Source Al Jazeera
Le 22 Novembre 2011, 11h 03.
Les répliques [1] de l’Égypte : L’armée contre le peuple
Un analyste politique éminent de Al Jazeera répond à trois questions sur l’escalade de la violence en Égypte.
« Le peuple a parlé haut et clair. Il appartient aux généraux de se lever et de saluer la résolution de leur peuple, de le sauver de la souffrance et des retards inutiles. »
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{} {} {} {} Le tremblement de terre qui a transformé l’Égypte au début de l’année n’est pas allé assez loin ni assez profondément parce que l’armée — la colonne vertébrale du régime Moubarak — s’est mise du côté des révolutionnaires dans l’espoir de sauvegarder son statut et ses privilèges.
Or la semaine dernière le cuivre a tenté de forcer la révolution et la volonté des gens en présentant sa version de la constitution pour gouverner à l’avenir, déclenchant la colère et la déception parmi la majorité du corps politique du pays.
Le projet des militaires contient quelques bons principes et directives. Mais mettre les forces armées au-dessus de l’État et par-dessus tout, des trois autorités civiles, est une politique venue d’une ère passée qui n’a aucune place dans l’avenir démocratique de l’Égypte.
La tentative inopportune et infortunée des généraux de vaquer aux affaires selon leur habitude n’a pas été bien perçue par ceux qui signifient que le peuple est la source de toute légitimité constitutionnelle.
Par ailleurs, l’usage excessif de la violence par les forces de sécurité qui semblent agir dans la vengeance contre les manifestants, les tuant par dizaines et faisant des centaines de blessés en quelques heures, est absolument inacceptable pour les Égyptiens dans l’ère post-Moubarak.
Les militaires au pouvoir de l’Égypte auraient pu et auraient dû faire preuve de beaucoup plus de retenue pour faire avancer leurs intérêts. Ils auraient pu et dû répondre au droit légitime des Égyptiens, particulièrement aux familles des tués de la révolution qui manifestèrent tard vendredi soir, étant donné le grand taux de participation sur la place Tahrir et sur d’autres places dans le pays.
Comme le noble institut islamique Al-Azhar qui a sa fondation au Caire l’a souligné au début du mois dans sa « charte du printemps arabe », un projet directeur pour la démocratie dans le monde arabe, l’usage de la violence contre des citoyens pacifiques délégitime l’autorité dirigeante et clôt sa raison d’être.
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le gouvernement Sharaf [2] a démissionné ?
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{} {} {} {} Le gouvernement qui prétend parler au nom du peuple en révolution ne pouvait et ne devrait pas accepter de telles effusions de sang réalisées en son nom ou sous sa surveillance.
Le Premier ministre Issam Sharaf après sa nomination a été parmi les premiers politiciens à entrer Place Tahrir pour rejoindre les révolutionnaires, rendant claire la position qu’il adoptait. Pourtant, plusieurs mois plus tard, il apparaît que ce n’est pas le gouvernement civil mais le SCAF (Supreme Council of the Armed Forces) [3] qui gouverne l’Égypte depuis la révolution.
C’est pourquoi quelle que soit l’identité du successeur intérimaire, c’est-à-dire du gouvernement intérimaire à venir des élections, pour assurer sa crédibilité aux yeux du peuple il faut signifier son autonomie par rapport aux généraux.
En effet, la feuille de route vers la démocratie doit être transparente et pleinement représentative des forces révolutionnaires.
Comme certains leaders [4] des intellectuels indépendants d’Égypte l’ont proposé, la voie à suivre doit commencer par un gouvernement civil de salut national pourvu de l’autorité nécessaire, puis de l’élection d’une commission spéciale qui rédige une constitution, suivie d’élections présidentielles mettant fin au mandat du SCAF et installant complètement et entièrement le pays sur les pistes civique et démocratique.
La révolution n’est pas une question de demi-mesures. Il s’agit d’une rupture franche avec le passé. Il vaut mieux que cette transformation ai lieu à travers une transition pacifique, mais elle doit avoir lieu. Il n’y a pas d’autre moyen d’aller vers la réalisation des objectifs de la révolution.
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et à abandonner ses privilèges ?
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{} {} {} {} À la fin du jour les généraux n’avaient pas d’autre choix que de prendre le parti du peuple d’Égypte. Ce n’est pas seulement du sens commun, c’est dans leur intérêt vital comme dans celui du pays.
La sécurité nationale de l’Égypte est en jeu, et les Égyptiens ne peuvent absolument pas l’obtenir d’une autre façon.
Ils veulent que leurs militaires soient solides afin de protéger la souveraineté et l’indépendance de la nation, et l’armée a besoin d’une démocratie forte et vibrante, s’ils veulent être une puissance qui compte dans le 21ème siècle.
En effet, les forces armées ont un rôle important dans le fait d’assurer le respect de la constitution du pays à long terme.
Cela ne peut pas être le cas si l’on devient le premier contrevenant.
Cela signifie aussi que l’armée soit partie intégrante des institutions de l’État et tombe sous, non pas au-dessus, la souveraineté de la nation.
Les généraux ne peuvent pas à la fois manger leur gâteau et l’avoir. Une démocratie n’est pas fonctionnelle si elle n’est pas étendue aux forces armées.
Les généraux ne devraient pas pouvoir décider de leur propre budget et l’imposer au peuple, ni tailler leur propre domaine d’intérêt dans l’économie et la politique de la nation.
Ils ne devraient pas davantage être exempts de la rétrocession [5] ni de l’alternance pour servir l’intérêt supérieur du pays et de sa sécurité nationale.
Il existe ou un moyen facile ou une manière ardue pour que tout cela se produise. Mais de toute façon, pour arriver cela arrivera : tôt ou tard. Le peuple a parlé haut et clair. Il appartient aux généraux de se lever, de saluer la résolution de leur peuple et de le sauver de la souffrance et des retards inutiles.
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Traduction rapide : Louise Desrenards