Renault-Nissan : vers la voie du divorce ?
Il a fallu des mois de discussion, mais finalement, la restructuration de l’Alliance Renault-Nissan est actée et finalisée le 6 février à Londres. On en connaît les principaux traits. La firme au losange qui détient 43% du capital de Nissan, n’en détiendra bientôt plus que 15%, tout comme aujourd’hui Nissan, bref, une nouvelle participation croisée basée sur l’équivalence. S’ajouteront également des droits de vote qui seront les mêmes pour les deux firmes alors que jusque-là, ils étaient en faveur de Renault. Cette répartition inégale se justifiait pleinement en 1995. Nissan alors bord du gouffre ne pouvait rien refuser à son repreneur. Cette reprise si elle a effectivement sauvé la firme japonaise de la banqueroute, a cependant en même temps généré un profond sentiment d’injustice chez Nissan et de dépit d’avoir à se tourner vers une firme étrangère et qui plus est française !
Une fois que Carlos Ghosn a remis Nissan à flot, la firme japonaise est devenue en effet, au fil des année plus importante et plus profitable que son partenaire. Dès lors Nissan n’a eu de cesse de demander un rééquilibrage qui sous-entendait en fait une alliance moins invasive. Pour en arriver là, il a fallu se débarrasser de Ghosn qui lui au contraire, projetait de fusionner davantage les deux groupes. Le plan ourdit contre le capitaine d’industrie français, a abouti en 2018 à sa rocambolesque arrestation et fuite. Comme un seul homme, la presse, l’opinion publique, a crié haro sur le baudet, et a eu tôt fait de transformer le franco-libanais de héros redresseur de Nissan, en paria, en criminel, dans un de ces retournements surprenant à 180 degrés dont le Japon a le secret, qui émaille son histoire et dont maints exemples pourraient-être évoqués.
Dans le camp français on voit cette Alliance reconstruite comme le début d’une nouvelle dynamique, car il faut bien savoir que les deux constructeurs n’ont jamais atteint à une vraie synergie industrielle. On en veut pour preuve que Nissan dans cette nouvelle alliance, investira dans Ampère, l’entité électrique et de Logiciel auquel croit profondément Luca De Meo pour faire face au virage de l’électrique en Europe Mais au vrai, Nissan lorgne avant tout vers le marché américain et chinois et ne croit pas trop à l’Europe dans l’électrique. En outre, comme l’explique le quotidien conservateur Sankei, Nissan se méfie des nombreux nouveaux partenariats de Renault, comme l’américain Qualcomm ou le chinois Geely avec lesquels des transferts de technologies pourraient avoir lieu.
Dans le camp japonais le discours est tout autre. D’abord, rappelons-le, même si Nissan s’est redressé avec Carlos Ghosn, le groupe japonais n’a jamais vraiment accepté sa reprise par Renault, ayant au demeurant à l’origine fait appel au groupe allemand Daimler qu’il considérait comme son équivalent sur le plan technologique dans la tradition d’une image de l’Allemagne puissance industrielle au contraire d’une France perçue comme à la traîne. La pilule avait-été dure à avaler en 1995. Aujourd’hui, Les médias nippons comme par exemple les chaînes de télévision TBS, NHK, mais aussi les quotidiens, se retrouvent sur la même longueur d’onde pour considérer que cette alliance efface tout simplement une injustice, un traité inégal, expression qui ne peux que nous rappeler le combat mené par le Japon de Meiji pour effacer les « traité inégaux » imposés par les puissances occidentales lors de l’ouverture forcée de l’archipel dans la deuxième moitié du XIXe siècle. A Yokohama, siège de Nissan, on considère qu’il s’agit là d’une étape importante pour que la firme japonaise retrouve en fait son indépendance après plus de vingt ans de partenariat. Sur la lancée et avec le temps, il se pourrait que cette nouvelle alliance sonne donc au final, le glas des relations entre les deux partenaires. Un divorce que semble souhaiter Nissan, dans un futur peut-être assez proche.