16 PHRASES(ou le précipice du doute)
« l’océan est un fauve féroce
qui marque de son odeur
son territoire liquide » [1]
Anise Koltz
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16 PHRASES
1.
Chaque matin — une aube
un commencement.
2.
Le ciel désormais s’enflamme
Il pleut —
(la force de l’orage, cette nuit, vers quatre heures)
Violence rare
Et coïncidence.
3. LECTURE
Lorsque je t’ai rencontré, tu m’as accepté tel que j’étais
et même si ma connaissance, de loin inférieure à la tienne, te semblait dérisoire
tu as compris l’éclair intuitif qui vivait en moi
Moi qui sais, tout simplement, choisir —
Lecture de Robinson Jeffers :
L’eau est l’eau, la falaise est faite de pierre, de là viennent les chocs
et les éclairs de réalité. L’esprit
S’efface, les yeux se ferment, l’âme est un passage ;
La beauté des choses est née avant notre regard et elle se suffit à elle-même… [2]
4. DANS UN RÊVE
J’ai vu la peau de ton visage perdre quelque chose pour rien
Je me suis retourné
(tu n’étais plus là).
5. VASQUE D’EAU
Une truite
plus rapide que l’insecte.
6. PRÉCIPICE DU DOUTE
Et si la vie
la vraie
n’était pas encore commencée ?
Lecture de Nikolaï Kantchev :
Laisse tomber les images du passé,
regarde ce qui est là… [3]
7.
Un chant, la nuit, incise l’univers
Enfant, je découvrais l’infinité du ciel
ses étoiles
et, à la suite, d’autres étoiles encore
Le souffle (comment cela est-il possible ?)
de lui-même sur lui-même à l’instant se délivre
L’étendue — sa vigueur naturelle
La vie à même
L’écriture, née en de tels lieux
est un poème véritable.
8. SUR LA GRÈVE
A : - Nous sommes du monde, avec le Soleil, les astres, la Lune, la Terre, les plantes, tous les êtres vivants...
B : - Dans ta poitrine, qui décide ?
A : - J’ai confiance, depuis l’enfance, en quelque chose en moi qui sait et que j’éprouve, diversement, que je sois musicien ou poète.
9.
Quelques pierres ramassées
quelques galets
du temps
concassé
Du temps retenu
L’eau (le cycle de l’eau)
Le vent —
La voix porte au-delà
Elle touche à distance
sans se justifier
Seul le feu l’emportera.
10. MONTAGNE FROIDE
Lecture de Han Shan
À l’horizon, un autre horizon encore
L’expérience des hauteurs — difficile à partager
…suis ton karma mon vieux
jusqu’au bout
jours mois coulent
comme ruisseau
temps
étincelles de deux silex
frottés… [4]
11. CAUCHEMAR
Cette nuit, un tigre rôde
Il cherche mes jambes
Je m’échappe de justesse
(je grimpe à un arbre, aidé par je ne sais quelle force première)
Et je me réveille
bousculé par la terreur, en sueur, paniqué
Définitivement transpercé par son regard animal.
12. LE PIÈGE
Tomber dans le piège d’une harmonie forcée !
Quand je mange, je mange…
Si tu veux ma main, donne-moi ta main
et nous voyagerons ensemble.
13. UNE RÉPONSE
Beaucoup cachent cette envie de convertir
Trancher net cette algue
Les fleurs tombent, parfois jamais n’éclosent —
Lecture de Olav H. Hauge :
Demande au vent
quand il est à bout de souffle.
Il voyage loin
et revient souvent
avec les bonnes réponses. [5]
14.
Faut-il forcer le passage ?
Où ?
Comment ?
Et quand ?
Être ouvert aux leçons
tenter, sans arrière-pensées, le contact
?
?
?
Lecture de Ishikawa Takuboku :
Montrer aux autres une chose extraordinaire
et profitant de leur surprise
disparaître [6]
?
?
?
Perdu, sans repère
ni verticale
— les deux couteaux — [7]
Survivre, tout de même
à ce qui essouffle
et tue
De l’erreur, parfois, surgit l’espace plein.
15.
Est-ce cela le miroir naturel des choses ?
&
16.
Je continuerai ainsi
clopin-clopant
soleil pleine face
jusqu’à la fin.