(Au haut de la page du titre) - Hippolyte étendu sans forme et sans couleur.)
Janvier
Lundi 1er. - Rentré coucher à 4 heures après le champagne et le plomb fondu de Charlottenburg. Eté à 8 1/2 à la messe - rentré - mort de Gambetta. Visites - Panaches.
Mardi 2. Eté à 8 1/2 à la messe Edwige Kirche - avec M.B. - la bouche pâteuse - les yeux brouillés - froid glacial - Elle à son banc - moi à la porte près d’une mendiante, les pieds glacés aux dalles, perdu dans les vitraux lamentables.
(Après le 31 janvier sous la rubrique "Notes") - Eugène à Berlin. Observations.
Février
(Après le 28, sous la rubrique "Notes") - La Toccata. Bach - Thausig. Le concerto de Rubinstein - La Fantaisie de Liszt - Le Lohengrin.
Dell-Eva - Coppélia - Carmen - La reine de Saba - Hamlet.
Mars
Jeudi 1er. - Marions-nous - Mariez-vous. X.
Samedi 17. Gudrun
Dimanche 18. - Le Prophète (!). Drames en deux actes. Un malheureux.
Lundi 19. - Congé - Complainte du foetus.
Mardi 20. - Congé - Thé à cinq heures - Backfisch. Liebling - Büchlein - complaintes des amoureuses - donné à R. à lire cette lettre prise à Eugène.
Mercredi 21. - Congé - Tannhäuser - Précédé d’un hymne au Kaiser. Ma belle inconnue de l’Opéra ! souvenir éternel - Elle aura ma dernière pensée à mon lit de mort. Idéal entrevu et enfin. Je suis sûr qu’elle a vu que je l’adorais et qu’elle m’en a adoré - Où est-elle ? Elle se couche ? Elle ôte ses faux cheveux - en fredonnant cette obsession, l’ouverture de Tannhäuser, que chantent ensuite les pèlerins - ouverture que j’ai tant entendue dans le spleen de Coblentz. - Tout est mystère. - Elle était seule.
Jeudi 22. - Congé - Reichsall - die Ochsen - les acrobates - les 2 créoles. - La vie est bizarre. - le grand volume de Mariette-Bey - Mon Alléluia - Prologue à mes complaintes. Tous ces gens qui communient !!
Vendredi 23. - Congé. - la journée seul - Toujours l’économique Printz - Une course dans le Thiergarten - spleen - Impossible de combiner deux idées devant le papier blanc - Toujours pas de lettres - Plus un radis - fait avancer mon trimestre.
Samedi 24. - Au cirque - les Aquimoff - la connaissance de l’illustre Cascabel - Proteus. De la neige.
Dimanche 25. - les Accents, exotiques. Qu’irai-je faire aux Etats-Unis ?
Jeudi 29. - Concert F. Planté. Sing-Akadémie - succès fou. La tête des berlinois - le P. Radziwill dans sa loge.
Vendredi 30. - au Walhalla - l’hystérique de Théo. Les Schaeffer - les 2 Darc - les chiens - Exposition Gurlitt et Jansen avec R. l’antipathie instinctive devinée - Melle de Jo. Klinger. Une photo de Dell-Eva faisant une pointe et souriant.
Samedi 31. - Tristan et Ysolde - drames Mallarméens - couché à 4 heures - Mon porte-plume - seul au monde.
(sous la rubrique "Notes") - Dîners sommaires - pipes nombreuses - Démocratie - Mon Faust - mort à Gidel à Louis-le-Grand - Indigestion de Carmen - Gudrun.
Avril
Dimanche 1er. - Soleil - Que fait en ce moment l’être qui dessina des chats en regards desquels j’écris ????? fini Démocratie - (ce soir non la H. mais la Schöl). Une heure à l’opéra. Les Rattenfänger. Un joli décor - La Pr F.CH. - échange de coups d’oeil - que fait ce mystérieux lord de Bourget ?
Lundi 2. - Je trouve ma pièce stupide - En face l’éternel sourire de Dell-Eva - Walhalla - manqué Versenbot. Mélancolie de l’homme-serpent. Retour - avec Théo dans la Freidrichstrasse. Bahnhof, mélancolie. - 2e édition mais plus huppée de cl.
Mardi 3. - Les diamants de la Couronne - stupide. Soupé avec Théo et Lewinsky - Le problème des huîtres.
Dimanche 8. - Eté voir danser Dell-Eva à Carmen - Et la danseuse phtisique - Et le danseur qui m’a jeté le mauvais oeil.
Lundi 9. - J.B. - et S.M.V.!! - Partout la dynamite - Ici de grands malades - J’attends de l’Imprévu ! Le coeur palpitant.
Mardi 10. - Il pluviotte. Acheté une huître bronze chinois pour pot à tabac - puis comme encrier.
Vendredi 13. - chargé demi-mot de regret pour Planté - voir après lecture danser Dell-Eva Reine de Saba de Goldmarck - puis au concert Planté - à la fin présenté par Huster - (de même à Fernow et Wolf ?) charmant débordant - Avec Théo - rencontré l’Américain "Thausig ist mein Gott !". Colossal ! etc. - été chez Julitz - huîtres microscopiques - éreinté.
Samedi 14. - 9h. Hôtel de France - Planté - seuls - causé - bredouillé avec mon français - sa photo - son cahier d’articles réunis par un Cte… de l’ambassade - Il retarde d’un jour son départ, naissance d’un enfant. - angoisse - court chez la H - emballé par cette figure insoucieuse, déjà embêtée à cette heure par des solliciteurs - Rentré - Angoisse ! Bernstein - sorti ; ensemble - voir chez R. - neider. ça va - lecture - délivré - chez Langlet - puis à l’hôtel : Oubliez tout, excepté que je vous suis dévoué.
Dimanche 15. - Mon costume - mince d’élégance - Toto ne va pas à Charlottenburg - Ollerich - spleen - soirée chez lui - dames - le matin promenade avec R.
Lundi 16. - Lecture - puis chez R. - scène interminable - banquise et tison - Aïda.
Mardi 17. - Lecture - ébauché préparatifs pour malles - Dresde - à 1 h. chez Théo - toilette impatientante - ses chaussures ! fous ! à 2. départ - sous - cigares - butterbrod. paysages - seuls - chahut. Arrivé à 6. rôdé - bêtes curieuses, nos chapeaux - rôdé - perdus - voitures énormes - cocher fumiste - nuit - dîné Hôtel de France. plan - traversé l’Elbe - rôdé - éreintés - Kaiserhoff - vaste chambre au premier - fumé au balcon - couché - causé - Panthéisme - apparence Brahme, renoncement, jusqu’à minuit en fumant - Ostende - réveil - fous.
Mercredi 18. - Levé à 8 en fr. - fumé sur le balcon devant la caserne, soldats enfants - fait les fous - payé la note - rôdé jusqu’à dix h. - ruisselance des chefs-d’oeuvre - beau à sangloter - n’insistons pas - rôdé - mangé à l’Hôtel de France - rôdé - Kunstverein (deux Klinger) terrasse café - fumé - rôdé - plein le dos - musée ethnographique et anthropologique - spleen - fumé rôdé - gare. Embêtements - éreintés - rôdé en voiture - départs - folie - fumée - sentimentalité. Crépuscule champs - dormi côte à côte, joue contre joue - arrivés à minuit - rôdé - fous - Lune.
Jeudi 19. - Rentré ce matin à 1 h. tout encombré - pêle-mêle - fait mes malles - couché - levé à 7 - tout expédié - lavé - rasé - vu Théo - parti avec Velten - journée de paysages monotones avec le sifflement des poussières. Plus nous allions plus ça verdissait - troupeaux de moutons - Pâtres idiots.
Vendredi 20. - Levé à 8. - Rinçage effréné - écrit à Henry - Promenade invinciblement poseuse dans le Lichtental - un aquarelliste - passé par la villa de du Camp. L’Impé. d’Autriche et sa fille. Dîné avec Artelt - travaillé - écrit à Théo - et envoyé quelques articles traduits à Planté à Mont-de-Marsan - cabinet de lecture. Peur des yeux bleus de chez Marx - soupé - thé - Ctesse… Vistchoune ? lecture - relation sur Dresde. Le Chambellan aux doigtiers d’argent.
Samedi 21.- Ce matin Yburgstrasse - lecture mer intérieure Boudaire - Promenade folle avec R. Lamentations d’ambitieux esclave - etc.- Lecture - La Contesse V. yeux baissés - Discours de Mgr. Perraud. Est-ce assez idiot ! Quelle comédie - Tous ces gens-là sont-ils assez stupides et vides !
Dimanche 22. - De bonne heure jusqu’à Lichtental - puis à la messe avec R. et D. - Cora Pearl - le Salon - selles (40 pers.) Impé. d’Autr. - visité les écuries - rien.
Lundi 23. - Scène avec R.! projets de fortune, Halle aux tableaux et dessins. Impressionnisme et cire !
Mardi 24. - B. Tag. - loin très haut avec Schivler - en revenant vu monter Imp. d’Autriche, en gris, l’éventail cuir en abat-jour.
Mercredi 25. - Le duc et la duchesse d’Alençon. Qui m’aurait dit à 15 ans à Tarbes !
Jeudi 26 - Là-haut, Yburgstrasse - La duchesse d’Alençon rouge, la contesse Trani, grande jaune.
Vendredi 27. - Service à l’Eglise grecque, Popes noirs à croix d’argent - nasillements insensés - Portraits des Stourdza - scène avec R.
Samedi 28. - Dans les bois. Une cathédrale de feuilles tendres, un silence, et toute cette armée de minces troncs grisâtres tigrés de mousses. La Ctesse Trani - la folie de me sauver comme seul au monde et de vagabonder à travers les peuples, les fils de l’Homme - Mes complaintes.
Dimanche 29. - Averse - Cabinet de lecture - Mélancolie du cornet à piston dans l’averse.
Lundi 30. - A la gare Cécile de Sch. - Promenade - Leurs cors - Tout humide et reverdoyant.
Notes
de Berlin à Bade - dîné avec R. lu Une Vie de Maupassant, reçu la Revue - pris le thé - cigares - R. et Sch. - et la soeur Placida riant, signes - Insensé. Crépuscule - les draperies de la nuit sont retenues par le fibule de nacre de la lune - je chantonne dans ma mémoire des lambeaux d’airs de cet hiver (Toccata, la prière et l’autre du Freischütz, Tannhäuser, Lohengrin, Carmen !) la locomotive déraillée - Les chauffeurs tremblants - locomotive lente enlevée aux voyageurs arrivant de Mannheim ! bout de tendresse, serrements de mains tièdes avec R. - arrivé ici à 11/2 - ma vieille chambre avec un faux Berghem ou Dujardin - installation - dodo. Réflexions sur la vie. A Bade - les journées passent ne sais comme… pas la force de m’atteler à une besogne - on mange trop bien - on fume trop - on n’est pas assez seul - voisins, voisines, il y a dans l’air trop de tentations de promenades. -
Mai
Mardi 1er.- Avec R. Tendresse - Cigares - Le Salon là-bas - Rage d’esclave - Ambition - sans le sou - Rochegrosse - les Furstenstein -
Mercredi 2. - Rage de dents - promenades éternelles - bons repas - cigares - La complainte des vieilles tapisserie de haute lisse. Les Rantzau.
Jeudi 3. - Promenades - orchestre - etc. - Fête - spleen - cigares - Prairies - Hannetons. "J’avoue que c’est la dernière des choses à laquelle je serais exposée ». -
Vendredi 4. - comme toujours.
Samedi 5. - Après la lecture - seul à la lampe - Hartmann - Dehors l’averse - Hallucination universelle - Effroi réel devant la débâcle de mon (?) cerveau.
Dimanche 6. - Embêtement général.
Lundi 7. - Clown à New-York ; costume épatant - Exécutant en une minute de grandes caricatures au charbon des grandes personnalités européennes et des pers. des Etats-Unis - (Le clown du Walhalla à Berlin).
Mardi 8.- Qu’est-ce qui peut bien m’être arrivé mardi 8 ?
Mercredi 9. - Valérie de Sch.
Jeudi 10. - Averses - spleen - la fête des petites filles - (Traduct. Planté).
Vendredi 11. - L’Etincelle. Le monde où l’on s’ennuie. (Quelles pièces idiotes !) Deveyod - P. Renez etc. - Averses - la Reine de Wurtemberg. Keine Vorlesung.
Samedi 12. - Averses - Pas de lecture le soir. Scène - Yulichen Complainte des pianos - rage de faire mon portrait dans le miroir.
Dimanche 13. - Schönes Wetter - Que fait Théo - spleen - encore quinze jours à Berlin. Spleen effroyable !! - Ah ! il faudra soigner ça - Ce couronnement sera peut-être une distraction - L’orchestre d’à côté fait rage - Quel métier.
Lundi 14. - Embêtement fixe - Nombre infini de degrés au-dessus de zéro. Eté chez du Camp - Sous prétexte de Pentecôte - Débauches de l’orchestre d’à côté - Salade de valses, d’ouvertures, de rhapsodies, de marches, etc… Puis les cloches de la Vallée - Qu’est-ce qui m’arrivera mardi 15 ?
Mardi 15. - Il ne m’est rien arrivé.
Mercredi 16. - Eté chez du Camp. Chaleur accablante - Cigares - Promenades accoutumées - Mlle de Kérouare.
Jeudi 17. - Cette fête des gens - Humanité, encore une fois, que tu me fais de la peine - Lecture - Le verre d’huile de du Camp. Dans la nuit - complainte des bals - En bas on danse - Les crins-crins, le piston, les baisers de Strauss - O terre, ô terre, que tu me fais de la peine.
Vendredi 18. - Visite à du Camp - longue « bavette » comme dit Taine. Le portrait de Judith la filleule (500.000) - La visite au salon - perruque - Devenons-nous fous. Manet relevant de l’ophtalmologie ne voyait que des surfaces planes - Les portraits du siècle - David et surtout Gros (énorme). Deux sortes de gens de lettres - ceux qui les aiment et ceux qui en vivent. Puvis et Massenet, bons garçons - Clairin.
Samedi 19. - Rien - L’arrivée de la vie moderne - je me roule des cigarettes, tabac conservé au frais dans mon huître bronze chinois - Pas de lettres - Dîner copieux. Je coule.
Dimanche 20 . - Promenade à 8h. du matin jusque là-haut - grande impression - Notes - Le vent - Les pins gémissant, craquant comme de vieux meubles, les miaulements nasillards enfantinement plaintifs des corbeaux - la silhouette décharnée, gris de fer d’une cigogne qui file vers Strasbourg - puis droite plafonnant - silence habité des seuls oiseaux - de hautes salles - Le coucou sournois, le genêt, la flûte monotone des merles noirs à bec orangé.
Lundi 21. - A 8h. Parti pour Strasbourg. Le petit vieux chef de gare - Mes Anglais - Le Gaulois - le Voltaire - arrivé à 10h. Pourquoi que tu pleures, René ? - Flâné, que de gasse et de gässchen ! Pas de cigognes. Tout parle français hors les soldats et les enfants. Du moins les enfants pauvres - Flâné - mangé. Hôtel de l’Europe - Café à la franc. - Café Broglie-plaz, où est le Rhin ? - Jeunes filles à cheveux chatains ou noirs - L’Exposition hôtel de ville - Zundt. Doré - La Villette etc. - Pille - Montchablon - Flâné - que de gasse et de gässchen. Revenu ici à 7h. (un peu de la route avec mes goinfres d’Anglais - Kurhaus ; Parsifal ! la grande symphonie de Beethoven - A 11h. sentimental et septique.
Mardi 22. - Une heure avec les yeux bleus de chez Marx - Spleen - Lettre de Bourget - Lettre de Planté - Figaro article sur le pointe-séchiste Marcelin Desboutin - ô gravure, quand me laisseras-tu tranquille.
Mercredi 23. - Encore cinq jours : et du changement - Misérable et inconstante créature.
Jeudi 24. - Dès 8h. - La procession de la Fête Dieu ! Devant l’hôtel d’Angleterre - Elles avec la soeur Placida aux fenêtres de la duch. Hamilton. - Quelle horrible population tannée, déjetée, osseuse, abrutie, abêtie - ô faune de Praxitèle - Les valets s’étaient mis à la file des hommes aussi - en noir et gantés. Toujours la hiérarchie, Corbeil d’abord et le palefrenier, le gros, le dernier. Les petites filles, les garçons. - C’est « ENORME ! » des gens récitaient des chapelets.
Vendredi 25. - La princesse Victoria de Suède, celle que Dr Evans voulait marier à Loulou en leur léguant ses millions - là-bas est le couronnement - Et je n’y suis pas - Je serais le seul à y faire de la psycho. - Complaintes du soir d’hyménée (envoyé mon monologue des journées à Coquelin cadet !!) - Relu des chansons des Rues et des bois - vraiment un Etre unique.
Samedi 26. - Complaintes des aveugles - Eté avec les 2 Schö - boire là-haut du Kuhmich - Mes cheveux en brosse - l’oeil rouge de l’Imp. Lettre de Bourget - demain le couronnement ! Que va-il arriver ? Qu’est-ce qui est écrit ???
Dimanche 27. - Autour de la chapelle grecque où errait un pope crasseux dans les belles fleurs en fleur - Grande scène avec R… Elle était née pour être mère - Le soir lettre - lecture - bagages - Adieux à Max. du Camp (Evans, Michiels).
Lundi 28. A 5 h. promenade vers Lichtenthal - Les paysans descendant vers la ville - les puissants effluves de café des hôtels - rentré - puis la Trinkhalle - puis rentré, pourboires - puis rentré - puis promenade - rentré - puis à la gare - puis vouloir rentrer pour dire Adieu à la petite Cécile - pas pu - et au galop à la gare - Voyage - poussière - spleen - de 8 à 11 h. du soir. Quelle journée - pris le thé avec elles dans le salon bleu - Là-bas à Moscou rien - Mort de Rivière etc. - Le soir seul dans le coupé chantant des airs de crépuscule - Postdamer bahnhof - puis en voiture avec R. et la Schwester Placida (qui m’aime ?). R. se pressait contre moi - Et Placida jetait des regards me semble-t-il.