La brise qui t’enlace,
c’est la parole des errants,
de ceux qui n’ouvrent plus de livres
et ne ferment plus de portes,
de ceux dont la mémoire
est dénudée
par la violence
du temps.
Les rues s’emparent
du chant des solitaires,
envolée d’oiseaux sans ailes,
contrepoint de la dysharmonie terrestre ;
les routes, chemins ou pistes
colportent l’histoire
de la non-fin et du
non-commencement.
Tends ta main vers le vide :
d’autres mains s’y perdent
qui ont besoin du soir ;
tends ta bouche vers le vide
pour l’emplir
de tes mots.
***
A partir de quel mot
fonder son désir d’être ?
Chacun porte en lui les lettres
qui composent le jour.
Voilà le temps qui passe
entre nos yeux, la mer
qui se retire
pour se mouvoir encore
face aux vents, voilà
les amours suspendues au silence,
les lèvres
qui ne retiennent
que des balbutiements.
L’enfance est un partage
avec le cri - et la mémoire
s’oppose.
Jour après jour, il nous faut
gagner la rive ; la quitter
pour renouer le monde
***
Le temps dialogue en nous
avec l’autre temps, immobile.
Je te parle des jours
qui signent sur tes joues,
de la mesure de l’aube
dans le crépuscule,
des rides
sur les eaux et les feuilles ;
je te dessine
le non-dessein des Hommes,
la direction du sens
et le sens de la vie -
en tous sens.
Aime-moi, étranger,
frère de mon antre ;
aime-toi comme je sème
des mots dans ton rêve.
Ecoute le soleil, la pluie ;
regarde leur silence, après.
Effleure… Respire… Espère…
après.
***
Combien de mots
pour éclairer la nuit ?
Combien
pour franchir la frontière
entre chaque être ?
Et quels mots, quelle
épaisseur de mots ?
Ma main sur ton épaule
ne dit rien
qui ne soit partage,
elle épouse la forme de ta peau.
Quelques bruits nous rappellent
que le monde éructe,
que la violence est là
dans les soubresauts.
Je me souviens du ventre de la Terre
où je dormais
avant de naître au temps.