1. Croyez-vous qu’un péril venu d’Asie menace l’Europe ? Quels en seraient les vecteurs ?

Je crois que tout péril vient "d’en face" ; ainsi, la peste en Europe venait d’Asie, et en Asie, elle venait d’Europe - et le pire, c’est que c’était vrai. Idem pour le SRAS, le Sida, et autres grippes aviaires. Bien qu’on ait vu quelques accès d’hystérie anti-chinoise au moment du SRAS, les gens semblent avoir compris que l’ennemi, c’est le virus, et non son véhicule humain.

2. Pensez-vous que l’Asie soit une entité, une seule civilisation ? Et l’Europe ? Comment les percevez-vous ? Les hiérarchisez-vous ? Selon quels critères ?

L’Asie, c’est plusieurs civilisations ; l’Europe aussi, bien que ce soit moins évident, du fait du christianisme - entre la Russie orthodoxe et le catholicisme du sud, les pays protestant, etc., il y a peut-être une plus grande unité qu’entre, disons, la Chine et l’Inde ? Ça se discute.
Oui, je hiérarchise, non en terme de "civilisés" et "barbares", mais en terme de "plus ou moins universel". Ainsi, bien que la civilisation Khmère, par exemple soit aussi raffinée que la chinoise, je la crois moins universelle (la civilisation chinoise étant aussi, fondamentalement, celle du Japon, de la Corée et du Vietnam). Que les civilisation soient inégales de ce point de vue ne signifie bien évidemment pas que certaines doivent disparaitre.

3. Que vous évoque le mot « Eurasie » ? Vous évoque-t-il quelque chose comme un rêve d’union entre civilisations complémentaires, à l’instar de ce que les idéalistes du siècle dernier ont espéré ?

Le mot "Eurasie" m’évoque une carte murale, ou un cours de géographie de l’enseignement secondaire. Bref, quelque chose de scolaire, sans grande réalité.

4. Etes-vous d’avis, comme Edmund Husserl, que le monde soit irréversiblement européanisé et que l’Asie, quoi qu’elle fasse, ne peut le faire qu’en se positionnant par rapport à ces valeurs européennes ?

Oui, se positionner par rapport aux valeurs occidentales, c’est ce que font sans cesse les pays d’Asie, et c’est ainsi qu’ils demeurent asiatiques, ou se réinventent comme tels. Irréversiblement européanisés, soit, mais définitivement, c’est une autre affaire.

ou bien l’Asie a-t-elle encore quelque chose à apporter au monde et plus particulièrement à l’Europe, comme certains entendent le montrer ?

Bien sûr, l’avenir est à l’Asie, ça se voit déjà comme le nez au milieu de la figure (ou comme des mangas dans un festival de BD), et ça ne fait que commencer. Il va falloir penser à nous positionner par rapport à l’Asie !

5.Dans quel domaine - arts, littérature, cinéma, philosophie - l’influence de l’Asie vous semble-t-elle avoir été ou être la plus féconde, ou la plus néfaste ?

Pour le moment, et du point de vue du grand public, l’art et le cinéma. Mais le raz de marée scientifique, technologique et intellectuel a déjà commencé (cf. l’industrie automobile ; si les Japonais ne se retenaient pas, il n’y aurait plus une seule marque occidentale).