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Puisque Cesare Battisti n’a pas le droit d’être un écrivain : Lisons Cesare Battisti ! 

mardi 1er mai 2012, par Paola De Luca

Qu’y a-t-il donc de si sulfureux dans le dernier livre de Cesare Battisti qu’il soit néantisé à ce point, quasiment boycotté ? Et si c’était la honte respectivement refoulée par ceux qui en parlent en humiliant, agressivement, ou au mieux du pire, avec timidité ? Tandis que d’autres à l’instar de Paola De Luca à l’article resté inédit, ou comme par hasard peu transmis publièrent-ils sur l’ouvrage dans la revue de Presse des livres du journal Le Monde, tel Serge Quadruppani, le 8 mars, évoquent un superbe livre... Une seule solution pour le savoir : lisons-le !
Mais cela suppose un esprit d’indépendance, de liberté...
En quelque sorte lire le dernier ouvrage de Cesare Battisti convoque un acte d’émancipation du lecteur contre la morne ambiance de l’autorité culturelle normative. Nous ne dirons donc mot de ce qu’il contient si ce n’étaient les justes phrases de Paola qui incitent à le découvrir.
Ne pas se fier aux plumes du masque qui ne parviennent à cacher la haine conformiste de ceux pas spécialement brillants qui l’arborent, fétiche narcissique médiatique des acharnés à trancher, contre ceux qui le défendent sans se voiler la face (dans l’émission même)...
Et au fond, si tous les reproches académiques qu’on lui fait sont fondés par ce qu’ils décrivent : forcément, dans le genre adopté, et peut-être dans l’absence de genre convenu sur une tranche de vie auto-reportée : c’est un bon livre.
À propos : le roman-réalité, si c’est le genre approché par Cesare Battisti après la réalité fiction, dans cet ouvrage, rend compte de critiques frappés d’amnésie de le plasticité littéraire récente. L’évolution métisse du texte romanesque au contact du web métamorphose les journaux intimes ou ’extimes’ et s’innove. C’est d’ailleurs pourquoi, à juste titre, l’auteur ou éditeur l’ont sous-titré « roman », tout en le publiant dans la collection « essais ».

Lisons Face au mur  !

A. G. C.

English Information on the publishing of the work -in francelivre.org (official) :
Cesare Battisti, Face au mur - Press recommendation ; contact name : Florence Giry.

L’information en français de l’édition de l’ouvrage — dans le site de francelivre.org (officiel) : Cesare Battisti, Face au mur - recommandation à la Presse ; Florence Giry, responsable des Cessions étrangères.



Cesare Battisti n’a pas le droit d’être écrivain


France Inter, 25 mars 2012, Le masque et la plume.
Je décide d’écouter l’émission où l’on parlera du livre de mon ami Cesare Battisti, titré Face au mur.
Je n’aurai pas du, docteur. Je suis allergique aux critiques littéraires comme d’autres au pollen de cyprès, je me paie des éruptions cutanées, voire des œdèmes, asthme et autres anxiétés.
Ca n’a pas raté.
Les excellents professionnels s’en sont donné à cœur joie sur le thème « il ne dit pas toute la vérité ».
Le bouquin n’est pas bon, selon ces messieurs dames, car il fait de la littérature, au lieu de nous servir de croustillantes chroniques d’une vie de course poursuite incessante.
Le livre serait « décevant » car il « joue le pathos sous le bandeau de Fred Vargas », qui souligne le courage d’écrire même dans des circonstances si complexes et douloureuses.
Ce pathos, j’ai envie de dire aux professionnels en question (qui m’épingleraient sur le champ car je ne dis pas toute la vérité sur mes rapports avec l’Auteur), est le fil conducteur d’un récit qui révèle la maturité de l’écrivain en même temps qu’il dresse magistralement la fatigue d’un personnage pourchassé depuis trente ans, confus et confondu « à son âme », comme aurait dit Flaubert.
L’homme, sa vanité et sa vérité restent sagement en retrait.
Comme dans la meilleure littérature. Et tant pis pour ces voyeurs imbéciles qui crient leur insatisfaction car ils n’ont pas été abreuvés de révélations sensationnelles.
On n’aurait jamais l’idée de demander à Houellebecq, à Vian ou à Rolin si leurs livres disent « la vérité ».
Mais Cesare Battisti est d’une autre race, il sent trop le souffre pour ne pas le soumettre à l’inquisition. « Combien de fois as-tu péché, mon fils ? » On peut te pardonner, si tu nous racontes tout, dans le détail.
Ecrivain alors qu’on est condamné et recherché par les polices du monde entier ? Impossible. Faut que tu meures, d’abord. D’ici là, tais-toi ou fais de l’autofiction, péché véniel, pardonnable et très à la mode.
« Qu’il fasse du tricot, au lieu d’écrire ! » s’est exclamé l’un des critiques, sans doute excédé par le mystère d’une belle écriture née dans la fange populaire et non dans son salon parisien.
« Il prétend romancer une histoire réelle ! » s’est indigné un autre savant. C’est un comble, ça ! Aucun autre écrivain ne l’a jamais fait avant lui…
« Je crois qu’il n’était pas un grand terroriste et qu’il n’est pas un grand écrivain ». Voilà une dernière sentence, très sérieusement passée sur les ondes, où l’on établit un lien inédit entre vigueur criminelle et valeur littéraire.
Je l’avoue. A un moment donné, il m’a fallu éteindre le poste, car mes anciennes tendances criminelles avaient refait surface risquant de me transformer en grand écrivain…

Paola De Luca
(26 mars 2012)


L’ouvrage dans le site de l’éditeur Flammarion (suivre le lien) ; dans le menu horizontal un onglet est proposé pour trouver la librairie urbaine la plus proche de notre domicile où il est accessible.

L’ouvrage accessible en ligne dans la librairie Decitre :
Face au mur ; Cesare Battisti ; éd. Flammarion, essais, mars 2012.

L’ouvrage accessible en ligne dans la librairie amazon.fr :
Face au mur ; Cesare Battisti ; éd. Flammarion, essais, mars 2012.


P.-S.



Soyons patients, il faut attendre quelques bavardages sur d’autres ouvrages (qu’il ne conviendrait donc pas de juger à travers cela), avant d’arriver au sujet. Comme on regrette Jean-Louis Bory qui fit vibrer l’âme de cette émission — autrefois une sorte de guitare... Sauf Fuku, rien... il faut donc des catastrophes documentées pour que ces gens créditent les souffrances ordinaires ?

D’autre part, je remarque que la misogynie appliquée à la personnalité altière, solidaire et loyale, de Fred Vargas, auteur best-seller du roman noir français internationalement traduite, dont on comprend aisément pourquoi sa plume est souvent requise par les éditeurs pour accompagner un ouvrage de Cesare qui a écrit peu de livres et pas encore de best-seller (qui sait s’il n’en viendra ? Du moins à présent doit-il en vivre) est peu honorable pour ceux qui l’exhibent.

(émission disponible gratuitement jusqu’au 19/12/14 à 20h53)

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Le logo est ici pour mémoire. Il s’agit de l’affiche de soutien à Marina Petrella par les familles des réfugiés politiques italiens en France pendant sa grève de la faim en détention, en 2008. Hospitalisée mais restée avec une détermination radicale inchangée, refusant toute nourriture, elle atteignit le seuil d’irréversibilité des séquelles physiologiques de sa dénutrition, et fut finalement libérée sans condition par ordre du Président Sarkozy — sous la pression de la famille de son épouse, — pour la faire échapper à la mort. Après quoi celui-ci décida de mettre fin à toute suite de l’État français aux demandes d’extradition par le gouvernement italien des anciens activistes de la parole donnée au Président Mitterrand. Lui qui en tant que ministre de l’intérieur y avait répondu avec zèle et violence. En sorte qu’il soit possible de dire que là est sans doute le seul acte de respect de la république héritée et d’humanité politique dont il fut témoigné sous ce quinquennat... et auquel si entaché soit ce Président on ne pourrait déroger de le reconnaître (et avant clôture de remercier son penchant familial). Cesare Battisti se trouvait déjà au Brésil, où il avait du fuir avant un contrôle de routine de sa liberté conditionnelle, deux ans auparavant. La source de cette icône est un article du 17 octobre 2008 dans le site Polvere da Sparo.


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