Revue des Ressources : Vous avez commencé à écrire ce que vous appelez vos « historiettes » il y aura bientôt un an en les mettant quotidiennement en ligne. Pouvez-vous nous dire ce qui vous a poussé à cette forme d’ écriture à la fois fragmentaire et « numérique » ? Aviez-vous écrit et publié auparavant ? Quel est votre parcours ?
Florent Grimaldi : J’ ai écrit plusieurs récits que j’ ai soumis en vain à des comités de lecture. Vivant à l’ écart du milieu littéraire, j’ ai assez vite renoncé à cette démarche, sans doute parce que j’ ai la vanité de croire que ces récits ne pourraient pas être publiés directement sur papier dans les conditions actuelles... Un éditeur m’ a gentiment répondu en disant qu’ un de mes récits était publiable en raison de sa qualité littéraire, mais qu’ il ne trouverait certainement pas beaucoup de lecteurs...
En vérité, ces échecs répétés m’ ont amené à me remettre en question. Je n’ ai pas choisi de mettre en ligne ces récits rejetés par les maisons d’ édition, mais de repartir à zéro. De traiter tout le matériau littéraire dont je disposais sous forme d’ histoires assez anodines, mais qui pour moi revêtaient assez d’ importance pour qu’ elles méritent d’ être lues, ne serait-ce que par quelques amis.
Mon parcours : de vagues études de lettres abandonnées assez vite, une activité professionnelle très éloignée de la littérature. Je vis en Bourgogne où ma famille d’ origine italienne s’ est installée au siècle dernier pour y vivre de travaux agricoles.
RR : Est-ce que cela signifie que cette activité littéraire se suffit à elle-même, c’ est-à-dire que selon vous ces textes sont en quelque sorte « publiés », sans le support éditorial que la littérature depuis au moins deux siècles implique ?
FG : C’ est encore assez peu clair pour moi-même. Le livre est pour moi un fétiche que je place assez haut. J’ aurais préféré que mes textes fassent l’ objet de publication papier, mais en même temps je me rends bien compte que leur écriture a été rendue possible par cette impossibilité même. C’ est une forme d’ autoédition, mais elle a ceci de particulier que sa dimension numérique conditionne fortement la « créativité » en amont.
RR : Venons-en aux textes eux-mêmes. Ils se présentent tous comme de brefs récits ou des méditations sur le processus d’ écriture lui-même, mais on reconnaît quelques contraintes qui les unissent les uns aux autres...
FG : Je ne sais pas... Je suis un peu gêné pour présenter ces textes tout de même assez divers. Oui, il y a l’ imparfait que j’ utilise systématiquement, en lien avec différentes personnes, souvent la troisième personne. Je tiens à l’ absence de noms de lieu et de personne. Disons que ce que je vise est tout à fait l’ opposé de ce qui fait la littérature actuelle, pleine d’ identités et de lieux répertoriés. Il s’ agit de ce que j’ appelle des « effacements », à chacun de se faire une idée à partir des textes eux-mêmes.
RR : Que lisez-vous ?
FG : Très peu de littérature contemporaine. Toujours les mêmes auteurs, le plus souvent des prosateurs des dix-huitième et dix-neuvième siècles... J’ aime beaucoup Buffon, ses textes animaliers sont des merveilles. Je n’ ai toujours pas fini de lire Nerval, Chateaubriand, Flaubert, Balzac, cette somme-là recouvre pour moi tout ce qui s’ écrit aujourd’ hui.
J’ aime aussi lire les journaux et observer ce qui se passe autour de moi.
Aller sur Effacements