Rédactrice en chef de la rubrique "Création littéraire", responsable des dossiers "Littérature et folie", "Journaux personnels", "Le pôle noir", "Marguerite Duras" et "Scènes islandaises".
Toute sa vie, et spécialement durant les années qui précédèrent son internement, Antonin Artaud n’a cessé de réfléchir à la question de l’énonciation et de son sujet dans le théâtre occidental, celle du théâtre et de son double. C’est dans cette question qu’il a trouvé comme la réalisation plastique et physique sur « le terrain organique de la scène », « l’expression dynamique et dans l’espace (…)
Tamara ne parle pas. Elle n’a jamais parlé. Aujourd’hui, devant l’œil du photographe, elle défie. A nous de tendre l’oreille de toutes nos forces pour l’entendre. Elle se tient debout sur le bidet, grandie, conquérante. Rasée, comme tous les enfants maltraités qui arrivent ici. Il faut neutraliser les maladies et donc les bestioles qui les transportent. A côté de Tamara, une jeune fille pleure (…)
Alice Munro, la grande nouvelliste canadienne, vient d’obtenir le Prix Nobel de Littérature. Il va sans dire que nous nous réjouissons de cette distinction et, même si l’Académie suédoise vient de faire d’elle "la souveraine de l’art de la nouvelle contemporaine", nous avons choisi de vous proposer ici une recension que nous avions publiée en 2009 à propos de la sortie de son merveilleux (…)
Il m’a dit de l’appeler Igor, pour ne pas attirer l’attention. Blond aux yeux clairs, il pouvait avoir l’air d’un Russe. Il m’a fait monter dans une Volga noire, toute neuve, et il m’a conduite dans un village de la banlieue de Moscou. Nous sommes arrivés dans une petite maison délabrée. Un couloir étroit, une cuisine, les toilettes dans la cour. Dans le couloir, à gauche, il y avait la (…)
Accroupie dans une immobilité douloureuse, Daphné attend que la porte se referme. Elle suit le faisceau d’une lampe, promène avec lui son regard sur les étagères, entend les pots de confiture qui s’entrechoquent, et, enfin, les gonds de la porte qui grincent. Un bruit sec, puis c’est la clé qui cherche la serrure, la trouve, et finit par verrouiller la cave. Elle n’ose pas encore respirer (…)
Lorsqu’on découvre l’oeuvre d’Emmanuel Bove, on est frappé par une vision désespérée et désespérante de l’existence. L’homme apparaît comme une marionnette usée et désarticulée qui ne prend forme humaine qu’en s’agitant de façon absurde. Il se débat mais ne parvient jamais à se libérer de ses fils qui sont à la fois sources de vie et causes de souffrances. S’il est une constante chez Bove, (…)
« Personne n’a aimé comme j’ai aimé. Pourtant il y eut d’autres femmes. J’ai vécu d’autres matins après la nuit de Londres. C’est avec une sombre joie que je brûlerai mes manuscrits pour vivre à nouveau un pareil amour, pour trahir Fedora dans la folle pensée d’elle. Et pour tout recommencer sans mémoire. (…). J’ai tout perdu avec Fedora. » Ainsi débute le journal intime d’un romancier (…)
Je voudrais aujourd’hui, cher lecteur, attirer votre attention sur le vaste problème de l’édition des œuvres littéraires dans notre pays. Voyez-vous, il m’est très difficile d’entendre que les dirigeants du groupe Lagardère ont l’amour des livres sans m’étrangler. Je ne m’étendrai pas davantage sur ces facheux car je préfère vous faire découvrir ou redécouvrir de petites maisons d’édition qui (…)
Murdo Munro vit et travaille dans les forêts de son île natale sur la côte ouest de l’Ecosse. Il s’est en apparence résigné depuis longtemps à sa solitude et à la froideur de sa femme. Vingt-cinq années que son mariage n’est qu’hostilité et humiliations. Une vie solitaire et difficile avec pour seul baume le whisky que Murdo partage avec quelques compagnons d’infortune. Le jour du mariage de (…)
« Ils s’installaient à présent dans une petite cabane en cèdre au toit pentu en forme de A. Elle était blottie dans un fjord, une minuscule baie du Sud-Est de l’Alaska au large du détroit de Tlevak, au nord-ouest du parc national de South Prince of Wales et à environ quatre-vingt kilomètres de Ketchikan. Le seul accès se faisait par la mer, en hydravion ou en bateau. Il n’y avait aucun voisin. (…)