Lorsque je suis arrivé ce matin à Abidjan, j’ai eu un véritable mouvement de recul. Le boulevard de l’Aéroport puis le boulevard de Marseille me semblaient sans fin. Longue autoroute dans la ville béante. Fumée des poubelles et des détritus brûlant à même la chaussée. Puis la fumée noire s’échappant des taxis. Une odeur de pneus brûlés qui prend les bronches et qui donne envie de vomir à n’en plus finir. Une odeur âcre, qui prend jusqu’aux tripes. Abidjan, 6 heures du matin.
- Abidjan
Etrange impression de se retrouver dans un lieu déjà connu. Les panneaux indicateurs sont les mêmes qu’en France, fond blanc et écriture noire. Mêmes formes, mêmes noms. Sur les enseignes publicitaires on lit « Orange », « Hipopotamus ». Seules les plaques d’immatriculations des voitures sont différentes. Bleues.
Treishville. Nous passons à côté du Palais de la culture avant de traverser le pont Charles de Gaulle pour rejoindre le Plateau via le boulevard de Gaulle. La baie de Cocody semble avalée par les détritus. Nous bifurquons enfin vers le boulevard François Mitterrand avant de prendre quelques routes détournées près de l’hôtel du Golfe. A droite comme à gauche des casques bleus semblent encore endormis. Assis sous des baches noires, entourés de sacs de sables, on sent chez eux une léthargie qui rassure. Soudain un panneau au milieu de la route : « Attention zone rouge, danger tirs, traversée interdite. » Le taxi roule à plus de 150 en pleine ville frôlant passants et vélos. Etrange impression de déjà vu, ailleurs, à Sarajevo sur l’avenue du maréchal Tito. Ici, des barbelés ont étés posés de chaque côté de la route dans de jeunes plantations horticoles.
Soudain la route n’est plus qu’une piste chaotique remplie de trous d’eaux. Le taxi s’engouffre dans ses flaques gigantesques alors que les passants essayent de passer le long des murs afin d’éviter l’eau qui recouvre tout. Maintenant les rues n’ont plus de noms. Nous sommes dans le quartier Riviera 3. J’essaye de retenir quelques points centraux pour me repérer. Un pick up sur lequel on a dressé une mitrailleuse nous dépasse. Des hommes sans tenue sautent du véhicule pour rejoindre un maquis. L’atmosphère me semble tout à coup hors contrôle.
Dans le taxi la femme de Norbert dit Ange tente de faire la conversation mais nos yeux, nos pensées sont happés vers l’extérieur. « Merde » me dis-je, « c’est ici que je viens pour 3 semaines. Je suis complètement malade ».
- FRCI