En ce mois d’octobre pluvieux, voici deux belles découvertes.
Grâce au Monde des séries de Pierre Sérisier, je suis tombé sur Hit and Miss, une série britannique rock, déjantée, poétique avec la troublante Chloë Sévigny connue pour ses rôles dans American Psycho (2000), Party Monster (2003), The Brown Bunny (2003), et qui prend ici le rôle d’un homme devenu femme. La série a été écrite par Paul Abbott, à qui l’on doit State of Play, Shameless ou encore, Exile.
Le synopsis est surprenant : Mia est une tueuse à gages avec un très lourd secret : transexuelle, elle découvre qu’elle a engendré - dans son ancienne vie - un enfant. Elle reçoit un jour une lettre de son ex qui lui annonce qu’elle est en train de mourir d’un cancer et qu’elle a besoin de lui -ou d’elle- pour s’en occuper à sa mort, ainsi que de ses autres enfants. Mia part alors en direction du petit village où ils vivent et y fait des rencontres surprenantes...
Il s’agit vraiment d’une série unique en son genre (la mise en scène est contemplative), une narration intelligente et un sens du plan rare. La lenteur et le cadrage des plans (alternant plans très larges et gros plans) crée une atmosphère fascinante dont on ne se détache plus.
Qu’est-ce qu’être femme ? Qu’est-ce qu’une famille ? Comment grandir sans parents ? Comment devient-on mère ? La série interroge
tout en brouillant les pistes, et cela dans un décor de western, quasi vide, une ferme au milieu de nulle part. Il y a aussi un regard sur l’enfance comme on en voit peu au cinéma. Voici la version underground des enfants terribles. C’est largement la meilleure série de l’année et on aurait aimé une suite mais Sky Atlantic vient d’annoncer qu’il n’y aurait pas de saison 2.
On trouve la série en import dvd ou alors en cherchant bien en streaming sous-titré comme par exemple ici].
Hit and Miss Trailer par nanydng
Autre découverte, un film d’animation, Alois Nebel de Tomas Lunak. Ce film sombre, inspiré de faits réels, nous plonge dans deux périodes de l’histoire tchèque : la fin de la seconde Guerre mondiale et l’arrivée au pouvoir de Vaclav Havel. 1989. Aloïs Nebel est chef de gare dans une petite station tchèque, non loin de la frontière polonaise. Il vit seul, mais quand le brouillard se lève, il croit voir les fantômes de son passé. L’irruption d’un étranger l’obligera à affronter ses cauchemars. L’irruption d’un étranger bouleverse sa vie. Réfugié dans la gare centrale de Prague, il croise celle qui lui donnera l’amour dont il a besoin pour sortir du brouillard de ses souvenirs.
Plastiquement le film est très étonnant car on est dans un univers à la fois très cinématographique et en même temps nous avons le filtre de l’animation. Les paysages comme les personnages vivent et c’est très troublant. Justement, le réalisateur est parti d’un tournage réel avant de retravailler tous les plans aux crayons, selon le procédé de la rotoscopie, technique très ancienne (inventée en 1915 par les frères Fleischer !) . Cela explique la fluidité de mouvements et le côté si expressif des visages tout en inscrivant cette réalité dans un graphisme austère en noir et blanc qui donne une légère stylisation des paysages et des visages.
Aloïs Nebel est une splendeur à tous points de vue. Le son est magnifiquement travaillé et d’une précision qui donne au film une résonnante sonore presque magique.
Le film est disponible dans les Fnac en DVD et Blueray. Je vous conseille de foncer dessus puis d’acheter la BD dont le film est issu. Elle a été scénarisée par Jaroslav Rudiš et dessinée par Jaromír 99. En France, on trouve une traduction intégrale en Allemand chez Voland & Quist. A quand une version française ? On se demande ce que font les éditeurs de BD.
Jaroslav Rudiš explique ici : « A l’origine de l’histoire, il y a mon grand-père qui s’appelait Alois Rudiš, qui travaillait comme cheminot dans la région des Sudètes. Il y a vécu l’occupation allemande pendant la seconde guerre mondiale, mais aussi l’expulsion des Allemands des Sudètes. Il est mort bien avant ma naissance, mais j’ai toujours eu envie d’écrire quelque chose sur son histoire qui m’a toujours inspiré. Je voulais écrire un récit autour d’une petite gare secouée par l’histoire, autour d’un personnage qui devient fou parce que tout ce passé n’a pas été digéré. » Toujours dans le même article Jaromír 99, le dessinateur d’Alois Nebel : rajoute :« Je pense que oui. Dans la BD, ce genre fonctionne. Il suffit de penser à la BD de Joe Sacco qui se déroule en Yougoslavie. Ca rapproche les gens de la guerre et ça facilite la compréhension d’une situation. Je ne sais pas pourquoi la BD possède cette force, mais c’est le cas. Il y a une réelle tendance à faire de la BD humaniste, documentaire. »