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Après le scandale Cahuzac, la présidence Hollande en lambeaux 

jeudi 4 avril 2013, par Louise Desrenards (traduction de l’anglais au français), Philippe Marlière


L’affaire Cahuzac dans The New Statesman du 3 avril 2013, la grande revue de la gauche britannique...



« Après le scandale Cahuzac, la présidence Hollande est en lambeaux

Le Président socialiste de la France a échoué à tenir ses promesses — et en un temps record. »



À peine dix mois après son élection, François Hollande est un canard boiteux Président. Il est encore plus impopulaire que Nicolas Sarkozy l’était au même stade de la présidence. La population française l’a élu en mai 2012 parce qu’elle en avait assez de la politique de droite de Sarkozy qui avait profondément divisé la nation. Les gens voulaient du changement. Loin de là, la politique d’austérité de Hollande et son alignement sur ​​les positions d’Angela Merkel pour l’Europe ont dramatiquement échoué. Dans les grands domaines d’action tels l’emploi, les retraites, les avantages sociaux, les salaires, la majorité de la population en vient même à ressentir une continuité troublante avec le sarkozysme. Sans parler de la guerre néo-coloniale menée par les troupes françaises au Mali.

Aujourd’hui la présidence Hollande est en lambeaux. Un scandale d’État menace d’engloutir Hollande et le gouvernement socialiste. La personne responsable de la crise est Jérôme Cahuzac, ministre du Budget — jusqu’à deux semaines auparavant. Durant les derniers mois, Cahuzac avait été accusé d’avoir utilisé un compte bancaire secret en Suisse pour éviter de payer des impôts en France. Ces allégations avaient été faites dans Mediapart, un site d’investigation dirigé par Edwy Plenel, ancien rédacteur en chef du journal Le Monde. Les accusations furent niées à plusieurs reprises par Cahuzac devant le Président, le Premier ministre, les membres du parlement, et les différents médias. Soudain, le 2 Avril, Cahuzac admit devant les juges qu’il avait caché offshore 600.000 € (£ 510,000) depuis plus de vingt ans. Il a immédiatement été mis en examen par la justice française pour blanchiment de fraude fiscale. Hollande apparut le lendemain à la télévision nationale pour dire que les actions de Cahuzac étaient une « erreur morale impardonnable ».

Pour un président aux abois, ce développement spectaculaire n’aurait pu arriver à un moment pire, dont en provenant d’un des départements les plus sensibles du gouvernement. En effet, Cahuzac en tant que ministre du Budget était l’homme en charge de la lutte contre l’évasion fiscale. Il était également chargé de mener pour le compte de l’État français la croisade contre les paradis fiscaux. Il avait la tâche de rationaliser le budget et le fonctionnement répressif du gouvernement à l’égard des gens riches susceptibles de payer davantage d’impôts. Lorsque Cahuzac démissionna, il y a deux semaines, Hollande applaudit sa décision de « mieux défendre son honneur ». C’est une situation sans issue pour Hollande et Jean-Marc Ayrault — le Premier ministre de Hollande. S’ils reconnaissaient maintenant avoir eu des doutes sur la probité de Cahuzac, ils seraient tenus pour responsables. Ainsi ne peuvent-ils que prétendre ne rien avoir su à propos du scandale. Dans le meilleur des cas : l’exécutif est aussi faible qu’indécis.

Hollande, Ayrault et les députés socialistes se sont efforcés de minimiser l’ensemble de l’épisode Cahuzac. Ils soutiennent que c’est une trahison personnelle et que l’affaire ne pose qu’une « question morale ». En vérité, le scandale de Cahuzac ne relève que marginalement de la malhonnêteté d’un homme. C’est beaucoup plus que la triste personnification du « salaud » tel que Jean-Paul Sartre le définit. Non, l’escroquerie de Cahuzac révèle aussi des manipulations politiques et des mensonges au cœur de la présidence Hollande. C’est vraiment un scandale d’État qui crée une crise du pouvoir dont les ramifications politiques seront difficiles à prévoir et multiples.

Qui est Jérôme Cahuzac ? Cet homme de 60 ans était cardiologue devenu chirurgien plasticien spécialisé dans les greffes de cheveux. À travers l’exercice de cette nouvelle profession, le ministre disgracié avait amassé une grande fortune personnelle. Cahuzac vient de l’aile du Parti socialiste auto-proclamée néolibérale/blairiste. Dans un récent débat télévisé avec Jean-Luc Mélenchon, leader du Front de gauche, il concéda d’un air hautain que jamais au cours des trente ans de sa longue carrière dans le Parti socialiste il n’avait « cru à la lutte des classes ». Lorsque le Premier ministre Ayrault le nomma au gouvernement, celui-ci fut averti par plusieurs responsables du Parti qu’il s’agissait d’une décision risquée. Arrogant et brutal avec ses collègues, Cahuzac appartient à un type de « socialistes » ignorant potentiellement tout des difficultés de l’électorat qui l’année dernière porta Hollande au pouvoir. Qui plus est, au gouvernement, Cahuzac était le promoteur zélé de la politique d’austérité la plus dure que la France ait connue depuis la fin de la Seconde Guerre mondiale. Voici un homme qui non seulement donna au public des leçons sur la fraude ou l’évasion fiscales, tout en étant lui-même un fraudeur, mais en outre qui fut également responsable de la mise en œuvre et du suivi d’une politique économique injuste et vaine — comme son objectif de limiter le déficit public à 3 pour cent du PIB en France — qui infligea des souffrances inutiles aux plus mal lotis dans la société.

Cahuzac était un « strausskahnien », c’est à dire un allié proche et dévoué à la politique de Dominique Strauss-Kahn — jusqu’à ce que le scandale sexuel de New York mit fin à sa carrière publique. Les deux « socialistes » partageaient un même style de vie somptueux et insouciant et un même goût pour le laissez-faire économique. Les deux étaient amicaux avec les puissants et les riches et les deux nourrissaient des relations douteuses dans le monde politique. Mediapart a révélé que Philippe Péninque était la personne qui en 1992 avait discrètement ouvert le compte bancaire de Cahuzac en Suisse. Péninque était un membre permanent du Groupe Union Défense (GUD) — un syndicat étudiant violent d’extrême droite. Actuellement il est conseiller rapproché et fidèle de Marine Le Pen.

Comme il devait être clair au début que la nomination de Cahuzac fût politiquement dangereuse, la responsabilité de Hollande ici est clairement engagée. Un ministre siégeant au gouvernement a récemment révélé que Cahuzac était responsable du capotage de la conduite du projet fiscal sur les très hautes rémunérations — la « taxe de 75 pour cent » pour les gens gagnant plus de 1 million d’euros. Averti que quelques dispositions du projet de loi pouvaient être censurées par le Conseil Constitutionnel, Cahuzac choisit d’aller de l’avant. Le projet de loi finit par être censuré effectivement par la Cour de cassation (le tribunal suprême en France). Il y a quelques jours à peine, Cahuzac était encore présenté dans les cercles socialistes comme un parangon de la « bonne gouvernance » et comme un ministre ’compétent et brillant’. Comment fut-il possible de nommer un tel homme en première place d’un gouvernement socialiste ?

On peut poser la question à Pierre Moscovici, ministre des Finances. Après la sortie de Cahuzac, Moscovici est le dernier « strausskahnien » resté au gouvernement. Moscovici, un des rares admirateurs français de Blair, se trouve maintenant accusé dans Mediapart d’avoir utilisé l’appareil d’État pour tenter de blanchir son ami politique. Il y a plusieurs semaines, Moscovici déclarait avoir enquêté auprès des institutions bancaires suisses sur le compte secret de Cahuzac, et qu’il était content qu’aucun compte de cet ordre n’eût existé.

Le scandale de Cahuzac est bel et bien pour l’essentiel un scandale politique. Cet épisode implique une caste de politiciens ayant complètement laissé pour compte la population qui les a élus. Certains ont pensé qu’ils étaient intouchables. Ce gouvernement socialiste après dix mois en fonction a déjà tourné le dos aux aspirations et aux besoins de la population active.

P. M.
Twitter @PhMarliere


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Creative Commons License Après le scandale Cahuzac, la présidence Hollande en lambeaux [ from : After the Cahuzac scandal, the Hollande presidency is in tatters ] at La revue des ressources by Philippe Marilère translated into French by Louise Desrenards is licensed under a Creative Commons Attribution-NonCommercial-ShareAlike 3.0 Unported License. Based on a work at http://www.newstatesman.com/austerity-and-its-discontents/2013/04/after-cahuzac-scandal-hollande-presidency-tatters.


P.-S.


 Source After the Cahuzac scandal, the Hollande presidency is in tatters, The New Statesman.

 En logo la citation recadrée d’une capture d’écran du titre et de l’illustration de l’article original en anglais.

 Le site Mediapart : http://www.mediapart.fr/.

 Une recension des liens sur Cahuzac (mot-clé) dans Rue89 (google).

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