave

      Sur les droits d’auteur j’ai quand même quelque chose à ajouter : ce serait simpliste d’interpréter l’interview de Nabe au premier degré. Oui pour Galllimard oui tout cela est vrai et oui ça commence en 1913... Mais...

      Justement Nabe parle de ses contrats avec les éditeurs vectoriels auprès desquels il a traité et aussi peut-être ds moins grands qui ne l’auraient pas réédité ?

      Pourquoi fut-il aussi bête ou naïf lui-même alors qu’il était pourtant bien informé par Hallier, et pourquoi s’y serait-il laissé prendre ? Il a publié chez Gallimard, mais encore la taille en-dessous qui n’est pas tout à fait pour rien : La Dilettante, Léo Scheer.

      http://www3.fnac.com/search/quick.do?text=Marc-Edouard+Nabe&category=book&subcategory=1&posted=false&filter=0

      Il a un côté provo (dans le sens anarchiste des néerlandais) à fond, qu’il a toujours eu.

      Dans ce cas des droits, il suffit de dire que s’il l’a fait bien sûr parce qu’il y avait intérêt ! Comme tous ceux qui s’y prêtent (qui ne sont pas des imbéciles pour autant).

      En quoi ? Et bien ces contrats avec des éditeurs vectoriels ou qui appliquent les principes des avances garantissent un nombre de tirage bien au-delà des 200 ou 500 minimums et attribuent aux auteurs une prime d’édition (pas toujours mais souvent) plus des montants préalables avancés sur leurs droits.. Cela signifie que les auteurs n’ont pas besoin d’attendre que les livres se vendent et s’ils ne se vendent pas les avances données ne sont pas récupérables sur les retours (qui vont au pilon — qui ne seront donc jamais remis en vente).

      Souvent c’est même cela qui aide l’auteur à vivre pendant qu’il écrit le dit livre, des avances successives sur les droits et encore une couche au moment de la sortie du livre.

      Ces auteurs signent un contrat (du moins le modèle conseillé par le CNL et la SGDL est lisible en ligne par tout le monde et on voit mal la SGDL défendre des auteurs qui ne respecteraient pas les propositions contractuelles conseillées) dans lequel il est précisé que l’éditeur doit tout faire pour promouvoir le livre en France et à l’étranger — pour vendre les droits de traduction à l’étranger — : si l’éditeur ne le fait pas c’est une des clauses légales de rupture par les auteurs...

      Cette clause de promotion en matière simple de pub, on voit où elle mène : la communication dans la Presse, à la télévision, la présentation dans les salons, etc. à quoi il ne faut pas oublier d’ajouter le nom de la maison d’édition qui selon son prestige est apporteur de promotion... Là encore on comprend mieux pourquoi les auteurs sacrifient aux éditeurs vectoriels ou aux éditeurs connus ;-) Ce qui signifie des ventes.

      Sur l’exclu des grands éditeurs : c’est plus nuancé que Nabe le dit ; là encore il caricature la situation — certes à juste titre dans son cas, on ne le mettrait pas en doute — mais là il s’adresse aux autres auteurs, je veux dire :

      il y a toujours plusieurs clauses de levée possible de l’accord ou de renoncement de part et d’autre dûment informées dans le contrat.

      Sur les droits de 70 ans si les auteurs disparaissent les héritiers sont bien pires que les éditeurs (vous savez, les veuves et les veufs...) qui ne veulent rien lâcher quand les éditeurs sont prêts à capituler sur les rééditions. Vous n’avez qu’à voir le cas de la veuve de Debord qui ne sait plus comment faire pour valoriser le dernier poil de barbe resté dans le bol fétiche de la salle de bain. Et pour ne pas en citer d’autres avec lesquels cela pourrait me fâcher :( Et de plus en révisant souvent le sens général (je parle bien aussi des veufs..)

      C’est pas si simple comme on voit, mais bien sûr quand un auteur ne laisse pas d’illusion sur le fait qu’il ne se vende pas, alors s’il trouve quand même un éditeur vectoriel pour s’occuper de lui et bien le tirage et les avances ne seront pas assez valables pour que ce genre de contrat résiste au-delà d’un échec.

      Pour les petits éditeurs indépendants qui ont des auteurs souhaitant avoir un contrat d’éditeur et pour cela qui accepteront de ne pas recevoir d’avance sur les droits ; dans le cas des indie ils ne peuvent pas en même temps donner une avance sur les droits et garantir l’investissement d’un petit stock par contrat... donc il y a des choix. Mais il y a des limites du temps de recours souvent bien inférieures à 50 ans, qui assortissent ces contrats ;-)

      Enfin, par contrat, un ouvrage épuisé non réédité dans les deux mois suivants prive le petit éditeur de ses droits contractuels : l’auteur reprend la pleine propriété de son ouvrage, sauf accord particulièrement amical face à une situation difficile de l’éditeur où l’auteur décide délibérément de le soutenir ; ça c’est un cas pas tout à fait particulier des contrats d’éditeur indie avec les auteurs ;-) Donc on est bien loin d’avoir la propriété d’un texte pendant 70 ans... et de toutes façons si l’auteur trouve un éditeur plus offrant tous les contrats se rachètent au prix des investissements qui ont déjà eu lieu — du moins pour les indie.

      Si les choses étaient si simples tous les auteurs s’auto-publieraient. Il me semble qu’il y a un ton de pamphlet et de brulot dans les réponses de Nabe qui n’est pas passé à sa juste mesure...

      Les candidats à l’édition auteurs ou nouveaux éditeurs avant de faire de la réponse de Nabe un cas général devraient se poser la question de savoir à quoi peut servir un éditeur. S’il ne sert à rien sinon à prendre de l’argent à l’auteur en effet il vaut mieux s’en passer.

      Une idée ? Le stock des livres ne permet pas de rendre lucratif le fait d’éditer des petits tirages qui demandent un investissement, auquel suit l’absence de distributeur qui pourrait éponger le coût de production en achetant le stock, car il faut au moins 2000 exemplaires pour en intéresser (1000 aux plus généreux), et donc ajouter les frais de vente de comptabilité et d’expédition... Il faut bien savoir qu’éditer dans ce cas est un art en part maudite, car les rééditions coûtent aujourd’hui le même prix que le premier tirage... (+ le stock contractuel).

      Alors qu’autrefois c’était l’inverse ; en offset plus on retirait moins le coût de production était élevé... d’où les droits ascendants des auteurs à chaque retirage (de 12 à 14% sur les deux premiers retirages sauf accord particulier, or aujourd’hui nous ne sommes plus dans ce cas même si la clause poursuit de jouer dans les contrats des vecteurs).

      Dans son cas oui, très certainement il était temps de faire autrement mais il pouvait se le permettre après l’accumulation des expériences d’édition et sa propre capacité de promotion.

      A part ça il est bien vrai que le statut du livre change tout simplement parce que les coût de production et le nombre de vente des livres ne sont plus ce qu’ils étaient — sauf les ouvrages de journalistes (puisqu’ils s’auto-promotionnent dans le cadre de leur réseau d’activité ;-) et parce que le numérique permet de tirer à l’unité de l’exemplaire pour un coût respectivement plus élevé mais qui ne demande pas d’investissement. Donc les auteurs peuvent s’auto-éditer sans frais particuliers s’ils le font sans copyright (apr exemple sous Creative Commons, sinon ils doivent acheter un copyright).

      Cela peut aussi très paradoxalement signifier la fin des grands auteurs... le tout allant de pair avec le virtuel et pas du tout pour la raison que l’on croit.. autre sujet qui demanderait plus de développement ;-)

  • On va faire bref, ce qui n’est pas le cas de Nabe. On ne va même pas citer ses accointances douteuses quoi que bruyantes avec un vieux fond de pensé réac quand c’est pas pire. Mais on va dire que l’on très déçu de voir un tel papier ici, où l’on croyait avoir des critiques ayant des yeux pour lire. Depuis des décennies (2 ? 3 ? depuis les textes chez B.Barrault), Nabe est un flot de lieux communs qu’il tente de transformer en "pensés" en prenant les autres pour des incultes. La dernière trouvaille qui déchaîne votre admiration étant que ce livre "n’est pas écrit, il est pensé" (Flaubert doit se marrer cela fait un joli ajout à B&P) ! Doux jésus !
    Mais une vérité : il n’est pas écrit.
    Le fait est, cela pourrait durer 7000 ou 20 000 pages. C’est le propre des logorrhées. Et toujours cette vieille rancœur de Nabe contre le travail d’édition qui ne saurait exister (Il faut l’avoir vu insulter les-dits éditeurs pour oser émettre un doute sur une de ses phrases ou sur ses désirs d’à valoir), mêlé à cette nauséeuse fascination du people. Tout cela est aussi répugnant qu’une mauvaise haleine.
    Vous parlez "d’une écriture d’un souffle incroyable". Ah oui ? Où ? Quelle citation ? En quoi ? Je n’y vois que le ressassement de l’aigreur ordinaire de celui voulut être grand et ne l’est pas, le ranci d’un univers sans imagination et à la chair triste. Ses rodomontades de déjà vieux devant une génération qu’il ne comprend pas, combien de fois ne les a-t-on pas déjà lu et comme elle sonne bien avec l’esprit (réac encore) du moment ?
    Nabe est un faiseur de petits points et si l’habit fit un jour le moine, assurément, Nabe est, là, maître de cet art.
    Trouver dans ce site aussi peu de discernement critique sur un texte qui n’est analysé en rien, ni une phrase, ni une posture, où les affirmations de Nabe deviennent des vérités éblouissante, pardonnez moi cette franchise, mais c’est du travail critique de midinette. Du "j’aime, j’aime pas" comme on trouve partout. Et ce n’est pas réconfortant.

    Voir en ligne : L’homme qui…

    • Sur "L’homme qui arrêta d’écrire" de Marc-Édouard Nabe 5 avril 2010 12:39, par esclave-non esclave

      NB / sur le commentaire précédent, une précision pour les lecteurs qui ne sont pas informés de l’édition : "à-valoir" est le terme technique pour les fameuses avances sur les droits (c’est le vrai terme).

      Monsieur djbalt je trouve y va fort sur les contenus et le style de Nabe c’est à dire oui en partie : et alors ? En quoi ce ne serait pas une matière éditoriale honorable ?

      Les quêtes de vérité contre les auteurs pamphlétaires sont toujours aussi douteuses à mes yeux que les contenus reprochés...

      Dire qu’il a un fond réac instruit que l’idée n’en confirme pas nécessairement les gestes. C’est toujours le même truc, il est réac : mais pourriez-vous exactement dire en quoi là aussi avec "citation" et actes politiques à l’appui ?

      On n’accuse pas quelqu’un de ces choses là en insinuant sans donner ses sources des sources qui ne réécrivent pas les ouvrages en extrayant des phrases de leur contexte, comme cela a été fait contre Baudrillard par exemple — critique altérophobe monstrueuse

      ... et de toutes façons ce n’est pas un argument littéraire contre une personne dont on conteste la qualité symbolique...

      Moi je pense que Nabe est un écrivain para-médiatique, singularité de son temps tel qu’il est, il n’a pas à être quelqu’un d’autre et d’ailleurs ce qu’il écrit c’est ça tel que vous le dites d’une certaine façon et sans qu’il le cache...

      Autrement pour le reste de ce commentaire oui je suis bien d’accord. Mais les gens changent aussi.

      • De plus sur cette base : celle de la caricature radicale de l’édition donnée par Nabe, je le répète elle n’est pas fausse pour Gallimard.

        Il n’y a qu’à voir le comportement vectoriel de cet éditeur face aux éditions numériques libres des ouvrages tombés dans le domaine public, et là je parle bien de sa demande abusive de retrait des contenus de wikisource au nom de "la culture française appartient aux français", pas de son procès contre Google, parce que Google en effet est en train d’installer un commerce des ouvrages du domaine public, donc il n’aide pas le processus du développement gratuit de la culture sur la base du sponsoring des digitalisations comme le faisait MSN auprès des bibliothèques d’université étrangères (y compris pour ds auteurs français), mais pour produire des ouvrages numériques propriétaires exploitables commercialement : ce qui est un pur scandale. Car Google prenant peu à peu la place de MSN ces digitalisations (les plus moches en outre) seront les seules disponibles sur le web.. et par conséquent peu à peu : adieu la culture gratuite, il n’en restera que des appâts, des leurres (des fragments pour créer la pression de l’achat donnant accès à l’intégralité comme cela se passe déjà en France pour des contenus actuels, dans les supports de Presse y compris ceux se disant de gauche comme Mediapart par exemple) !

        Mais il y a d’autres éditeurs vectoriels qui jusqu’ici ne sont pas sur ce sale coup, il faut quand même le savoir... Grasset par exemple est dans un sans faute sur la question du domaine public de son fonds, non seulement parce qu’il ne capitalise pas ses fonds tombés dans le domaine public pour ne rien en faire sinon les garder en gisement... parce qu’il réédite peu à peu son fonds Fasquelle dans "Les Cahiers rouges", édition peu chère (et par là il poursuit la mission culturelle de l’éditeur), mais de surcroît il actualise ces textes sans priver d’autre part du libre accès aux éditions originales quant à elles totalement libres de reproduction, les maquettes (étant des créations) étant elles aussi tombées dans le domaine public en même temps que les textes.

        Donc oui, il reste des éditeurs qui font leur boulot collectif par rapport à leurs archives et d’autres qui ne le font plus, qui sont devenus purement et simplement vectoriels (ce qui repose sur l’octroi (mettre une barrière) pour prélever la taxe au passage...

        Les téléchargements de livres sous DRM sont bidons — de pures escroqueries sur le produit —, puisque les acheter ne permet pas d’en faire quoique ce soit pour travailler, même pas en recopier des fragments ni les annoter sur les feuilles virtuelles, sauf ajout de frais énormes d’impression en nombre de feuilles de papier et d’encre pour les imprimer en version domestique, et cela ne comprend pas les frais de prothèses techniques individuelles en amont).

        Quant aux droits de Hugo et de son imprimeur-éditeur, c’était une chose que Hugo étant en exil risquât simplement de ne plus être édité dans d’autres conditions en France (il aurait pu l’être en français depuis l’Irlande à l’époque mais bon... lui il visait une lecture populaire française).

        Aujourd’hui, le droit d’auteur concédé par un nouvel éditeur qui publie les livres à l’unité donc sans investissement de stock ni de frais de maquette, mais qui de plus ne s’occupe pas des expéditions des commandes à l’unité (étant la proposition de service des nouveaux imprimeurs vectoriels des livres physiques réalisés sur des presses numériques que de s’occuper des expéditions livre par livre : au commencement était l’imprimeur-éditeur, à la sortie est l’imprimeur-distributeur) n’est pas comparable, radicalement en rien, à celui d’un contrat d’éditeur traditionnel avec un auteur — si singulières pourraient en être les conditions.

        Et donc dans ce cas oui, les droits d’auteur devraient au moins équivaloir ceux gardés par Hugo : 50% — au titre de quoi la boucle serait bouclée.. À charge de 50% pour l’éditeur, pour le service rendus de trouver l’imprimeur-distributeur après avoir monté le livre (production gratuite mais néanmoins chiffrable en temps passé, pouvant être considéré non pas comme un apport gratuit mais à valoir sur les droits d’auteur).

        Sinon, quand je dis 50%... et là bvoyez comment fait Nabe, débrouillez vous sans éditeur si vous êtes capables de produire la maquette digitale de votre livre !

        Tout ça pour dire que chacun voit midi à sa porte. mais la bagarre sera dure parce que The revolution will not be digitalized, will not be digitalized... et comme tout sera digitalisé, autant dire...

        Il n’y aura plus d’auteur symbolique sur un web commercialisé. A quoi il faut ajouter un autre problème d’existence posthume des oeuvres comme de la mémoire des auteurs mais j’y reviendrai ailleurs.

        Ou ce sera très éngimatique — remontant au temps où la biographie n’était pas un support de réflexion accompagnant nécessairement les ouvrages, comme aujourd’hui où l’histoire plutôt que le sens symbolique des contenus nous dévore — pour les contenus ou les auteurs qui resteront à pouvoir affleurer depuis les banques de données (alors pourvu que les requêtes sensible des moteurs de recherche se poursuivent) — où ce sera l’immense pilon virtuel des auteurs et de leurs oeuvres sinon mille fois recyclées en fragments sans provenance recollés dans les textes les plus actuels.

        Je ne prends pas partie ici, mais je dis : avec leurs correspondances en email, voici la fin des auteurs annoncée. Ce n’est pas seulement la nouvelle de Henry James "L’image dans le tapis" qui bientôt n’aura plus d’objet pour les critiques littéraires, mais encore le combat éditorial en temps réel de création tel celui de Nabe n’est probablement pas une renaissance de l’auteur, mais provenant de l’effet d’une liquidation générale dans laquelle chaque auteur tente une émergence.

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